Mémoire historique sur la communauté St.-Antoine & Vies de plusieurs frères/04

PRÉCIS
DE LA VIE DE M. FOISSIN.
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M. Nicolas-Etienne Foissin, dernier supérieur des Ecoles Chrétiennes du faubourg S.-Antoine, et ensuite prêtre du diocese de Paris, naquit de parens chrétiens, le 26 septembre 1743, an village de Bondy, près Paris. Son pere voulant lui procurer une éducation chrétienne, dont il connoissoit tout le prix, le confia à M. Vaury, maître d’école à Chilly, et le mit sous la conduite du célebre M. Delaune auquel il continua de s’adresser jusqu’à la mort de ce saint prêtre. Le jeune Foissin, qui, comme Salomon, avoit reçu de Dieu une bonne ame, avec les plus heureuses dispositions pour la piété, et l’étude de la religion qui fit toujours ses délices, répondit si parfaitement aux leçons de son habile et vertueux maître, ainsi qu’aux avis et exhortations de son sage et pieux directeur, que non-seulement il fit les plus rapides progrès dans la piété et l’instruction, mais que tous ceux qui l’ont connu particulierement, depuis son enfance jusqu’à sa précieuse mort, sont persuadés qu’il conserva toujours son innocence baptismale.

M. Vaury trouvant donc dans son humble et docile élevé les plus excellentes qualités de l’esprit et du cœur ; une bonne main, un esprit ouvert, un jugement solide, une mémoire heureuse ; un air de gravité, de décence, de candeur, de simplicité, de modestie, de douceur qui le faisoit admirer de tous ceux qui le voyoient ; un caractere sensible et obligeant qui lui gagnoit l’estime et l’affection de tous ses condisciples ; un goût décidé pour la piété et la vertu ; l’amour de la priere, de la retraite, du travail, de l’étude, et sur-tout de celle de l’écriture-sainte et des SS. Peres ; le mépris du monde, l’horreur du vice, l’exactitude et la fidélité à tous ses devoirs, il s’appliqua à le cultiver avec un soin tout particulier. Et voyant le succès répondre de plus en plus à son travail, il crut devoir lui procurer, dans un asile propre à conserver et à accroître tant de dons précieux de la nature et de la grace, un emploi qui les fit tourner tous à l’utilité spirituelle et corporelle du prochain.

M. Vaury ne fut pas un instant indécis sur le choix de l’emploi, ni du lieu propre à mettre en sûreté, et à utiliser les talens et les vertus de son cher disciple. Il se souvenoit toujours avec plaisir d’avoir renoncé à la profession d’avocat pour devenir membre de la Communauté des Ecoles Chrétiennes du faubourg Saint-Antoine, où le pere de M. Foissin, qui y avoit aussi passé quelque tems, l’avoit connu : Communauté que M. Vaury n’avoit quittée que de corps, et non d’esprit ; qu’il n’avoit quittée qu’à regret, et par soumission à la voix de la divine providence qui l’avoit appellé pour faire ailleurs la même œuvre, et dans le même esprit ; et avec laquelle il n’avoit cessé d’entretenir les liaisons les plus intimes ; ainsi que nombre d’autres de ses confreres ; qui, comme lui, conserverent toujours, dans leur conduite, les sentimens de piété etde religion qu’ils y avoient puisés ; et dans leur cœur, ceux d’estime et d’affection qu’ils lui avoient voués. Quand ces vertueux confreres trouvoient, parmi leurs éleves, des jeunes gens de bonne volonté, avec les talens et les dispositions de M. Foissin, et dont les parens entroient dans leurs vues, ils ne manquoient pas de les présenter à la Communauté. M. Vaury, qui en avoit déja procuré plusieurs, y présenta aussi M. Foissin, qui y fut reçu vers le commencement de Février 1702.

Après la maniere dont M. Vaury l’avoit formé, et le témoignage qu’il en avoit rendu, il n’ayoit pas besoin d’un rigoureux examen, ni d’un long noviciat : aussi, quelques semaines après son entrée, une des dernieres écoles étant venu à vaquer ; on l’y plaça. Il s’en acquitta si bien, que, l’année suivante, on le choisit, tout jeune qu’il étoit, pour succéder à M. Grivel dans la première école du faubourg dont il fut chargé pendant onze ans. Il en remplit tous les devoirs avec la plus rigoureuse exactitude, malgré une solique d’entrailles dont il ne cessa d’éprouver plus où moins vivement les douleurs pendant presque tout ce tems, et dont il ne fut enfin délivré que par un topique des plus violens qui lui fit tomber toute la peau du ventre.

Il fut toujours aimé et estimé de ses écoliers, qui, malgré la légéreté naturelle à cet âge : étoient fort attentifs à ses leçons ; et goûtoient assez généralement ses instructions, d’autant plus solides, que ce n’étoit qu’un tissu de l’Ecriture et des Pères, dont il avoit fait de très-amples extraits, et dont les pensées se présentoient comme d’elles-mêmes à son esprit, et qu’il employoit fort à propos sur toute sorte de matieres. Ses confreres qui savoient mieux en apprécier le mérite et la solidité, ne les entendoient jamais qu’avec plaisir : parce que, vivement pénétré de toutes les vérités de la religion et de la morale chrétienne, il n’en parloit jamais qu’avec une effusion de cœur et une onction propre à faire une vive impression sur ceux qui l’entendoient. Aussi connoissons-nous, entre plusieurs autres, une famille chrétienne qui a passé par les plus dures épreuves, pour avoir coopéré de tout son pouvoir à la prolongation publique du culte après la fermeture des églises, qui n’oubliera jamais, qu’après Dieu, qui dispose les cœurs, et y fait fructifier la semence de sa parole comme il lui plaît, c’est aux entretiens édifians de M. Foissin qu’elle est redevable de la connoissance et du goût des lectures et instructions Page:Mémoire historique sur la communauté St.-Antoine, etc., 1850.pdf/414 Page:Mémoire historique sur la communauté St.-Antoine, etc., 1850.pdf/415 Page:Mémoire historique sur la communauté St.-Antoine, etc., 1850.pdf/416 Page:Mémoire historique sur la communauté St.-Antoine, etc., 1850.pdf/417 Page:Mémoire historique sur la communauté St.-Antoine, etc., 1850.pdf/418 Page:Mémoire historique sur la communauté St.-Antoine, etc., 1850.pdf/419 Page:Mémoire historique sur la communauté St.-Antoine, etc., 1850.pdf/420 Page:Mémoire historique sur la communauté St.-Antoine, etc., 1850.pdf/421 Page:Mémoire historique sur la communauté St.-Antoine, etc., 1850.pdf/422 Page:Mémoire historique sur la communauté St.-Antoine, etc., 1850.pdf/423 Page:Mémoire historique sur la communauté St.-Antoine, etc., 1850.pdf/424 Page:Mémoire historique sur la communauté St.-Antoine, etc., 1850.pdf/425 qu’il avoit pratiqué avec une sage discrétion ; et envers d’autres, à s’accuser, avec de vifs sentimens de componction, des fautes auxquelles expose la fragilité humaine. Il recevoit avec douceur et reconnoissance les services qu’on lui rendoit. Les personnes qui désiroient se recommander à ses prieres, étoient accueillies avec tout l’intérêt que lui inspiroit la charité. Son zele se ranimoit pour leur adresser des paroles d’édification appropriées avec grande justesse à la situation de chacun. Enfin, une disposition persévérante de sacrifice fit du respectable malade une victime qui se consumoit de jour en jour en l’honneur de Dieu, à qui toute sa vie avoit été consacrée. Il la termina le 1 décembre 1800, après avoir reçu deux fois, dans le cours de sa maladie, les sacremens de l’Eglise.

Le concours considérable de personnes qui se firent un devoir d’assister à ses obseques, fut un témoignage de l’estime qu’on avoit pour ce saint prêtre, que chacun étoit plus porté à invoquer, qu’à soulager par ses prieres. (ce dont plusieurs assurent avoir éprouvé de très-heureux effets, qui leur font conclure qu’il est avec Dieu depuis sa mort, comme les fruits de son ministere leur avoient toujours persuadé que Dieu étoit avec lui pendant sa vie). On attachoit pareillement un grand prix à posséder quelque chose de ce qui lui avoit appartenu.

Je glorifierai, dit le Seigneur au grand-prêtre Héli, ceux qui m’auront rendu gloire ; mais ceux qui me méprisent tomberont dans le mépris. (II. liv. des Rois, ch. 2, v. 30).

N. B. Nombre d’amis et d’anciens confrères de M. Foissin, tant par estime de sa vertu, que par reconnoissance de ses services, ont fourni aux frais d’impression de ce petit précis de sa vie. Celui de ses confrères qui l’a redigé, a également rédigé, d’après le vœu de plusieurs personnes de mérite, un mémoire intéressant, sur la Communauté des Ecoles-Chrétiennes du faubourg S.-Antoine, qui peut contenir environ deux feuilles d’impression, même format, C’est un court exposé de tout ce qui se faisoit à la Communauté, et dans les Ecoles-Chrétiennes, qui en fait connoître l’origine, les progrès, l’esprit, la conduite, les moyens, l’utilité, et comment la Providence a soutenu cet établissement depuis son commencement, en 1713, jusqu’à sa fin, en 1794 : comment on y étoit admis, forme, entretenu et perfectionné dans toutes les connoissances convenables à des instituteurs chrétiens : enfin comment on tenoit les écoles, et quel en étoit le succès. On avoit dessein de publier ces deux Ecrits en même tems, en commençant par le mémoire ; mais les moyens ne l’ayant pas permis, on s’est borné pour le présent, à celui-ci, persuadé que si Dieu veut que l’autre devienne public, il saura bien inspirer à ceux en qui il a mis l’amour de la Religion et de la Patrie, et par conséquent le goût et le desir d’une éducation solidement chrétienne, qui ont quelques moyens, ce qu’il a inspiré aux amis de M. Foissin.

Premier Frimaire an XII.