Mélanges historiques/06/Texte entier

  Table des Matières  

Forges Saint-Maurice

(Droits réservés, Canada, 1920)

Mélanges Historiques
VOLUME 6
Les Forges
Saint-Maurice
par
BENJAMIN SULTE
annotées et publiées par gérard malchelosse
G. DUCHARME, libraire-éditeur,
36​a, rue Notre-Dame, ouest,
MONTRÉAL.
1920


LES FORGES SAINT-MAURICE VERS 1850

Vue prise de la rivière Saint-Maurice. Édifices de 1738-1870. En haut, la « grande maison ». Le cours d’eau qui se déverse à gauche n’est pas visible. Sur le rivage, en bas, sont des anciennes forges.

(Extrait de « Maple Leaf, » avril 1853).

PRÉFACE

Les Forges Saint-Maurice n’existent plus. Il ne reste que des vestiges de leur vie d’autrefois, et ce lieu est devenu presque solitaire. De nos jours, de rares touristes qui soupçonnent ce que durent être les « vieilles Forges », attirés par les légendes qu’elles ont laissées dans la mémoire du peuple des environs, n’y trouvent que les décombres de la « grande maison » en ruine, les restes croulants d’un haut-fourneau, une cheminée de fonderie, la chapelle bien conservée que fréquentent encore les « habitants » de la région voisine, quatre ou cinq maisons, un moulin à farine, mais rien du joyeux village naguère si renommé, ni de la remarquable population d’il y a cent, cent cinquante ans.

C’était pourtant le siège d’une industrie métallurgique florissante, restée sans analogie dans l’histoire de la colonisation française, qui a duré plus d’un siècle. La plupart de nos œuvres historiques, certains livres spéciaux contiennent plus d’une mention de ces Forges Saint-Maurice, mais les écrivains n’en ont parlé qu’en passant. Depuis que le jeu des facteurs économiques a refroidi leurs hauts-fourneaux, elles sont rentrées dans l’oubli ; le mystère enveloppe un passé riche de souvenirs, tout un monde dont l’ignorance nous empêcherait de comprendre ce qu’est devenue une catégorie d’hommes et de choses qui compte parmi les plus curieuses de notre pays : tout ce qui provient des Forges. On ignore même, aujourd’hui, que les Forges ne furent point une colonie canadienne, mais qu’elles étaient formées par des artisans de la Bourgogne qui, jusqu’à 1850, conservèrent leurs habitudes particulières et offraient un contraste des plus curieux avec l’ensemble des coutumes du Canada.

Établissement unique en son genre et privilégié, sa création fut un immense bienfait pour le pays. Il succomba lorsque le monopole cessa d’exister. C’était une chose, un monde à part. M. Benjamin Sulte qui a séjourné aux Forges dans sa prime jeunesse, soit aux environs de 1850-60, les a vues dans toute leur activité, et nous l’avons entendu dire qu’il avait tant bu de l’eau chargée de fer du ruisseau de la grande forge qu’il espérait bien vivre cent ans. Ce qui est plus certain, c’est qu’il a commencé jeune à recueillir des renseignements sur ces lieux historiques. Les premières pages de ce livre datent de 1869, leur auteur ayant cru bon d’écrire ses impressions sur le plus ancien de nos foyers métallurgiques alors même que son activité commençait à ralentir. Mais cette histoire des Forges est aussi tirée des Archives fédérales. Faut-il s’étonner que M. Sulte les connaisse si bien ? En guise de réponse, nous dirons qu’au temps où M. Sulte était député-ministre de la milice, les Archives logeaient au sous-sol des bureaux de ce ministère. Jusqu’en 1903, il a donc eu la bonne fortune de les consulter au fur et à mesure qu’elles nous arrivaient d’Europe ou d’ailleurs. De 1883 à 1887, Joseph Marmette, notre romancier, alors attaché au service des Archives, retrouve en France une bonne partie des papiers provenant de l’administration des Forges ; il nous les fait parvenir ; M. Sulte les salue avec bonheur et s’empresse d’en faire l’analyse. La plupart des manuscrits ayant trait aux célèbres Forges, et rapportés chez nous avec une foule d’autres par Marmette, ce sont tout bonnement la correspondance du conseil de la marine et des colonies, des états de comptes, des bordereaux de paie, des quittances, des inventaires, en somme des pièces de comptabilité peu propres à émerveiller le vulgaire. Mais l’historien n’a-t-il pas le secret de rendre éloquents tous ces « chiffons de papier » ? En les examinant de près, il se rend compte que chacun d’eux contient des renseignements d’une valeur considérable sur tout ce qui caractérise une époque donnée.

Grâce à ces documents on peut se faire une idée de l’importance qu’avait l’industrie du fer dans un pays neuf, à une époque où l’on serait porté à croire qu’il n’en existait aucune.

Nous devons à M. Sulte quelque chose de plus que cet examen critique des vieux papiers des Forges. Plus précieux est le registre paroissial des Forges, contenant les actes de naissances, mariages et sépultures du lieu, que l’auteur découvrit, comme par hasard, dans le greffe des notaires. Lui seul n’a encore fait usage de ce cahier ; il en a extrait des données généalogiques dont bénéficie le présent ouvrage. Par ce substantiel appoint, nombre de familles provenant de la région des Trois-Rivières retraceront ici leurs origines demeurées jusqu’à présent obscures. Car l’auteur du « Dictionnaire généalogique », Mgr Cyprien Tanguay, n’a pas eu connaissance de ce registre paroissial des Forges. Et que d’autres informations M. Sulte n’a-t-il pas rencontrées au cours de ses recherches ! Il n’est pas possible de désirer davantage : le même homme a vu la splendeur des Forges et il en possède tous les papiers anciens.

Cette monographie des Forges Saint-Maurice est une chronique neuve de notre histoire. Elle a de plus ce trait spécial que le fer a été la seule industrie permise au Canada sous le régime français. La raison que l’auteur en donne est que le souverain y voyait la possibilité de se procurer à meilleur compte, plus facilement et plus vite, le matériel de guerre qu’il eût fallu, sans cela, expédier de France. En ce qui regarde les Canadiens, ils en retirèrent bien d’autres bénéfices tels que poêles, marmites, outils et les mille articles en fer dont ils avaient été privés ou qu’ils payaient gros prix avant l’installation de ces usines. Il est à propos de remarquer aussi que l’établissement, conduit à la manière royale, déboursait plus qu’il ne rapportait, mais fournissait la colonie selon ses besoins, ce qui faisait fort bien l’affaire des « habitants ». Sous le drapeau britannique, les Forges furent accordées à bail à des compagnies et à des particuliers qui ne redoutaient pas la concurrence et « leur grande vie » se continua durant un siècle encore.

Cette étude entre naturellement dans les « Mélanges Historiques. » Elle est plus longue que les autres mais non moins à sa place ici. Son caractère est plutôt général que local, attendu que tout le Canada y est intéressé et c’est un sujet fort peu connu. Les éditeurs des « Mélanges Historiques. » ont la certitude de présenter aux lecteurs, avec ce volume — le sixième de la série — un travail qui n’est aucunement inférieur aux précédents.

Gérard MALCHELOSSE.
18 mai, 1920.

Les Forges Saint-Maurice


LA FAMILLE POULIN, 1644-1675

Marin Terrier dit le sieur de Francheville et de Repentigny, né en 1619, au village de Grandmesnil, canton actuel de Saint-Pierre-sur-Dives, aux environs de Lisieux, Normandie, était à Québec en 1638. Le 14 août 1644, M. de Montmagny lui accorde un terrain aux Trois-Rivières ; le 26 juillet 1646, au même endroit, il est parrain d’une petite Attikamègue. On le qualifie de miles, ce qui veut dire qu’il formait partie de la garde armée du magasin de traite. Le 3 septembre 1647, il épousa Jeanne Jallaut, née en 1624, fille de Moïse et de Marie Lapointe ou Lepeintre, de Fontenay-le-Comte, au Poitou. Leur premier enfant, baptisé aux Trois-Rivières le 14 juillet 1649, fut ordonné prêtre en 1676 ; sa carrière est bien connue comme secrétaire de Mgr de Laval et surtout pour avoir guidé le combat de la Rivière-Ouelle qui repoussa les Anglais de cette paroisse en 1690 ; il mourut à Montréal en 1713[1].

À la bataille de la banlieue des Trois-Rivières, le 19 août 1652, Marin Terrier de Francheville fut pris et brûlé par les Iroquois[2]. Le 15 octobre suivant, sa veuve faisait baptiser leur fils Jacques dont l’existence ne nous est pas autrement connue. Marin Terrier se faisait appeler Francheville.

Le 13 décembre 1649, aux Trois-Rivières, Maurice Poulin[3] est parrain d’une petite Sauvagesse dont le père se nomme Esababikisitch.

Cette année 1649, qui était la quinzième depuis la fondation des Trois-Rivières, la population blanche, fixe, s’élevait à cent âmes, dont vingt-huit ménages. Québec n’en avait guère plus. Montréal ne dépassait pas cinquante habitants. Beauport et les autres endroits autour de Québec atteignaient à peine quatre cents âmes en tout.

Voici un acte qui mérite d’être cité textuellement : « Anno Domini 1654, 9e  septem. Ego Leonardus Garreau societatis Jesu sacerdos tribus factis de more denunciationibus intev missarum solemniter in Sacello B.V. ad Iria Flumina interrogavi et mutus intrisque consensu habito per verba de presenti conjunsci solemniter in matrimonium Mauritium Poulain, filium Petre Poulain et Anne Pioumelle, ex-paroccia de Villebadain in Normania ; — et Joannam Jalloo, viduam defuncti domini De Francheville. Testus ad fuere Dominus Boucher, Dominus Lapopeterie, Dominus du Hérisson, Dominus Godefroy. » Au contrat de mariage passé le 6 décembre suivant[4] devant Séverin Ameau, on voit les signatures de Jeanne Crevier, épouse de Pierre Boucher, gouverneur, Jean Madry, chirurgien et caporal de la garnison, François Lemaître dit le Picard, soldat, sa femme Judith Rigault[5], Charles Gautier sieur de Boischardin, soldat, René Robineau sieur de Bécancour, sa femme Marie Leneuf de la Poterie, Charles d’Ailleboust et Le Gardeur, Juchereau et autres.

D’après les recensements, Maurice Poulin serait né en 1620 ou 1622 et Jeanne Jallaut en 1621, 1624, 1625. Il était de Villebadain, en Normandie, département de l’Orne aujourd’hui. Sa mère, Anne Ploumelle, était venue avec lui. Ce n’est pas le père de Maurice qui fut procureur du roi, mais Maurice lui-même. Mgr Tanguay se trompe sur ce point[6]. Le père avait dû mourir en France.

« Anno Domini 1655, 4o  maii, Ego Leonardus Garreau, societatis Jesu sacerdos, solemniter baptizavi infantem recens natum parentibus Mauritio Poulain et Anna Ploumelle ; patrimus fuere Michael Leneuf dominus du Hérisson et domina Margarita Le Gardeur. Nomen infantis Michael. » Notons ce qui suit : Anne Ploumelle était la mère et non pas la femme de Maurice Poulin. Marguerite Le Gardeur était la femme de Jacques Leneuf de la Poterie. Disons aussi que le Père Garreau fut tué, l’année suivante, par les Iroquois, sur la rivière Ottawa.

Le 29 juillet 1655, au baptême de Joseph Desrosiers, Anne Ploumelle est marraine. Le 28 mars 1656, au baptême de Jeanne Pépin, « Anna Ploumelle » est marraine. Ceci prouve que la mère de Maurice Poulin était venue au Canada avec lui ; je n’ai trouvé aucune trace du père[7].

Le 21 décembre 1655, « Mauritius Poulain dictus Lafontaine » est parrain de Marguerite Bertault. Le 12 septembre 1657, Maurice Poulin remplace Jean Sauvaget comme procureur fiscal des Trois-Rivières. Le 11 novembre 1660, il est cité avec ce titre. Le 10 janvier 1663, il siège au tribunal de ce lieu. Au registre des Audiences de 1657 on voit encore Pierre Boucher siégeant comme juge. En 1658, il est remplacé par Maurice Poulin et Jean Sauvaget.

« Jean-Baptiste Poulin, né le 15 janvier 1657, père Maurice Poulin dit Lafontaine, mère Jeanne Ploumelle, a été baptisé le même jour par moi, Paul Ragueneau. Le parrain a été Michel Godefroy sieur de Lintot, la marraine Anne femme de Des Groseilliers. » La mère de l’enfant se nommait Jeanne Jallaut. Anne Ploumelle était la mère de Maurice Poulin. La marraine était Marguerite Hayet, femme de Médard Chouart des Groseilliers.

« Anno Domini 1658, die 10 Augusti, Ego Renatus Menard, societatis Jesu, baptizavi solemniter infantem recens natum, parentibus domino Lafontaine et Joanna Ploumelle. Patrini fuere dominus Leneuf et Comicella Denis, nomen Catharina. » Il faut encore ici des explications. Le Père Ménard mourut deux ans plus tard au sud du lac Supérieur. Lafontaine c’est Maurice Poulin. La mère de l’enfant était Jeanne Jallaut. Anne Ploumelle était la mère de Maurice Poulin et non pas sa femme. Parrain : Jacques Leneuf de la Poterie, gouverneur des Trois-Rivières. Marraine : Catherine Leneuf de la Poterie, femme de Pierre Denys de la Ronde. L’enfant épousa, en 1675, Joseph Godefroy de Vieux-Pont, des Trois-Rivières.

« Anno Domini 1660, Ego Renatus Menard vices agens parochi, die 9o  Aprilis, baptizavi solemniter in sacello nostro puellum codie natam parentibus domini Lafontaine Poulain et Joanna Ploumelle ; patrini dominus de Normanville et domina de la Poterie ; nomen Margarita. » Ici encore Jeanne Ploumelle signifie Jeanne Jallaut. Cette erreur qui se répète montre avec quelle négligence on tenait les registres. Marguerite se maria en 1683, avec François Lemaître.

Le 19 novembre 1661, par devant Séverin Ameau fut passé le contrat de mariage de Pierre Larue avec Jeanne Godin. Témoins : De la Fontaine, Le Pelé, Massé Besnier. Lafontaine c’est Maurice Poulin.

En 1663, Maurice Poulin commença des démarches pour se faire accorder une terre en seigneurie le long de la rivière des Trois-Rivières, à l’endroit où furent établies les forges, soixante-six ans plus tard. On n’accordait plus de terres en seigneurie parce que le roi supprimait les Cent-Associés et prenait possession du Canada. Poulin devait attendre, comme plusieurs autres personnes, le moment où l’administration reprendrait les affaires des terres.

Par une décision du 17 novembre 1663, le Conseil Souverain de Québec nomme Pierre Boucher juge royal aux Trois-Rivières, Maurice Poulin sieur de la Fontaine procureur du roi, et Séverin Ameau, greffier du même tribunal. Le 6 septembre suivant, le Conseil accorde « au sieur de la Fontaine Poullain » cent cinquante francs de salaire par année à cause de sa charge de procureur du roi… Le 28 janvier 1665, on ordonne « de payer au sieur Maurice Poulain, procureur du roi aux Trois-Rivières la somme de deux cent vingt-cinq francs pour une année et demie de ses appointements qui écheoiront en mars prochain. » En 1660 le franc de vingt sous valait largement une piastre de notre monnaie actuelle. D’après une affaire qui se passa en 1664, on voit que Poulin faisait le commerce avec les Sauvages. Le 25 septembre 1664 « Joanna Jalaux uxor Procuratoris Regis » est marraine de Claude Jutras. Le 22 mars 1665 « Joanna Jalaus uxor domini de Lafontaine » est marraine de Marguerite Beaudry. Le 31 mai 1666 « Maurice Poulain » est parrain de Maurice Bénard.

Recensements des Trois-Rivières en 1666 : Maurice Poulin sieur de la Fontaine, 46 ans, procureur du roi, Jeanne Jalaux, 42 ans, sa femme, veuve de Repentigny. Enfants : Pierre de Repentigny, 14 ans ; Michel Poulin, 9 ans ; Jean-Baptiste Poulin, 7 ans ; Catherine Poulin, 6 ans ; Marguerite Poulin, 4 ans. Domestique : Michel Simon, 32 ans, marié en France.

Recensements des Trois-Rivières en 1667 : Maurice Poulin, 45 ans ; Jeanne Jalaux, 42 ans ; 8 bêtes à cornes, 48 arpents de terre en culture. Enfants : Pierre Francheville, 18 ans ; Michel Poulin, 12 ans ; Jean-Baptiste Poulin, 10 ans ; Catherine Poulin, 9 ans ; Marguerite Poulin, 7 ans. Domestique :… Champagne, 30 ans.

De 10 janvier 1668, l’intendant Talon écrit à Maurice Poulin lui permettant de faire travailler sur une terre située au bord de la rivière des Trois-Rivières, du côté du sud-ouest. C’est le terrain où furent établies les forges de longues années plus tard. La terre de Maurice Poulin donna le nom de Maurice à la rivière, ou, si l’on veut, la rivière à Maurice devînt le Saint-Maurice.

Le 9 octobre 1670 Maurice Poulin est parrain de Maurice Cardin. C’est le dernier acte de notre personnage que je connaisse. Il a dû mourir trois ans après cette date, car le 1er  mars 1674, au baptême de René Mouet de Moras, le parrain est Louis Godefroy de Normanville « procureur du roi ». Dès 1668, ce même Godefroy avait agi comme procureur du roi ; de plus, il était procureur fiscal depuis le 27 septembre 1666. Sa commission de procureur du roi ne fut signée par Louis XIV que le 1er  mai 1677. Nul doute que Maurice Poulin mourut dans sa charge de procureur du roi avant le 1er  mars 1674 et assez mal rétribué pour ses services.

Du 22 mars au 2 septembre 1674, le comte de Frontenac concéda des terres en Canada aux personnes suivantes ; je copie les noms tels que je les trouve : Guyon, Desaintours, De Chavigny, Laparc, Jobin, D’Héry, Lerouge, Roberge, de la Durantaye, Duboz, Jaret, Godefroy, Denis, Jollot, Poulin, Le Moyne, Saurel, Salvay[8]. Ces concessions furent sanctionnées par le roi, à Saint-Germain-en-Laye, près de Paris, le 10 mai 1675 et enregistrées définitivement à Québec le 30 septembre. Les noms de « Jollot, Poulin » qui figurent dans ce document me paraissent être ceux de Jeanne Jallaut et de son mari Maurice Poulin. En ce cas, dès l’été de 1674, Jeanne Jallaut aurait agi pour se faire accorder un terrain en invoquant les services de son défunt mari et sa qualité de veuve chargée de quatre enfants. De quelle terre s’agit-il ? Probablement des emplacements de la rue Saint-François-Xavier que les fils de Maurice Poulin ont possédés par héritage, après 1708, date de la mort de Jeanne Jallaut.


II
LES MINES DE FER, 1668-1675

Le sol du Canada si favorable à l’agriculture ne renfermait ni diamant, ni or, ni argent, mais il était riche en beaucoup de choses, notamment en fer qui est un article de première nécessité.

Une requête des colons de Québec adressée à Louis XIII en 1621 vante la nature du sol du Canada et dit qu’on y trouve de riches mines de fer, de plomb et de cuivre.

Vers 1650, les colons du Cap-de-la-Madeleine commençaient à attaquer le sol avec la charrue. Ils devaient rencontrer le minerai de fer. Dix ans plus tard on découvrit la même chose à Batiscan. La Mère de l’Incarnation en parle, sans nommer l’endroit. Pierre Boucher, en 1663, mentionne le fer que l’on peut tirer des environs des Trois-Rivières.

L’intendant Talon, en 1666, fit examiner un dépôt de fer qu’on lui avait signalé à la Baie-Saint-Paul. À partir de 1669, les titres des terres accordées en seigneuries portent l’obligation de déclarer les mines dont on aurait connaissance. On alla jusqu’au fond du lac Supérieur explorer les gisements de cuivre, mais sans pouvoir en tirer parti.

La mention fréquente d’ouvriers arquebusiers et taillandiers que l’on rencontre dans les papiers du temps s’explique par l’état même de la colonie. Les premiers métiers que les Canadiens exercèrent furent ceux de charpentier, menuisier, travailleurs en bois, et l’industrie de l’artisan qui fabrique ou répare les outils de fer. L’entretien des armes, surtout, était une nécessité de tous les jours ; cet art exigeait des aptitudes et des connaissances spéciales chez ceux qui s’y livraient. Arquebusiers, serruriers, forgerons, taillandiers, c’étaient là des métiers élevés par les circonstances à la hauteur d’une profession. Les taillandiers s’occupaient des outils tranchants. On n’était pas pressé de mettre de côté, hors d’usage, un instrument dont la manufacture n’existait pas dans le pays ; on le réparait jusqu’à la limite du possible. Tout de même, la matière qui entrait dans cette opération venait de France : fer, plomb, cuivre, étain. Les clous étaient confectionnés au marteau, tant bien que mal. Le charbon de bois s’obtenait facilement pour la forge. Le charbon de terre — si l’on en faisait usage — venait du Cap-Breton où il était déjà l’objet d’un certain commerce.

Voici les noms des ouvriers en fer que j’ai relevés dans les archives des Trois-Rivières autour de l’année 1660 :

Barthélemy et Christophe Croteau, Urbain Beaudry, Jérôme Langlois, Michel Moreau, Jacques Joviel, Jean Badeaux, Jacques Loiseau dit Grandinière, Michel Rochereau, Barthélemy Bertault, Jean Poisson, Louis Martin, Jean Bousquet, Jacques Ménard, Pierre Potevin, Jean Holard et Jean de Noyon, qui dessinait une clef pour sa signature.

C’est beaucoup plus qu’on ne soupçonnerait, vu que la population du gouvernement des Trois-Rivières ne dépassait pas quatre cents âmes. Il va de soi que chacun de ces hommes avait plus d’une corde à son arc et trouvait moyen d’employer son temps de diverses manières lorsque la forge chômait.

En 1668, Talon sollicitait le ministre Colbert de faire travailler aux mines qui avaient été explorées en Canada et de doter la colonie d’ateliers métallurgiques dont le service du roi avait autant besoin que les particuliers, mais on ne l’écouta que d’une oreille distraite[9].

Le 18 août 1670, Talon, revenant de France, débarquait à Québec. Il amenait probablement le sieur de la Potardière, un expert en matière de mines, à qui l’on fit voir des échantillons que M. de Courcelle s’était procurés du voisinage de Champlain et du Cap-de-la-Madeleine. Ce fer était en sable, autrement dit en grains. Il y en avait aussi par masses, qui devait provenir du rang Saint-Félix actuel, seigneurie du Cap. La Potardière visita les lieux, puis retourna en France où il fit un rapport disant qu’il était impossible de désirer meilleur fer et en plus grande abondance. Là-dessus, Colbert écrivit à Talon (11 février 1671) se félicitant de la situation de toute l’affaire et ajoutant : « le sieur de la Potardière y retournera après avoir fait l’épreuve de la mine de fer qu’il a apportée et, lorsqu’il y sera arrivé, le soin que vous devez principalement avoir est de faire en sorte que aussitôt que cette mine sera établie, elle subsiste par elle-même. Dans les suites, si l’on trouve qu’elle soit aussi bonne que nous l’espérons, l’on pourra y faire passer des ouvriers pour la fonte des canons. » Voilà l’esprit du temps : la guerre.

Au cours des années 1671-72 on travailla aux mines en question par ordre du gouverneur de Courcelle et de l’intendant Talon. Le comte de Frontenac, qui les remplaça tous deux en septembre 1672, visita les mines et écrivit à Colbert, le 2 novembre : « Celle dont on vous a parlé est très-bonne. Je l’ai été voir moi-même pour vous en rendre un compte plus exact, et j’ai été ravi qu’on en ait découvert une autre contre celle du Cap-de-la-Madeleine, qui est beaucoup plus riche et plus abondante, et qu’on aura de la peine à épuiser parce qu’il y a quatre lieues de côtes, depuis Champlain jusqu’au Cap, qui en sont toutes pleines. Tous les ruisseaux qui en coulent le marquent assez, leurs eaux étant toutes pleines de rouille. J’ai eu même la curiosité d’en vouloir boire et j’ai trouvé qu’elles sentent le fer à pleine bouche. Les mineurs que j’y ai menés et qui y travaillent actuellement rendent la chose assurée, de sorte que, si vous êtes dans la résolution de faire faire des forges et une fonderie, il est certain qu’on ne manquera pas de matière. Il y a six monceaux de mine tirés au Cap-de-la-Madeleine qui pourront suffire, suivant le rapport et le procès-verbal du mineur que je vous envoie, à deux fontes de trois ou quatre mois chacune. La question sera de savoir l’endroit où l’on placera la forge parce que, selon mon sens, elle serait beaucoup mieux sur la rivière Pepin, qui est sur le territoire de Champlain, que sur la rivière du Cap où les Pères Jésuites ont déjà un moulin tout fait, lequel, à la vérité, en rendrait la construction plus facile ; mais la mettant sur la première rivière, elle se trouverait entre les deux mines et l’on pourrait faire venir plus aisément la matière du Cap à Champlain, parce que cela est en descendant le fleuve, que de la faire remonter de Champlain au Cap, outre que la mine du territoire de Champlain, étant assurément plus abondante que l’autre, la plus grande partie de matière se tirera de ce côté-là. Quand vous serez déterminé à faire travailler à la dite forge, comme les gens que vous enverrez seront sans doute habiles, ils verront si la rivière dont je parle a assez d’eau, s’il y aura assez de chute pour y placer les roues et si l’on n’y pourra pas joindre d’autres ruisseaux qui en sont très proches, comme celui de Hertel qui est assez considérable, ainsi que le chef des mineurs, qui vient d’arriver et à qui j’avais donné charge de remonter jusqu’à deux lieues dans la rivière Pepin, m’assure que l’on peut faire très facilement. Il est certain que, si l’on établit une fois ces forges, elles apporteront de très grands avantages non seulement par le fer excellent qui s’y fera mais encore par la consommation du bois qui facilitera le défrichement des terres, et par le nombre de gens qu’il faudra employer pour leur exploitation qui contribueraient aussi à la consommation des vivres et denrées que nous commençons d’avoir de trop et desquels, si les habitants n’ont le débit, il est à craindre qu’ils négligent la culture des terres, ne trouvant point à vendre leur blé, et la plupart n’ayant que cela pour acheter les hardes dont ils ont besoin. »

L’endroit où le minerai de fer était le plus abondant, le plus pur et le moins difficile à exploiter est le site appelé aujourd’hui les Vieilles Forges — la terre de Maurice Poulin — mais au temps de Courcelle et de Frontenac on n’y pensait pas encore. D’ailleurs la côte du Cap, Champlain et Batiscan offrait des avantages pour le transport par le fleuve que la rive sud de la rivière des Trois-Rivières ne possédait pas encore, tandis qu’il y avait un chemin du Cap à Batiscan.

Le principal dépôt de minerai dans cette dernière direction est à quatre milles de la rivière et à une douzaine de milles du Saint-Laurent, au rang Saint-Félix, seigneurie du Cap, où les terres sont basses et entrecoupées de tourbières, ce qui les rend plus difficiles à fouiller que le sol élevé du Cap et de Champlain. Aussi, Talon, La Potardière, de Courcelle et Frontenac croyaient-ils avoir trouvé plus près du fleuve les meilleurs gisements. Saint-Félix est comme pavé de masses ou gâteaux de minerai. On en découvre en abondance jusque dans les tourbières. Les dépôts s’étendent vers Saint-Malo situé à quarante arpents du fleuve et à environ un mille du Saint-Maurice. Plus on remonte cette dernière rivière plus les terres qui la bordent fournissent du fer et toujours de qualité supérieure. Tout indique aussi que la région des Vieilles Forges, sur une bonne distance, à droite et à gauche, du nord au sud à peu près, recouvre une nappe d’huile de charbon[10].

Les espérances que Talon et Frontenac nourrissaient à cet égard ne devaient pas se réaliser de sitôt, non plus que d’autres excellents projets conçus par eux. Louis XIV entrait alors dans sa politique de conquête en Europe et se disait fatigué du Canada. Il ne paraît nulle part que l’on ait fait quelque chose de stable pour utiliser notre fer, qui est, dit-on, supérieur à celui de la Suède et qui n’aurait fait dépenser aucun argent à la couronne.


III

LA FAMILLE POULIN. — LA RIVIÈRE SAINT-MAURICE — MINES DE FER DU CAP
1676-1689

Par une ordonnance du 25 mai 1676 on enjoignit aux concessionnaires de seigneuries de faire valider leurs titres sans retard, faute de quoi ceux-ci ne seraient plus d’aucune valeur. La veuve de Maurice Poulin se mit en devoir de satisfaire à cet ordre en demandant une patente définitive de la concession située sur la rivière en haut de la bourgade des Trois-Rivières[11].

Le 14 août 1676, l’intendant Duchesneau, étant aux Trois-Rivières, prend connaissance de la promesse écrite par Talon en 1668 et considérant que Maurice Poulin avait fait beaucoup de déserts et de bâtiments sur la terre en question ; que sa veuve avait continué ces travaux ; que même ils avaient concédé une partie de cette propriété, et voulant que la famille Poulin ne soit pas inquiétée dans la possession de ce bien, il accorde à la veuve, Jeanne Jallaut, l’étendue d’une lieue de front sur la rivière des Trois-Rivières, du côté sud-ouest, avec deux lieues de profondeur dans les terres, à prendre partie au-dessus et partie au-dessous du lieu où sont les dits travaux, iceux compris, avec droit de pêche sur la dite rivière vis-à-vis la dite lieue de front, à titre de fief, justice et seigneurie. L’acte ajoute que l’on a égard aux travaux de défrichement sus-nommés et aux services rendus par le défunt Maurice Poulin dans la charge de procureur du roi sans aucun salaire pendant plusieurs années.

La profondeur de deux lieues empiétait sur la concession de la banlieue en date de 1649, mais comme celle-ci avait été négligée totalement par les Leneuf et les Godefroy à qui appartenait le titre de ce fief, il fut décidé par la suite que les deux lieues promises à Jeanne Jallaut lui resteraient.

Jean-Baptiste de Lagny des Brigandières obtint, en 1677, le privilège d’exploiter pendant vingt ans les mines du Canada. Il n’est pas fait mention par la suite s’il a poussé plus loin cette entreprise. Quant aux mines du Cap et de Champlain après les travaux faibles et mal dirigés dont j’ai parlé, on les abandonna complètement.

Le 14 janvier 1680, au baptême d’Étienne Turcot, la marraine se nomme « Marie-Madeleine, fille de Jacques Le Marchand demeurant à Saint-Eloy près de Champlain ». J’ai d’abord pensé, en voyant cet acte, que Saint-Éloi étant le patron des forgerons, on pouvait supposer qu’il y avait dans ce village des gens employés aux mines de fer, mais il n’en est rien. Dès 1603, Champlain écrivait qu’il s’était arrêté à « une île nommée Saint-Éloi ». C’est en face de l’église de Batiscan. Le nom s’est étendu au hameau commencé vers 1670 sur la terre ferme. Voilà tout.

Michel Poulin, fils de feu Maurice, ayant contrevenu aux ordonnances en « allant chercher à faire la traite avec les Sauvages vers la mer du Nord, » fut arrêté le 12 janvier 1680 et condamné à deux mille francs d’amende dont moitié pour le roi et moitié payable aux pauvres de l’Hôtel-Dieu de Québec[12]. La mer du Nord c’est la baie James.

Voici ce que l’on trouve au recensement des Trois-Rivières en 1681 : « Jeanne Jalaut, 60 ans, 3 fusils, 7 bêtes-à-cornes, 40 arpents de terre en valeur. Enfants : Michel, 26 ans, Jean 25, Marguerite 20. Domestiques : Jeanne Faucher 12, Louise Faucher 11.

Michel se maria en 1683 avec Marie Jutras, née aux Trois-Rivières en 1660. Ce Michel se qualifiait de « sieur de Saint-Maurice » et il signait « Poulain ». Jean ou Jean-Baptiste épousa en 1696 Louise Cressé. Marguerite se maria en 1683 avec François Lemaître. Une autre fille, Catherine, née en 1658, avait épousé en 1675 Joseph Godefroy de Vieux-Pont. Nous avons ici tous les enfants de Maurice Poulin.

Par un acte devant Séverin Ameau, le 19 janvier 1683, Jeanne Jallaut cède le fief Saint-Maurice à son fils Michel et à ses trois autres enfants. Il s’en suit des arrangements entre ces derniers, et le 30 avril Jean-Baptiste donne à Michel quittance générale. Le 28 novembre 1690, François Lemaître donne également quittance[13].

Jean-Baptiste, né le 15 janvier 1657, prend le surnom de Courval dans un acte du 27 novembre 1685, et dans un autre du 9 novembre 1689. En 1692, il est mentionné comme « monsieur de Courval, marchand aux Trois-Rivières ». Après son mariage avec Louise Cressé il signa « Poulain Courval-Cressé ».

En 1687, fut inhumé aux Trois-Rivières « Isaac Cadelé, âgé de soixante ans, qui avait demeuré neuf ans chez monsieur Poulain. »

Le marquis de Denonville qui venait d’arriver comme gouverneur général écrivait au ministre des colonies, le 13 novembre 1685, disant : « Je suis persuadé qu’il y a auprès des Trois-Rivières une mine à faire des forges admirables. Je voudrais bien, Monseigneur, avoir ici un homme assez entendu et capable de faire les projets d’un tel établissement, qui serait au roi une chose très utile et à tout le pays. Monsieur Talon peut rendre compte comment Monseigneur de Colbert l’a fait éprouver et qu’elle s’est trouvée parfaitement bonne. J’en envoye quelque peu à Monsieur Arnould pour qu’il la voie et vous en rende compte. Il y a un assez gros ruisseau dans le voisinage. » Il s’agit du Cap et de Champlain, non pas de la seigneurie de Poulin.

Le 10 novembre 1686, Denonville s’adresse de nouveau au ministre : « J’ai envoyé visiter, encore une fois, cette année, la mine de fer qui est auprès des Trois-Rivières. Je suis bien sûr qu’il y en a bien au delà de ce qu’il en faut pour que l’on en manque jamais. L’affaire principale là-dessus est le ruisseau nécessaire pour qu’il puisse servir en hiver, et c’est en cela que l’on aura besoin d’un habile homme pour voir ce qui se pourrait faire pour cet établissement. L’an passé j’ai envoyé un échantillon en France, mais les maîtres de forges, qui l’ont trouvée très belle et abondante, en voudraient avoir quinze ou vingt barriques pour en faire une épreuve, pour connaître la qualité du fer. Il faudra faire en sorte, l’an prochain, de les satisfaire. Si notre compagnie du Nord réussissait, je ne serais pas en peine de leur faire faire cette entreprise ». La compagnie formée à Québec pour ramasser des pelleteries au nord (baie d’Hudson) ne réussit guère et ne s’occupa nullement des mines de fer. Le 11 mai 1687 il est expliqué que le ministre des colonies donnera toute facilité au directeur des forges de Bretagne qui passe au Canada pour examiner les moyens de mettre en valeur les mines qui y ont été découvertes. Celui-ci se nomme Hameau.

L’intendant Bochart de Champigny prend la plume à son tour le 11 novembre 1687 : « Le sieur Hameau est venu visiter nos mines de fer des environs des Trois-Rivières mais il a été trop peu de temps pour y avoir pu visiter les avantages que l’on pourrait tirer des dites mines. Nous joignons à cette lettre un mémoire de ce qu’il a trouvé et de ses pensées. Il ne se peut pas faire qu’une forge ne fut un très grand avantage pour le pays, cela sauverait bien des maisons du feu par les poêles que nous aurions à grand marché, et donnerait à travailler à bien des paysans qui ne font rien pendant tout l’hiver. » En 1689 il est fait mention d’une compagnie que Hameau a formée pour l’exploitation des mines. C’est tout. En 1707, le fondeur Hameau était à Nantes en Bretagne[14].

Le 8 mars 1688 le roi fait réponse que Hameau a travaillé trop hâtivement. Le 6 novembre suivant Champigny annonce au ministre que Hameau passe en France pour faire rapport sur le fer, disant que le charroi sera la principale dépense à encourir. Silence de trois ans ; puis, le 10 mai 1691, Champigny attire l’attention du comte Louis de Pontchartrain, successeur de Seignelay, sur cette partie des affaires du Canada : « Il se trouve des mines de fer au milieu de la colonie, qui ont été examinées il y a trois ans par le sieur Hameau, maître de forges, envoyé exprès par Monseigneur le marquis de Seignelay en 1687. Il a fait connaître qu’on en pouvait espérer toutes sortes d’avantages. Si on voulait établir des forges pour y travailler ce serait un grand bien pour le pays, considérant le besoin que l’on a d’avoir des poêles pour chauffer toutes les maisons, et la grande quantité de fer qui se consomme en toutes sortes d’ouvrages. Mais la dépense pour le commencement de tous ces établissements ne se peut faire sans le secours du roi. »

L’âtre des cheminées chauffait les maisons. En 1676, un marchand du nom de Charles Bazire avait vendu à Pierre Niel, de Québec, un poêle de cent trente francs, qui fut monté par Nicolas Gauvreau moyennant la somme de seize francs[15], ce qui représente $150. de notre monnaie. Un poêle ordinaire ne devait pas coûter si cher. C’était peut-être un four de boulanger ou de pâtissier. Néanmoins, on verra, en 1800, qu’un poêle à deux ponts se vendait au moins $20., ce qui valait $50. sinon $60. de notre cours actuel[16].


IV

L’ÉGLISE DES RÉCOLLETS. — LES FIEFS SAINTE-MARGUERITE ET SAINT-MAURICE. — LA BANLIEUE. — PROCÈS DE BRACONNAGE. — ARPENTAGE DES FIEFS. — JUSTICE ACCOMMODANTE. — MINES DE FER. — PROJET DE FONDERIE.
1693-1710

Marin de Repentigny possédait le terrain où est l’église des Récollets, aujourd’hui église anglaise, encoignure nord-est des rues Notre-Dame et Saint-François-Xavier. Il le laissa à son fils, l’abbé Pierre de Repentigny-Francheville, qui en fit don à Jeanne Jallaut, sa mère, remariée à Maurice Poulin. En 1692, Michel Poulin possédait ce terrain et c’est vers cette date que furent construits le cloître et l’église des Pères Récollets tels qu’on les voit encore aujourd’hui aux Trois-Rivières.

Les mots : fief et seigneurie de « Saint-Maurice » se rencontrent pour la première fois, à ma connaissance, dans le titre du fief Sainte-Marguerite qui est du 27 juillet 1691. La famille Poulin avait adopté le nom de Saint-Maurice pour sa seigneurie et les autorités le reconnurent lorsque l’occasion s’en présenta.

Des habitants de la ville avaient l’habitude de prendre du bois de chauffage au loin sur les coteaux sans tenir compte du droit des propriétaires. L’automne de 1693, Michel Poulin voulut mettre fin à cette pratique en poursuivant Étienne Véron de Grandmesnil comme le plus considérable des délinquants, mais il eut le déplaisir de perdre son procès par sentence du 14 décembre dont il appela aussitôt.

Le 22 février 1694, Michel Poulin décéda à Québec où il devait se trouver par occasion. La veuve se fit représenter au Conseil Souverain de Québec par l’huissier Prieur, le 26 avril suivant alors que la cause fut entendue de nouveau et le jugement du tribunal des Trois-Rivières renversé. L’huissier Hubert comparaissant pour Étienne Véron déclara qu’il n’avait jamais prétendu couper des arbres sur les terres du fief Saint-Maurice et il consent à ce que un tiers de corde de bois saisi par Poulin aille à la veuve de celui-ci pourvu que la procédure en reste là. Le Conseil approuve cet arrangement et ordonne que les habitants des Trois-Rivières devront payer à madame Poulin (Marie Jutras) le bois qu’ils ont enlevé de sa terre depuis décembre dernier, à raison de huit sous la corde, et il leur est fait défense de récidiver, à peine de confiscation, frais, etc[17].

À la demande de Marie Jutras, veuve de Michel Poulin, l’arpenteur De la Joue avait mesuré « la terre de Saint-Maurice », mais Jacques Dubois, propriétaire du fief Sainte-Marguerite, refusa de reconnaître cette action et porta l’affaire en justice. Sur ce, le 29 novembre 1695, le juge Jean Le Chasseur décida que l’arpentage en question était nul et que madame Poulin ferait mesurer la terre par un arpenteur juré, « à prendre une demie lieue au-dessous de son désert, icelui compris, le long de la rivière dite des Trois-Rivières, par une ligne qui courera du sud-est au nord-ouest ; et, quant à la profondeur des deux lieues, il sera tiré une autre ligne courant du nord-est au sud-ouest… Comme aussi que la terre Sainte-Marguerite sera arpentée sur les mêmes rhumbs de vent, le tout à commun frais entre les parties, en ce qui regarde la profondeur des dites terres seulement ; et avertiront du dit arpentage les habitants de la ville à cause de leur Commune, et le sieur de Vieux-Pont à cause de sa terre (la banlieue) dont leurs terres non encore arpentées sont voisines. » Tout cela étant fait le juge ordonnait qu’on lui apporterait les titres des propriétés, les actes d’arpentage, etc., afin de mettre l’affaire en bonne et due forme pour l’avenir. Madame Poulin n’accepta pas la sentence et voulut rouvrir le débat, ce qui lui fut accordé, mais le 19 janvier 1695, Le Chasseur la débouta et elle eut à payer les frais de cour se montant à la somme modeste de cinq sous. Oui, seulement cinq sous. On ne faisait pas payer la justice. Il n’y avait point d’avocat dans le pays. Pas non plus de dépense de transport ou de logement. Alors, les cinq sous devaient être pour couvrir le coût des écritures : encre et papier seulement.

Le 10 février 1695, madame Poulin faisait signifier à Jacques Dubois qu’elle irait en appel devant le Conseil Souverain de Québec et c’est là que, le 22 août suivant, elle fut condamnée à suivre les décisions de Le Chasseur et « aux dépens de l’appel, taxés à quinze sous, non compris l’expédition du présent arrêt et signification d’icelui, et, de grâce, sans amende »[18].

Sous le régime français l’administration de la justice était à peu près gratuite et toute « en bon père de famille ».

Bacqueville de la Potherie, qui visita les Trois-Rivières en 1701, nous a laissé cette curieuse phrase : « Champlain est considérable par des mines de fer dont on a reconnu autrefois la bonté ». Cette richesse naturelle n’étant pas encore exploitée, l’écrivain veut dire qu’elle attirait l’attention — ce qui ne suffisait pas pour rendre la seigneurie de Champlain considérable, mais plutôt sujette à considération pour l’avenir.

Le gouverneur de Brouillan, en 1702, disait avoir trouvé une mine de fer à la baie Sainte-Marie, en Acadie. Le roi lui en accorda l’exploitation pour la durée de six ans, mais que pouvait faire le pauvre homme de cet éléphant !

Le marquis de Crisasy, gouverneur des Trois-Rivières, faisait rapport au ministre des colonies, en 1704, et lui exposait que le fer se trouve en abondance aux environs de cette ville. La réponse fut que l’on pourrait aviser à l’exporter en France. Il y a des indices que le gouverneur insista sur ce sujet puisque, le 30 juin 1707, le ministre écrivait qu’il fallait ajourner l’affaire jusqu’à la paix. Néanmoins, Crisasy persista et, le 6 juin 1708, le ministre priait l’intendant Raudot d’examiner la question de l’établissement d’une fonderie aux Trois-Rivières. Le 11 novembre 1707, Raudot écrit que pour réussir dans la construction des vaisseaux de fort tonnage, il faut que le chanvre soit plus commun et que le fer des Trois-Rivières soit exploité. La correspondance des gouverneurs et des intendants avec Versailles abonde toujours en projets qui ne se réalisent jamais ou bien rarement. La politique du roi à l’égard des colonies consistait à ne rien faire, sauf pour la traite du castor.

En juin 1708, le ministre des colonies fait savoir à Crisasy que Raudot examinera le projet d’établir une fonderie aux Trois-Rivières. Notons cette année la mort de Jeanne Jallaut.

Gédéon de Catalogne, ingénieur du roi, écrit dans son rapport de 1709 : « La seigneurie (Pointe-du-Lac) qui fait la fermeture du lac Saint-Pierre du côté du nord-ouest appartient au sieur de Tonnancour, lieutenant-général civil et criminel de la juridiction royale des Trois-Rivières. Il y a peu d’habitants. Les terres n’y sont pas bonnes. C’est sur cette seigneurie que les mines de fer commencent, en descendant le fleuve jusqu’à Champlain. » Un peu plus loin il dit : « La ville est sur une hauteur de sable… dans les profondeurs il se trouve des mines de fer… Au Cap de la Madeleine on trouve des mines de fer… Sur le fief Lapierre (au Cap) il y a aussi des mines de fer… Dans quelques endroits des prairies Marsollet (Champlain) on trouve des mines de fer… Les devantures du fief Champlain sont sablonneuses et remplies de mines de fer… »

Jusqu’ici nous n’avions aucune mention de minerai de fer sur les terrains de la famille Poulin le long du Saint-Maurice « Dans des profondeurs » cela veut dire le domaine ou fief Saint-Maurice.


V

LA FAMILLE POULIN, 1710-1725.

Au cours des années 1710-15, il y a dans la correspondance officielle plusieurs mentions relatives au désir que les Trifluviens ressentaient de développer l’agriculture dans le district et de voir les autorités se mettre à l’œuvre pour exploiter les gisements de fer. Le gouverneur Galifet[19] revient plus d’une fois sur ces deux sujets.

Le 24 mai 1714, René Godefroy de Tonnancour est nommé juge aux Trois-Rivières, remplaçant Le Chasseur décédé le 1er  septembre 1712, et Jean-Baptiste Poulin de Courval devient procureur du roi, au même tribunal.

Le 17 novembre 1720, aux Trois-Rivières, dans la maison de madame veuve Lemaître, Pierre Poulin, notaire, dresse le contrat de mariage de Louis Godefroy, écuyer, sieur de Normanville, officier des troupes, fils majeur de feu Joseph Godefroy, écuyer, sieur de Vieux-Pont, qui était aussi officier des troupes, et de défunte dame Catherine Poulin, fille de Maurice Poulin. Ce Pierre Poulin[20] était fils de Michel et de Marie Jutras. La première personne mentionnée comme témoin est dame Marie-Anne Chesnay (Chéné) veuve de Pierre Lemaître. Cette femme signait parfois « Lottinville » du nom d’une seigneurie que son père avait possédée à la côte de Beaupré et ses enfants, fils de Lemaître, se sont partagés entre Lemaître et Lottinville par la suite.

Au contrat ci-dessus on voit les témoins suivants : de la part de Normanville, Joseph Godefroy, écuyer, sieur de Vieux-Pont, officier des troupes et dame Françoise Véron, son épouse ; le sieur Jean-Baptiste Godefroy, écuyer, et dame Jeanne Véron, son épouse ; demoiselle Charlotte Godefroy, épouse du sieur Longval ; demoiselle Josephte Godefroy, frères et sœurs du marié ; le sieur Jean-Amador Godefroy, écuyer, sieur de Saint-Paul, oncle du marié ; demoiselle Renée Godefroy, veuve de Pierre Le Boulanger, sieur de Saint-Pierre, tante du marié ; le sieur Jean-Baptiste Poulin sieur de Courval, conseiller du roi et son procureur en la juridiction des Trois-Rivières, avec dame Madeleine Forestier, son épouse, étant oncle du marié du côté maternel ; messire René Godefroy, écuyer, seigneur de Tonnancour, conseiller du roi et lieutenant-général (juge) des Trois-Rivières ; messire Jacques L’Hermitte, écuyer, chevalier de l’ordre militaire de Saint-Louis, lieutenant de roi en cette ville et gouverneur, avec dame Marie Chevalier, son épouse ; le sieur Jacques Hertel, écuyer, sieur de Cournoyer, lieutenant dans les troupes ; avec dame Marguerite Godefroy, son épouse ; demoiselle Geneviève Godefroy, veuve d’Augustin Galimard, écuyer, sieur de Champlain ; le Père Hyacinthe Pellefresne, supérieur des Récollets de cette ville, y faisant fonctions curiales ; le sieur Jean-Baptiste Jutras ; dame Marie Jutras, veuve du sieur Michel Poulin, oncle du marié ; demoiselle Charlotte et demoiselle Marguerite Le Boulanger, cousines germaines du marié. De la part de la mariée : le sieur Louis Lemaître avec Claire Duguay, son épouse ; les demoiselles Madeleine, Louise et Charlotte Lemaître, frère et sœurs de la mariée.

Le contrat prescrit communauté de biens, chacun payant ses dettes antérieures. La mariée apporte une maison et emplacement « en cette ville sur le bord de la place » (d’Armes) qu’elle reçut de sa mère. Le marié douaire sa future de mille francs. Les signatures se donnent en présence de Michel Mouet, écuyer, sieur de Moras, officier dans les troupes, et de Claude Crevier, tous deux demeurant aux Trois-Rivières.

Signatures : Normanville, Marguerite Lemaître, Marie-Anne Chenay, L’Hermitte, Marie Chevalier-L’Hermitte, Hyacinthe Pellefresne, Amador Godefroy, Godefroy, Courval, G. de Vieuxpont, Marie Jutras, Marie-Madeleine Forestier-Courval, G. de Tonnancour, Cournoyer, Marie de Godefroy, Françoise Véron-Godefroy, Jeanne Véron, Madeleine et Louise Lemaître, Jutras, Marguerite et Charlotte Le Boulanger, Moras, Charlotte Lemaître, Claude Perrier, P. Poulin, notaire. Ce dernier était greffier de la cour de justice et, comme tel, il enregistre le présent acte le 30 décembre 1720.

Les Godefroy, les Hertel, de noblesse canadienne, les Moras, les L’Hermitte, les Galimard, de noblesse de France, avaient droit au titre d’écuyer qui était alors fort en honneur. Galimard, de la Champagne, se faisait appeler sieur de Champlain et il faut dire qu’il y avait en France plusieurs localités qui portaient ce nom, mais Galimard n’était pour rien dans notre seigneurie de Champlain.

Le terme de « lieutenant de roi » (pas du roi) signifie un officier qui sert de doublure au gouverneur. Ainsi, L’Hermitte se trouvait à remplir les fonctions de gouverneur en l’absence de Charles Lemoine de Longueuil[21]

Du mariage de Michel Poulin avec Marie Jutras étaient nés, aux Trois-Rivières, cinq garçons qui ne doivent pas être oubliés dans cette étude : Pierre, né en 1684, marié vers 1718 à Madeleine-Louise Le Boulanger, de Saint-Pierre ; il fut marchand, notaire, greffier ; sépulture après 1735.

Michel, né en 1688, ordonné prêtre en 1713 ; décédé en 1760, étant le doyen des chanoines. Il portait le nom de Courval.

Jean-Baptiste, né en 1690, pas connu d’ailleurs.

François, né en 1692, marié à Thérèse de Couagnes. Il portait le nom de Francheville. Il n’eut pas d’enfant et mourut vers 1733.

Louis, dit Courval. Paraît avoir vécu à Terrebonne.

Jean-Baptiste Poulin de Courval, né en 1657, était substitut du procureur du roi aux Trois-Rivières en 1709. Le procureur du roi était René Godefroy de Tonnancour. Ce dernier étant nommé juge en 1714 la charge de procureur du roi passa à Courval qui la conserva jusqu’à sa mort survenue le 16 février 1727. Par son mariage avec Mlle Cressé il était seigneur de Nicolet.

Le 4 avril 1725, Pierre Poulin, notaire, rend foi et hommage « pour le fief Saint-Maurice situé dans la rivière des Trois-Rivières », appartenant à lui et deux de ses frères, savoir : Pierre, notaire, substitut du procureur du roi, la moitié. Michel, curé de Varennes, un quart. François Poulin de Francheville, marchand à Montréal, un quart. Il n’est pas fait mention de Jean-Baptiste, baptisé le 15 août 1690, ni de Louis.

Pierre Poulin appuie son titre de propriétaire avec ses deux frères sur l’acte du 14 août 1676 que j’ai cité. Il déclare qu’il n’y a pas d’habitant dans la censive mais que le domaine est établi de vingt arpents de front sur toute la profondeur, avec maison de pièces sur pièces, de 30 x 25 pieds, une grange de 40 x 20 pieds, une étable de 25 x 20 pieds de pieux debout. Il y a aussi quarante arpents de terre labourable.

Maurice Poulin, l’ancêtre, avait eu dans la ville un emplacement de vingt toises en superficie que son fils Michel échangea pour pareille étendue avec les Pères Récollets. Ce nouveau terrain avait été donné aux Pères par Guillaume Pepin et formait partie d’un plus grand morceau concédé par le gouverneur d’Ailleboust au dit Pepin, le 6 juin 1650. En 1725, Pierre Poulin, fils de Michel, déclara que le lot ainsi obtenu des Récollets contenait vingt-deux pieds et demi de front sur la rue Notre-Dame avec vingt toises de profondeur sur la rue Saint-François-Xavier, tenant au nord-est à cette dernière rue, au sud-ouest au sieur de Longval, par devant les dites rues et par derrière aux sieurs Jacques Duguay[22] et Jean Leclerc. Pierre Poulin ajoute qu’il y a sur la rue Saint-François-Xavier vingt-neuf toises de front sur quinze de profondeur, concédées à Michel, son père, par Frontenac et Champigny, le 22 septembre 1693, sur lesquels Guillaume Pepin a cédé au sieur Mouet de Moras vingt-trois pieds rue Notre-Dame sur quarante de profondeur et que Moras y a bâti, rue Notre-Dame, une maison de pièces sur pièces de trente-deux sur vingt-cinq pieds. Ce texte ne me paraît pas clair mais on peut localiser assez correctement ces deux ou trois lopins de terre.

Dans sa déclaration du 5 avril 1725, Pierre Poulin dit que, le 14 août 1644, le titre d’une terre de quarante arpents en superficie fut accordé par M. de Montmagny et ratifié par la Compagnie de la Nouvelle-France le 29 mars 1649, en faveur de Marin de Repentigny sieur de Francheville, lequel laissa cette propriété à sa veuve, Jeanne Jallaut, qui la passa à son second mari Maurice Poulin. En 1725, cette terre renfermait vingt arpents labourables, le reste en bois debout et fredoches. Pierre, Michel et François Poulin, frères, ont chacun un tiers du tout. Les voisins sont : au sud-est Pierre Le Pelé, au nord-ouest Pierre Boucher, et, par devant, la rivière des Trois-Rivières.


VI

FRANÇOIS POULIN DE FRANCHEVILLE OBTIENT PERMISSION D’EXPLOITER LES MINES DE FER.
1726-1730.

Le Père Charlevoix dit dans son Journal sous la date de 1721 : « On ne compte guère que sept ou huit cents personnes dans la ville des Trois-Rivières, mais elle a dans son voisinage de quoi enrichir une grande ville. Ce sont des mines de fer très abondantes qu’on fera valoir quand on voudra. »

Le 11 avril 1724 le roi fait écrire au gouverneur du Canada qu’il a examiné le mémoire de M. de Ressous sur l’établissement de forges au Canada ; il n’y objecte pas, mais ne supportera pas la dépense de l’expérimentation qu’il faut faire à cet égard. Le 25 avril 1726 on voit par le livre de Masères, Commissions, p. 215, qu’il y eut un procès-verbal d’arpentage pour délimiter les fiefs Saint-Maurice et Sainte-Marguerite.

Du mariage de Michel Poulin à Marie Jutras était né, en 1692, François, qui prit le nom de Francheville en souvenir du premier mari de sa grand’mère. Il avait épousé en 1718 Thérèse de Couagnes. Voici un mémoire ou plutôt une supplique en date du mois d’octobre 1729 que le signataire destinait au comte de Maurepas, ministre de Louis XV, et qu’il envoya d’abord au gouverneur Beauharnois pour être transmise à Versailles : « François Poulin de Francheville, négociant à Montréal, représente très respectueusement qu’il se trouve dans la seigneurie de Saint-Maurice, à une lieue des Trois-Rivières, dont il est propriétaire, et aux environs, des mines de fer qui paraissent abondantes et dont l’exploitation serait d’un avantage considérable à la colonie, où il se consume une grande quantité de fer, tant pour la construction des bâtiments de mer que pour beaucoup d’autres ouvrages qui y sont toujours chers par la nécessité où l’on est de les tirer de la France. »

De la ville aux Forges, par terre, il y a un peu plus de deux lieues, mais Francheville parle de la limite du fief du côté de la ville ; puis il continue : « Le remontrant offre de faire les avances nécessaires pour l’exploitation des dites mines, s’il plaisait à Sa Majesté lui accorder et à ses ayants cause, la concession pendant vingt ans des mines de fer qui pourront se trouver dans l’étendue du pays qui en dépend et y compris la seigneurie d’Yamachiche et y compris la seigneurie du Cap de la Madeleine, aux conditions suivantes : —

« Que le remontrant pourra seul, à l’exclusion de tout autre, pendant le temps de la dite concession, et en vertu d’icelle, ouvrir et exploiter toutes les mines de fer qui se trouveront dans l’étendue du pays ci-dessus désigné ; qu’il pourra seul faire fabriquer des fers provenant des exploitations des dites mines, toute sorte d’ouvrages de fer et en faire commerce.

« Qu’il lui sera permis d’ouvrir dans l’étendue de la dite concession toutes les terres où il se trouvera des mines de fer et les exploiter sans que les propriétaires des dites terres puissent y rien prétendre, en remboursant seulement par lui aux dits propriétaires les prix des terres cultivées et en valeur, suivant l’estimation qui en sera faite par experts choisis par les dits propriétaires et par le remontrant ou nommés d’office, sans être tenu à aucun remboursement pour l’ouverture et exploitation des terres non cultivées.

« Qu’il lui sera permis de faire les prises et retenues d’eaux nécessaires à ses travaux dans les endroits les plus commodes.

« À la charge par le remontrant de faire ouvrir les dites mines dans les deux ans du jour que la dite concession lui sera remise en Canada et continuer ensuite les dites mines sans interruption à peine de nullité de la dite concession.

« La proposition du remontrant peut être utile à la colonie en y procurant l’abondance d’une matière nécessaire à un prix inférieur à celui qu’elle coûte en la faisant venir de France.

« Il prend la liberté d’en demander la concession exclusive. Il est propriétaire de la terre où la mine de fer se trouve être la plus abondante, et quand il s’en trouverait dans les terres voisines il ne serait pas raisonnable que d’autres viennent établir de semblables travaux après qu’il aurait risqué le premier des avances considérables pour cet établissement.

« Il espère, Monseigneur, que Votre Grandeur aura la bonté de lui accorder la concession qu’il demande, quoique les dites mines n’aient pas encore été reconnues.

« Il n’aurait aucun intérêt à demander cette concession s’il n’était pas sûr qu’il y parait des mines et au cas que ces mines de fer ne fussent pas assez abondantes pour soutenir les frais de l’exploitation la concession devient nulle d’elle-même.

« Il continuera ses vœux pour la prospérité et santé de Votre Grandeur. (Signé) FRANCHEVILLE. »    


MM. de Beauharnois et Hocquart transmirent cette pièce au ministre en l’accompagnant de la lettre suivante : —

Québec, 28 octobre 1729.

« Monseigneur, — Nous avons l’honneur de vous adresser un mémoire du sieur Francheville, négociant de Montréal, et propriétaire de la seigneurie Saint-Maurice. Il expose qu’il se trouve dans cette seigneurie et aux environs des mines de fer assez abondantes pour l’engager à en entreprendre l’exploitation si vous voulez bien, Monseigneur, en accorder la concession et le privilège pendant vingt ans. Les conditions qu’il fait ne sont ni onéreuses au roi ni aux particuliers et il en résulterait au contraire un avantage considérable à la colonie si son projet a, comme il l’espère, tout le succès que l’on doit attendre de l’intelligence de ce négociant, qui est aisé et qui trouvera des associés pour concourir avec lui dans cette entreprise. Le roi ne court aucun risque et Sa Majesté trouvera par la suite son avantage par les fers dont elle pourra avoir besoin pour la construction des vaisseaux, ou pour d’autres ouvrages, à bien meilleur compte qu’en France.

« Nous estimons, Monseigneur, que vous pouvez lui accorder la concession et le privilège qu’il demande, ou nous donner la permission de la lui accorder, sauf votre approbation, et attribuer au sieur Hocquart la connaissance des contestations qui pourraient naître entre le dit Francheville et les particuliers qui seront dans l’obligation de céder des portions de terre cultivée pour cette exploitation. Nous sommes, etc.

(Signé) BEAUHARNOIS, HOCQUART ».

Gilles Hocquart, nommé commissaire-ordonnateur au Canada, allait partir de France lorsque, le 19 avril 1729, le conseil de la marine et des colonies lui donna avis que M. d’Aigremont rapportait qu’il n’y avait rien de certain sur l’abondance et la qualité du fer des Trois-Rivières et il le priait d’étudier la question puis de lui en envoyer un mémoire complet. Hocquart était donc arrivé connaissant un peu l’affaire des mines en question et il avait dû se renseigner tant soit peu puisque, le 28 octobre, on le voit se prononcer favorablement en faveur de la demande de Francheville ; néanmoins, dans une lettre séparée, il écrit au ministre : « Quand je passerai aux Trois-Rivières j’examinerai les mines et j’aurai l’honneur de vous donner sur cette matière les éclaircissements que vous souhaitez. »

Le 25 mars 1730 le roi signait un brevet accordant à François Poulin de Francheville le privilège de « faire ouvrir, fouiller et approfondir à son profit les mines de fer de sa seigneurie de Saint-Maurice, à ses frais et dépens, pendant vingt ans… dans l’étendue des terrains qui sont depuis et compris la seigneurie d’Yamachiche, jusques et compris la seigneurie du Cap de la Madeleine, en lui permettant de faire construire les forges, fourneaux et autres ouvrages qu’il conviendra, à compter du jour de l’ouverture des dites mines, qu’il sera tenu de faire dans l’espace de deux années prochaines du jour de l’enregistrement du présent brevet au Conseil Supérieur de Québec… sans que les propriétaires des terres sur lesquelles les dites mines seront ouvertes y puissent rien prétendre, à la charge de leur rembourser seulement le prix des terres qui seront cultivées, suivant l’estimation qui en sera faite par experts convenus entre lui et les dits propriétaires, et sans qu’il soit tenu à aucun remboursement pour l’ouverture et exploitation des dites mines sur les terres qui n’auront point été cultivées ; lui a permis aussi Sa Majesté de faire les prises retenues d’eau nécessaires à la dite exploitation, dans les endroits et sur les terrains qui se trouveront les plus commodes, à condition d’indemniser pareillement les propriétaires des terres sur lesquelles les dites prises et retenues d’eau seront faites sans que le dit sieur de Francheville soit tenu de payer à Sa Majesté aucune finance, ni indemnité pour quelque cause ni sous quelque prétexte que ce soit…, et Sa Majesté lui fait don et remise du droit de dixième à elle appartenant ».

La colonie appartenait à la compagnie des Indes, comme exploitation commerciale, et les mines relevaient de l’État, mais le roi pouvait trancher dans le monopole aussi bien qu’il abandonnait ses propres prétentions sur les dépôts de fer que la nature avait semés dans le domaine de Maurice Poulin.

Ici, je trouve mention d’un fief nommé Préville que le roi aurait accordé à Francheville le 22 mars 1730, pour agrandir la seigneurie de Saint-Maurice. Ne serait-ce pas la terre qui avait appartenu à Marin Terrier, en ville ?

VII

OUVRIERS ET INSPECTEURS DE FRANCE. — EAUX MINÉRALES. — DÉCÈS DE FRANCHEVILLE. — COMPAGNIE DES FORGES. — INCENDIE DE MONTRÉAL. — OUVRIERS EXPERTS ENVOYÉS DE FRANCE. — LE ROI SUBVENTIONNE LES FORGES. — NOUVELLE COMPAGNIE FORMÉE.
1731-1736

Sous Louis XIV il y avait un ministre à la tête de chaque département des affaires publiques, où rien ne se décidait cependant à l’insu du monarque. En 1715, le duc d’Orléans prit la régence du royaume bien persuadé que les ministres tenteraient d’échapper à son contrôle ; c’est pourquoi il créa un conseil de plusieurs membres pour chaque ministère, anéantissant par ce moyen la volonté d’un seul et s’en rapportant au vœu de la majorité des conseillers. Le Canada releva, comme autrefois, du département conjoint de la marine et des colonies, qui avait désormais un conseil pour le diriger au lieu d’un ministre. En 1723, le roi Louis XV prenant la direction continua le nouveau système.

Le président du conseil de la marine et des colonies écrit à M. de Beauharnois, gouverneur, le 24 avril 1731, qu’il n’a pas jugé à propos de faire usage du placet de la fille du sieur de Courval, mais qu’il sera bien aise de savoir s’il est vrai qu’elle ressemble au roi et que trois fleurs de lys forment son moignon. Il lui sera facile de le vérifier puisqu’il passe deux fois l’an aux Trois-Rivières. Peut-être s’agit-il de Louise-Charlotte, baptisée le 3 juillet 1699. Nous n’avons rien trouvé de plus sur ce sujet.

Le président du conseil de la marine et des colonies écrit, le 27 avril 1731 à M. de Beauharnois[23], intendant à Rochefort, lui disant de donner passage à deux ouvriers que M. de Francheville attend au Canada pour travailler aux mines de fer. À ce sujet, le roi fait savoir sous la date du 1er  avril 1732, qu’il regrette d’apprendre que les fondeurs de fer sont arrivés trop tard aux Trois-Rivières l’année précédente pour connaître à fond les mines. Il est probable que l’arrivée en question avait eu lieu vers le temps où le froid et la neige rendent les exploitations impossibles.

Dans l’âtre de la cheminée du salon de la « grande maison » des Forges j’ai vu un « contre-cœur » ou plaque de fond de cheminée coulée en fonte ordinaire et portant trois fleurs de lys en relief avec le millésime « 1732 ». L’été de 1732 Hocquart visita la ville, le Cap-de-la-Madeleine et les mines du fief Saint-Maurice. La plaque en question fut probablement coulée en sa présence.

Par une note dictée à Marly chez le roi, le 27 janvier 1733, on voit que la recherche des terrains miniers aux environs des Trois-Rivières avait fait découvrir des sources d’eaux minérales. Expliquons ceci :

Michel Sarrazin, né à Nuits, en Bourgogne, le 5 septembre 1659, était nommé chirurgien-major des troupes, à Québec, le 12 novembre 1686. Il exerça sa profession de chirurgien et de médecin « avec beaucoup de capacité et de succès » puis, en 1694, il passa en France et y resta trois ans pour perfectionner ses études. Il revint en 1697 avec le titre de médecin du roi et, le 14 mai 1699, on le nomma médecin en chef du Canada. Peu après on apprit qu’il avait été fait membre correspondant de l’Académie des Sciences à cause de ses travaux sur l’histoire naturelle du Canada. En 1707, il devenait membre du Conseil Supérieur de Québec — le parlement canadien. Il fit ensuite un voyage en France car, dans l’une de ses lettres, il dit que, en 1709, il passa trois mois à Forges, village de la haute Normandie, au pays de Brai, où il étudia les eaux minérales qui, depuis plus d’un siècle, jouissaient d’une grande renommée par tout le royaume. Sa carrière renferme trop de choses importantes pour être racontée ici.

Dans une lettre du 10 octobre 1732 Sarrazin écrit qu’il a passé quelques mois au Cap-de-la-Madeleine pour examiner des sources éloignées du fleuve de quatre cents pas et se prononce très favorablement sur leur compte. Ces eaux, dit-il, ne renferment aucun élément vitriolique et « elles ont une frappante analogie avec les eaux de Forges. Parmi les onze sources du Cap il y en a cinq qui sortent de terre éloignées les unes des autres de la distance d’environ deux pieds. La quatrième, qui s’échappe entre la troisième et la cinquième, fournit une eau des plus pures, très saine et fort bonne à boire, qui ne participe en aucune façon à la nature des quatre autres ». Ce mémoire fut communiqué à M. Chicoyneau, premier médecin du roi. Sarrazin mourut à Québec le 7 septembre 1734.

Une société se forma, le 16 janvier 1733, pour exploiter les mines de fer de la seigneurie de Saint-Maurice : la veuve Francheville, Pierre Poulin, Ignace Gamelin, marchand de Montréal, et François-Étienne Cugnet.

François Poulin de Francheville venait de mourir. Sa veuve, Thérèse de Couagnes, née à Montréal en 1697, se mit à la tête d’une organisation nouvelle pour continuer les travaux du fer. Pierre Poulin, son beau-frère, qui nous est connu, était membre de cette société. Les deux autres associés méritent un mot d’explication.

Michel Gamelin se maria aux Trois-Rivières en 1663 avec Marguerite Crevier ; leur fils Ignace épousa à Batiscan, en 1693, Marguerite Lemoine ; leur fils Ignace, né en 1698, se maria à Montréal, en 1731, avec Marie-Louise Dufrost de la Jemerais ; il fut marchand à Montréal et actionnaire des forges Saint-Maurice. Il vivait encore en 1752.

François-Étienne Cugnet, venu de France avec sa femme Louise-Madeleine Du Sautoy, fait baptiser son premier enfant à Québec en 1720. Lui et ses deux fils ont été des personnages importants.

Le 21 avril 1733, le roi ignorant le décès de Francheville, lui accorde dix mille francs pour l’aider dans son entreprise.

Le 10 novembre 1732, à Montréal, devant le notaire Lepailleur, François Poulin de Francheville avait engagé pour un an un nommé Louis Bélisle, demeurant à Montréal, pour travailler à la mine de fer, à la charpente des bâtiments et autres ouvrages, aux forges Saint-Maurice. Poulin a dû mourir peu après cette date[24].

Le 10 avril 1734, à Montréal, une négresse esclave de madame veuve de Francheville mit le feu à la maison de cette dernière et quarante-cinq résidences furent brûlées. La demeure de madame de Francheville était située au bord du fleuve. Marie-Josette-Angélique, la négresse, fut pendue. Elle avait un complice Claude Thibault, aussi condamné à la potence, mais il s’était échappé.

Le 13 avril 1734, le président du conseil de la marine et des colonies écrit à MM. de Beauharnois et Hocquart qu’il recevra avec plaisir quelques barres de fer fabriquées dans les forges du sieur de Francheville. On ne savait pas encore à Versailles que Francheville était décédé.

Le président du conseil de la marine et des colonies écrit le 11 janvier 1735, à M. de Beauharnois, intendant à Rochefort, que « M. de Francheville est décédé à Montréal au commencement de l’année dernière, » et que ses associés se proposent de continuer son établissement. Le fer qu’ils ont fabriqué est, prétendent-ils, de qualité au moins égale à celui du Berry. On examinera celui qu’ils ont envoyé ; M. de Beauharnois recevra le modèle qu’ils ont fait dresser de leur établissement[25]. Le même jour, le conseil prie M. Tassin de chercher deux maîtres de forges, ou même deux bons forgerons pour être employés dans les mines de fer du Canada.

Les négociations pour obtenir les services d’un directeur de forges occupèrent toute l’année 1735. Le 22 février, le conseil de la marine s’adresse à M. Tassin au sujet du sieur Olivier de Vezain qui offre d’aller au Canada diriger l’exploitation des mines de fer. Le 22 mars, il demande quelle gratification cet homme exigera. Le 19 avril il fait savoir à Beauharnois et Hocquart qu’il n’approuve pas « l’endroit choisi pour les forges des mines de fer de Batiscan ». Le 5 mai il demande à Olivier quels appointements il lui faut et quel genre de passage sur mer. Le 10 du même mois, il informe le gouverneur et l’intendant de la difficulté qu’il rencontre pour se procurer un maître de forges expérimenté qui accepte de servir au Canada « pour diriger l’exploitation des mines de fer de Batiscan ». Il ajoute que Olivier de Vezain a enfin accepté la tâche mais qu’il a imposé des conditions très onéreuses ; aussi, dès que l’ouvrage sera en bonne voie, il faudra le laisser retourner en France.

Le 23 octobre 1735, Thérèse de Couagnes, veuve Francheville, Pierre Poulin, marchand, Ignace Gamelin, marchand de Montréal, François-Étienne Cugnet, directeur du domaine d’Occident (Canada, traite) cèdent au roi la seigneurie de Saint-Maurice avec les édifices érigés pour les travaux des mines, ainsi que le privilège d’exploitation. Je crois voir, dans l’acte, qu’il ne s’agit pas de la terre de Maurice Poulin mais seulement du fief Préville accordé à François Poulin de Francheville en 1730. Il me paraît donc que l’on a employé le nom de Saint-Maurice improprement. Le roi accepta cette reddition le 22 avril 1737.

Le 27 décembre 1735, le conseil donne avis à M. Tassin qu’il a reçu un mémoire du sieur Olivier. Il dit de plus que le conseil serait heureux de voir se former une société pour ces mines de fer.

Le 7 janvier 1736, le président du conseil de la marine et des colonies écrit à M. Sagon que l’entreprise des mines de fer auprès des Trois-Rivières donnait de bonnes espérances, malgré les fautes commises, lorsque le concessionnaire est mort. On a envoyé sur les lieux un maître de forges de la Champagne dont le rapport est des plus favorables quant à la qualité, l’abondance du fer et les moyens d’exploitation. Le conseil de la marine et des colonies désirerait avoir l’avis de M. Sagon et celui du bureau du commerce sur les avantages et désavantages que donnerait cette exploitation au point de vue des intérêts de la France.

À Beauharnois et à Hocquart, le conseil écrit, le 14 mars 1736, que, des trois propositions qu’ils ont faites pour l’entreprise des mines de fer des Trois-Rivières, on s’est arrêté à la dernière, savoir : celle de faire des avances à la compagnie, comptant bien que les travaux seront commencés cette année, selon le projet du sieur Olivier.

Le conseil donne avis, le 10 mai 1736, que le nommé Simonnet, maître de forges de la Champagne, passe au Canada pour conduire les travaux des forges des Trois-Rivières, de concert avec Olivier, ou seul en cas de besoin. Il amène quatre ouvriers et part à condition d’avoir un intérêt égal aux autres intéressés. Le 22 du même mois, il ajoute que Simonnet et Olivier devraient en sus recevoir quelques appointements.

Le 15 mai 1736, le conseil dit qu’on fera une avance de 36,000 francs cette année pour les mines de fer des Trois-Rivières. On a donné ordre d’envoyer quelqu’un de capable pour conduire l’exploitation. On prendra hypothèque sur les biens. Madame de Francheville et ses associés feront cession de leur privilège à la nouvelle compagnie. Cette nouvelle compagnie était l’œuvre de Cugnet qui venait d’acheter des héritiers Poulin la seigneurie de Saint-Maurice.

Vers la fin de juin 1736, Hocquart se rendit sur les lieux pour choisir les endroits les plus convenables à l’emplacement des chaussées et de la forge. Le gros ruisseau qui descend en cascades jusqu’à la rivière s’imposait comme le site de l’établissement, vu qu’il offrait en abondance d’excellente eau à boire et à laver le minerai et donnait des forces motrices pour tous les besoins. L’automne suivant on se mit à l’œuvre. Hocquart, intendant du Canada, devait naturellement surveiller les ouvrages que le roi subventionnait.

La Mère Marie Duplessis de Sainte-Hélène écrivait, le 14 octobre 1736, que plus de cent hommes sont occupés aux mines que l’on a découvertes en Canada. Ils sont sous la conduite d’un directeur bien entendu envoyé par le roi.

Le 15 octobre 1736, Pierre Poulin, sa femme Louise Le Boulanger et le chanoine Michel Poulin vendent la « seigneurie de Saint-Maurice, mesurant une lieue de front sur deux lieues de profondeur, concédée à Maurice Poulin en 1668, ratifiée en faveur de sa veuve en 1676, commençant aux confins de la seigneurie appartenant aux héritiers La Fond en descendant la rivière des Trois-Rivières. »

Les acheteurs sont François-Étienne Cugnet, Pierre-François Olivier de Vezain, Jacques Simonnet et Ignace Gamelin, moyennant six mille francs dont on n’exige pas le principal mais seulement un intérêt annuel de trois cents francs.

Ce même jour, la veuve de Francheville signe une renonciation du privilège qu’avait son mari pour exploiter la mine du fief. À partir de ce moment, la veuve de Francheville, Pierre et Michel Poulin, Gamelin et Cugnet ne prétendent plus à aucun avantage accordé par le roi ; et, pour ce qui est des droits de propriété, la nouvelle compagnie Cugnet, Gamelin, Simonnet, de Vezain les achetait moyennant une somme d’argent convenue. Thomas-Jacques Taschereau entrait comme cinquième membre dans cette dernière compagnie, mais il ne paraît pas avoir participé aux droits de propriété sur la terre.

L’acte spécifie que la rente de trois cents francs par année sera payable à partir de la possession du fief par les associés de Francheville. Cet effet rétroactif est de plus constaté en disant que le 1er  janvier 1737 il sera dû de ce chef sept cent cinquante francs à la veuve de Francheville — donc à partir du 1er  juillet 1734.

Les papiers, titres, etc., concernant le fief, furent remis par Pierre Poulin à Cugnet, dans la ville de Québec, le 27 décembre 1736. Le 18 octobre 1736, Cugnet, Gamelin, Olivier de Vezain, Simonnet et Taschereau signent un reçu conjoint, se reconnaissant responsables de la somme de dix mille francs versée par le roi en 1733. De plus, ils se rendent responsables des fonds que le roi a fait absorber dans l’exécution des travaux et s’élevant à quarante-deux mille neuf cents francs.

Du mariage de Hugues Olivier, seigneur de Sivinac ou Sionne ou Lyonne, en Bassigny, Champagne, capitaine d’artillerie, pensionnaire du roi, et de Louise Leroux, dame d’Ingolicour, diocèse de Toulle, Lorraine, était né Pierre-François Olivier, sieur de Vezain (il signait Olivier de Vezain), dont la présence aux Trois-Rivières est constatée le 9 juillet 1736, comme parrain de Louise, fille du chirurgien Alavoine. On le qualifia de directeur des forges pour le roi.

Jacques Simonnet sieur de l’Abergemont, était de Dompierre, diocèse de Langres, Franche-Comté et Bourgogne, pays de forges et de fonderies de fer. Mgr Tanguay[26], dit que cet homme était aux Trois-Rivières en 1728. J’en doute fort, c’est peut-être 1738. On le trouve comme maître de forges, en 1730, à Villecomte dans la région de Langres, selon les recherches d’un ami de la Bourgogne qui m’a aidé dans ce travail. Les forges de l’Abergemont sont mentionnées plus loin. En 1736, il était veuf de Marie Foissey ou Foissy et avait un fils, Jean-Baptiste, en France. Ce garçon était d’âge à se marier.

Thomas-Jacques Taschereau, sieur de Sapaillé, né vers 1680 à Tours, arriva en 1726 dans la colonie avec M. de Beauharnois et Claude-Thomas Dupuy, intendant, dont il était le secrétaire. Il se maria en 1728 avec Claire Fleury de la Gorgendière, de Québec. Leur descendance a toujours été remarquable par les talents et les hautes fonctions de ses membres.


VIII

ON ENVOIE DES OUVRIERS DE FRANCE. — LA NOUVELLE COMPAGNIE EST RECONNUE. — LE FIEF SAINT-ÉTIENNE. — CONSTRUCTION DU CHÂTEAU ET DES HAUTS-FOURNEAUX. — LES SUBVENTIONS OU PRÊTS DU ROI. — ON ALLUME LE FOURNEAU. — PAS ENCORE DE GROS MARTEAU. — SIMONNET ET SON FILS. — LE FONCTIONNEMENT DES FORGES LAISSE À DÉSIRER. — PROJET DE FORGES À TERREBONNE. — NOUVEAUX ÉDIFICES, 1737-1789.

Le président du conseil de la marine et des colonies explique, le 22 mars 1737, à madame la comtesse de Grancey, qu’il n’a pas été prescrit au sieur Simonnet de prendre des ouvriers pour les forges des Trois-Rivières dans les forges de son mari plutôt que dans d’autres. Le 13 mai suivant, le conseil donne à M. de la Croix ses instructions au sujet de l’embarquement de Simonnet et de ses ouvriers pour les mines de fer des Trois-Rivières, sur le Jason, commandant DuQuesnel. Ce navire apporta en France deux caisses de plantes du Canada pour le jardin du roi.

Le 22 avril 1737, le roi approuva la proposition de Beauharnois et de Hocquart qui est d’accepter la remise du privilège faite par la veuve de Francheville et par les sieurs Poulin, Gamelin et Cugnet (acte du 23 octobre 1735) et il accorde à Cugnet, Taschereau, de Vezain, Simonnet et Gamelin, la permission de faire l’ouverture des mines de fer dans l’étendue de pays qui se trouve depuis et compris la seigneurie d’Yamachiche jusque et compris la seigneurie du Cap-de-la-Madeleine, et de le faire fouiller et travailler à leur profit, et d’y faire construire les forges, fourneaux et autres ouvrages qu’il conviendra, pendant l’espace de vingt années consécutives à compter du jour que le fourneau sera allumé et chargé pour la première fois, selon le procès-verbal qui en sera dressé par le juge des Trois-Rivières. De plus la compagnie peut tirer le minerai des terres déjà en culture, mais à charge d’en passer par expertise pour tout dommage causé aux habitants. En outre, la compagnie peut faire des prises d’eau, à condition d’indemniser, à dire d’experts, chaque propriétaire lésé. La compagnie ne paie rien au roi, pas même l’impôt du dixième. Tout procès naissant de ce privilège doit être jugé sommairement et sans frais, par l’intendant de la Nouvelle-France, avec droit d’appel au roi. Le roi avance à la compagnie cent mille francs, y compris quarante-deux mille sept cent quatre-vingt-dix francs et seize sous neuf deniers, déjà reçus, et dix mille francs avancés à Francheville et dont on décharge sa veuve et Poulin. Le remboursement de ces cent mille francs se fera en trois années, soit en fers ou en argent, au gré du roi, commençant en 1739.

La compagnie est tenue de rembourser à la veuve Francheville et à Poulin les dépenses par eux faites, en raison de la société du 16 janvier 1733, et de passer contrat de constitution de trois cents francs de rente, achetable à toujours et à principal de six mille francs pour le prix de la seigneurie. Cet arrêt fut enregistré à Québec le 26 août 1737.

Le 12 septembre 1737, Beauharnois et Hocquart agrandissent le territoire des Forges par un acte dont voici le préambule : « Afin de se procurer la quantité des bois nécessaires pour l’exploitation des forges, on a acquis des héritiers Poulin la terre et seigneurie de Saint-Maurice, croyant y trouver les bois suffisants pour la construction des dites forges, mais on a reconnu que les incendies qui arrivent fréquemment en ce pays ont ruiné une grande partie des bois tant de la seigneurie de Saint-Maurice que du fief Saint-Étienne et des pays qui en sont voisins, en sorte que les bois qui sont restés sur la dite seigneurie de Saint-Maurice ne pourraient suffire pour la consommation annuelle des dites forges, et les intéressés de la compagnie demeureront forcés d’acheter dans les seigneuries voisines des bois que les propriétaires ne manqueront pas de leur survendre dans la nécessité où on les verra d’en acheter aux conditions qu’on leur imposera, ou d’abandonner leur entreprise et de perdre totalement les sommes considérables qu’ils y ont avancées. »

En conséquence, ce même jour, 12 septembre 1737, le gouverneur et l’intendant concèdent aux intéressés de la compagnie des forges de fer du Canada établies à Saint-Maurice, le fief Saint-Étienne qui avait été réuni au domaine royal le 6 avril précédent, et les terres qui sont depuis le fief Saint-Étienne, à prendre le front sur la rivière des Trois-Rivières en remontant jusqu’à une lieue au-dessus du saut de la Gabelle, ci-devant dit le saut de la Vérendrye, sur deux lieues de profondeur, pour être incorporée au fief Saint-Maurice, acheté des héritiers Poulin et en faire ensemble une seule et même seigneurie. Les intéressés ne sont pas obligés de déclarer au gouvernement les mines de fer, car ce privilège leur est déjà accordé par le roi qui a renoncé à l’impôt du dixième sur ce produit. L’acte en question fut approuvé par Louis XV le 13 avril 1740 et enregistré à Québec le 21 novembre suivant[27].

Ce fief Saint-Étienne qui est l’augmentation de la seigneurie de Saint-Maurice doit son nom à Cugnet, comme aussi le fief Saint-Étienne de la rivière Chaudière, un peu au-dessus de la pointe Lévis.

Une ordonnance de Beauharnois et Hocquart, en date du 16 septembre 1737, fait défense aux ouvriers engagés en France pour travailler aux forges Saint-Maurice de laisser le service de cette compagnie sans la permission écrite du sieur Olivier de Vezain, directeur des dites forges, ou en son absence du sieur Simonnet. Ces ouvriers avaient été engagés en France l’année précédente par Simonnet et des avances leur avaient été faites. Le maître-fondeur venait de déserter, de là cette ordonnance.

Le 12 octobre 1737, l’intendant Hocquart annonce au ministre des colonies que le nouvel établissement est dans sa perfection en tant que les bâtisses sont concernées ; que le fourneau sera allumé le 15 du même mois, et que les harnois et l’outillage de la forge seront bientôt prêts à faire du fer. C’est alors que fut construite la grande maison de pierre — le château — qui subsiste encore, en un amas de ruine.

On écrit de Versailles le 29 avril 1738 que Duchesne, ouvrier entendu dans la fabrication des fers, passe en Canada pour s’y établir. On pourrait l’employer aux forges Saint-Maurice, suggère le ministre.

Le 6 mai 1738, le conseil de la marine et des colonies fait des observations sur le rapport qu’ont soumis MM. de Beauharnois et Hocquart concernant les forges. Il dit qu’on pourrait croire, tout d’abord, qu’il y a lieu d’être satisfait, mais un examen approfondi fait voir qu’il y a eu beaucoup de mauvaise économie et qu’on s’est mis fort peu en peine de ménager les fonds. Cela donne une impression très défavorable. Et ce qui est moins justifiable encore c’est qu’on a mis le roi dans la nécessité de faire de nouvelles avances. La somme convenue avec le sieur de Francheville n’était que de dix mille francs ; on l’a portée à cent mille pour la nouvelle compagnie, et voilà qu’une nouvelle avance de quatre-vingt-deux mille six cent quarante-deux francs devient nécessaire. Elle sera accordée, mais il faut stipuler que le remboursement pourra être exigé partie en fer partie en argent. Deux des barres de fer qui ont été essayées se trouvent de la qualité dite « fer de roche » qui est un peu inférieure à celle de Berry ; la troisième est égale en qualité à ce dernier fer. Il sera inutile de proposer d’autres avances.

Le président du conseil de la marine et des colonies écrit à Beauharnois, le 13 mai 1738, que la compagnie des forges du Canada s’étant engagée de livrer en 1739 quatre cent milliers de fer pour les arsenaux de la marine, à dix francs par millier au-dessous du prix de France, il faudrait envoyer les spécifications de ce dont on a besoin en ce genre. Il ajoute que l’usine de Saint-Maurice ne fabrique pas encore les fers de fonderie, ni les fers ronds.

Pour se conformer à l’arrêt du roi du 22 avril 1737, Louis-Jean-Baptiste Fafard de Laframboise, substitut du procureur du roi aux Trois-Rivières, « tenant le siège rue Saint-Pierre », et Olivier de Vezain « intéressé et directeur préposé à la conduite des Forges », ont requis le greffier Pressé de se transporter aux Forges, et le dit Pressé étant arrivé aux Forges le 7 octobre 1738, il lui fut déclaré par Jean-Baptiste Délorme, maître-fondeur, que le feu avait été mis au fourneau le 20 août précédent, entre onze heures et midi. Sur ce, Pressé, greffier et notaire, retourne aux Trois-Rivières et dresse le même jour un acte constatant la date de l’allumage du fourneau, pour que le tout soit porté à la connaissance du roi et de son conseil[28]

Le roi ayant envoyé une commande pour obtenir des fers de divers genres, on répondit le 15 octobre 1738 que le martinet ou gros marteau n’était pas encore établi.

Le 22 avril 1738, Jacques Simonnet est parrain aux Trois-Rivières d’un enfant du baron Joannès, habitant du lieu, et on le qualifie de directeur des forges Saint-Maurice pour le roi. Le 17 novembre suivant, même lieu, il épouse dame Geneviève Boucher, veuve de Charles Hertel, écuyer, sieur de Chambly. Le registre de la paroisse dit : « Jacques Simonnet, écuyer, sieur de la Bergemont intéressé dans les forges Saint-Maurice, veuf de Marie Foissey et fils de Jean-Baptiste Simonnet, conseiller et secrétaire du roi et de dame Élisabeth Bériault, de la paroisse de Dompierre, diocèse de Langres ». Simonnet mourut aux Trois-Rivières en 1747.

Jean-Baptiste, fils de Jacques Simonnet, n’avait pas suivi son père en Canada. Il y a un ordre du 21 avril 1739, écrit à Versailles, qui accorde à ce garçon le passage « pour rejoindre son père. » Le 7 décembre 1739, aux Trois-Rivières, il est parrain d’Angélique, fille de Jean Aubry, des Forges. Il y a apparence qu’il était marié, car en 1742, il fit baptiser un fils aux Trois-Rivières.

Le 14 mars 1739, on lit l’acte suivant au registre de la paroisse des Trois-Rivières : « Sépulture d’un homme de Maskinongé vulgairement dit Lacharité (Laspron ?) qui misérablement fut hier écrasé aux forges Saint-Maurice sous une voûte de mine. »

Le président du conseil de la marine et des colonies écrit à MM. de Beauharnois et Hocquart, le 21 avril 1739, qu’il est fâché d’apprendre tous les contretemps survenus dans le travail des forges de Saint-Maurice, qui ne peuvent être attribués qu’à l’ignorance ou à la mauvaise foi du maître-fondeur, et qu’on a bien fait de le chasser. Il ne faut cependant pas lui imputer tout le mal. Il est surprenant que le sieur Olivier se soit encore trompé sur la quantité d’eau nécessaire pour faire fonctionner sans interruption les deux chaufferies. Le projet de faire conduire de nouvelles eaux au ruisseau Saint-Maurice serait trop dispendieux. Il semblerait plus simple de fixer la roue de la chaufferie d’en bas de manière à la faire tourner par dessous.

Tout est conduit par les ordres venus de Versailles, comme si le roi était en possession des forges, mais c’est à cause des subventions en argent qu’il avait accordées à la compagnie Cugnet. Le maître-fondeur chassé me paraît avoir été remplacé en 1738 par Jean-Baptiste Délorme qui était un excellent ouvrier et qui resta en charge par la suite.

Le 1er  mai 1739, le roi dit que Levasseur passe au Canada avec sa famille dans le but de diriger la construction d’un navire pour le compte du roi. Il emploiera le fer du Saint-Maurice. Le roi approuve le parti que MM. de Beauharnois et Hocquart ont pris d’empêcher l’exploitation de fer que l’abbé Lepage a commencée dans la seigneurie de Terrebonne, car il faut au moins attendre que l’entreprise du Saint-Maurice ait parfaitement réussi.

Plan des Forges Saint-Maurice et des Trois-Rivières, montrant les veines de mine qui se rencontrent aux environs ; fait en 1738, date où le roi fit exécuter les grands travaux.

Dans son Cours d’histoire du Canada[29], M. l’abbé Ferland dit que, en 1739, une seconde forge fut construite près de la première à Saint-Maurice. « Cette addition fut faite sur les représentations du sieur de Léry qui avait fait remarquer à M. Hocquart qu’on avait bâti une maison tropbelle pour les employés des forges ; qu’une seule forge ne suffirait pas pour employer leurs hommes. Les associés en construisirent une seconde qui les mit en état de fabriquer six cent mille livres de fer par année. Comme la mine et le bois étaient en abondance dans le voisinage des forges, les dépenses journalières ne s’élevaient guère au-dessus de cent vingt-cinq francs par jour, tandis que les revenus étaient considérables, car ils vendaient le fer de vingt à vingt-un francs le cent livres. »[30]

J’ai vu, en 1869, aux forges Saint-Maurice, une grande balance portant l’inscription que voici : « 17… Cugnet et Compagnie ». Cette pièce doit être de 1740 ou à peu près car dès 1743, Cugnet n’était plus des Forges.


IX
LES FAMILLES DES FORGES, 1737-1740

Les travaux des Forges ayant été commencés par des Canadiens qui s’étaient improvisés fondeurs, marteleurs, charbonniers, etc., il fallut faire venir de France des gens du métier, comme nous l’avons vu dans les chapitres précédents. Il s’agit maintenant de nous faire connaître ces ouvriers et je dois mentionner ici M. Émile Demaizière, receveur de l’enregistrement à Mâcon, Bourgogne, qui a fait des recherches sur les familles que je lui signalais. Le registre des Forges et ceux des Trois-Rivières m’ont servi de base. M. Demaizières a retrouvé les traces de toutes les familles que je lui ai mentionnées. Nous lui devons tous des remerciements.

Le 16 mai 1738 fut inhumé aux Trois-Rivières un homme des Forges appelé Antoine Petit, fils d’Antoine, marchand bourgeois à Dufresne, diocèse de Dijon, en Bourgogne. Il avait dû arriver en 1737, peut-être auparavant. L’endroit me paraît être Duesmes qui comptait en 1909 environ 260 habitants, canton d’Aiguay-le-Duc, arrondissement de Châtillon-sur-Seine, Côte d’Or, Bourgogne, ou Fresne plutôt, car en 1730 on parle des forges de cet endroit et c’est dans le même voisinage.

Pierre-François Michelin et sa femme Claire Filet, paraissent être arrivés de France en 1737, sinon avant cette date, avec leur fille Louise, âgée de quatre ou cinq ans. Le 20 janvier 1738, il est dit ouvrier aux Forges dans l’acte de baptême de leur fils, Pierre-Henri, dont le parrain fut Pierre-Henri Lalouette ou Lanouette et la marraine Aimée Godard. Je retrouve ce Lalouette en 1744 comme chauffeur aux Forges. Cette année-là aussi il y a le baptême de Nicolas, fils de Pierre-François Michelin[31] et de Claire Filet.

François Godard et sa femme Gabrielle Viard, de Rochefort, diocèse de Dijon, Bourgogne, étaient aux Forges en 1737 avec quatre enfants : Marie-Anne, qui épousa Michel Chaillé cette même année ; Anne, mariée avec Jean Dautel en 1739 ; François, qui épousa Marie Blais, d’Yamachiche, en 1743, et Claude, marié en 1750 avec Agathe Couturier dit Labonté. Il faut lire à présent : Rochefort-sur-Brevon, localité de 268 habitants (en 1909), canton d’Aiguay-le-Duc, arrondissement de Châtillon-sur-Seine, Côte d’Or. Il y avait et il y a encore des forges en ce lieu. François Godard était, en 1737, maître-marteleur aux forges Saint-Maurice.

Je suppose que Charles Godard, chauffeur aux Forges en 1748, et sa femme Ursule Alary, qui figurent au registre des Forges, sont venus avec François Godard en 1737. Je ne vois pas qu’ils aient eu des enfants.

Jean Dautel, fils de Jean-Claude et d’Anne Gravelon, paroisse Sainte-Sienne, diocèse de Dijon, Bourgogne, maître-chauffeur aux Forges, épouse, le 2 mai 1739, Anne, fille de François Godard, maître-marteleur aux Forges. Sont présents : N. Champagne, Pierre Marchand et le frère Augustin Quintal, récollet, qui célèbre le mariage. Il y a dans l’arrondissement de Dijon à présent, Sainte-Sienne, sans aucune personne du nom de Dautel, mais non loin de là on rencontre Sainte-Sienne-sur-Vingeanne où vivent plusieurs familles d’Autel ou Dautel. De 1740 à 1758, notre Jean Dautel et sa femme font baptiser sept filles et trois garçons. Je vois aussi en 1743 Nicolas Dautel au registre des Forges[32].

Michel Chaillé, né en Canada, marié aux Trois-Rivières en 1737, avec Marie-Anne, fille de François Godard, des Forges, était chauffeur dans cet établissement. En 1744, on le qualifie de marteleur. En 1751, un ouvrier des Forges se nommait Jean-François Chaillé et, cette même année, il épousa Suzanne Trotocheau, aussi des Forges. En 1754 fut inhumé Joseph Chaillé, âgé de quarante ans. C’est Jean-François ci-dessus et sa femme qui ont été assassinés à la Pointe-du-Lac, le 20 octobre 1779, par des soldats américains en maraude.

François Marquet dit Périgord, natif de Chapelle-Bousquet en Périgord, s’était marié à Québec en 1706. En 1731, ce ménage était aux Trois-Rivières. Cinq de leurs enfants figurent dans les forges Saint-Maurice à partir de 1737 où je rencontre Louise mariée à Pierre Deschenaux. En 1739, Catherine épouse Pierre Chaillot. De 1743 à 1747, Pierre Périgord travaille aux Forges. À la Pointe-du-Lac, en 1749, Louise Périgord est mariée à François Dufresne. En 1771, Alexis Marquet dit Périgord, né en 1731 aux Trois-Rivières, marié en 1758 avec Thérèse Lafontaine, a des terres à la banlieue des Trois-Rivières.

Pierre Chaillot, fils de François et de Claudine Graillard, de Suerre-sur-Saône, diocèse de Dijon, Bourgogne, épouse aux Trois-Rivières, le 20 avril 1739, Marie-Catherine Marquet dit Périgord, Canadienne. Il est dit ouvrier aux forges Saint-Maurice depuis quelque temps. Le frère Augustin Quintal célèbre cette union. Il y a la signature de Joseph Aubry comme témoin. Le 30 septembre 1742, en l’absence du frère Quintal, le frère Bernard Bullet fait l’inhumation du corps de Pierre Chaillot « dans le cimetière des Forges ». Il est dit âgé de vingt-huit à trente ans, faiseur de charbon, écrasé par un arbre dans sa cabane de charbonnier[33].

Pierre Hastain dit Marineau, né à Beauport, marié en 1731 avec Catherine-Gertrude Lecompte de la Vimaudière, née à Montréal, était forgeron et le 25 octobre 1737, à l’enterrement d’un de ses enfants aux Trois-Rivières, il est dit habitant (ouvrier) des Forges. Son frère Louis, marié en 1734 avec Geneviève Martin surnommée Ladouceur, était charretier aux Forges en 1737. Le 26 janvier 1738, il fait baptiser sa fille Françoise-Madeleine, aux Trois-Rivières. En 1748, ce dernier ménage était encore aux Forges.

Pierre Martin, dont l’origine ne nous est pas connue, s’était marié, vers 1732, avec Marie-Catherine Chaillé, née au Cap-Santé en 1710. Ce ménage s’établit aux forges Saint-Maurice avec deux enfants vers 1737 et y vécut longtemps.

Il y avait un nommé Lacombe qui louait de la fabrique des Trois-Rivières un emplacement dans la commune, en 1730. Je rencontre un Lacombe se mariant aux Forges avec une femme du nom de Lachance en 1744. Enfin, Marie Grenier et son mari Jean-Baptiste-Gabriel Lacombe figurent aux Forges de 1748 à 1758, sans que je sache rien de plus sur ces personnes.

Gabriel Desmaisons, né en 1707, fils de Joseph et de Madeleine Desroches, paroisse Saint-Séverin, au Poitou, était employé aux Forges. Le 15 avril 1737, à Bécancour, il épousa Isabelle Dehornay dit Laneuville. Ce ménage a laissé un garçon qui s’est marié à Bécancour en 1757. Desmaisons mourut hydropique le 20 février 1742 à Sainte-Anne-de-la-Pérade, sous les soins du docteur Phlem.

Jean-Baptiste Délorme dit Deslauriers, fils de Hubert et d’Étiennette Suenau (décédés avant 1737), de la paroisse de Tréchâteaux, diocèse de Dijon, en Bourgogne, arriva au commencement de l’été de 1738, selon les apparences, pour prendre la charge de maître-fondeur et il eut une carrière honorable dans son état, jouissant toujours de la considération de ses concitoyens. Trois-Châteaux ou mieux Tréchâteaux et non pas Préchâteaux, est à présent Tel-Châtel, paroisse de 905 habitants (en 1909), canton d’Is-sur-Telle, arrondissement de Dijon, Côte d’Or. Le 31 janvier 1739, aux Trois-Rivières, Jean-Baptiste Délorme épousa Charlotte-Monique, fille du défunt François Sauvage, officier des troupes, et de Françoise Mouet de Moras. François Sauvage était sergent, marié aux Trois-Rivières en 1716 et décédé dans cette ville en 1736. Il était très considéré.

Pierre Marchand, fils de Valentin et de Claudine Albrant (décédés avant 1738) paroisse de Pierjus, diocèse de Besançon, en Franche-Comté, arriva aussi en 1738 comme chauffeur des hauts-fourneaux, et fut, avec Délorme, l’ouvrier le plus notable des Forges. Aujourd’hui, Pierjus est réuni à la commune de Beaujeux sous le nom de Beaujeux-Pierrejux, canton de Fresnes-Saint-Maunnies, Haute-Saône, non loin de Seveux, d’où venait François Caisse mentionné ci-après. Le 13 novembre 1740, aux Trois-Rivières, il épousa Marie-Charlotte Sauvage, sœur de madame Jean-Baptiste Délorme mentionnée ci-dessus.

François Caisse dit Dragon, fils d’Étienne (décédé avant 1738) et de Michelle Mougin, paroisse de Saint-Feu, diocèse de Besançon, en Franche-Comté, arriva en 1738, comme maître-charron et fut avec Délorme et Marchand un ouvrier important des Forges. Le 16 octobre 1739, aux Trois-Rivières, il est parrain de François Beaupré. Sfeue ou Saint-Feu, ou mieux Seveux est un village de 729 habitants (en 1909) canton de Fresnes-Saint-Maunnies, Haute-Saône, encore aujourd’hui du diocèse de Besançon. Il y a là des forges d’une très grande importance. Ce n’est pas loin de Pierjus d’où venait Pierre Marchand. Le 20 novembre 1740, il épousa aux Trois-Rivières, Louise-Françoise Sauvage, sœur de mesdames Delorme et Marchand.

Joseph Aubry, fils d’Étienne et de Jeanne Fleuret, de la paroisse Saint-Brouin-les-Moines, diocèse de Dijon, en Bourgogne. On dit à présent Saint-Broingt-les-Moines, c’est une localité de 1,460 habitants (en 1909), commune du canton de Recey-sur-Ource, arrondissement de Châtillon-sur-Seine, Côte d’Or, chef-lieu, Dijon. J’ai une vue moderne de cet endroit. J’ai aussi l’acte de baptême d’un frère de ce Joseph Aubry sous la date de 1716, avec la signature du père Étienne. Joseph n’était pas marié lorsqu’il arriva aux Forges en 1738. Il épousa Josephte Chèvrefils en 1742.

Jean Aubry, natif de Châlons, diocèse de Langres, en Bourgogne, et sa femme étaient aux Forges en 1738. Elle se nommait Antoinette, née en 1700, fille de Nicolas Guéry et de Jeanne Pilois, du même Châlons. Ils amenaient trois enfants : Marguerite, Simon, Jacques. Marguerite épousa en 1751, à Yamachiche, Pierre Pineau ; Simon épousa en 1748, aux Trois-Rivières, Marie Beaudet ; Jacques épousa en 1749, aux Trois-Rivières, Antoinette Beaudet sœur de Marie. Jean Aubry avait la charge de maître-charbonnier, c’est-à-dire qu’il dirigeait la fabrication du charbon de bois pour les hauts-fourneaux. Châlons, lieu de sa naissance, n’a pas été identifié par les recherches que mon ami de Bourgogne a faites pour moi. Je pense que c’est Châtillon-sur-Seine, d’où venait Joseph Aubry. Au mariage de Simon, fils de Jean, on écrit Deschalons. Aubry mourut vers 1745.

Nicolas Chaput, de la Pointe-aux-Trembles de Montréal, eut un fils, Jean-Baptiste, né en 1706, qui se maria avec Nicole Guéry et ils eurent deux filles : Suzanne, qui épousa Antoine Hérard, aux Trois-Rivières, le 9 novembre 1738, et Denise mariée aux Trois-Rivières avec Jean-Nicolas Robichon, le 13 mai 1741. Je note que, au mariage de Suzanne, sa mère Nicole Guéry ou Guenin, ou Gueny, est dite native de la paroisse de Chalonée[34], diocèse de Langres. Il me paraît que la famille devait être aux Forges dès 1738. Le registre des Forges en 1746 et 1748 dit que Chaput y travaillait. Sa femme Nicole Guéry fut inhumée aux Trois-Rivières en 1749.

Nicolas Champagne, né vers 1704, fils de Nicolas et de Jeanne Buisson (Duisson, Luisson) paroisse de Dansevoir, diocèse de Langres, était au mariage de Jean Dautel, le 2 mai 1739, par conséquent il datait de 1738 au moins dans la colonie. On le qualifie de commis aux Forges. Il figure souvent comme parrain. Belle écriture. Dansevoir renferme de nos jours (1909) 761 habitants ; c’est une commune du canton d’Arc-en-Barrois, arrondissement de Chaumont, Haute-Marne. Langres (ancienne Champagne) est aussi dans la Haute-Marne. En 1746, il est contremaître aux Forges. L’année suivante, le 18 septembre, il épousa Élisabeth, fille de Maurice Bériau et de Catherine Boismenu, de la ville de Québec, mais cette famille demeure alors aux Forges. Mgr Tanguay[35] fait naître leur fille Élisabeth à Québec, le 11 mars 1751, mais c’est en 1750. Champagne avait été inhumé aux Trois-Rivières le 26 décembre 1749.

Édouard Hambleton, fils de Jean et de Judith Daul, de Dublin, Irlande, marié avec Esther Cook, veuve de Pierre Provost, de Londres, Angleterre, était maître-chauffeur aux Forges dès 1738 puisque le 23 avril 1739 ils font baptiser leur fils Claude-Édouard. Le parrain fut Claude Périchon et la marraine Anne Godard. Le 20 mars 1741 fut inhumé Nicolas qui était né la veille. Le 2 avril suivant on enterre Marie-Joseph, fils des mêmes mais dont l’âge n’est pas indiqué. Aux Trois-Rivières, le 4 novembre 1742, Hambleton se remaria avec Marguerite Duruau née dans cette ville en 1714. En 1743 et 1744, deux enfants de cette union naquirent et furent inhumés peu après. Le 19 août 1745 fut baptisé Pierre qui se maria au Détroit en 1773, avec Josette Petit. Claude-Édouard, né en 1739, nous échappe.

Le 29 avril 1738, le président du conseil de la marine et des colonies fait savoir à MM. de Beauharnois et Hocquart que le nommé Duchesne, ouvrier entendu dans la fabrication des fers, passe au Canada pour s’y établir et il conseille de l’employer à la compagnie des forges Saint-Maurice. Je n’ai aucune autre trace de cet homme.

Extrait du registre des baptêmes, mariages et sépultures de l’église et paroisse de Colmier-le-Haut, pour l’année 1712 : « L’an 1712, le 13 janvier, je sousigné, Maurice Séjournant, prêtre curé de Colmier-le-Haut, ai baptisé en l’église du dit lieu, Laurent Girardot, fils de Claude Girardot et de Jeanne Bourgeois, laboureurs (cultivateurs) à Préfontaine, né le 12. Son parrain a été Laurent Poullot fils de défunt François Poullot et de Marguerite Isselin, laboureurs, demeurant à Chambain, et sa marraine Étiennette Parny fille de Didier Parny et d’Anne Isselin, laboureurs à Préfontaine. Auquel baptême étaient présents Laurent Roy, recteur d’école, et François Clément, maréchal (ferrant ou vétérinaire) du dit lieu, qui ont signé avec nous. » Coulmier est dans le diocèse de Langres, Champagne. C’est (en 1909) une localité de 257 habitants, canton d’Auberive, arrondissement de Langres, Haute-Marne. Le nom de Girardot n’existe guère plus à Coulmier-le-Haut, mais on le retrouve en très grand nombre dans la vallée de l’Anjou et principalement dans les villages de Chameray, Rochetaillée et Saint-Loup de l’Anjou. Le 9 novembre 1738, Laurent Girardot épouse aux Trois-Rivières Anne Trotocheau, fille de Louis et d’Anne Raffay, des forges Saint-Maurice. Ce ménage a vécu aux Forges, et on voit les enfants aux Trois-Rivières, à la Pointe-du-Lac, ailleurs aussi.

Louis Tourtochaux (devenu Tertochau et Trotocheau) né en 1686, paroisse de Vaux, diocèse de Dijon, Bourgogne, était marié avec Anne Raffay. Ce ménage a dû arriver de France en 1737 ou 1738, avec trois enfants : Anne, Suzanne, Louis. Ce dernier devait être encore au berceau[36]. Vaux-Saules est un lieu de 527 habitants (en 1909), canton Sainte-Seine-l’Abbaye, arrondissement de Dijon. De 1700 à 1715 on y a trouvé, par les registres, un Claude Tortochaud et un Pierre Tortauchaud. À Francheville, non loin de là, il y avait des forges en 1701 et une famille Tortochaud. Ces localités sont dans la Côte d’Or. Le 25 septembre 1720, à Vaux, « fut baptisé Louis, fils de Jean Tourtochaux, « manouvrier » (qui travaille à la journée) demeurant à Cinq-Fonds, et de Françoise Guyot. » Il était né ce même jour et a eu pour parrain « Louis Baunis, laboureur à Cinq-Fonds et pour marraine Françoise Charmée, manouvrière à Chéneroilles, de la même paroisse, » déclarant ne savoir signer. (Signatures) Claude Tourteauchaux, Petitot, Tribolet, Duthu, Petitot, Derepas, prêtre. Ce Louis n’est pas le Louis qui vint au Canada.

Le 9 novembre 1738, aux Trois-Rivières, Anne, fille de Louis Trotocheau et d’Anne Raffay, « paroisse de Vaux diocèse de Dijon, à présent de la paroisse des Trois-Rivières », épouse Laurent Girardot des forges Saint-Maurice. Suzanne se maria à la Pointe-du-Lac, en 1751, avec Jean-François Chaillé[37], déjà mentionné ; elle et lui furent assassinés en 1779, en même temps que Louis Pothier, sa femme et leur fille, par des maraudeurs américains. Louis, qui a fondé la famille actuelle des Trotocheau, se maria aux Trois-Rivières en 1763, avec Françoise-Véronique Bourgoin, née dans cette place en 1740. Elle mourut l’année suivante et il épousa en 1766, à Nicolet, Louise Trudel, qui paraît être née en 1732 à Saint-Augustin, district de Québec. Quant à Louis, le père Trotocheau, il fut inhumé aux Trois-Rivières en 1763.

Pierre Hérard, fils de Vincent et de Catherine Dubaston, paroisse d’Aulnoy, diocèse de Langres, employé aux forges Saint-Maurice, épouse, le 9 novembre 1738, Suzanne, fille de Jean Chaput et de Nicole Guenin, ou Guéry, déjà mentionnés. Il est dit au registre que Nicole Guenin était de la paroisse de Chalonée (?) aussi du diocèse de Langues, ce que Mgr Tanguay ne connaît pas. Elle devait être parente de la femme de Jean Aubry qui se nommait Antoinette Guenin ou Guéry ou Gueny, et venait de Châlons, diocèse de Langres. Les Chaput étaient de la Pointe-aux-Trembles de Montréal. Suzanne était sœur de madame Jean-Nicolas Robichon, mentionnée plus loin. À Aulnoy-d’Arbot on n’a trouvé aucune trace du nom d’Hérard dans les registres de 1700 à 1740. C’est un canton d’Auberive dans la Haute-Marne. Il y a Ormoy-sur-Aufre, canton de Château-Villain, aussi Haute-Marne, dans le voisinage de Dansevoir, où l’on pourrait faire des recherches. De 1744 à 1758, Hérard et sa femme firent baptiser quatre enfants. Hérard étant décédé, sa veuve se remaria en 1759 avec Antoine Tara ou Thara, des Forges.

Pierre Labonne ou Labône, fils de Serbert et de Madeleine Berrousse ou Berton[38] paroisse Duchesne, diocèse de Moulin, en Bourbonnais, demeurant aux forges Saint-Maurice, épouse, le 27 juillet 1739, Madeleine de Nevers, fille de François et de Madeleine Piché, famille canadienne. Le frère Augustin Quintal, missionnaire des Forges, célébra le mariage en présence du sieur de Cressé, qui signe « Cressé » tout court. De 1740 à 1752, ce ménage a fait baptiser cinq enfants. Cressé, c’est Poulin déjà mentionné.

François de Nevers dit Boisvert, d’une famille de Sainte-Croix de Lotbinière, était marié avec Madeleine Piché dit Dupré, de la Pointe-aux-Trembles de Québec, et en 1739, ce ménage se trouvait aux Forges. Le 27 juillet de cette année, leur fille Madeleine épousa Pierre Labonne, aussi des Forges.

Louis-Michel Houde, natif de Lotbinière, était employé aux Forges. Le 7 avril 1739, il épousa à Bécancour, Geneviève Lemay. De 1740 à 1753 ils firent baptiser cinq enfants aux Trois-Rivières, Bécancour et Lotbinière. En 1760, Houde était veuf.

François-Bonaventure Grenier, né à Lotbinière en 1700, épousa en 1727 Marguerite de Nevers dit Boisvert, née au Canada. On trouve ce ménage aux forges Saint-Maurice de 1738 à 1751.

Pierre Dasylva dit Portugais, né à Québec en 1715, charretier aux Forges, est parrain en ce lieu, le 3 août 1738, de Pierre, « fils de Bonaventure Grenier et de Marguerite Nevers, habitants des Forges. » Le 12 janvier suivant, il épouse Ursule, fille de François Dupuis et de Marguerite Bayard dit Lamontagne[39].

Jean-Baptiste, fils de François Dupuis et de Marguerite Bayard dit Lamontagne, des Trois-Rivières, épousa dans cette ville, le 25 octobre 1739, Catherine, fille de Jean-François Constantineau et de Louise Mat, aussi des Trois-Rivières. Pierre Bouvet, témoin. Le frère Augustin Quintal célébra le mariage. Dupuis était charretier aux Forges, où il a toujours vécu par la suite, ainsi que son frère Antoine.

Antoine Dupuis, frère du précédent, était aussi employé aux Forges. Étant veuf, il se remaria aux Trois-Rivières le 10 septembre 1741, avec Ursule, fille de Pierre Alary, Canadien.

Brigitte-Exupère, sœur de ces deux Dupuis, épousa le 9 mai 1740, Élie Manceau dit Lajoie. En cette occasion, le registre donne à la mariée le surnom de Jolicœur.

Pierre Bouvet, né à Québec en 1715, épouse aux Trois-Rivières le 7 janvier 1741, Catherine Bériau dit Lamarche, d’une famille des Forges. Il était maître-taillandier aux Forges depuis 1738 au moins. En 1739, il signe au mariage de Jean-Baptiste Dupuis, des Forges. De 1741 à 1759, ce ménage fit baptiser sept enfants.

Pierre Alary, natif de Lotbinière, employé aux Forges, se maria en 1739 avec Marguerite Houde, de la paroisse de Saint-Nicolas, près Québec. Au registre de l’église des Trois-Rivières, sous la date du 25 mars 1740, est inscrit le baptême de Pierre, fils de Pierre Alary et de Marguerite Houde. La marraine est Angélique Houde. L’acte ajoute que la cérémonie a eu lieu dans la chapelle Saint-Maurice, c’est la première mention de cette chapelle.

Jean-Baptiste Bériau, né à Québec en 1712, se maria aux Trois-Rivières, le 8 février 1739, avec Catherine Picard. Il était forgeron aux forges Saint-Maurice. Sa sœur Élisabeth, née en 1726, à Québec, épousa Nicolas Champagne contremaître des Forges. Son autre sœur Catherine-Louise, née en 1722 à Québec, se maria avec Pierre Bouvet, maître-taillandier aux Forges. Leur frère Joseph-Marie, épousa Josephte Beaudry en 1748. Tous ces mariages furent célébrés aux Trois-Rivières et aux Forges.

Simon Boin ou Bouin dit Dufresne, né à Lorette en 1717, marié aux Trois-Rivières le 8 février 1739 avec Catherine Pineau dit Laperle, Canadienne, paraît avoir été occupé aux Forges en 1738. Vers 1749, on le retrouve à la Pointe-du-Lac.

François-Pierre Beaupré, fils de Philippe et de Judith Saunier, paroisse Sainte-Croix, ville de Metz, en Lorraine, s’était marié à Québec en 1725 avec Thérèse Mercier et en 1738 ce ménage est aux Forges avec cinq enfants. Beaupré est maître-serrurier. Le 16 octobre 1739, ils font baptiser leur sixième enfant dont le parrain est François Caisse déjà mentionné. Quatre jours après, au registre de la paroisse des Trois-Rivières on voit l’acte de sépulture de « Pierre Beaupré, maître-serrurier des Forges, frappé hier d’un coup mortel qui lui a cependant laissé le temps de recevoir l’absolution et le sacrement de l’Extrême-Onction. »

Le 23 novembre suivant, la cour de justice étant assemblée se composait de Louis-Jean Poulin sieur de Courval (il signe Courval) seigneur de Nicolet, conseiller du roi, juge-en-chef du gouvernement des Trois-Rivières ; Louis-Joseph Godefroy de Tonnancour agissant comme procureur du roi ; Jean-Baptiste Fafard de la Framboise, substitut du procureur du roi. Le sieur Simonnet Lefebvre accuse Jean Brissard dit Saint-Jean, soldat de la compagnie de Cournoyer, d’avoir tué le nommé Beaupré et, comme on ne pouvait s’assurer de la personne du coupable, la sentence porte qu’il est condamné à être pendu en effigie et jeté à la voirie. Le sieur Alexis Fafard de Francheville appelle de ce jugement devant le Conseil supérieur de Québec. Le 23 janvier 1741, à Québec, la veuve Beaupré épousait Marc Lelièvre.

Sylvain Chabanac dit Berry, soldat de la compagnie de Longueuil, fils de Pierre et de Marie Guérinne, paroisse de Monay, diocèse de Bourges en Berry, « dans l’ancienne France », épouse aux Trois-Rivières, le 24 août 1739, Geneviève Dehornay dit Laneuville, native de Sainte-Croix de Lotbinière et « les deux époux habitent les Forges, » ajoute le frère Augustin Quintal qui célèbre le mariage. Je n’ai pas pu faire identifier l’endroit appelé ci-dessus Monay, par un ami de cette région de la France qui a vainement fait des recherches à ce sujet. En 1760, la veuve de Chabanac (pas d’enfant) se remarie avec Jean Lisieux, venu de l’Angoumois et qui demeurait aux Trois-Rivières depuis 1726.

Élie Manceau ou Moussin ou Limousin dit Lajoie, né en 1715, fils de Pierre et de Madeleine Hibout ou Héliot, de la paroisse Saint-Surin de Bordeaux, était soldat dans les troupes de la colonie. Le 9 mai 1740, aux Trois-Rivières, il épousa Brigitte-Exupère Dupuis dont les deux frères demeuraient avec elle aux Forges. Lajoie, comme on le nommait le plus souvent, était employé aux Forges. Sa descendance existe encore.

Jean Mantenet, natif de Nesle, diocèse de Langres en Champagne, était fils de Jean et de Blaise Baquet. Aujourd’hui c’est Nesle-et-Massoult, une localité de 404 habitants en 1909, canton de Laignes, arrondissement de Châtillon-sur-Seine, Côte d’Or. On a constaté que vers 1730 il y avait des familles Mantenet à Nesle. Mantenet était employé aux forges Saint-Maurice en 1738 ou même en 1737. Le 12 janvier 1739, il épousa Madeleine-Françoise Béchard à Bécancour. De 1740 à 1753, ce ménage fit baptiser huit enfants.

Au baptême d’Angélique, fille de Jean Aubry et de Antoinette Guéry, des Forges, le 7 décembre 1739, la marraine est demoiselle Angélique Perrault et le parrain Jean-Baptiste Simonnet, lesquels signent avec le Frère Augustin Quintal « missionnaire des Forges. » Cette marraine, née à Québec en 1724, était fille de François Perrault et de Suzanne Pagé de Carcy (décédée à Québec en 1733). Ses frères et sœurs, au nombre de six, vivaient peut-être à Québec ; en tous cas, le père François, marchand forain, se tenait dans la région des Trois-Rivières.

François Thomas dit Tranchemontagne, né en 1706, fils de François et de Catherine Ribard, du diocèse de Rouen, Normandie, était sergent de la garnison des Trois-Rivières lorsque, en 1734, il épousa Madeleine-Catherine, fille des défunts Aubin Maudoux et Madeleine Provencher de Saint-François-du-Lac. La mariée demeurait au Cap-de-la-Madeleine où eut lieu le mariage. En 1740, ce ménage était aux Forges où Thomas travaillait à la fabrication du charbon de bois. Il signe nettement sur un témoignage en 1757 : François Thomas[40]. Son fils François, né aux Trois-Rivières en 1735, s’établit à l’île Dupas après son mariage avec Pétronille Le Boulanger dit Saint-Pierre et de lui sont descendus les Tranchemontagne de Berthier.

Ignace Adam (signait Adam tout court) était le petit-fils de Jean, notaire à la côte de Lauzon, et fils de Jean-Baptiste, de Batiscan. On le voit aux Forges en octobre 1740, avec sa femme Françoise Baribault dit Beaupré. Ils s’étaient mariés à Batiscan en 1736 et en 1749 on les retrouve à Batiscan.

Nicolas Mergé, que je vois aux Trois-Rivières en 1741, puis chauffeur aux Forges en 1744, m’échappe après cette dernière date.

Jean-Nicolas Robichon, né le 2 août 1714 (pas 1700) à Edreville, fut baptisé de suite à Xerigny, près de là. C’est dans la Côte d’Or, Bourgogne. Le père de l’enfant se nommait Nicolas et la mère Marie Dubois. Parrain : Jean Valantin ; marraine, Marie Maçon, tous deux de Saint-Mouzé, localité voisine où la famille Robichon demeurait plus tard, vers 1737. Jean-Nicolas était marteleur aux forges de Courtinon, dans le voisinage de Saint-Mouzé, en 1738. Le 2 janvier 1740, il s’engagea au sieur Olivier de Vezain pour trois années et le service de deux forges au Canada, à raison de mille francs par an. Après ces trois ans, lui et sa mère auront leur passage gratuit pour rentrer en France.

Dans le cours de cette année 1740, Jean-Nicolas et sa mère sont aux forges Saint-Maurice. Le 13 mai, il épouse Denise Chaput, Canadienne, dont la famille est déjà mentionnée ici. Ils ont élevé six ou sept enfants.

La population du Canada venait de l’ouest de la France, et surtout de la partie agricole de ces contrées. Les ouvriers des Forges se sont recrutés dans l’ouest de la France, uniquement dans les hameaux qui entouraient les mines de fer et les usines métallurgiques. C’est le fer en grain qui est le plus répandu dans le sol de la Bourgogne, comme autour des Trois-Rivières. Les forges de Bourgogne et Franche-Comté forment un groupe industriel très ancien, mais les méthodes qu’on y suivait en 1730 ne dataient guère de plus de cinquante ans ; elles provenaient de la Suède où Colbert avait envoyé des ouvriers pour les initier aux pratiques des Suédois réputés les plus experts dans la fonderie, le martelage du fer. Courtépée dans sa Description du duché de Bourgogne, parle des forges de ce pays en 1777 :

« Dans les environs de Châtillon-sur-Seine, il y a celles de Vauvey, Villote, Chameçon, Rochefort, Ampilly, Voulain, Essarois, Vucolles, Liguerolles, Gurgy, Cour-l’Évêque, Sainte-Colombe, etc… » « Les fers qui sortent de ces forges sont presque d’une même essence, de qualité aigre, excepté celles de Chameçon et de Rochefort, dont les fers sont bons et fort doux. Celui de Liguerolles, Gurgy et Villote est plus dur et plus cassant. Les forges de Villars et de Marcy donnent des fers de la meilleure qualité et passent pour les premiers de la Bourgogne. Les forges de l’Abergemont, Moloy, Courtinon, Compasseur, Villecomte, Diénay, sont aussi en réputation de fer fin. Elles ont assez d’afflouage et de bois, excepté celle de l’Abergemont et de Diénay qui n’ont que le cours d’eau, mais elles consomment les mêmes qualités de mines que les autres et ne manquent pas de bois, étant à portée d’acheter ceux qui les avoisinent en quantité.

« La forge de Pelleray, à deux lieues de Sainte-Seine, fournit d’assez bons fers, mais il y a peu de bois et les mines sont trop éloignées ; on en vient souvent prendre jusqu’au Val-Suzon. L’on fabrique de bons fers marchand et fonderie en quantité dans la forge de Tréchâteaux, qui dépend de la direction de Dijon, quoique située dans la généralité de Champagne. On y peut fabriquer quatre cent milliers de fer par an, sans chômage, de même qu’à Marcy, Moloy, Villecomte, Courtinon, Compasseur et Buffon. Toutes les autres donnent moitié moins, excepté celles du Charollais, dans chacune desquelles on peut faire trois cents milliers de fer par an sans accident. »

Tarsul, c’est Courtinon et aussi Compresseur : Tarsul ou Compasseur. Diénay annexe de Villecomte sur l’Ignon. Depuis Pelleray jusqu’à Diénay, plusieurs forges et fourneaux sur l’Ignon, qui tombe dans la Telle à Tréchâteaux qui est « une belle forge ». Marcy est sur la Telle. Dansevoir est voisin des forges d’Arc-en-Barrois. Pelleray sur l’Ignon était en activité avant 1687. Quant à Bèze, on parlait de ses forges en 1435 et en 1619. Celles de Fontenelle furent construites en 1629 et en 1658.

Les forges de Lenglay, canton de Recey, furent établies à Froidvent en 1508. Elles appartiennent aux Chartreux. Montigny-sur-Aube posséda des forges en 1202 ; celles de Gissez-sur-Ouche datent de 1211, 1413 et 1601.


X

LE FIEF SAINT-ÉTIENNE EST AJOUTÉ AU DOMAINE DES FORGES. — DIFFICULTÉS FINANCIÈRES DE CUGNET. — LES FORGES SONT MAL ADMINISTRÉES. — FIN DE LA COMPAGNIE CUGNET. — 1740-1742.

Par des actes des 6 et 13 avril 1740, le roi confirme l’acte du 12 septembre 1737 qui accorde à « la compagnie des forges de fer du Canada » une étendue de terre additionnelle de deux lieues de largeur sur trois lieues de profondeur appelée le fief Saint-Étienne et des terres qui sont au nord-ouest depuis ce fief Saint-Étienne à prendre, le front, sur la rivière des Trois-Rivières en remontant jusqu’à une lieue au-dessus du saut de la Gabelle sur deux lieues de profondeur, pour être le dit fief Saint-Étienne et les terres qui sont au-dessus incorporé au fief Saint-Maurice.

En même temps le roi en conseil décide que la réclamation soumise par les fermiers du domaine d’Occident en Canada contre Cugnet n’est pas applicable aux forges Saint-Maurice. Cugnet[41], agent des fermiers en question, se voit dans l’impossibilité de régler ses comptes avec eux mais cela n’affecte nullement les forges qui sont une toute autre affaire quoique le sieur Cugnet y soit intéressé. De plus, ajoute le président du Conseil, le roi est le principal créancier de la compagnie des forges et, à ce titre, devrait être remboursé le premier s’il y avait prise contre les dites forges.

Aux mêmes dates d’avril et encore en mai suivant, on écrit de Versailles qu’il est accordé à la compagnie des Forges un nouveau délai de quatre ans pour le remboursement des avances faites par le roi et que les fers des forges qui seront employés au service public seront vendus au roi à une réduction de dix pour cent sur le prix de France.

Une note de Versailles montre qu’on avait engagé des ouvriers dans le royaume pour les forges Saint-Maurice. C’est du 2 mai. Le même jour, on fait savoir au gouverneur Beauharnois que le Conseil a reçu le rapport concernant les travaux du sieur de Léry, ingénieur, dans la construction des édifices des forges. Dix jours plus tard, le Conseil se plaint de ce que cet établissement marche mal et il ajoute que le frère du sieur Olivier, directeur des forges, va partir pour le Canada.

Le 29 mai on donne avis au sieur Olivier de Vezain qu’il est impossible de procurer à sa compagnie l’exemption des droits de marque de fers pour les produits qu’elle enverra en France.

Cugnet, malgré ses talents, courait trop de lièvres à la fois, ce qui l’obligeait à négliger les forges. Ses associés ne pouvaient le suppléer et encore moins prendre sa place. Le fait que le souverain aidait de ses deniers, sous forme de prêt, l’entreprise des fers du Canada nous étonne puisque le principe colonial, entendu selon le sens français de ce temps, voulait dire : la colonie pour le bénéfice de la France et cela uniquement. On ne nous permettait ni commerce ni fabrique afin de ne pas gêner le royaume. À qui donc attribuer l’influence qui amena le roi et son conseil à assister Poulin-Francheville, puis la société Cugnet ? Je dirai : Beauharnois et Hocquart en attendant que l’on connaisse le dessous des cartes, si jamais on le découvre. Le cas est à peu près unique dans notre histoire, en tant que faveur du roi, mais de la part du gouverneur et de l’intendant, ici nommés, c’est autre chose : ils étaient des hommes de 1840 ces vivants de 1740, et si on leur avait laissé les mains libres, nous savons par leurs écrits quel Canada progressif nous aurions eu en peu d’années.

Le 7 septembre 1740, Hocquart donne instruction au sieur de Boisclerc, un fonctionnaire connu, d’aller avec Cressé, Simonnet fils et Déry visiter la minière de la Pointe-du-Lac. Il est fait mention d’une forge haute et d’une forge basse aux Forges qu’il faudra examiner et sur ce point ou d’autres le sieur Perrault fournira des renseignements[42].

Notons que le 21 novembre au Conseil Supérieur de Québec furent enregistrés les documents du mois d’avril concernant le fief Saint-Étienne. Cette année 1740, sont établis aux Forges Jacques Laviolette et sa femme Marguerite Duverger, de la Pointe-Lévis.

Le 3 février 1741, aux Forges, Michel Lemay, né en 1689 au Cap-Santé, et sa femme, Geneviève Marotte (Marot) née en 1701 à la Pointe-aux-Trembles de Québec, font baptiser Charlotte, née à Bécancour. C’était un ménage de Lotbinière qui avait séjourné à Bécancour. Ils avaient quatre enfants dont l’aîné était d’avant 1730.

Le 12 mai 1741 on promulgue aux Forges une défense de payer les ouvriers en marchandises. Cette année, la compagnie des Forges demande à être mise en possession d’un terrain qui se trouvait compris dans les limites de la seigneurie du Cap-de-la-Madeleine, c’est-à-dire sur la rive gauche du Saint-Maurice en arrière du Cap où étaient les habitants.

Le président du Conseil pour les colonies écrivait à Hocquart le 12 mai 1741 qu’il y avait tout lieu de craindre que les Forges ne répondent pas aux espérances qu’on en avait conçues. Ce n’est pourtant pas que l’entreprise ne soit point bonne en elle-même, mais les fonds y ont été dépensés inconsidérément. Le plus fâcheux est le risque qu’on court pour les avances que le roi a faites. Le roi ne peut entreprendre pour son compte une telle exploitation, car les difficultés de la régie la rendrait sûrement onéreuse, et il serait à peu près impossible de former une nouvelle compagnie après cet insuccès. En vue de cette catastrophe, il faut mûrir d’avance ce qu’il conviendra de faire quand elle se produira.

Avec l’année 1742 nous sommés dans la crise financière des Forges, mais avant que d’en parler voyons les affaires de Cugnet. Le ministre des colonies, voulant mettre ce particulier en état de rétablir son crédit, lui offre, pour la durée de neuf années, les fermes (monopoles) de Nipigon, Kaministiquia, Michipicoton et Témiscaming où il pourrait ramasser des pelleteries, à la charge de payer au roi la rente ordinaire de ces fermes et aussi les dettes des Forges, non pas d’un seul coup mais par versements. Quant au Nipigon, comme Ramesay occupe ce poste, il faudra attendre un an. Kaministiquia est vacant ; le profit ne rapportera que la rente au roi, à moins que ce poste ne soit occupé que par le même homme des trois autres. À Témiscaming il y a le sieur Déry qui paye 5,600 francs. Gatineau, des Trois-Rivières, à Michipicoton, et son bail durera encore trois ans ; il paye 3,750 francs. Tout ceci considéré, Cugnet refuse l’offre du ministre. En ce qui regarde le domaine de la ferme occidentale ou Canada, Cugnet lui doit 63,302 francs et il offre de l’acquitter sur le domaine de Tadoussac dont il a la ferme ou monopole depuis le 21 août 1737 et qui va jusqu’à 1746. Il demande que ce bail soit étendu jusqu’à 1755.

On voit ici le système colonial français. Le Canada ne comptait que par ses fourrures et uniquement pour le profit de la France. Mais ce commerce n’était pas libre puisqu’il était tout distribué en monopoles qui payaient rente au roi. Sur ces revenus, le trésor royal prenait de quoi rencontrer les petits salaires du gouverneur, de ses secrétaires, la solde des troupes entretenues dans la colonie, la construction et l’entretien des édifices publics, enfin les dépenses de l’administration. Les douanes rapportaient très peu vu que les habitants s’habillaient eux-mêmes de pied en cap. En réalité, la population agricole ne comptait pas dans ce calcul parce qu’elle ne rapportait rien au roi. Les industries publiques étant prohibées, pour ne pas nuire aux fabriques du royaume, il n’y avait rien à tirer de ce chef. Tout pour le castor. Pas la moindre considération pour les Canadiens. Une seule idée, étroite, pitoyable, oppressive. Hocquart et Beauharnois auraient bien voulu faire autrement, mais…

Cugnet, Simonnet père, de Vezain, Gamelin et Taschereau formaient la compagnie des Forges. Je n’y vois plus les noms de Poulin ou Francheville. En 1742, après le refus de Cugnet d’accepter les fermes de l’ouest — ou même auparavant — c’est Cugnet seul qui est poursuivi pour les dettes des Forges. Tout ce qu’il possède est saisi[43]. Il est loin de pouvoir satisfaire ses créanciers. On ne connaît aucun bien à ses associés.

Il est dû par Cugnet au Domaine
63,302 francs
à la Marine, & Colonies (farine)
5,704    —
à des marchands
71,035    —
aux ouvriers, etc.
7,349    —

Le 15 mars 1742, on dépose un état de compte et par sentence arbitrale du 1er  septembre on voit

que la compagnie des Forges devait
139,185 francs
sur les sommes dues aux marchands de France et de Québec, au moins
6,000    —
aux ouvriers, fournisseurs, porteurs de billets de Vezain, Perrault et Simonnet fils
7,349    —


wwwwTotal
152,534 francs

La compagnie étant divisée en vingt parts dont Cugnet en possédait quatre, il devait supporter 34,320 francs de la dette et Gamelin, Simonnet père, de Vezain et Taschereau le reste, soit 118,214 francs.

Tandis que tout cela se passait dans la colonie, le ministre écrivait, les 27 février et 27 avril 1742, que rien n’avait encore été déterminé sur les propositions de M. Hocquart pour assurer l’exploitation des forges. Afin de ne pas suspendre le travail, ce qui provoquerait la dispersion des ouvriers, M. Hocquart pourvoira aux approvisionnements strictement nécessaires pour le travail journalier seulement. Le ministre déclare que la situation des forges est fort embarrassante. Il ne voit que deux moyens d’en sortir : créer une nouvelle compagnie ou exploiter au nom du roi. Ceci est le grand mot lâché. Nous ne devons plus dire que le roi prit les Forges à son compte en 1737, non, il ne fit alors que prêter de l’argent, comme il avait fait envers Francheville seul. Il accorda deux ou trois autres secours du même genre à la compagnie Cugnet, puis, en avril 1742, le Conseil songea à sortir de l’impasse en absorbant l’entreprise au nom du roi. Pour le moment, il fallait attendre des nouvelles du Canada.

***

Le 9 décembre 1739 fut baptisée Angélique, fille de Jean Aubry et d’Antoinette Guéry, des Forges, déjà mentionnés. Aubry est maître-faiseur de charbon. Angélique se maria en 1757, aux Trois-Rivières, avec François Grenier.

Le 29 mai 1742, premier acte enregistré de la chapelle des Forges. C’est le baptême de Louis, fils de François de Nevers, déjà mentionné. Parrain : Pierre Marineau, déjà mentionné. Marraine : Marie Sauvage, femme de Marchand, déjà mentionnés ; elle signe avec le frère Augustin Quintal.

Le 17 juin 1742, aux Trois-Rivières, Joseph Aubry, des Forges, déjà mentionné, épouse Josephte, née à Montréal en 1717, fille de Louis Chèvrefils et de Geneviève Paillé. Les témoins sont Jean Aubry, trois frères de la mariée, Pierre Lalouette, chauffeur déjà mentionné et Jeoffroy, pas connu d’ailleurs. Le prêtre est Augustin Quintal.

Jean-Urbain Martel de Belleville, né à Québec en 1708, était aux Forges comme employé. Le 9 septembre 1742 il est présent à l’inhumation de Michel, enfant de Jean-François Robichon, avec le docteur Alavoine, des Trois-Rivières, et le frère Bernard Bullet, prêtre récollet, qui officie. De 1742 à 1747, et plus tard, Martel est aux Forges.

Cette année 1742, au registre des Forges, on voit les noms de Pierre Marchand, chauffeur, Périgord, Girardeau, Nicolas Champagne, commis, Nicolas Dautel.


XI

LE ROI PREND POSSESSION DES FORGES. — LA FAMILLE POULIN. — CHAPELLE DES FORGES. — MENTION DE DIVERSES PERSONNES. — ON COULE DES BOMBES (BOUILLOIRES), DES CANONS, DES MORTIERS ; ON FAIT DU FER EN BARRES, AUSSI DE L’ACIER. 1743-1748.

Par un arrêt du 1er  mai 1743, le roi réunit les Forges et les terres y appartenant (Saint-Maurice et Saint-Étienne) au domaine et propriétés de la couronne, prenant en main et pour son compte l’exploitation des mines et des usines, de la même manière que le tout avait appartenu à la deuxième compagnie (Cugnet) après la vente à elle faite par Pierre Poulin et autres, le 15 octobre 1736, y compris l’obligation de payer à Poulin trois cents francs de rente annuelle si on ne lui rembourse le principal qui est de six mille francs — ce qui met l’intérêt à cinq pour cent.

Cet arrêt a dû parvenir à Québec vers la fin du mois de juin 1743. Dès lors tout passa à l’autorité royale. Cugnet, de Vezain, Simonnet, Taschereau et Gamelin s’effacèrent. Gilles Pommereau, des Trois-Rivières, agissait comme trésorier-payeur. C’est lui qui paya la rente aux héritiers Poulin, de 1743 à 1764. D’après ce que j’ai vu on oublia de signifier officiellement à Cugnet la décision royale du 1er  mai 1743, mais il en connaissait la teneur — et le 23 février 1744, on lui communiqua cet arrêt selon les formes.

L’exploitation devait comprendre désormais les mines du Cap-de-la-Madeleine et d’Yamachiche. Isaac Weld, qui visita les Forges en 1796, se fit expliquer bien des choses. Il dit : « On avait découvert une mine aux Trois-Rivières à la surface de la terre et de la plus grande abondance. On n’y fit d’abord que des travaux faibles et mal dirigés. Un maître-de-forge, arrivé d’Europe en 1739, les augmenta, les perfectionna. La colonie ne connut plus d’autres fers. On exporta même quelques essais, mais on s’arrêta là. Cette négligence était d’autant plus funeste qu’à cette époque on avait pris la résolution de former une marine dans le Canada. Le flottage des bois pour la construction des navires était facile par le fleuve et les nombreuses rivières qui s’y jettent. La cour fit bâtir à Québec des ateliers pour cet objet, mais les travaux tombèrent aux mains de personnes qui n’avaient que leurs intérêts particuliers en vue et rien ne prospéra. Les choses étaient ainsi en 1747. »

Si Weld ne se trompe pas, la période de 1743 à 1747 sous le régime du roi n’aurait guère valu mieux que celle de Cugnet de 1737 à 1742[44].

Voici des notes sur la famille Poulin qui trouvent leur place à la date où nous sommes arrivés : le 26 avril 1736, le roi nomme Courval-Nicolet exempt ou expert de la maréchaussée du Canada, poste rendu vacant par le décès de François (?) Foucault. Ce Courval-Nicolet devait être fils de J.-B. Poulin et de Louise Cressé.

Au mois d’avril, à Versailles, une note est écrite disant que Poulin de Courval, procureur du roi aux Trois-Rivières, néglige de payer 22,354 francs qu’il doit à Gendron, jeune marchand de Paris, pour achat de marchandises. Celui-ci était Louis-Jean, fils de J.-B. Poulin et de Louise Cressé. Une note officielle du 21 avril 1739 porte que, en sa qualité de procureur du roi, il est à présumer que Poulin de Courval a acquis des connaissances légales et qu’on doit le choisir pour la charge de juge des Trois-Rivières, laissée vacante par la mort de Godefroy de Tonnancour. En effet, nous le voyons en 1740 « lieutenant-général », soit juge en chef du district. Il était seigneur de Nicolet et conseiller du roi.

En 1741, je rencontre Cressé-Courval et sa femme Anne Lefebvre. Celui-ci est Claude, frère du précédent. En 1739, au mariage de Labonne, des Forges, il y a la signature de « Cressé », et en 1744 « C. Cressé ». Ensuite, même année : « Cressé maître et directeur des forges. » C’est le seigneur de Nicolet.

Au registre des Forges, en 1744, il y a Bernardin de Gannes, missionnaire, puis Denis Baron, prêtre missionnaire, en l’absence du Père Bernardin. Le 7 août, le frère Clément Lefebvre signa pour la première fois comme exerçant les fonctions curiales. Il s’agit du baptême de Louise, née de parents algonquins. On baptisa « dans la chapelle des Forges. » Je pense que cette chapelle avait été construite en même temps que d’autres édifices par Chaussegros de Léry en 1737. Dès le 20 avril 1739 le frère Augustin Quintal la mentionne ; et encore, le 25 mars 1740, le baptême de Pierre Alary a lieu « dans la chapelle de Saint-Maurice. »[45]

Même registre, année 1744, il y a Lacombe et sa femme Lachance, Michel Chaillé, marteleur, de Belleville, employé, Godard, Blais, Bériau, forgerons ; Marguerite de Vieux-Pont, Champagne, J.-B. Brassard, commis ; François Chevalier, François de Nevers, Marie Dubeau veuve Cardinal, Jean Grondin et sa femme Geneviève Ouellette, Pierre Michelin et sa femme Claire Filet. Cardinal et Marie Dubeau me sont inconnus. Chevalier pareillement. Grondin et sa femme, de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, étaient établis aux Forges en 1743 et y demeurèrent constamment par la suite.

Marie Bélisle, qui était aux Forges en 1743, devait être parente ou la femme de « maître Bélisle », engagé par Poulin de Francheville en 1732 ; Bélisle est mentionné aux Forges en 1748 et 1749 ; il était marié avec Anne Messier.

En 1745, je vois le nom de « De Louche » au registre des Forges. C’est Pierre Delouche, né à Québec en 1720 et fait prêtre récollet en 1743. En 1747, le frère Clément Lefebvre reparaît, puis en 1748, Barnabé Cordier, Lefebvre, Valérien Gaufin, Luc Hendrix.

Jean-André Dumas, boulanger, né en 1718 à l’île d’Orléans, marié à Québec en 1740 avec Geneviève Chabot, et leur fils Joseph arrivèrent aux Forges en 1744 et y demeurèrent quatre années, après quoi ils allèrent à l’île d’Orléans.

En 1745, au registre de la chapelle des Forges il y a, le 7 mai, l’acte de sépulture de Joseph, fils de Joseph Aubry et de Josephte Chèvrefils, âgé de deux ans et six jours, inhumé avec permission, aux Trois-Rivières[46].

Le 2 février 1745, J.-B. Dupuis fait baptiser des jumelles. Les noms suivants sont au registre de la chapelle des Forges : Pierre Bouvet, maître-taillandier, J.-B. Brossard, commis du sieur Perrault, Joseph Aubry, maître-charbonnier.

Au registre des Trois-Rivières en 1745, on voit l’acte de sépulture de François Perrault, négociant, âgé de soixante-sept ans, inhumé dans le cimetière des pauvres. Cela ne veut pas dire qu’il était ruiné de fortune, car ses fils étaient dans une situation fort à l’aise. Nous les trouverons aux Forges.

Aux Trois-Rivières, le 10 août 1745, Julien Duval, né en 1695, fils de Nicolas et de Jeanne Degoie, paroisse Saint-Germain, diocèse d’Angers, en Anjou, épousa Antoinette Guéry, veuve de Jean Aubry, des Forges. Ce ménage vécut à la Pointe-du-Lac, où ces deux personnes moururent en janvier 1750. Pas de descendance.

Jean-Baptiste Morier, né à Sainte-Foy, près Québec, en 1717, marié à Québec en 1738 avec Marie-Anne Lamothe dit Laramée, était charretier aux Forges en 1745 et jusqu’à 1758 au moins.

En 1745, Pierre Mercier, serrurier, est aux Forges. Était-il parent de Thérèse Mercier, mariée avec François-Pierre Beaupré qui fut tué aux Forges en 1739 ?

Le lundi, 20 décembre 1745, au tribunal des Trois-Rivières, est entendue la cause d’Étienne Cantenet, sableur aux forges Saint-Maurice, accusé d’avoir tué Pierre Guyon Goujot, aux Forges, et vu que le meurtrier se dérobe à la justice, on le condamne à être pendu en effigie. Parmi les juges il y a Rouillard Saint-Cyr, juge prévôt de Batiscan, et François Le Boulanger Saint-Pierre, procureur-fiscal de la seigneurie du Cap-de-la-Madeleine. La signature de « Caron, greffier » termine la pièce, ce qui veut dire Joseph Caron, notaire, huissier du Conseil Supérieur, demeurant à Québec avant 1744 où il devint greffier des Trois-Rivières.

Au registre des Forges, en 1746, il y a J.-B. Délorme, maître-fondeur, Pierre Dasylva, charretier ; Nicolas Chaput, Nicolas Champagne, contremaître. En 1747, Pierre Marquet dit Périgord, ouvrier ; Jean Dumas, boulanger ; Pierre Labonne, employé ; Jacques Perrault, « négociant aux Forges ». Le 16 octobre, Jean Pigeon, charretier, meurt subitement sur le « premier coteau en s’en retournant de la ville. » On voit mentionné Joseph Gouvernet, maître-bombardier. Je suppose qu’il coulait les « bouilloires » rondes portant un goulot très court qui étaient en usage partout alors comme à présent.

Le 18 septembre, Nicolas Champagne épouse Élisabeth, sœur de J.-B. Bériau, forgeron aux Forges, en présence de Martel de Belleville, de Cressé, directeur des Forges, des sieurs Cugnet, fils ; Claude et J.-B. Cressé, fils ; J.-B. Perrault, Hertel, Cournoyer, J.-B. Bériau, frères de la mariée, Pierre Bouvet, son beau-frère. Champagne signe d’une écriture mal assurée. Martel devait remplacer Jacques Simonnet enterré le 21 mai précédent aux Trois-Rivières.

Jean-Urbain Martel de Belleville ci-dessus se maria à Québec, cette année 1747 avec Élisabeth Gatin qui mourut bientôt après. Le registre des Forges le note « employé par le roi. »

De François Perrault et de Suzanne Pagé étaient nés à Québec, Jacques, Jean-Baptiste et Louis-François que nous voyons tous trois aux Forges, comme marchands, à partir de 1746. Jacques, l’aîné, se maria à Québec en 1749 avec Charlotte Boucher de Boucherville.

En 1748, le registre des Forges nous donne les noms de J.-B. Dupuis, charretier, et de sa femme Catherine Constantineau, Charles Godard, chauffeur ; Madeleine Lamontagne (Bayard), Antoine Dupuis et sa femme Ursule Alary, Joseph Gouvernet, maître-bombardier ; Jean Dumont, boulanger, et sa femme Geneviève Chabot ; Cressé seigneur de Nicolet et directeur des Forges ; Élie Hérard et sa femme Suzanne Chaput ; J.-B. Perrault, négociant ; Pierre Portugais dit Dasylva, charretier, et sa femme Ursule Dupuis ; maître Pierre Bouvet et sa femme Catherine Bériau ; Louis Hostain dit Marineau, charretier, et sa femme Geneviève Ladouceur ; Nicolas Champagne et sa femme Élisabeth Bériau ; maître Bélisle et sa femme Anne Messier ; Jacques Laviolette et sa femme Marguerite Duverger ; J.-B. Morlier, charretier, et sa femme Anne Laramée.

Les prêtres desservant les Forges sont Clément Lefebvre, Barnabé Cordier, Valérien Gaufin, commissaire provincial, et Luc Hendrix.

Le 22 avril 1748, aux Trois-Rivières, Simon, venu de France en 1738 avec son père Jean Aubry, épouse Marie, fille de Michel Beaudet et de Thérèse Proulx, de la paroisse de Lotbinière, en présence de Cressé, directeur des Forges, Joseph Aubry, Pierre Marchand, Cressé Saint-Maurice. Le frère Cordier célèbre le mariage. Cressé Saint-Maurice, né en 1716, était fils de Jean-Baptiste Poulin et de Madeleine Forestier (secondes noces). On le voit cadet dans les troupes à l’âge de treize ans. Comme J.-B. Poulin était seigneur de Nicolet et directeur des Forges, la présence de Saint-Maurice s’explique.

Jacques Jahan dit Laviolette, né en 1721 à la Pointe-Lévis, marié le 11 novembre 1745 à Québec avec Marie-Marguerite Robert dit Du Rodeau, Durandeau et Duvergé. De 1748 à 1756, on retrouve ce ménage aux forges Saint-Maurice. Le père de Jacques fut inhumé aux Trois-Rivières le 14 janvier 1763. Ce Laviolette était aux Forges depuis 1740.

Antoine-Claude Baraillon dit Raimbaut, contremaître aux Forges à la date du 4 novembre 1748 est ainsi indiqué par Mgr Tanguay. En 1757, Raimbaut dit Baraillon, Parisien, né en 1720, enseigne dans les troupes, épouse Catherine Dandonneau, d’une famille de Champlain[47]. C’est tout ce que nous en savons.

Cette année 1748, en février, Hocquart visite les Forges et continue son voyage jusqu’à Montréal. Le chevalier de Beauharnois réside durant six semaines aux Forges et y fait couler quatre mortiers de six pouces et deux canons qui se trouvent tous très bien réussis[48]. Le 21 mai le ministre écrivait de Versailles que l’on avait fait à Rochefort l’épreuve des fers fabriqués au martinet, de l’acier aussi, et des bombes du Canada et que le fer est satisfaisant, non pas l’acier dont les grains sont trop gros. Les bombes ne sont pas selon les règles[49].


XII

L’INDUSTRIE DU FER. — OLIVIER DE VEZAIN. — VISITE DE PETER KALM AUX FORGES. — MARTEL DE BELLEVILLE. — NOMS DES HABITANTS AU REGISTRE DES FORGES, 1749-1751.

Il n’est guère d’industrie plus compliquée que celle du fer ; c’est au point que la matière qui coûte un sou en sortant de la mine vaut une piastre lorsqu’elle est devenue propre à l’usage. La dépense que la manipulation entraîne va toute au profit des ouvriers. Ceux-ci constituent plusieurs branches de main d’œuvre qui sont autant de métiers différents les uns des autres. Au bas de l’échelle, c’est-à-dire les opérations premières, les frais sont minimes ; plus on procède plus c’est dispendieux.

L’extraction de l’or nécessite de grands déboursés, mais une fois le métal mis au jour c’est de l’or — il a presque sa pleine valeur marchande. Le fer tire son mérite de la fabrication.

L’antiquité n’a pas connu l’usage du fer, mais les ouvriers de cette époque lointaine possédaient le secret d’une composition métallique qui s’est perdu. L’analyse de quelques outils découverts de nos jours a donné une petite quantité d’étain avec du cuivre, ce qui ne fournit pas la dureté voulue. Or, la trempe de leurs instruments égalait celle de nos bons aciers puisqu’elle leur permettait d’extraire et de tailler la pierre la plus serrée, tel que le granit, le porphyre et jusqu’aux diamants. Ce qui est plus curieux, c’est que l’art en question existait en Égypte, au Mexique et au Pérou, trois contrées qui n’avaient aucun rapport ensemble. Il a donc fallu que la même découverte fut faite par trois nations, isolément, sur des points du globe éloignés les uns des autres de plus de mille lieues.

Dans le premier établissement des forges Saint-Maurice, en 1737, le minerai se trouva en grande abondance près de la surface du sol et il ne le cédait en qualité à aucune des veines d’Europe pour la flexibilité du métal. D’abord, les différentes veines furent mises en œuvre avec très peu d’habileté, mais en 1739 on fit venir de France un artisan qui réunissait la connaissance des différentes branches de manufacture de fer fondu et travaillé à une connaissance suffisante de l’art d’exploiter les mines.

Il est connu que l’on tirait la mine à la porte même de l’établissement ; cela se pratiquait encore en 1867. De gros ruisseau qui passe en cet endroit est la décharge de savanes remplies de fer ; son eau est très claire avec un fort goût de rouille. En 1737, ce lieu était pavé de minerai de fer, comme le rang Saint-Félix l’était lors de mon séjour en 1869.

Il y a dix-huit espèces de fer. Le nôtre est « fort et mou », pouvant être battu, allongé, aplati, étendu et réduit en fils très minces sans se rompre, ce que ne possède pas le « fer fort dur ». Il est facile à travailler à froid et à chaud et convient surtout à la fabrication des objets qui exige une grande ductilité jointe à beaucoup de résistance, comme les fers et clous de cheval, les jantes et essieux de roue, le fil de fer, etc.

La mine, ai-je déjà dit, est presque à fleur de terre. On lève le gazon. Aussitôt les grains couverts de rouille apparaissent, depuis la grosseur d’un pois jusqu’à celle d’une fève, mêlés au sable à peu près par moitié. La couche varie de six à quinze pouces. Cette épaisseur est remuée à la pelle et la séparation des grains se fait au moyen d’un treillis ordinaire. On porte ensuite le minerai au lavage qui se fait dans une dalle de deux pieds de largeur formant un canal à pente inclinée où passe une branche du gros ruisseau des forges. De là la « mine pure » est envoyée à la fonte.

C’est une grande affaire qu’un haut-fourneau. Il est bâti de pierre dure et revêtu par dedans de briques réfractaires. Une fois allumé il brûle durant deux ou trois ans à toute ardeur, dimanches et fêtes, jours et nuits, et lorsqu’il manifeste un défaut, une faiblesse, on le laisse éteindre, il est démoli et un autre construit à sa place. Qui n’a pas vu le monstre en activité ne saurait croire ce qu’il a d’effrayant. Regardez par les lunettes qui sont au bas et vous verrez la masse liquide, couleur jaune rouge, puis blanche, puis cramoisie qui se tord dans le feu que tourmente une soufflerie de tempête.

Dans le haut de la construction est placé le chargeur qui verse de temps en temps dans le gouffre le contenu d’un panier rempli de minerai, de sable, de fondant et de charbon de bois pour nourrir le feu. Lorsque la quantité de fer en fusion atteint la hauteur voulue, les ouvriers pratiquent une ouverture par laquelle le liquide se précipite et coule vers des rigoles préparées à l’avance dans un sable mouillé que l’on ramène avec de longues grattes pour recouvrir le métal et le laisser refroidir à l’abri de l’air. Lorsque vient le temps de le déblayer, on le casse à coups de masse par tronçons qui prennent le nom de « gueuses ». Dans cet état, il est livrable au commerce pour couler des poêles, des marmites ou pour être transformé en barres, etc., au moyen du martelage. Il n’est pas besoin de réfléchir longtemps si l’on veut se rendre compte de la variété d’industries dans lesquelles entre le fer. Aux forges Saint-Maurice cette limite était restreinte et je ne crois pas qu’on ait jamais dépassé, du temps des Français, la production des ustensiles qui nécessitent le moins d’outillage. Toutefois, cela comportait sept ou huit branches du métier ayant chacune à sa tête un homme expert ; c’est même faute d’avoir sous la main de tels artisans que l’on tâtonna une dizaine d’années en perdant beaucoup d’argent. Supposons la mine mal lavée, le charbon imparfait, le fourneau défectueux, les « charges » irrégulièrement servies, la gueuse est mauvaise et c’est à recommencer. Ensuite, le moulage des poêles, des chaudrons étant inégal ou fautif sous quelque rapport, il en résulte des pertes de toutes sortes, tant pour la main d’œuvre que pour la vente. La création d’un tel établissement, vu l’ensemble des choses dans la colonie, était des plus difficiles. On avait beau s’en tenir aux ouvrages qui sont au bas de l’échelle dans l’exploitation de ces produits, les obstacles restaient nombreux et parfois formidables. La disparition d’un seul ouvrier, par suite de décès ou autrement, paralysait tout le système. C’était bien pis, dans les commencements, lorsque les spécialistes manquaient, car le pays n’en fournissait pas. Et comment ajouter, par exemple, une forge ou fabrique de fers ronds lorsque déjà on avait tant de peine, sans profit, à faire les barres ordinaires. Et les aciers dont la trempe est de toute importance, ne pouvaient pas sortir de la fonderie ou des ateliers qui martellent sans polissage les pièces destinées aux charrons et aux autres constructions. Je me demande si l’on faisait des clous autrement que pour les besoins strictement locaux. Enfin, ce qui paraît bien certain, c’est que les poêles, les marmites et le fer en barres constituaient la principale production de l’établissement[50].

À l’aide du gros ruisseau qui saute en descendant la pente des forges pour tomber dans le Saint-Maurice, on obtenait des forces motrices pour les souffleries du haut-fourneau, celles de la fonderie et la forge du marteau mécanique. Il n’y avait pas de laminoir, que je sache. La soufflerie était à air froid, ce qui donne les meilleurs résultats, mais la fonte du métal s’opère plus lentement qu’avec l’air chaud. La nature du fer de Saint-Maurice est la malléabilité, la souplesse ; il se plie aisément ; l’air chaud de la soufflerie le rend cassant.

Aux forges Saint-Maurice on ramassait, je ne sais où, un certain sable indispensable pour la première coulée. Il fallait aussi casser en petits morceaux très menus un calcaire particulier pour servir de fondant. Avec cela n’oublions pas le charbon de bois qui joue un rôle marquant dans les hauts-fourneaux. Voici en quoi consiste la production de cet élément. Les charbonniers coupent du bois dans la forêt, l’apportent à la « vente » qui est un endroit choisi par le chef de la bande à cause des conditions que ce travail exige, et l’on empile les rondins d’après une méthode, toujours la même, de manière à former une construction remplie de vides en tous sens, haute et large comme une maison d’un étage ou un étage et demi. Le tout est recouvert d’écorce le plus hermétiquement possible. Alors on allume le feu et le bois cuit à l’étouffé durant plusieurs jours. Les hommes sont attentifs à suivre les progrès de la température intérieure sur le bois qui sèche ; pour cela on enlève les écorces à tour de rôle, afin de constater l’état des choses ; on gouverne le foyer pour qu’il fournisse une chaleur intense sans communiquer le feu à l’édifice. Lorsque tout est cuit à point, il ne reste du bois que le charbon et celui-ci est léger comme une plume, selon le terme adopté.

Le naturaliste suédois Peter Kalm qui visitait le Bas-Canada en 1749 était aux Trois-Rivières le 3 août de cette année. Il partit ce jour-là à cheval, visita les Forges et fut de retour en ville avant le coucher du soleil. Bien qu’il ne fasse pas mention de la route, nous savons qu’elle devait être parfaite pour les voitures et sur un terrain partout très favorable, mais traversant d’un bout à l’autre une forêt compacte, sauf de rares éclaircies de peu d’étendue sur deux lieues de parcours[51].

Le minerai, dit-il, est très riche et se rencontre en paquets libres de la grosseur des deux poings. Ces petites masses sont comme des éponges remplies de trous qui renferment de l’ocre, terre jaune, argileuse, diversement colorée par l’influence du fer. C’est de la terre à peinture. On en trouve un grand dépôt à la Pointe-du-Lac, d’où la compagnie des Forges tirait alors et plus tard beaucoup de minerai de fer. Ce minerai, dans les environs des Trois-Rivières, n’est pas tout par mottes, comme le dit Kalm, on le trouve « en sable » ou grains, sous la mince couche de terre végétale et celle-ci étant levée on le ramasse à la pelle, mais il faut le laver au crible pour le séparer de la terre qui ne manque jamais d’y être mêlée.

Le minerai est mou. On peut l’écraser entre les doigts, Il y a des veines de dix-huit pouces d’épaisseur, mais toujours de six pouces pour le moins. Elles reposent sur du sable blanc. Une légère couche d’humus les recouvre. C’est une substance douce, flexible et solide, tenace, souple à l’extrême, moins susceptible de prendre la rouille que bien d’autres fers connus et, sous ce rapport, il semble exister une grande différence entre elle et les produits de l’Espagne en ce qui concerne l’emploi dans la construction des navires. On charge ce minerai sur des traîneaux l’hiver, et en été sur des charrettes pour l’amener aux fourneaux des Forges.

Avec le minerai, il tombe dans le fourneau une proportion de pierre à chaux broyée que l’on se procure dans les environs des Forges. C’est le fondant destiné à durcir le fer qui est généralement doux comme il a été dit. Cette pierre à chaux est grise. On emploie aussi dans le même but de la marne argileuse (terre à pipe) qui se trouve dans le voisinage.

Le pays, n’étant qu’une vaste forêt primitive, donne en abondance le sapin et autres arbres toujours verts pour fabriquer le charbon des forges. Le charbon des hauts-fourneaux est fait avec le bois des arbres à feuilles décidues — qui renaissent tous les ans.

Il y a, sous un même toit, deux grandes forges auxquelles sont adossées deux forges plus petites. Les soufflets en bois « et tout le reste » ressemblent aux forges suédoises. Les hauts-fourneaux sont près des forges et là encore, c’est une copie de ce que notre voyageur avait vu dans la Suède. Ni lui ni ceux qui l’accompagnaient ne savaient que nos ouvriers étaient les petits-fils des hommes que le ministre Colbert avait envoyés en Suède apprendre le métier.

Dans les London Documents, VI, 581, il y a un rapport que M. Stoddart écrivit au gouverneur Clinton, de New-York, sous la date de 1750, disant qu’il y a cinq forges en activité à Saint-Maurice et qu’on lui a fait savoir qu’on y coule des canons. Il ajoute qu’il possède un des moules de ces canons, ce qui est assez curieux il me semble. Il dit plus : il s’est procuré l’un de ces canons manqué à la coulée. On lui a assuré que l’établissement occupe quatre cents travailleurs. Ce rapport vaut ce qu’il peut valoir.

Parlant des poêles du Saint-Maurice qui remontaient à 1750, John Lambert disait en 1808 que les plaques mesuraient deux pouces d’épaisseur. Kalm remarque les procédés suivis aux forges Saint-Maurice et les déclare identiques à ceux de la Suède. C’est, entre autres choses, la soufflerie à vent froid (cold blast) qui opère la fusion avec lenteur mais donne un meilleur fer qui est plus flexible, moins sec que celui obtenu par la soufflerie chaude.

Kalm mentionne des canons, des mortiers de divers calibres, des chaudrons, des poêles « très répandus dans la colonie », que l’on coule aux Forges[52], du « fer en barres », ce qui veut dire peut-être en gueuses ou saumons : fer coulé dans le sable par morceaux pour l’usage des mouleurs et de la forge. Faute de savoir le métier, ajoute-t-il, on n’a pas réussi à y faire de l’acier.

On s’accorde à dire que le revenu des Forges ne couvre pas la dépense et le roi comble le déficit annuel. La main-d’œuvre est rare parce que les habitants des campagnes environnantes ne s’y prêtent pas, aimant mieux se vouer exclusivement à l’agriculture et c’est la campagne qui fait vivre les Trois-Rivières quoique les Forges aident la ville dans une certaine mesure. On a dit à Kalm que la direction des Forges s’y prenait gauchement pour se procurer des travailleurs. Officiers, conducteurs, surveillants, employés, commis (il y en a quatorze), intendant et autres vivent dans l’abondance et sont très bien logés. Lambert, recueillant en 1808 la tradition locale, dit que plus de quatorze de ces personnes avaient fait leur fortune aux Forges, de 1740 à 1760, mais le mot fortune ne saurait être pris au sérieux. Ce qui est certain c’est que, en ce temps-là, comme de 1760 à 1850, les gens des Forges ont toujours vécu largement. Les notes de Kalm sont écrites sans ordre ni suite. Je les ai remaniées pour le mieux. Terminons par nos propres remarques.

Les « gens des forges » ont conservé jusque vers 1850 une foule d’habitudes traditionnelles. Ainsi, l’on communique les ordres autour du haut-fourneau par des sonneries exécutées sur des feuilles de tôle suspendues et frappées à coups de gourdins. Pas de cris, aucun appel vocal mais trois sons, plus ou moins, parfois cinq, espacés d’une certaine manière et tout le monde comprend. Le masque d’amiante sur la figure, le devant du corps protégé par une armature de gros cuir, quelques-uns surveillent la fonte en ébullition. Ceux qui travaillent plus près du fourneau ne portent qu’un simple caleçon[53]. Des outils de tailles gigantesques sont suspendus au centre de la voûte par de minces chaînes de fer. Ce sont la « demoiselle », le « gentilhomme », le « prince », et lorsqu’on les met en branle il faut voir avec quelle précision la besogne s’exécute ! Un immense « gentilhomme » s’attaque à la bouche inférieure du fourneau, l’ouvre en un clin d’œil et la matière en fusion, blanche, avec des teintes orangées, se met à descendre dans les avenues préparées pour la recevoir. L’édifice est complètement ouvert sur trois côtés ; cependant, la chaleur y est intense. Tout le monde sort jusqu’au moment de faire jouer à distance les longues grattes qui vont recouvrir la fonte déjà brunissante, car en ce moment elle n’est pas encore « gris de fer ».

À ce travail on est vite sali, surtout ceux de la forge et de la fonderie, mais le ruisseau est là et rien n’est propre comme les « gens des forges ». Les femmes ont « toutes l’air de sortir d’une boîte ». Leurs maisons reluisent. Quand à la santé générale, on peut dire que personne ne meurt aux Forges parce que l’on y boit de l’eau qui coule sur des lits de fer. Le sang est merveilleusement beau, tous les individus sont forts et souples, pleins de gaieté, aiment la vie — et fiers, ah ! très à pic sur leur dignité ! Je parle de longtemps, car dès 1850 les traditions se perdaient ; il ne doit pas en rester beaucoup aujourd’hui. Je me rappelle que M. McDougall ayant proposé de remplacer les feuilles de tôle par des cloches et des tubes acoustiques, ce fut un scandale ; on ne change pas de religion, voyez-vous ; ce qui était bon pour nos pères est bon pour nous, etc. Je suppose que le téléphone est à présent installé dans toutes les parties des usines actuelles. Les traditions ne sont plus qu’un vague souvenir et je reste peut-être le seul à les rappeler.

***

Le 14 juin 1749, aux Trois-Rivières, mariage de Pierre-François Olivier de Vezain « grand-voyer de la province de la Louisiane et le premier envoyé par le roi pour établir les forges et fourneaux de Saint-Maurice dont il a été le premier directeur. » Il épouse Marie-Josephte Duplessis-Gatineau, fille de Jean-Baptiste, bourgeois des Trois-Rivières, lieutenant de milice, et de demoiselle Charlotte Le Boulanger. Jean-Baptiste Duplessis-Gatineau était seigneur du fief Gatineau, près d’Yamachiche. En 1750, Marie-Josephte se fit accorder une augmentation de cette terre et en 1765, par son testament devant Dielle, aux Trois-Rivières, elle légua tous ses biens à sa cousine-germaine Marie-Madeleine Duplessis. Cette dernière, en 1768, passa le tout « à ses neveux et nièces, enfants de monsieur maître Olivier de Vezain » et, en 1771, le sieur Jacques Perrault « procureur de Pierre-François Olivier de Vezain, au nom et comme tuteur de ses enfants mineurs donataires de demoiselle Madeleine Duplessis », vend la dite augmentation du fief Gatineau à François Lemaître Duhaime[54].

Au registre des Forges, en 1749, le frère Luc Hendrix est le seul prêtre agissant. Il y a « Monsieur Cressé, seigneur de Nicolet et directeur des Forges ». Aussi Jean-Nicolas Robichon et sa femme Denise Chaput.

Jacques, fils de Jean Aubry, arrivé en 1738, épouse en 1749, Antoinette Beaudet, Canadienne ; nous connaissons de ce ménage trois enfants.

Le 7 juin 1750, aux Trois-Rivières, Jean-Urbain Martel de Belleville « directeur des forges Saint-Maurice » est parrain de Charlotte Manseau dit Lajoie, des Forges.

Le 11 juin, registre des Forges, Jean La Tuilière, directeur des Forges, est parrain d’un enfant d’Antoine Milot, contremaître, et d’Amable Boisjoli. Marraine : demoiselle Louise Hertel de Rouville. Le frère Hyacinthe (Louis-Claude Amiot) fait le baptême. Antoine Milot, dont le père était marchand à Montréal, venait de se marier à Lavaltrie avec Amable Griveau dit Boisjoli. Jusqu’à 1758 au moins ce ménage est resté aux Forges, Milot étant toujours contremaître. En 1756, Milot se remaria avec Marie Blais, veuve de François Godard, déjà mentionnés.

Le 20 septembre 1750, le frère Valérien Gaufin, commissaire provincial desservant par intérim « la paroisse des Forges », fait un baptême. Peu après, Denis Baron, prêtre, dessert par intérim[55]. Ensuite Hyacinthe Amiot.

Marie Dubeau, veuve Cardinal, qui figure au registre des Forges en 1744, me paraît être la même qui épousa Jean-Baptiste Ferron en 1750. Mgr Tanguay[56] nomme la femme Dubeau et Bibeau. Ce ménage demeura aux Forges[57] jusqu’à 1761 où il alla s’établir à Yamachiche[58] et la descendance y est encore.

Joseph Aubry, arrivé en 1738, étant décédé, sa veuve Josephte Chèvrefils se remaria le 21 septembre 1750 avec Antoine Lafond, à la Baie-du-Febvre, et ce ménage demeura toujours en ce dernier lieu.

Luc Imbleau (origine inconnue), employé aux Forges, se maria vers 1750 avec Geneviève Contant, née à Champlain en 1729. Jusqu’à 1759, ce ménage fait baptiser cinq enfants. La descendance est encore parmi nous.

Le registre de la chapelle des Forges donne en 1751 les noms de Salvien Boucher, prêtre récollet, le frère Hyacinthe Amiot, Pierre Marchand et sa femme (second mariage), Gertrude Frigon, Jean-Baptiste Ferron et sa femme Marie Dubeau, André de Rouville et sa femme Louise-Catherine André de Leigne, Pierre Desfossés et sa femme Angélique Contant, Jean Mantenet et sa femme Madeleine Béchard, Marie-Louise Frigon, François Chaillé, Alary, Grenier, Beaudoin, Lafrance, Lamère, Boisvert, Pierre Charette, Antoine Dupuis, Antoine Milot, contremaître. Jean-Baptiste Délorme se remaria en 1751 avec Louise Frigon dont la sœur avait épousé Pierre Marchand. Ces mariages ont eu lieu à Batiscan.

Les Beaudoin, ancienne famille de Champlain, ont envoyé de leurs branches dans tout le district des Trois-Rivières. Celui que nous avons ci-dessus était Gervais Beaudoin, né en 1715, marié en 1746 avec Angélique Dubois dit Lafrance. De 1747 à 1750, ils étaient à Sainte-Croix de Lotbinière ; après cela ils demeurent aux Forges.

Pierre Charette a vécu aux Forges et sa descendance y était encore en 1850. On ne connaît pas son origine. Peut-être était-il un Choret, de Sainte-Croix de Lotbinière.

Pierre Desfossés n’a pas d’origine connue. Ce devait être le surnom d’une famille canadienne des environs de Nicolet. Il paraît s’être marié vers 1750 avec Angélique Contant. La descendance s’est fixée aux Trois-Rivières.

Jean-Baptiste Ferron devait être le même que Jean Ferron, né en 1718, fils de René et de Julienne Traillé, paroisse Saint-Léonard dite Chapelle, diocèse d’Avranche, en basse Normandie, qui, le 6 juillet 1750, à la Rivière-du-Loup (en haut) épousa Isabelle Bibaud, Canadienne, et qui me paraît être la même que « Marie Dubé » du registre des Forges. La descendance de ce ménage se retrouve à Yamachiche et aux Trois-Rivières.

Jean-Baptiste Dubois dit Lafrance, Thérèse Lafrance, Angélique Dubois dit Lafrance, frère et sœurs, sont aux Forges en 1751, venant de Saint-Antoine-de-Tilly. Jean-Baptiste, né à Saint-Antoine en 1720, s’était marié en 1741 avec Charlotte Houde, cousine de Louis-Michel Houde. Vers 1758, ce ménage paraît être retourné à Saint-Antoine. Gervais Beaudoin avait épousé Angélique Dubois dit Lachance qui vient d’être mentionnée. Lamère, ci-dessus, est peut-être Rapidion de l’île de Montréal[59].

Notons que, le 20 août 1751, à Québec, fut inhumé François-Étienne Cugnet, l’ancien chef de la compagnie des Forges. Sa femme, Louise-Madeleine du Sautoy, lui survivait. Elle fut inhumée à Beauport en 1783.

Joseph-Étienne, fils de Cugnet, fut nommé procureur général en cour et conseil supérieur le 2 novembre 1760 par le nouveau régime.


XIII
VISITE DE FRANQUET. 1752.

Voici les noms de ceux qui figurent au registre de la chapelle des Forges en 1752 : Panneton qui signe au mariage d’Étienne Laroche avec Charlotte Pepin ; André Corbin, Jean-Baptiste Lacombe et sa femme Marie Grenier ; Louis Voligny, commis des Forges ; Terreau, Luc Imbleau, Joseph Boivin, Jean-Baptiste Deschenaux et sa femme Marie-Josephte Contant, Jean-François Chrétien et Marie Sarrazin.

Charles-Étienne Laroche, né à Québec, forgeron aux forges Saint-Maurice, se maria dans ce dernier lieu, en 1752, avec Charlotte Pepin, en présence de Jean-Baptiste Lacombe, sa femme Marie Grenier, Jean-Baptiste Deschenaux, sa femme, André Corbin, Louis Voligny, commis aux Forges, Luc Imbleau, Terreau, Joseph Boivin, Jean-François Chrétien et Marie Sarrazin.

Antoine Terreau, d’origine inconnue, marié à Françoise Foulon, Canadienne, vivait aux Trois-Rivières. En 1724 ce ménage fit baptiser Joseph qui se maria dans la même ville le 14 février 1752 avec Madeleine Beaudoin et il leur naquit quatre enfants jusqu’à 1757 où la femme décède. Terreau continua de travailler aux Forges.

Le 7 janvier 1754, messire Brassard, curé de Nicolet, de passage aux Forges, baptise Joseph, fils de Jean-Baptiste Deschenaux, charretier, et de sa femme Marie-Josephte Contant. Parrain : Jean Deschenaux, grand-père de l’enfant ; marraine : Thérèse Lafrance. Le frère Augustin Quintal signe l’acte en place du frère Hyacinthe Amiot, absent jusqu’au 27 mars suivant, mais le baptême avait été fait par M. Brassard, curé de Nicolet, qui tenait de son père et de son grand-père le surnom de Deschenaux. Notons aussi que vers 1757, le bedeau de l’église des Trois-Rivières se nommait Jean-Baptiste Deschenaux, de la même famille.

Théodore Panneton, d’une famille canadienne, vivait aux Trois-Rivières. Sa femme se nommait Louise Gouin. Il paraît avoir été temporairement employé de son métier de menuisier aux Forges.

André Corbin, né à Québec, se maria avec Louise Petit, le 16 juillet 1731, aux Trois-Rivières, et s’établit dans cette ville. En 1748, il se remaria au même endroit avec Véronique Baby. On le qualifie de maître-forgeron. En 1752, il assiste à un mariage aux Forges. Cinq ans plus tard, il est syndic de la commune des Trois-Rivières.

Jacques Chrétien, appelé le sourd, de l’île d’Orléans, était aux Trois-Rivières en 1721 où fut baptisé son fils Jean-François, lequel se maria au même endroit en 1749, avec Marie-Anne de Noyon. Ce dernier travaillait aux Forges en 1752 et en 1757.

En 1750, je vois Louis-François Perrault, déjà mentionné, négociant aux Forges. Le 3 août 1750, il se maria, à Montréal, avec Josette Baby et demeura à Québec par la suite, ainsi que son frère Jacques qui était commerçant aux Forges en 1747. Un autre frère, Jean-Baptiste, doit être celui dont parle Franquet en 1752 lorsqu’il mentionne un marchand pourvu du monopole des vivres, boissons et marchandises des Forges.

L’ingénieur Franquet va nous occuper à son tour en parlant des Forges qu’il a visitées sur la fin de juillet 1752 : « M. Bigot, intendant de la Nouvelle-France, résidant à Québec, m’avait recommandé de visiter les forges de Saint-Maurice, en ajoutant que l’établissement était considérable et que je serais bien aise de les avoir vues pour être en état d’en rendre compte, et qu’en séjournant aux Trois-Rivières je pourrais m’y rendre en moins de deux heures, à quoi consenti je prévins M. Rigaud (gouverneur des Trois-Rivières) qui eut la complaisance de dire qu’il m’accompagnerait. Sorti des Trois-Rivières à 5 heures du matin avec MM. Rigaud, Tonnancour et tous mes compagnons de voyage que M. de Rouville, directeur des dites forges, arrivé de la veille en ville pour m’engager à ce petit voyage, y avait invités.

« En sortant de la ville, le chemin est beau, large et sablonneux ; il y a une maison bâtie dans son milieu qui masque le coup d’œil de son avenue environ à cent toises au-delà. L’on monte à droite une petite hauteur d’où l’on traverse une plaine, ensuite un bois et l’on arrive à sa sortie aux dites forges. Ce bois est brûlé en partie ; d’ailleurs il est dépouillé de tous les arbres propres à la charpente ; il n’y reste que du taillis et du sapinage. Vu dans la traversée plusieurs tourtres et perdrix et quelques éclaircies de prairies. À l’extrémité du chemin, pour descendre à Saint-Maurice, lieu où sont les dites forges du roi, est une rampe qui conduit à un ruisseau que l’on traverse sur un pont de bois, d’où l’on se rend au logement du directeur. Après les cérémonies du premier accueil de lui, de sa femme et des autres employés, on se met en devoir de parcourir l’endroit. On se porta d’abord sur le ruisseau ; il descend des hauteurs des bois, est traversé de trois digues jusqu’à son confluent, qui forment autant de chutes. La première digue soutient les eaux pour le service de la forge située au-dessous. Au-delà est la seconde, où ces mêmes eaux appuyées font aller un martinet. Plus bas est la troisième qui retient de nouveau les eaux pour l’utilité d’un semblable martinet. De là, ce ruisseau va se confondre dans la rivière Saint-Maurice. À chacune des retenues est une décharge aux eaux pour évacuer lors des grandes crues, le superflu au service des dites forges.

« La forge et les deux martinets qui font l’objet de cet établissement sont situés à la rive gauche de ce ruisseau. L’on estime, en égard à l’abondance de ses eaux, à leur force occasionnée par la raideur de leur pente, qu’on pourrait établir deux autres semblables martinets à sa rive droite, et même un troisième entre la dernière digue et la dite rivière.

« Les bâtiments affectés au logement des ouvriers sont situés sur le même côté des forges mais un peu éloignés ; ils sont plantés çà et là sans aucune symétrie ni rapport de l’un à l’autre ; chacun a son logement isolé et particulier, de manière qu’il y a une quantité de maisons, ainsi que de couverts et appentis pour magasins aux forges, au charbon et aux fers, et d’écurie pour les chevaux, dont l’entretien par économie doit constituer une grande dépense.

« Le principal bâtiment est celui du directeur. Quoique grand, il ne suffit point à tous les employés qui ont droit d’y loger. Il en coûterait moins au roi si tous les autres étaient rassemblés de même, néanmoins distribués en logements différents, tant pour la commodité de chacun que pour l’aisance du service.

« Entré ensuite dans la forge affectée à la gueuse, on me fit la galanterie de couler un lingot d’environ quinze pieds de longueur sur six et quatre pouces de grosseur. Il n’y a pas grande cérémonie à cela ; quand la matière est prête on ne fait qu’enfoncer une espèce de tampon et, pour lors, elle coule dans un canal formé entre deux petites digues de sable. Après cette opération, on me montra les poêles dessinés sur du sable, prêts à être coulés. Dans l’instant, l’un des ouvriers fut prendre une cuillerée pleine de matière et la renversa, bien doucement d’abord, dans les creux du dessin et ensuite jusqu’à hauteur des bords, de manière que le dessous étant en bosse le relief se trouve formé. Ces poêles se font par parties ; il faut six pièces pour un seul ; elles sont coulées sur des dimensions si précises qu’étant montées elles se joignent parfaitement. Les plaques pour les cheminées se font de même que les poêles. Leurs moules, à l’un et à l’autre, se font sur une table posée bien horizontalement et élevée de trois à quatre pieds de hauteur, de façon que l’ouvrier n’est point gêné à les travailler.

« L’on m’invita ensuite de passer dans un petit réduit où étaient plusieurs moules de pots, de marmites et d’autres ouvrages arrondis. Ils sont d’une construction différente des autres ; ce sont des figures cubiques, carrées, en tous sens, construites en bois en forme de châssis, contenues aux angles par des équerres de fer et revêtues en maçonnerie d’une brique d’épaisseur. On en coula dans le moment de trois espèces en notre présence. On ne voit point, comme aux ouvrages précédents, fluer la matière dans les moules mais l’on doit aisément se figurer comme elle s’y répand dans l’intérieur pour former la figure que l’on désire. Il n’y a d’autre attention à prendre à la fabrique de ces sortes d’ouvrages que d’avoir une cuillère assez grande pour contenir la matière nécessaire à la formation de chacun, ou si elle ne suffisait point d’en tenir une autre toute prête pour continuer la liaison.

« À la sortie de la forge, entré dans un des martinets, ensuite dans l’autre. On n’y fait que du fer battu de différentes grosseurs. Il m’a paru que les ouvriers le travaillent avec la même célérité qu’en France et, dans chacun de ces trois endroits, ils observent la cérémonie de frotter les souliers aux étrangers pour avoir de quoi boire[60]. Cet établissement est considérable. Il y a au moins cent vingt personnes qui y sont attachées. On ne brûle dans les fourneaux que du charbon de bois que l’on fabrique à une distance un peu éloignée de l’endroit. La mine est bonne, belle et assez nette. Ci-devant on la tirait sur les lieux mais aujourd’hui il faut l’aller prendre à deux ou trois lieues au loin.

« La régie de ces forges se fait par économie[61]. On doit sentir de là qu’en égard à la multiplicité des objets de dépense, s’il n’y a pas un homme à la tête entendu, droit et désintéressé, il peut s’y commettre bien des abus. Entre autres employés, le roi y entretient un récollet à titre d’aumônier[62].

« Le fer est estimé au-dessus de celui d’Espagne. Il se débite à Québec dans les magasins du roi, au prix de vingt-cinq à trente francs le cent pesant, et il m’a été assuré que sur le registre de la vente il n’y était porté qu’à douze francs dix sous.

« Si l’on veut une plus grande connaissance de ces forges, il n’y a qu’à lire le mémoire envoyé à la cour[63]. On y verra la forme du paiement des ouvriers et les fonctions des employés. On ne saurait ici rien ajouter de plus, sinon que de répéter que le privilège pour le débit des marchandises coûte au roi, pour son logement, son bois, son luminaire et ses gages, plus de mille écus, et que si l’on mettait ce poste à l’enchère, il m’a été assuré que Sa Majesté, au lieu d’être tenue à cette dépense, en tirerait cent pistoles tous les ans.

« Après avoir visité tout ce qu’il y a de remarquable à cet établissement, dont l’endroit montagneux, quoique défriché, conserve encore un air sauvage, rabbâtimes chez M. de Rouville, directeur, où nous dinâmes splendidement et en partîmes vers les cinq heures du soir, discourant beaucoup, chemin faisant, sur la forme de la régie qui ne saurait être que très onéreuse au roi. À notre arrivée aux Trois-Rivières descendu chez madame Rigaud et de là soupé, avec toute la compagnie, chez M. de Tonnancour. On estime, des Trois-Rivières aux dites Forges, trois lieues, néanmoins nous en fîmes le voyage en cinq quarts d’heure[64].

« Les Forges sont régies aujourd’hui pour le compte du roi par l’abandon qu’en ont fait les sieurs Cugnet et compagnie. Les principaux employés sont : un directeur, un caissier, un commis pour le détail, un marchand, pourvu du privilège exclusif de débiter les vivres, boissons et marchandises quelconques, et un armurier. Les ouvriers y sont payés généralement, par la rareté d’en trouver, à des prix exorbitants, les uns à raison d’un prix par quintal de fer, d’autres par des appointements fixes pour toute l’année, et quelques-uns à différents prix par mois d’hiver et d’été, mais tous sont logés, chauffés et voiturés au dépens du roi.

« Indépendamment de ces ouvriers domiciliés, en sont d’autres qu’on est obligé d’attirer de la campagne ou de la garnison des Trois-Rivières dans le fort du travail. Les premiers résistent d’y aller sous prétexte qu’ils ont leurs terres à cultiver, on use quelques fois de violence pour les y obliger ; de là il arrive qu’ils préfèrent abandonner le canton pour aller s’établir ailleurs que de se soumettre à ce qu’on exige d’eux. On se retourne du côté des soldats mais ceux-ci, sentant le besoin qu’on a d’eux, ne se prêtent qu’à des prix fort chers qu’on leur refuse[65], d’où il arrive que les ouvrages languissent et qu’il en influe un grand préjudice au roi.

« Il est aisé de convenir que tous ces employés et ouvriers sont d’une dépense considérable. Elle n’est pas la seule. La fabrique du charbon, l’achat des fourrages et avoines, l’emplette des chevaux, les voitures, les harnais, leur entretien, et les charrois de la mine de fer et des denrées la font monter, à quelque chose près, au profit qu’on en retire. De ce détail, l’on doit sentir que cette régie peut entraîner bien des abus — d’autant que le directeur n’a pas l’autorité absolue, que le caissier la partage et que chacun rend compte à M. l’intendant (Bigot) directement ou à sous-délégué de la partie qui lui est confiée et que le préposé à la fourniture des vivres est entretenu aux frais du roi et se croit indépendant.

« Moyens proposés pour maintenir le bon ordre, diminuer la dépense et augmenter la fabrique du fer :

« 1o  Ce serait de commettre un directeur intelligent, dont l’autorité absolue, subordonnée néanmoins à M. l’intendant, s’étendît sur tous les employés et ouvriers quelconques ; que tous lui obéissent, rendissent compte et fussent subordonnés.

« 2o  Que le charbon fut fait par des marchés convenus, ainsi que les achats de fourrages et d’avoine. Que les employés chargés des détails tinssent un registre journalier de leur dépense pour la confronter au besoin à celle rapportée de chacune des parties au compte général, et de là pouvoir juger de la conduite d’un chacun.

« 3o  Qu’on attirât de France un maître-ouvrier entendu et expert en toutes sortes d’ouvrages, soit pour la conduite de ceux à faire, en réparation, que d’autres en augmentation dont cet établissement est susceptible, tant par l’abondance des eaux du ruisseau que par les emplacements favorables à des martinets que présente sa rive droite.

« 4o  Qu’indépendamment des ouvriers forgerons qu’il faut de nécessité envoyer de France pour renouveler ceux d’aujourd’hui qui, sous prétexte que le terme de leur engagement est expiré, y font la loi pour le travail, on en fît venir une cinquantaine d’autres de tous métiers, pour travailler sous les ordres et sous les yeux du précédent. »

En résumé, Franquet dit que Rouville est directeur des Forges et qu’il n’y entend rien ; il y a une forge et deux martinets qui sont des établissements distincts ; cent vingt personnes sont attachées à l’ensemble des usines ; on y fait tout le charbon nécessaire ; la mine est située à deux ou trois lieues des Forges ; le roi y entretient un récollet à titre d’aumônier. L’établissement est mal conduit et la dépense est excessive.

Une note de 1754 montre les salaires des Forges : 1 directeur 100 francs, 1 fournisseur 100 francs, 2 hommes 60 francs. Ceux-ci devaient jouer du « tour du bâton » car ces chiffres sont ridiculement bas. Il y avait de plus 20 chefs de familles à 400 francs et 132 personnes de toute description à 400 francs. Le franc valait alors 90 centins de 1920[66].


XIV

NOMS DE FAMILLE. — FÊTES DES FORGES. — LES PERRAULT. — CHARBON DE TERRE MENTIONNÉ. — FIN DE LA DOMINATION FRANÇAISE. — 1753-1760.

Le registre de la chapelle des Forges renferme en 1753 les noms suivants : mademoiselle Charlotte-Françoise de Grosbois, Charles Dugré, Jean-Baptiste Pratte, mademoiselle Catherine Moras, Antoine-Claude Leprouste, notaire des Trois-Rivières, et sa femme Anne Goubault. En 1754, M. Brassard, curé de Nicolet. Le frère Amiot apparaît le 27 mars après une absence de quelques mois. Il y a encore Charles Deserre employé comme charpentier aux Forges, Josette Rocheleau, Jean-Baptiste Morin ou Manseau dit Lajoie et sa femme Brigitte-Exupère Dupuis. Le sieur Hoire est mentionné. Théodore Panneton et sa femme Louise Gouin[67].

Le 19 septembre, inhumation d’un enfant d’un mois, né de dame Louise-Gabrielle de Croisille et de Jean-Jacques de Saint-Martin, officier dans les troupes.

Jean-Baptiste Pratte, né à Québec en 1710, marié aux Trois-Rivières en 1735 avec Claire Bouton, a par la suite toujours demeuré dans cette dernière ville.

Charles Dugré, né à Québec en 1728, marié aux Trois-Rivières en 1752 avec Suzanne Poitevin, a fondé la branche de sa famille aux Trois-Rivières où elle existe encore.

Charles Deserre, charpentier, était de Sorel. Il se fixa aux Trois-Rivières.

Jean-Jacques Gorge, sieur de Saint-Martin, fils de Jean-Baptiste et de Gabrielle Flaseur, paroisse d’Anien, diocèse de Vienne en Dauphiné, était officier dans les garnisons du Canada. Anien est aujourd’hui une localité de 600 habitants environ, canton de Rousillon, arrondissement de Vienne, Isère. En 1751, Gorge épousa Louise-Gabrielle, fille de Charles Le Gardeur de Croisille, lieutenant dans les troupes, et de Marie-Anne Robineau qui lui apporta la seigneurie de Bécancour[68].

En 1755, au registre de la chapelle des Forges, le frère Hippolyte Collet, récollet, signe un acte de baptême le 8 octobre, ensuite vient le père Hyacinthe Amiot. Je vois le nom de Fabien Badeaux.

Monseigneur de Pontbriand examine le registre des Forges, le 1er  juillet 1755 et y trace ces lignes : « Vu et approuvé dans le cours de nos visites. Nous avons ordonné qu’il sera fait un état des ornements et de tout ce qui sera fourni à l’église de Saint-Maurice par le produit des quêtes et du casuel de la dite église. Ayant été informé qu’on chante en cette paroisse la grande messe, les vespres et qu’on donne la bénédiction du Très Saint Sacrement les jours de Saint-Éloi, de la Translation et de Saint-Thibault, parce que les forgerons ont choisi les deux premiers jours pour honorer leur patron et les charbonniers le troisième ; qu’il arrivait que, sous le prétexte de les fêter, pour ainsi dire solenniser plusieurs du village se laissaient (aller ?) à des excès scandaleux, loin de sanctifier ces jours, nous chargeons le missionnaire d’avertir les habitants de la paroisse que si, dans la suite, nous apprenons qu’on tombe dans les mêmes déréglements nous défendrons de faire dans ces jours aucune cérémonie extraordinaire. Nous chargeons le dit missionnaire de nous avertir toutes les années s’il y a eu des scandales. Sera la présente lue et publiée au prône de la grande messe dimanche prochain. »

Le 26 octobre 1756, « a été bénie par le Révérend Père Augustin Quintal, la cloche de cette paroisse, laquelle a été nommée, par Mr. Claude Cressé et dame Louise André de Rouville, du nom de Louise. »[69].

Madeleine-Françoise Béchard, veuve de Jean Mantenet, des Forges, se remarie cette année avec Nicolas Lapérouse. Ce ménage se fixa à Québec où Lapérouse mourut un an plus tard.

En 1756, au registre de la chapelle des Forges on voit les noms suivants : Charles Falaise de Gannes, lieutenant d’infanterie, et sa femme Marguerite-Angélique Villier ; c’est l’inhumation de leur enfant âgé de six semaines.

François Godard, arrivé en 1737, étant décédé, sa veuve, Marie Blais, épouse Pierre Milot aux Trois-Rivières le 9 février 1756.

Au registre de la chapelle des Forges, en 1757, se voit l’acte d’une sépulture d’enfant ondoyé par Charles Alavoine, médecin. On voit aussi les noms de Jean-François Chrétien et de sa femme Marie-Anne de Noyon.

Cette année mourut Marie Dubois, mère de Jean-Nicolas Robichon. On la dit née en 1667 mais cette date me paraît exagérée. L’acte est au registre des Trois-Rivières. Au même registre, le 28 septembre 1757, il y a mention de la sépulture de Pierre Becquet, né en 1697, « gardien aux forges du roi ».

Aux Trois-Rivières, le 12 septembre 1757, Jean-Baptiste Perrault, déjà mentionné, épousa Marie Lemaître. Comme il demeure aux Forges les bans sont publiés dans les deux places. Le frère François Carpentier signe au registre de la paroisse des Forges le 18 avril 1757.

Le 26 août 1758, au même registre, il y a l’acte d’inhumation de Marguerite-Josette, âgée de deux mois, enfant de Joseph Boucher, écuyer, sieur de Niverville et de dame Josette Chatelin.

Au registre des Trois-Rivières, le 17 janvier 1758, Pierre Philippe « directeur des forges Saint-Maurice », fils de Pierre et de Marie Feuillet, paroisse Segonsac, élection de Cognac en Saintonge, épouse Madeleine Chatelin, sœur de madame de Niverville[70]. La femme mourut en 1762 âgée de 21 ans.

Le 5 février 1759, aux Forges, Antoine Thara[71], sergent des troupes, fils de Hyacinthe et d’Anne Mangin, épouse Suzanne Chaput, veuve Hérard, des Forges, déjà mentionnés.

Dans un mémoire de l’année 1758 on lit : « Il y a une mine de charbon de terre dont on ne se sert en Canada que pour les forges du roi. » Il s’agit des mines du Cap-Breton, sans doute, puisque le Bas-Canada ne renferme aucun dépôt de ce charbon. Si on utilisait un charbon de terre à Saint-Maurice ce devait être dans les forges. La fonte du minerai était meilleure avec le charbon de bois et aussi la coulée des poêles.

Il faut dire ici que nous sommes au plus fort de la guerre de Sept Ans et que le Canada va bientôt passer sous le drapeau britannique.

Aux approches de la flotte de Saunders et de Wolfe, l’été de 1759, Jacques Perrault « l’aîné » et sa femme Charlotte de Boucherville, partirent de Québec pour se réfugier aux Trois-Rivières avec leurs huit enfants. Le 10 octobre suivant, ils firent baptiser Josette qui, en 1787, épousa Pierre-Louis Brassard, bien connu comme juge et qui mourut aux Trois-Rivières en 1802. Dans une lettre du mois de juillet 1760, on voit que Perrault est aux Forges avec sa famille. À partir de 1764 on les retrouve tous à Québec. Louis-François Perrault, frère de Jacques ci-dessus, avec sa femme Josette Baby, réfugiés aussi aux Trois-Rivières y firent baptiser des enfants les 8 mai 1759, 18 juin 1760 et 25 décembre 1761.

Madame Perrault fut inhumée dans ce lieu le 24 avril 1762. Son mari, ruiné par la guerre et la perte de la monnaie de carte, passa en France dans le dessein de se faire indemniser, puis, vers 1766, alla s’établir aux Illinois où ses enfants le rejoignirent en 1772 ; il y mourut l’année suivante. Son fils, Joseph-François, né en 1753, fut remarquable par ses voyages de commerce aux Illinois, ses écrits en faveur de l’agriculture et de l’instruction publique et aussi par son Histoire du Canada, la première d’une plume canadienne.

Jean-Baptiste Perrault, un autre frère de Jacques ci-dessus marié à Marie Lemaître, était marguillier aux Trois-Rivières en 1764. Le bureau de la monnaie de carte était dans sa maison. Seize ans plus tard, il fait acte de foi et hommage pour le fief Boucher au-dessus des Trois-Rivières, dans la banlieue. La dernière mention de lui que je connaisse est de 1797 où il siège comme juge de paix du district des Trois-Rivières. Son fils Jean-Baptiste, né vers 1760, se fixa à Michillimakinac. On a de lui des mémoires importants sur « les pays d’en haut » qu’il avait parcourus en tous sens.

Au registre de la chapelle des Forges, le 24 juillet 1760, est baptisé un fils de Charles Mayret (Maillet ?). Celui-ci appartient aux Trois-Rivières où il était marchand, bailli et notaire. Le parrain est Michel Chartier de Lotbinière. Le 27 août suivant, baptême de Louise, fille de Michel Chartier de Lotbinière, capitaine et ingénieur des troupes et de Louise Chaussegros de Léry. Parrain : Michel Chartier de Lotbinière, enseigne d’artillerie. Marraine : demoiselle Marie Deschenaux.

En ce moment, la flotte anglaise remontait très lentement le fleuve depuis Québec et prenait contact avec les Canadiens des deux rives. Je pense que M. de Lotbinière était aux Forges depuis plusieurs mois conduisant la fabrication des bouches à feu et du matériel de guerre. S’il en était ainsi, ses fonctions allaient bientôt cesser avec la fin des hostilités.

Le 8 septembre eut lieu la capitulation de Montréal. Dans l’article XLIV il est stipulé que les papiers des Forges Saint-Maurice passeront en France, excepté ceux qui concernent l’administration du pays. Nous avons maintenant copie de ces documents qui ont été retrouvés dans les archives de France, sinon tous du moins en grande partie.

Du 8 septembre 1760 au mois de mai 1763, la colonie resta sous le contrôle des autorités britanniques. C’est ce que l’on a appelé, faute de mieux, le régime militaire, mais il n’avait rien d’oppressif ; au contraire, il était plus libre que le régime français. William Pitt avait ordonné de ne rien faire pour inquiéter les habitants d’après le principe que si la couronne anglaise gardait le Canada il faudrait, à la signature de la paix, y trouver un peuple satisfait du changement d’autorité. Les tribunaux français étant disparus, on nomma les officiers de milice juges du pays et la langue française ne fut nullement inquiétée pour le moment. Ce furent trois années d’un calme surprenant, après une guerre acharnée de sept ans. La lutte, en Europe ne finit que l’automne de 1762.

La chapelle des Forges date de 1738 et a subi des changements au cours des années, mais dans l’état actuel c’est encore la construction de 1738.
Ruines du château ou « grande maison » vue du chemin. Le ruisseau qui coule en arrière de l’édifice, à droite, n’est plus visible.

Ruines d’un haut-fourneau.
Cheminée d’un haut-fourneau.

XV

NOUVEAU RÉGIME. — INVENTAIRE DES FORGES. INCENDIE AUX TROIS-RIVIÈRES. — LES TÊTES-DE-BOULE. — TRAITÉ DE PARIS. — JEAN-NICOLAS ROBICHON. 1760-1763.

Le nouveau régime, aux forges Saint-Maurice, commence par deux mariages. Le 21 septembre 1760, Josette Chaput, veuve de Jean Aubry, épouse Antoine Lafond, et le 29 du même mois Louis Voligny épouse Amable, fille de Claude Blondin, d’une famille de Terrebonne, je crois. En 1780, Voligny était marguillier aux Trois-Rivières. Il paraît avoir eu deux filles dont une mourut au berceau et l’autre se maria.

Un recensement pris au mois de septembre 1760 pour Trois-Rivières et sa banlieue ne mentionne pas les Forges ; il donne : 110 hommes, 89 femmes, 143 garçons, 169 filles, 37 hommes engagés, 38 servantes. Total : 586 âmes.

Le 1er  octobre, J. Bruyère, secrétaire du gouverneur Burton, des Trois-Rivières, écrit à M. Courval, qui est aux Forges, des instructions pour la régie de cet établissement et il nomme Délorme, Robichon, Marchand, Humblot (Imbleau), Terreau, Michelin, Bellu (?)[72] dont les services doivent être assurés, afin de n’interrompre ni rien changer dans le travail des usines. Ces hommes étaient les chefs des diverses branches ou métiers des forges et comme il importait de ne rien déranger dans cette industrie, il fallait les conserver, d’autant plus que n’étant pas Canadiens ils pouvaient désirer d’être transportés en France avec les fonctionnaires français et les troupes qui s’embarquaient en ce moment sur les navires anglais pour retourner dans leur patrie.

Bruyère, un Suisse de langue française, choisi à cause de cela pour s’entendre avec les Canadiens, comme Gugy et plusieurs autres, ajoute en s’adressant à Courval que « sir Jeffrey Amherst, général-en-chef, juge à propos de faire exploiter à loisir la fonte qui est déjà tirée des mines et, pour cet effet, il voudrait retenir sur le même pied que ci-devant les ouvriers dont vous trouverez les noms à la suite de la présente. Le charbon étant un article indispensable et dont les forges sont actuellement mal pourvues, et Son Excellence ayant appris qu’il y a plusieurs fourneaux déjà préparés, il vous plaira d’engager en qualité de journaliers les charbonniers et autres que vous jugerez absolument nécessaires pour faire la cuisson et autres ouvrages dépendants de cette partie là. Vous tiendrez, s’il vous plaît, un compte exact des gens que vous emploierez, du temps que dureront leurs travaux et de la quantité de charbon qu’ils feront. Vous prendrez sur vous le soin de faire graisser et relever les soufflets des forges, en un mot de faire les petites réparations qui sont absolument nécessaires pour mettre les forges en état d’exploiter peu à peu la fonte dont il est parlé ci-dessus. »

Le 2 octobre, Bruyère écrit à Courval « inspecteur aux Forges », qu’il a reçu la marmite envoyée des forges et qu’il va faire ordonner les vivres nécessaires aux sept familles déjà nommées, aussi pour M. Courval, ses deux domestiques, et le chapelain, pendant sept jours. Il demande que l’on embarque les poêles qui ont été promis et que le porteur du billet les conduira aux Trois-Rivières dans son bateau, par le Saint-Maurice.

Le 22 octobre, Bruyère écrit à Courval, aux Forges : « Je vous envoye la barrique de taffia (boisson) que vous me demandez… vous la distribuerez à votre gré aux ouvriers, en tenant registre… Sans doute que personne ne vous a pas encore demandé de fer, autrement vous m’auriez fait le plaisir de m’en parler. Il ne serait peut-être pas mal à propos de faire savoir aux ouvriers de Montréal qu’il y en a à vendre, mais vous en ferez ainsi que vous le jugerez à propos. »

Un inventaire des Forges, signé le 8 septembre 1760 par Hertel de Rouville « directeur » et approuvé par le général Amherst le 10 octobre suivant, se lit comme suit :

Une forge appelée la forge haute, bâtie en pierre, ayant une chaussée de 70 pieds, en bois, avec halle et magasin ; la dite forge ayant les roues et mouvements, double jeu de soufflets. On y trouve : 1 fléau garni de ses plateaux et chaînes, 8 poids de 50 livres, 5 poids de 25 livres, 6 marteaux de fonte pesant 500 livres pièce, 3 enclumes de fonte pesant 2,000 livres pièce, 3 enclumes mauvaises, 10 hurasses, 3 paires de tenailles à singles, 112 paires de tenailles à chanter, 10 paires de tenailles à coquilles, 4 ringards, 1 auge, 2 crochets à quenses, 1 écuelle à mouiller, 1 rouable, 1 écousse, 1 aviron, 1 pelle, 2 masses, 1 marteau à main.

La forge basse, en bois, ayant une chaussée de pierre de 80 pieds, aussi avec ses roues et mouvements, double jeu de soufflets, renfermant : 1 fléau avec ses plateaux et chaînes, 9 poids de 50 livres, 5 poids de 25 livres, 13 paires de tenailles à forger, 2 paires de tenailles à chauffer, 1 enclume de 2,000 livres, 2 enclumes à maréchal pesant 500 livres les deux, 4 pelles de fer, 1 rouable, 1 écousse, 7 poches à couler, 1 auge, 10 ringards, 4 masses, 1 marteau à main, 2 écuelles à mouiller, 1 aviron.

Un martinet tenant à la forge basse, garni de ses mouvements et soufflets, avec : 3 enclumes pesant 150 livres pièce, 8 petits marteaux pesant 100 livres pièce, 9 hurasses pesant 150 livres pièce, 1 enclume pesant 100 livres.

Un fourneau avec la moulerie et une halle à charbon, de 80 x 30 pieds, garni de ses roues et mouvements, avec double jeu de soufflets en bois, renfermant : 23 ringards de fer de différentes longueurs, 2 couars, 2 crochets, 2 estoquars, 2 forchets, 8 pelles, 1 romaine avec son contrepoids et ses agrafes, 1 masse, 2 marteaux à main, 3 marteaux à mouler, 12 modèles en fer pour marmites, 5 pour chaudières, 3 pour coquettes, 1 pour tourtières, 1 pour mortiers, 3 pour écuelles, 3 paires de tenailles, 4 modèles en bois pour poêles à chauffer.

Une boulangerie avec son four, contenant 1 pétrin, 1 porte de fer battu, 1 pelle de fer, 1 fléau avec ses plateaux, 1 rouable de fer, 3 pelles à four en bois, 1 hache, 1 crémaillère, 1 bluteau de 20 pieds de long.

Un bâtiment servant d’écurie, 110 pieds de long, pièces sur pièces, ayant 6 compartiments fermant à clef. Un bâtiment de pièces sur pièces, de 20 pieds en carré, servant de dépense pour l’avoine ; 6 chevaux, 3 harnais de timon, 3 de trait, 3 charrettes avec leurs roues, 2 grandes charrettes, 4 traînes hautes, 4 traînes basses.

Un hangar en bois de 60 x 30 pieds. Deux hangars de 40 x 30 pieds. Un hangar entouré de madriers, 40 x 20 pieds. Un hangar de 30 x 25 pieds. Un magasin à fer. Une halle pour charbon. Une chaussée en bois de 105 pieds de long. Un hangar servant d’écurie et étable aux animaux des employés, 30 x 25 pieds. Six maisons de pièces sur pièces. Dix-sept barraques de pieux servant à loger les ouvriers. 25 poêles à chauffer, avec leurs portes et trépieds servant aux ouvriers.

Une église de pièces sur pièces, 40 x 30 pieds, lattée dedans et dehors, enduite de chaux. Un calice et la patenne d’argent, 2 ornements pour dire la messe, dont un de toutes couleurs et l’autre noir, 2 aubes, 2 surplis, 1 cloche de 70 livres, 2 chandeliers de cuivre, 1 croix de cuivre[73].

Une maison de pierre, 82 x 52 pieds, contenant 4 poêles à chauffer, 3 pelles de fer, 3 paires de tenailles à feu. Le reste du mobilier n’est pas mentionné, ce qui fait croire qu’il appartenait à Hertel de Rouville. Cette maison principale, solidement construite, est totalement en ruines. Elle date de 1740.

Ustensiles de la Taillandrie : 2 soufflets de cuivre, 2 enclumes de fer battu à table d’acier, 1 estoque, 1 bigorne, 2 marteaux à frapper devant, 5 marteaux à main, 8 paires de tenailles à forger, 2 tisonniers, 2 tranchets, 6 mandrins, 2 étampes à percer, 2 débouchoirs, 1 filière, 1 montoir, 1 paire de tenailles à forcer, 1 marteau à brocher, 2 carreaux, 3 cloueyeres.

Ustensiles ou outils de charpentiers et charrons : 5 terrières, 1 gouge, 1 couillère pour roues, 3 ciseaux, 4 sceaux, 1 verlope, 1 demi verlope, 1 galère, 5 haches, 1 herminette, 1 bezague, 2 compas, 1 scie de travers, 1 tille ronde, 1 meule et sa manivelle, 1 masse, 1 pallant garni, 1 moulin à scie avec ses ustensiles, 1 bâtiment sur poteaux, de 40 x 20 pieds, garni de ses mouvements, 1 scie, 3 crochets, 2 marteaux, 2 pinces, 3 broches, 1 crochet à tourner les pièces.

3,100 livres de fer en barres de toutes qualités.
200 livres de ferraille.
25,000 livres environ, de fonte en bocage.
10,000 livres de fonte, en mauvaises plaques.
800 bannes de mine rendue au pied du fourneau.
1,200 bannes de mine à la rivière, ramassée par tas.
300 cordes de bois pour charbon, dans la vente du nord.
500 barriques de charbon.

Bois d’équarrissage pour construire une halle au fourneau — resté dans la forêt :

79 pièces faisant 2,480 pieds de longueur.
250 pieds de petit bois pour faîtage et lien.
171 billots de pin pour plancher et madriers de 10 pieds de longueur.
***

Le grand incendie des Trois-Rivières en 1752 avait précédé de quelques mois la guerre de Sept Ans puis, aussitôt celle-ci terminée, d’autres sinistres se produisirent, du moins je le suppose en lisant l’affiche signée par le colonel Burton le 15 octobre 1760, car on ne publie pas de semblables règlements la veille des incendies, quoique leur utilité soit plus manifeste deux jours avant le feu que deux heures après le désastre. En tous cas, Burton commence par dire que la ville des Trois-Rivières a passé par de cruelles épreuves et que « les ravages affreux que les incendies ont plusieurs fois causés dans cette ville devraient être des leçons suffisantes à tous ses habitants pour les engager à prendre les précautions nécessaires pour prévenir de pareils malheurs à l’avenir. » Après cette entrée en matière il nomme un ramoneur officiel qui fera sa tournée tous les quinze jours et recevra quatre sous pour chaque cheminée à simple étage ou six sous pour celles à double étage.

Le 8 juillet 1762, Haldimand affiche un placard disant que « le feu vient encore de passer par la ville des Trois-Rivières le 4 du présent mois. Toute la vigilance et l’activité que l’on a employées pour arrêter le progrès de ce terrible fléau n’ont pu empêcher que les flammes n’aient dévoré cinq maisons entières, tous les hangars et fournis qui en dépendaient ainsi que les meubles, marchandises et effets qui y étaient renfermés. Ces maisons sont positivement celles qui, par leur proximité de la grève, servaient de retraite aux habitants des campagnes lorsque leurs affaires les attiraient en ville. Les propriétaires et locataires sont réduits à la dernière misère. Nous sommes trop persuadés des sentiments d’humanité, de religion et de compassion qui doivent remplir le cœur des habitants de ce gouvernement envers leurs frères et compatriotes pour croire qu’il faille les exciter par des représentations étudiées. Nous pensons qu’il suffit de leur annoncer que cet accident est arrivé ; que plusieurs personnes en souffrent ; qu’elles ont besoin d’un secours prompt et réel, et que nous avons donné nos instructions à tous les capitaines de milice de s’informer, chacun dans leur endroit, des secours que leur paroisse se propose d’envoyer aux incendiés, soit en planches, madriers, bois de charpente, argent ou autrement, dont ils nous enverront la liste au plus tôt. » MM.  le grand-vicaire Perrault, Louis-Joseph Godefroy de Tonnancour et « Cressé le père » se chargent de recevoir « vos charités et de voir qu’elles soient employées suivant vos intentions. »

Le 8 octobre suivant, il revient à la charge et prescrit que « chacune des maisons de cette ville se pourvoyera incessamment d’échelles appliquées sur les couvertures en dehors, et d’une autre pour y monter que l’on gardera dans l’intérieur des cours ; d’une couple de sceaux et de deux beliers dans chaque grenier des maisons — à peine de cinq piastres d’amende… Les officiers de milice verront à ce que cet ordre soit exécuté[74]. »

Le gouverneur Burton affiche un placard, le 7 décembre 1761, défendant aux bourgeois et habitants des Trois-Rivières de couper et enlever du bois de chauffage et autre sur les terres dépendantes de la seigneurie de Saint-Maurice, sous peine d’une piastre d’amende pour chaque charrette ou traîne, et de punition arbitraire en cas de récidive.

Le colonel Frederic Haldimand, gouverneur des Trois-Rivières, promulgue une défense, le 19 mai 1762, pour empêcher la chasse sur les terres de la seigneurie de Saint-Maurice et autres, dépendantes des Forges, aussi dans les environs de la mine derrière la Pointe-du-Lac, sous peine de vingt piastres d’amende pour la première fois et de punition arbitraire en cas de récidive. La dite amende applicable moitié au dénonciateur et l’autre moitié aux pauvres de la paroisse. Cette défense fut renouvelée le 22 juillet 1763, preuve qu’elle n’avait pas effrayé les chasseurs. Le 2 septembre 1762 une permission de chasse est accordée à Voligny « pour l’usage du gouverneur ».

Pour régulariser et contrôler la traite des Têtes-de-Boule qui descendaient à la ville, le colonel Haldimand fait un placard, le 28 mai 1762, disant que, aussitôt l’arrivée des Sauvages, leurs pelleteries doivent être déposées en gros, à l’endroit accoutumé sur le haut de la côte, vis-à-vis la maison du sieur de Francheville. Le 23 mai 1763, le colonel Burton défend aux commerçants d’aller rencontrer les Têtes-de-Boule dans les bois, « ce qui les empêcherait de venir au marché public de cette ville… les pelleteries, aussitôt après l’arrivée des Sauvages, seront déposées en gros sur le marché, vis-à-vis la maison du sieur de Francheville. » Le 18 mai 1764, Haldimand confirme encore ces mesures et se sert du terme « vis-à-vis la maison du défunt Francheville ».

Le 20 juillet 1762, Bruyère écrit un ordre à tous les capitaines de milice du gouvernement des Trois-Rivières d’envoyer des hommes (le nombre est indiqué pour chacune des paroisses) « pour bûcher chacun quinze cordes de bois aux forges Saint-Maurice. Vous leur ordonnerez d’apporter avec eux leurs haches et des vivres pour le temps qu’ils mettront à bûcher leur bois. Vous les enverrez en droiture à M. Courval, aux Forges, de qui ils recevront les ordres. Ce travail presse. Donnez vos ordres incessamment, et avertissez-les qu’ils seront payés. »

Notons ici que François Poulin de Courval, petits-fils de Maurice Poulin, premier propriétaire du terrain des Forges, était né en 1725 et s’était marié en 1751 avec Madeleine Dupré, Canadienne. Il avait pris du service dans la marine. En 1762, il y eut une expédition française contre les Anglais de Terreneuve, sous les ordres de Ternay, composée pour la majeure partie de volontaires des troupes du Canada passés en France l’année 1760. Aussitôt le poste ou ville de Saint-Jean capturé, Poulin de Courval, alors capitaine de brûlot, fut envoyé en France pour annoncer cette nouvelle. C’était un homme très estimé. En 1759, il avait commandé le Bienfaisant, dans le bas du fleuve et il s’était distingué au siège de Québec. Le duc de Choiseul, premier ministre, fut si satisfait de l’affaire de Terreneuve, qui lui fortifiait la main pour conclure la paix, qu’il envoya deux navires de ce côté sous les ordres de Courval, mais celui-ci arriva après la retraite de Ternay et fit voile pour la France. Il mourut à Terrebonne en 1770 ne laissant pas de famille.

Au registre de la paroisse des Forges, le 6 août 1762, il y a le mariage du fils du seigneur de Carufel avec la fille de Pierre Marchand. Le frère Hyacinthe Amiot y dessert encore à cette date.

Le 12 août 1762, aux Forges, baptême de Joseph-Claude, fils de Joseph-Claude Poulin-Cressé-Courval, inspecteur des forges Saint-Maurice et de dame Gilles-Geneviève Dumont. Parrain : le sieur Claude Poulin-Cressé-Courval, colonel de milice du gouvernement des Trois-Rivières ; marraine : dame Louise-Charlotte Dumont, épouse du dit parrain, sous-constructeur des vaisseaux de Sa Majesté.

Au mois de mai 1763 nous connaissions le traité signé à Paris le 10 février précédent et nous savions que le Canada passait, sans condition, à l’Empire britannique. Cependant, le texte des capitulations de Québec et de Montréal étant sanctionné par l’Acte des Puissances, nous pouvions être tranquilles. Les forges Saint-Maurice, propriété du roi de France devenaient domaine du roi d’Angleterre et comme l’industrie du fer était indispensable à la colonie son exploitation devait se continuer et prendre les développements nécessaires à l’augmentation des besoins du peuple.

À la date du 29 septembre 1763 il y a un placard écrit pour les Forges, défendant aux ouvriers et autres personnes de se servir du charbon dans leurs logis, sous peine de punition.

Dans les instructions données, le 7 décembre 1763, par le roi George III, au général James Murray, gouverneur en chef de la province de Québec, le paragraphe 55 est consacré au sujet qui nous occupe : « Attendu qu’il ressort des représentations de notre gouverneur du district des Trois-Rivières que les forges de Saint-Maurice, dans ce district, sont d’une grande conséquence pour notre service, c’est notre bon plaisir qu’aucune partie des terres sur lesquelles les dites forges ont été exploitées, ou d’où a été tiré le minerai employé dans ces forges, ou qui sembleront nécessaires et commodes pour cet établissement, soit pour avoir un libre accès au fleuve Saint-Laurent, soit pour produire l’approvisionnement nécessaire de bois, de grains et de foin, ou pour pacager du bétail, ne soit concédée à aucun particulier ; et aussi (c’est notre plaisir) qu’un aussi grand territoire que possible, contigu aux dites forges, ou les entourant, en sus de ce qui peut être nécessaire aux fins susdites, soit réservé à notre usage, pour être aliéné de la manière que nous indiquerons ou prescrirons plus tard. » Ce passage est répété dans les instructions adressées, le 3 janvier 1775, au général Carleton, gouverneur en chef. Même chose en 1786 lorsque le général Carleton, sous le nom de lord Dorchester, redevint gouverneur en chef du Canada.

Le 1er  septembre 1763 je note le décès de Pierre Bouvet, maître-taillandier aux Forges. Un taillandier fabriquait des outils tranchants, des haches par exemple.

Cette année, François, fils de Gervais Beaudoin, des Forges, se maria avec Anne-Françoise, fille de Simon Aubry, pareillement des Forges, et c’est ce François qui continua la lignée de la famille Beaudoin.

Jean-Nicolas Robichon, arrivé en 1738, voyant que le Canada cessait d’être possession française, avait demandé en 1761 d’être renvoyé dans son pays. On lui représenta que le sort de la colonie n’était pas décidé et de plus que les Forges ne pouvaient en ce moment se priver de ses services. Il est probable aussi qu’on lui proposa de bonnes conditions de salaire. En 1762 il renouvela sa demande et reçut la même réponse. L’été de 1763, comme il insistait pour partir on lui donna passage sur un bâtiment qui le débarqua à Londres avec sa famille et de là les autorités françaises le transportèrent dans son pays natal. Les déclarations que j’ai sous les yeux disent « avec sa femme et sept enfants ». De ceux-ci je n’en connais que six, savoir : Marie, née en 1746 ; Pierre-Jean, né en 1749 ; Pierre-Nicolas, né en 1752 ; Véronique, née en 1755 ; Louise, née en 1757, et Josette, née en 1760. Mais dans le Dictionnaire généalogique de Mgr Tanguay, il y a Catherine, née en 1763 (sans date) et inhumée aux Trois-Rivières le 25 mars 1764. Alors la famille serait partie du Canada l’été de 1764, quoique la permission écrite soit de l’été de 1763.

Et des années s’écoulèrent. Le 21 septembre 1781, à Margelle, Côte d’Or, diocèse de Dijon, en Champagne, fut inhumé Jean-Nicolas Robichon « âgé de 62 ans » dit l’acte (non, il était né le 2 août 1714), ancien fileur en fer (dans une pièce de 1786 on le qualifie de martineur à la Margelle). Étaient présents : son fils Pierre, forgeron, et son gendre Louis Viart, forgeron à Moloy.

Le 17 juin 1786, dans la paroisse Saint-Jean-Baptiste de Molary, Côte d’Or, est inhumée Denise Chaput, veuve de Jean-Nicolas Robichon, en présence de son fils Pierre et de son gendre Louis Viart. La commune de Molary est dans le canton de la Margelle, contrée où l’on travaille le fer. En 1786, la famille était placée dans les localités suivantes voisines les unes des autres : Pierre Robichon, forgeron, à Voulaine, près Châtillon-sur-Seine. Véronique, « femme du doyen cabaretier » à Mauvilliers, près le dit Châtillon. Et Josette, femme de Didier Mageotte, chapelier à Paris, rue Saint-Bernard, faubourg Saint-Antoine.

De 1791 à 1797, la famille Robichon sollicite auprès du gouvernement de France d’être placée sur la liste des pensions accordées aux Acadiens et aux Français du Canada que les circonstances de 1755 et 1763 ont obligés à retourner en France et qui y sont encore en 1791, mais les comités d’investigation et d’examen de ces cas assez nombreux ne rapportent pas en faveur des Robichon qui avaient quitté le Canada de leur propre volonté, comme le prouvent les documents que j’ai vus. Burton et Haldimand avaient insisté pour garder Robichon au service des Forges où il vivait très bien, ainsi que Délorme, Marchand, Aubry et Caisse qui y étaient restés. En 1787, Marie Robichon, baptisée le 30 septembre 1746, était mariée à Louis Viart, vivait à Molary ou Moloy, canton de la Margelle, Côte d’Or.

Un fils de Robichon était resté aux Forges et sa descendance existe de nos jours aux Trois-Rivières[75].


XVI

RÈGLEMENT DE COMPTE. — RECENSEMENT DE 1765. — COMPAGNIE PÉLISSIER. — LATERRIÈRE, AGENT, PUIS INSPECTEUR. — INVASION AMÉRICAINE, 1775. — LES FORGES, PÉLISSIER, LATERRIÈRE. — PÉLISSIER PREND LA FUITE. — COMBAT DES TROIS-RIVIÈRES. — LATERRIÈRE EN CHARGE DES FORGES, 1764-1776.

Le 24 mars 1764, messire Perrault, chanoine et grand-vicaire, visite les Forges, écrit un acte en date de septembre 1763 et un autre de mars 1764, puis paraphe les registres de 1760-62, et clôture la tenue de ces archives pour les Forges. Ce prêtre était frère de Jacques et des autres Perrault déjà mentionnés dans le présent ouvrage.

Le 4 septembre 1764 Gilles Pommereau, trésorier et payeur des Forges depuis 1743, paraît avoir réglé ses comptes entre les mains des autorités britanniques, ce qui complétait la prise de possession en vertu du traité de paix de 1763.

Gilles Pommereau, que je crois être né à Montréal, était dans les affaires depuis longtemps. Le 30 avril 1729, M. de Silly arrivant de France pour remplacer M. d’Aigremont, décédé, dans la sous-intendance du Canada, écrivait que l’on faisait rapport de Montréal au sujet du sieur Pommereau qui s’était engagé à fournir deux mille minots de blé pour la garnison du lieu et qui ne pourra pas remplir son contrat. Ce personnage paraît avoir vécu assez longtemps aux Trois-Rivières.

Voici un recensement de 1765 qui a sa place dans la présente étude :

Saint-
Maurice
Cap-de-la-
Madeleine
Trois-
Rivières
Pointe-
du-Lac
Yamachiche
Maisons  55  29 118  32 134
Familles  55  30 126  33 140
Population 273 170 644 182 636
Chevaux  89  53 100  39 177
Bœufs  29  15 111  32 153
Jeune bétail  67  71  78  35 370
Vaches 107 105 231  74 280
Moutons 115  30  78   2 197
Cochons 184 116 276  81 481


Christophe Pélissier, né en 1730 et non pas en 1709 comme l’a dit Laterrière, était de la paroisse Saint-Pierre, ville de Lyon. C’était un homme de bureau (écrivain) employé à Québec où il s’était marié en 1758, avec Marthe Beaudoin, née en 1740, Canadienne. Elle mourut en 1763 laissant quatre enfants[76].

Le 9 mars 1767, Christophe Pélissier qui se proposait de louer les Forges, dressa un inventaire des propriétés et de l’outillage. Le 11 avril suivant le notaire Panet prend connaissance des papiers de la succession Cugnet en vue de faire une étude des anciennes affaires des Forges. Le gouverneur Carleton voyant l’état de décadence de ces usines s’occupait de leur redonner de la vie parce que le Canada en devait retirer de notables avantages si l’exploitation en était dirigée avec attention et sagesse.

Le 1er  juin 1767, François Masère, procureur général, ayant examiné les papiers des Forges depuis leur origine, soumet au gouverneur en chef Guy Carleton, un rapport dans lequel il y a le projet suivant : le roi louera à Christophe Pélissier, marchand de Québec, Alexandre Dumas, marchand de Québec, Thomas Dunn, de Québec, membre du Conseil exécutif, Benjamin Price, de Montréal, membre du Conseil exécutif, Colin Drummond, de Québec, Dumas Saint-Martin, juge de paix de Montréal, George Alsop, marchand de Québec, James Johnston, marchand de Québec, et Brook Watson, marchand de Londres, le terrain où sont les ateliers des Forges et les terres adjacentes bornées comme suit : au nord par la rivière Saint-Maurice, au sud par les terres (banlieue) de M. de Tonnancour, à l’est par les limites de la seigneurie de Saint-Maurice, à l’ouest par une ligne parallèle à la ligne joignant les deux extrémités ouest de la dite seigneurie de Saint-Maurice à la distance de trois lieues d’elle[77] avec privilège d’exploiter les mines de toutes sortes, excepté celles d’or et d’argent, et, sur cette étendue, d’y couper du bois et y faire les barrages de cours d’eau pour les fins de la dite exploitation, et d’utiliser aussi les mines des seigneuries d’Yamachiche et du Cap-de-la-Madeleine, comme le porte le bail accordé le 22 avril 1737 à la compagnie Cugnet, et autres mines qui seraient dans le voisinage (et qui, en vertu des ordonnances du roi de France, doivent être déclarées à la couronne) pourvu qu’on indemnise les propriétaires de ces terrains de tout dommage qui serait causé — le tout à raison de la faible somme annuelle de £18-15-0 sterling, payable par quartiers, en considération des grandes dépenses que la nouvelle compagnie devra faire pour relever les Forges. Le bail aura une durée de seize ans et sera révocable par la couronne dès qu’il sera dû un an de loyer[78].

Le bail véritable, conforme à ce qui précède, est du 9 juin 1767, cependant il passe sous silence le droit de s’étendre dans les seigneuries du Cap, d’Yamachiche et d’ailleurs, limitant l’exploitation aux fiefs Saint-Maurice et Saint-Étienne.

Dumas faisait un gros commerce, mais ses affaires commencèrent à décliner lorsque la monnaie de carte française tomba à zéro et, en 1769, il ferma boutique en face d’une dette de £33,000 sterling.

Pierre de Sales Laterrière, né en 1747 dans le diocèse d’Alby, Languedoc, était arrivé au Canada l’automne de 1766 et s’y trouvait en compagnie de gens connaissant sa famille et même avec quelques-uns il y avait de la parenté. Alexandre Dumas le prit à son emploi dès son arrivée. Laterrière avait étudié la médecine à Paris, et quoique très jeune, sans diplôme, il pratiquait avec un art surprenant comme du reste il l’a fait durant une quarantaine d’années.

Il y eut en 1771 une réforme dans la compagnie des Forges, mais rien de radical. Alexandre Dumas, qui semble avoir pris l’ascendant sur Pélissier, engagea Laterrière à titre d’agent des actionnaires. Voici le texte de Laterrière : « Dumas et un autre de mes amis qui étaient de la compagnie qui se forma pour rétablir les Forges, et avaient même été choisis pour en diriger les travaux, connaissant mon honnêteté, me pressèrent d’abandonner encore la médecine pour être le commissaire de la compagnie à Québec. Les revenus clairs et nets de cette nouvelle charge pouvaient monter à trois cents louis par an. Je suis logé à loyer dans une maison appartenant à Monsieur Amiot, en face du marché de la basse-ville, où je reçois et vends les produits de mes cyclopes ; j’expédie pour Londres les fers en gueusets ; je pourvois aux besoins des associés, enfin j’exécute leurs ordres de point en point. On est très content de moi. Les habitants des campagnes, les citoyens et forgerons des villes, en raison des fers, m’eurent bientôt achalandé et fait connaître. Ma profession médicale m’aidait un peu encore. »[79].

Masère écrivait en 1771 que la compagnie avait dépensé plus de £4,500 sterling dans les Forges, lesquelles, en 1767, étaient dans une condition déplorable. On y avait fait une grande quantité de très bon fer, au grand bénéfice du pays, mais payant à peine les dépenses encourues. Il ne dit en aucune façon que la compagnie Pélissier ait subi des changements de 1767 à 1771.

Le 28 février 1775, Laterrière part de Québec pour les forges Saint-Maurice où il est appelé comme inspecteur pour la compagnie Pélissier. « Je touchais, dit-il, cent-vingt-cinq louis de salaire et j’avais, en outre, un intérêt d’un neuvième dans le bénéfice total, de sorte que le tout ensemble pouvait valoir, quatre à six cents louis. » Cela représentait bien trois fois la valeur de l’argent de 1920. Il laissait à Québec son magasin et bureau, à un nommé Guenond, marchand, que Pélissier acceptait. Laterrière continue :

« Arrivé aux Forges, je rendis compte de ma gestion au directeur et pris possession de ma nouvelle charge d’inspecteur, avec permission d’exercer la médecine pour assister les travailleurs des ateliers et même les amis du voisinage qui voudraient m’employer. Je ne tardai pas à établir doublement ma réputation, surtout comme médecin. »

Pélissier se maria en seconde noces à Bécancour, le 8 mars 1775, avec Catherine-Josette, née à Québec en 1755, fille d’Ignace-François Delzenne, né en 1717 dans la ville de Lille, Flandres française, diocèse de Tournay, et qui s’était marié à Montréal en 1748 avec Catherine Janson dit Lapalme, Canadienne. Ce ménage avait alors six ou sept enfants. Laterrière dit de Pélissier : « C’était un homme honnête et libéral, pensant fort juste, mais grand partisan de John Wilkes et de son système de liberté, partant influencé comme les trois quarts des habitants nés sujets anglais, en faveur des Anglo-Américains révoltés. »

Laterrière était pour le gouvernement monarchique absolu. Pélissier voulait une administration reposant sur la volonté populaire et dépendant de celle-ci, en d’autres termes : notre régime actuel. John Wilkes était, de 1757 à 1775, le grand agitateur de ces idées en Angleterre et il ne perdit guère de terrain par la suite. Colonel de milice, pamphlétaire, journaliste remarquable, viveur, homme du monde, dépensant beaucoup d’argent, membre des Communes, de la Société Royale, maire de Londres, homme délié, charmeur, courageux, pas démagogue, tombant sous les coups du parti autoritaire, se relevant plus redoutable, il avait pour admirateur la majorité du peuple anglais et tous les philosophes et encyclopédistes de France. Cet homme a ouvert le chemin qui menait aux réformes de 1829-1850. Il va de soi que Pélissier était de tout cœur du côté des colonies anglaises qui se remuaient dans le voisinage du Canada. Ce qui est curieux, non pas en raison de leurs principes de libertés politiques, mais uniquement pour faire pièce à l’Angleterre. Il en résulta que Pélissier se compromit et que Laterrière alla beaucoup moins loin. Nous verrons cela dans quelques instants.

Les Américains, en marche sur Québec, étant arrivés aux Trois-Rivières, l’automne de 1775, Pélissier s’entendit avec eux et on l’a accusé d’avoir fourni des poêles, des canons, des boulets et autres articles à l’armée de Montgomery qui hiverna sur les plaines d’Abraham. Jusqu’à quel point Laterrière a-t-il participé à ces productions et à ces envois ? Là n’est pas la question puisqu’il était en sous-ordre, mais on le considéra par la suite comme impliqué dans ces opérations.

D’autres troupes américaines arrivèrent aux Trois-Rivières en février 1776. Laterrière dit : « Pélissier n’assista aux assemblées et conseils des nouveaux venus qu’à l’arrivée du général Wooster aux Trois-Rivières en quartier d’hiver. Ces nouveaux venus lui ayant connu de grands talents, l’engagèrent à aller faire une visite au général Montgomery, à la maison d’Holland, proche de Québec. Depuis ce moment, il fut reconnu et dénoncé par les espions du général Carleton comme acquis aux Américains et, par conséquent, comme un dangereux ennemi de la Grande-Bretagne.

« Vers le mois de mai 1776, le gouverneur Carleton envoya aux Forges le capitaine Law pour faire faire des rames, ou plutôt pour espionner. Je le reçus fort poliment. Il passa deux mois avec nous. L’homme était bon et fort obligeant. Les rapports qu’il fit furent favorables. »

Ceci devait avoir lieu durant mars et avril. Au mois de mai Laterrière était prisonnier à Québec. De plus, en mai, Carleton n’aurait pas eu besoin d’envoyer un homme « espionner » les Forges, mais au mois de mars c’était nécessaire puisque cette propriété du gouvernement passait pour être au service de l’ennemi. Laterrière ajoute ceci naïvement « Les officiers des Cyclopes, tels que moi inspecteur, Picard, le teneur de livres, Voligny le contremaître, quoique bons sujets et fort innocents, nous fûmes dénoncés, parce que l’on supposait naturellement que nous buvions le même poison de la rébellion à la même tasse. »

Le notaire Badeaux, des Trois-Rivières, note à la date du 8 mars 1776 que Pélissier envoie au commandant américain deux milliers de fer pour faire des pioches à l’usage du siège de Québec, et il ajoute que le 18 du même mois, les Irlandais de la garnison américaine font une sérénade à Delzenne. Ensuite, le 30 mars, il parle des sympathies que Pélissier manifeste en faveur des Américains. Le 14 avril, Pélissier et Delzenne soupent avec le général Arnold et autres personnages. Le 15, Arnold dîne aux Forges. Le 17, Pelissier est nommé par les Américains colonel-général des milices. Le 18, Pélissier reçoit des lettres des militaires américains. Le 29, il confère avec le général Thomas aux Trois-Rivières.

Laterrière dit que Pélissier, politiquement, se tenait sur la réserve, mais que, à l’arrivée du général Wooster aux Trois-Rivières, le 28 mars, il se lia avec lui.

Le 1er  mai, dit Badeaux, Pélissier fait couler des bombes aux Forges[80] « de 13, 9 et 7 pouces ».

Vers le 5 mai Laterrière, muni d’un billet de Pélissier, partit pour Québec, allant chercher des marchandises et des provisions nécessaires aux Forges. Rendu à Deschambault il rencontra les troupes américaines qui retraitaient vers Batiscan et plus haut. Ayant montré au général Wooster l’écrit de Pélissier, on le laissa continuer son chemin. Wooster, devançant ses hommes, arriva aux Trois-Rivières le 7 et ses troupes ne passèrent dans cette ville que du 9 au 15 mai. Une fois à Québec, Laterrière fut arrêté parce que, dit-il, il avait obtenu passage à la faveur de la recommandation de Pélissier, mais nous savons que notre homme était considéré suspect depuis des semaines déjà. Laterrière dit qu’il fut retenu un mois sur un navire après quoi on le mit à terre près de Deschambauit et il retourna aux Forges. Sa captivité n’avait durée que trois petites semaines.

Parlant des propos que l’on tenait sur son compte, Laterrière écrit :

« — Ne l’avons-nous pas vu venir effrontément à Québec après la levée du blocus ?

— Oui, mais il fut bien servi en arrivant à la porte du Palais, à cheval : il fut arrêté et conduit à la grand’garde. Comme il passait sur la Place d’Armes, le général Maclean lui cria : Eh ! bien, vous êtes de ces messieurs des Forges… Très charmé de vous voir. Il y a des gants et des souliers à la nouvelle mode de préparés ici pour vous. En attendant, allez à la grand’garde… Nous voudrions bien tenir ici Pélissier avec vous. »

Le 15 mai, écrit Badeaux, Pélissier va à Sorel voir les Américains. Aux Trois-Rivières leurs troupes étaient stationnaires. Le 18, Pélissier revenait de son voyage et, le 21, donnait de sages avis aux Bostonnais.

Vers le 1er  juin, Laterrière revenant de sa courte captivité, rencontra Pélissier aux Trois-Rivières. Il lui rendit compte de ses aventures, ce qui ne devait leur inspirer confiance ni à l’un ni à l’autre. « Les Américains étant tous rassemblés aux Trois-Rivières, y tinrent jusqu’à l’arrivée de la flotte anglaise et voyant l’impossibilité de résister ils s’enfuirent à Sorel et les Bretons reprirent possession des Trois-Rivières et s’y fortifièrent, voici pourquoi. » Avant que de continuer avec le texte de Laterrière, disons que les Américains s’écoulèrent du côté de Sorel dans les premiers jours de juin mais que bientôt on apprit aux Trois-Rivières qu’ils se proposaient de revenir pour attaquer les troupes anglaises, mais ni la flotte, ni les troupes n’étaient arrivées de Québec. C’est la milice commandée par Joseph de Niverville qui creusa une longue tranchée entre la ville et la commune pour barrer le chemin aux envahisseurs. Le 7 juin, Pélissier s’enfuit parce que, remarque Laterrière, ayant eu avis du grand-vicaire Saint-Onge que le gouverneur ne serait pas charmé de le rencontrer nulle part, « il en avait été si fort épouvanté qu’il était monté en canot et s’était fait mener par deux hommes secrètement à Sorel… Il n’avait qu’à demeurer tranquille chez lui et à ne pas se montrer ; il ne lui aurait rien été fait. Il aima mieux tout abandonner, prendre plusieurs mille louis qu’il avait en masse, deux mille louis d’avances en fers, poêles et autres articles faits aux Américains, et nous laisser à notre mauvais sort. Il se retira d’abord à Sorel, puis à Saint-Jean et à Carillon, sur les lignes. À cette dernière place, il fit le rôle d’ingénieur longtemps, mais à la fin, ne pouvant pas s’y entendre avec l’ingénieur en chef, il s’en fut au Congrès, qui lui paya les deux mille livres, et passa ensuite en France, à Lyon, où il avait sa famille et d’où il revint avec le général Haldimand, lorsque le général Carleton fut relevé. »

Assurément, Laterrière ne savait pas, le 7 juin 1776, que la politique de Carleton était réglée d’avance à l’égard de ceux qui avaient aidé les Américains — ce qui veut dire que ces personnes ne seraient pas inquiétées — mais, écrivant vingt-cinq ans plus tard, il pouvait affirmer que Pélissier s’était effrayé à tort. On voit, de plus, par ce que Laterrière dit dans les lignes précédentes que Pélissier travaillait résolument avec les Américains. Voyons maintenant la suite de son récit.

« Larose, habitant de Machiche, qui avait joint les Bostonnais, leur avait fourré dans la tête qu’en cernant les britanniques par l’angle des bois et les Forges, à leur insu, ils pourraient à coup sûr les détruire ou les perdre. Ils donnèrent aveuglement dans le panneau. Ce corps de 4,000 Bostonnais partit de la Pointe-du-Lac, conduit par Larose et comme assuré du succès. Le général anglais connaissait leur dessein et les attendait de pied ferme et bien retranché, surtout à la Croix-Migeon, hauteur qui commande toute la ville et ses environs. Effectivement, ils arrivèrent un matin, mal conduits et les uns après les autres, de telle façon qu’ils furent battus, tués ou pris presque tous ; il s’en sauva un certain nombre dans les bois des Forges ; plusieurs s’y perdirent et y moururent car, pendant l’été, mes chercheurs de minerai en découvrirent de petits groupes, morts et pourris. Le lendemain de cette action, Son Excellence m’envoya l’ordre de faire battre le bois par mon monde, pour les ramasser et les traiter le plus humainement possible. Lorsque cet ordre m’arriva, j’en faisais mener, dans dix voitures, soixante qui s’étaient rendus d’eux-mêmes. Le lendemain, mes chercheurs et chasseurs en trouvèrent soixante-dix. Je fis donner à manger à ces prisonniers et les envoyai aux Trois-Rivières. Son Excellence le général Carleton, approuva ma conduite, et le général américain Smith me remercia de mon humanité. Eh ! voilà comme dans tous les temps, j’ai cherché à être utile à mes semblables et à faire mon devoir. »

La croix Migeon était sur la hauteur du coteau qui domine la commune. On y avait placé de l’artillerie dès l’arrivée des premières troupes anglaises et en même temps des sloops de guerre s’étaient embossés sur le fleuve vis-à-vis de la commune pour enfiler par leurs boulets tout l’avant de la grande tranchée qui courait du pied de la croix Migeon jusque vers le fleuve. Cette tranchée était défendue par les volontaires de Niverville et elle attendait en face d’elle les Américains qui venaient à travers la commune, se tenant un peu éloignés du fleuve et par conséquent, très exposés au feu du coteau et de la tranchée. Le conducteur des Américains était un nommé Gauthier, de la Pointe-du-Lac, qui eut l’adresse de faire incliner la marche du côté de Sainte-Marguerite, de manière à faire perdre du temps et à permettre aussi aux artilleurs de découvrir cette troupe qui déboucha sous la gueule des canons. Quant à Larose, il a son histoire durant toute la période de l’invasion américaine.

Carleton et un renfort de troupes survinrent comme le combat finissait. Il n’est fait mention d’aucun soldat anglais ou milicien tué ou blessé. Laterrière dit encore :

« Lorsque je vis Son Excellence, elle me demanda :

— Pélissier est donc parti ?

— Oui, mon gouverneur.

— Qu’est-ce qui l’a fait quitter ainsi sa famille et les Forges ?

— Autant que je puis le savoir, c’est un billet du grand-vicaire Saint-Onge, à qui il paraissait que Votre Excellence avait ordonné de l’avertir de ne pas se trouver sur son passage.

— Cela ne voulait pas dire de tout abandonner pour aller rejoindre ouvertement l’ennemi. S’il était resté paisiblement chez lui et m’avait écrit un mot de justification, cela aurait suffi.

— Il craignait la malice des faux délateurs, dont il connaît le venin.

— Tout cela ne lui eût pas ôté un cheveu, et je suis fâché de sa folie. Eh ! quel mal vous arrive-t-il à vous, et aux autres officiers des forges ?

— Aucun, mon général. Nous sommes prêts à vous obéir à votre premier ordre.

— Continuez de soutenir cet atelier dans toute son activité pour les besoins et le bien de la province, de l’État, c’est là tout ce que j’exige à présent de vous.

« Je le remerciai et le priai de vouloir continuer à nous protéger. Avant de partir de la ville des Trois-Rivières, ce général et tout son état-major nous honorèrent d’une visite des Forges, et je n’en reçus que des compliments. »

Le témoin oculaire[81] dit que Carleton visita les Forges en juillet, mais ce gouverneur arrivé aux Trois-Rivières le soir du 8 juin[82] était rendu à Varennes le 15, à Montréal le 20, puis jusqu’à la fin d’octobre il s’est tenu au lac Champlain. Il a dû visiter les Forges le 10 juin, aussitôt après son entrevue avec Laterrière.

Voilà Laterrière à la tête des Forges, nommé par le gouverneur qui n’avait nullement l’intention de déranger la compagnie dont Pélissier avait eu la direction. Si, comme le dit Laterrière, Pélissier avait été réservé jusqu’au 28 mars 1776, il commit une sottise en promettant du matériel de guerre à une armée qui se préparait à lever le siège de Québec. Je crois plutôt que Laterrière s’arrange pour nous faire penser qu’il n’eut connaissance de rien avant les derniers jours de mars. Aussitôt après, on alluma les hauts-foumeaux, comme il le raconte. La présence du capitaine Law aux Forges coïncide (en mars) avec ce que dit Laterrière au sujet des fournitures aux Américains. Évidemment Carleton en savait quelque chose. Et Laterrière n’était pas assez aveugle pour ne rien voir de ce qui se passait devant lui aux Forges.

Le 17 octobre 1776, la Gazette de Québec refuse, dit-elle, de publier une lettre datée des forges Saint-Maurice le 10 octobre, parce que cette lettre est maladroite en ce qu’elle tend à excuser des hommes politiques avant qu’on ne les ait accusés tout haut. En ce moment Laterrière était probablement à Québec. Il dit : « L’automne, étant allé à Québec pour les affaires de l’établissement, je reçus du capitaine Law un excellent accueil, ainsi que du Dr Foot, à qui il me présenta. Son Excellence me parut charmé de la visite que je lui fis. Un fort préjugé cependant existait toujours dans le public, à savoir que j’avais été, comme Pélissier, influencé par les républicains bostonnais, et ce faux préjugé a toujours fourni à mes jaloux ennemis des moyens de me nuire auprès des différents gouverneurs. Ces derniers ne m’ont pas exactement fait du mal, mais je n’en ai jamais pu obtenir ni bien ni faveur. Ma conscience étant pure, n’ayant trahi ni voulu trahir d’aucune façon un gouvernement qui me protégeait, je n’étais guère ému de la mauvaise mine que d’aucuns me faisaient pour mieux faire leur chemin… Mes approvisionnements faits à Québec, je remontai aux Forges pour y songer à effectuer, avec toute l’activité possible, les préparatifs de 1776 à 1777, partout deux fois plus considérables puisque les Forges devaient être vendues. » Ces dernières paroles ne sauraient se rapporter à l’automne de 1776 puisque c’est durant l’automne de 1777 qu’il fut question de vendre ou d’affermer les Forges. Déjà, au printemps de 1777, il était arrivé une procuration de Pélissier pour disposer de cet établissement, mais non pas en 1776. Selon le texte de Laterrière on peut croire aussi que la procuration n’arriva qu’au printemps de 1778 et cette date me semble la bonne.


XVII

LES TROUPES ALLEMANDES. — DESCRIPTION DES FORGES. — FÊTES AUX FORGES ET EN VILLE. — LATERRIÈRE DIRECTEUR. — DUMAS PREND L’ADMINISTRATION. — 1777-78.

La principauté de Hesse-Hambourg, sur le Rhin, fournit une bonne part des troupes engagées par l’Angleterre, en 1775, et placées sous les ordres du général baron de Riedesel qui était de ce pays-là.

En octobre 1776 Riedesel prenait des mesures pour assurer ses quartiers d’hiver aux Trois-Rivières, à la Pointe-du-Lac, au Cap-de-la-Madeleine et au sud du fleuve. Deux escadrons de dragons et trois compagnies du régiment de Riedesel demeurèrent dans la ville. Le régiment du prince Frédéric, commandé par le lieutenant-colonel Prétorius, passa l’hiver à Yamachiche et à la Rivière-du-Loup. Le bon comportement de ces troupes leur valut des éloges et des compliments de toutes parts.

Le 20 janvier 1777, jour de la naissance de la reine d’Angleterre, le général Riedesel donna un dîner de quarante couverts, à midi, et le soir il y eut bal suivi d’un souper. Les officiers des postes environnants assistaient à cette fête. La ville était en l’air ; on disait partout que semblable régalade ne s’était jamais vue dans la localité. Laterrière en fait mention : « Le général Ridzel voulut me connaître et m’invita à un bal qu’il donna et où j’allai. Dîner, et après, le soir venu, danses et bal. Ce bal était formé des dames et messieurs de la ville, des officiers de l’état-major, et de M. et Madame de Ridzel à la tête, sur la plus haute étiquette »[83].

Le gouverneur Carleton était aux Trois-Rivières le 8 mars 1777. Le général Burgoyne, arrivant d’Angleterre, dîna, le 15 mai, avec Riedesel, qui se mit en marche le 5 juin à la suite de son contingent et, vers le 12 du même mois, de nouvelles troupes d’Allemagne et d’Angleterre survinrent à leur tour, se dirigeant, comme les premières, vers Albany. Madame de Riedesel, arrivée aux Trois-Rivières après le 5 juin, alla rencontrer son mari sur la rivière Richelieu, puis retourna aux Trois-Rivières. Elle repartit au commencement d’août 1777, arriva au fort Edward le 14 et y trouva son mari. Elle amenait ses trois jeunes enfants. Le 17 octobre, Burgoyne s’étant rendu avec son armée, la famille Riedesel fut envoyée en Virginie et y resta jusqu’à l’automne de 1780, sinon plus tard, car elle ne rentra à Québec qu’au mois de septembre 1781. Madame de Riedesel a laissé des écrits fort appréciés[84].

Voyons encore ce que dit Laterrière : « Les Forges sont à trois lieues (par le Saint-Maurice) des Trois-Rivières. C’est un fief de quatre lieues carrées, situé le long de la rivière Noire et appelé Saint-Maurice. Le pays est plat ; le terrain, un sol jaune et sablonneux, est plein de savanes et de brûlés, où se trouve la mine par veines, que l’on appelle mine en grains ou en galets, de couleur bleue. Quoique le minerai contienne du soufre et des matières terreuses, il rend en général trente-trois pour cent de pur et excellent fer. On ne chauffe les fourneaux et les affineries qu’avec du charbon de bois qu’il faut choisir ; pour les fourneaux, on ne fait usage que du charbon de bois dur et franc ; pour les affineries, que de charbon de bois mou, comme la pruche, le tremble, etc. Une telle exploitation nécessitait l’emploi de quatre cents à huit cents personnes, tant dans les ateliers que dans les bois, les carrières, les mines, et pour les charrois : six hommes attachés aux fourneaux, deux argueurs de charbon, un fondeur, huit mouleurs et autant de servants, six hommes à chaque chaufferie, deux argueurs, quatre charrons, quatre menuisiers, seize journaliers, huit bateliers, quatre chercheurs de mine, quarante charretiers, et les autres employés aux ventes, charbon, dressage, ou comme mineurs, charbonniers, faiseurs de chemins, garde-feux, huit au moulin à scier, etc. Pour le soutien de tout ce monde, on possédait un magasin de marchandises et de provisions[85].

« Le directeur avait la vue sur tout, l’inspecteur pareillement. Celui-ci était obligé de passer, de demi-heure en demi-heure, à tous les chantiers, pour voir si tout y était dans l’ordre, et ordonner ce qui était nécessaire. Les remarques qu’il faisait étaient « journalisées » au jour et à la minute, et le teneur de livres les enregistrait dans chacun des comptes qui étaient réglés tous les mois.

« Le fourneau produisait un profit de 50 louis par jour ; chaque chaufferie cinquante louis par semaine ; la moulerie cinquante louis par coulage — en somme de dix à quinze mille louis par campagne de sept mois. Les frais en emportaient les deux tiers. C’était donc le tiers net que les intéressés avaient annuellement à partager. Ce fut l’appât d’un tel gain qui m’attira à reprendre de nouveau une part dans cette exploitation, au préjudice de mon île, jusqu’en 1779, que ne pouvant pas aller conduire les travaux moi-même, tout y périclita et mes espérances furent perdues. »

Ici, nous remarquons de nouveau la confusion des dates et des faits qui se produit souvent dans le récit de Laterrière. Il quitta les Forges en août 1778 et s’établit à Bécancour durant le mois d’octobre suivant. Son texte donne à entendre qu’il s’occupait des Forges même après s’être fixé sur l’île de Bécancour jusqu’en 1779, mais ceci va être expliqué en son temps.

« L’endroit (les Forges) est certainement des plus agréables, continue Laterrière. On y voyait environ cent trente maisons bien nettes, bien logeables aux ouvriers, de bons et beaux jardins et prairies, et une belle et spacieuse maison. »

En 1850, j’ai vu les Forges ainsi. Un endroit des plus sauvages du Saint-Maurice embelli par cette petite ville industrielle, aux demeures brillantes de propreté, posant leurs façades dans toutes les directions, isolées les unes des autres par des jardins potagers, des parterres, des lits de fleurs, des chemins et sentiers battus, bien aplanis, des édifices de tous genres, comme hangars, bureaux, écuries, hauts-fourneaux et la belle, imposante maison de pierre, spacieuse, placée au bord du précipice au fond duquel coule le Saint-Maurice qui forme un « rapide » superbe un peu plus bas. Traversant le village pour descendre en cascades à la rivière, on admire le gros ruisseau d’eau claire qui sert à laver la mine en passant. Ses ondes rapides m’ont souvent invité à boire et j’y ai trouvé ce goût de fer qui donne au sang des gens des Forges la vigueur, la santé, ce feu et ce dégourdi que ne possèdent pas généralement les populations de travailleurs. La démarche, la gaîeté, la prestance des femmes et des hommes de ce petit groupe de familles, l’élasticité de leurs mouvements, tout cela vient du ruisseau des Forges, de l’air de la forêt, de l’élévation des terrains.

Revenons au texte de Laterrière : « J’étais si content de moi-même, voyant que tout me riait, que je donnai plusieurs bals et dîners au général Ridzel, en garnison alors aux Trois-Rivières, avec son état-major et les respectables citoyens de cet endroit et du voisinage, ainsi qu’à un officier français appelé le comte Saint-Aulaire, en garnison à Bécancour et au service britannique, homme d’une rare éducation sociale et du plus aimable caractère.

« Les bals, les danses dans la cour de l’établissement, nous amusaient beaucoup. Les gens étaient bons et ma qualité de médecin me faisait du bien sous le triple rapport physique, moral et politique. J’y étais donc très heureux, par toutes sortes de causes. Si ce bonheur eût duré, j’avais trouvé là le lieu des délices !

« Les étrangers y venaient de tous les pays par curiosité. Les habitants de la ville des Trois-Rivières et des différentes paroisses du voisinage en faisaient autant — c’était joie et fête pour eux. Il était de règle qu’aucun des ouvriers ne retirât personne chez lui sans venir au bureau en avertir et demander la permission ; si bien qu’il n’arrivait jamais rien d’indécent ni d’accident sans que nous en eussions connaissance. Nous étions informés même de leurs bals, de leurs danses, de leurs festins. Cette petite peuplade vivait ainsi heureuse aux Forges.

« C’est dans ce dédale de devoirs et d’intérêts divers, d’agréments et de fatigues, que je passai cinq ans : deux comme inspecteur et, après la guerre américaine, trois comme directeur, jusqu’à la vente des Forges à M. Gugy. »

Encore des erreurs. Laterrière était arrivé aux Forges le 1er  mars 1775 comme inspecteur. Il devint directeur en juin 1776 et abandonna le tout le 6 août 1778 ; cela ne donne pas cinq ans mais quarante et un mois. Si même, comme il le prétend, il s’occupa encore des Forges durant les mois d’août, septembre et octobre 1778, nous ne dépassons pas quarante-quatre mois, au lieu de soixante mois ou cinq ans. Notons aussi qu’il place sa période de directeur « après la guerre américaine », ce qui ne veut pas dire après 1784, mais simplement après le départ des Américains des Trois-Rivières en juin 1776.

Laterrière dit que, en 1778, à la forge basse, il y avait deux marteleurs anglais qui étaient frères et dont la veuve Montour faisait le ménage.

« À part les inquiétudes de la guerre américaine, je sentais croître mes espérances. Quoique notre associé Pélissier eut emporté tout son or et son argent et un compte des avances faites à l’armée du Congrès, se montant à deux mille louis ; qu’il n’eût laissé qu’environ six mille barriques de minerai, fort peu de fers dans les différents magasins, presque point de ressources pour en faire, ni d’autres moyens, parce qu’il croyait tout perdu — je mis toutes mes facultés dehors et mes amis à l’épreuve pour la campagne qui allait suivre. Je doublai les préparatifs partout et remplis les magasins de provisions et marchandises pour m’encourager à employer le plus de monde possible, car pas de bras pas d’espérances. D’ailleurs, comme je voulais prouver à la compagnie que je méritais sa confiance, je mis en œuvre tous mes talents, et j’eus le bonheur de faire une brillante et profitable campagne, que l’on cite encore tous les ans sous le nom de Première campagne de Laterrière. Dans le cours de l’hiver suivant, je payai mes dettes. Le coffre-fort contenait des moyens suffisants pour pousser vigoureusement les travaux…

« Ainsi dans les danses et la joie s’acheva l’hiver, sans que j’eusse oublié les grands préparatifs d’une campagne dont j’ai déjà dit qu’il en fut parlé. Le feu fut mis en avril au fourneau, et tout l’atelier se trouva occupé, tant dans les bois qu’à l’établissement et aux environs. Dès lors, je ne pensai plus à autre chose. Au printemps de 1778 nous nous occupâmes à faire marcher les travaux de l’atelier avec une activité inaccoutumée pour la dernière campagne de la société. Le succès fut complet. Il était bien triste d’être obligé de vendre l’établissement lorsque les choses allaient si bien, mais telles sont les destinées des hommes. Ma position ne me permettait pas d’acheter les Forges moi-même. »

Le mot « vente des Forges » n’exprime pas du tout la chose dont parle Laterrière. Il y eut un arrangement pour continuer le bail entre les mains des mêmes associés qu’auparavant.

Vers le printemps de 1778, remarque Laterrière, par la voie d’Angleterre, « Pélissier envoya une procuration pour vendre les Forges et en remettre le produit de ce qui lui appartenait à M. Peras, son ami, à Québec. » Il ne s’agissait nullement de vendre, mais seulement de régler les comptes. Laterrière persiste à dire que les Forges furent vendues alors que tout resta sous l’effet du bail de 1767 qui avait encore à courir jusqu’en 1783 et avec les mêmes associés. Ce qui ajoute au malentendu, c’est que notre homme dit : « En conséquence et suivant ses ordres, tout fut vendu à M. Gugy et le produit de la vente remis honnêtement à M. Peras. » La vérité est que le bail de 1767 fut continué intégralement et lorsqu’il expira, en 1783, Pélissier n’avait plus d’ordre à donner. Alors, le gouvernement, reprenant possession, loua (pas de vente) à Gugy. Disons de plus que si l’on remit à Peras une certaine somme d’argent pour Pélissier, ce ne pouvait être qu’une part dans les bénéfices des associés et non pas le produit de la vente des Forges.

Suivons Laterrière plus loin : « Malgré la vente des Forges et quoique son bon ami Peras lui eut envoyé à Lyon ses fonds restés en Canada et ses deux enfants (du premier mariage), Pélissier ne manqua pas de revenir à la paix au Canada, sous la protection du général Haldimand et de me demander une révision de compte. »

Entendons-nous. Tout ceci est embrouillé. Il est évident que Pélissier avait demandé, vers le printemps de 1778, de régler ses affaires avec les Forges ; que Laterrière rendit ses comptes à Peras pour ce qui concernait Pélissier, mais que Pélissier, au reçu de l’argent, ne se trouva pas satisfait en ce qui concernait l’état de sa société et qu’il demanda la permission d’aller au Canada prendre connaissance de toute l’affaire. Or, ce n’était pas « à la paix », qui ne fut faite que longtemps plus tard, mais l’été de 1778 où le Canada était de nouveau en paix par suite de la retraite des Américains.

Compliquant toujours la situation, Laterrière ajoute que Pélissier lui « envoya, à l’île de Bécancour, un messager pour le sommer de régler leurs comptes » et, sur ce, Laterrière partit pour Québec. Les faits sont autrement. Les comptes avaient été réglés à Québec, le 6 août 1778, en ce qui regarde les Forges et en octobre Laterrière achète l’île de Bécancour où il va de suite demeurer. Si Pélissier lui a envoyé sur l’île un messager demandant à régler leurs comptes, je sais que ce n’était pas des comptes d’argent…

Le 6 août 1778, on lit dans la Gazette de Québec un avis en date de Québec, le 27 juillet précédent, par lequel Jean-Pierre Laterrière déclare qu’il a cessé d’appartenir à la gestion des forges Saint-Maurice dont il était « géreur et administrateur ». Ses comptes étant réglés avec le sieur Christophe Pélissier, ce dernier reste en possession de tout, y compris la charge de faire face aux obligations contractées au temps de la société.

Voilà qui est clair. Cet avis public dit que Laterrière n’est plus rien dans les Forges. Quant à Pélissier, il reste, comme avant le mois de juin 1776, à la tête de la compagnie des Forges.

J’ai raison de croire que Pélissier repartit vers l’automne de 1778. Il n’est jamais revenu. De concert, sans doute, avec les autres associés, il confia à Alexandre Dumas la direction des Forges et c’est ce dont parle Laterrière en ces termes : « Lorsque ces affaires furent terminées (et M. Dumas prit immédiatement possession) mes remises faites et mes comptes rendus à chaque intéressé, j’achetai cet île de Bécancour dont j’ai parlé. »

C’est son ami Saint-Martin qui négocia la vente de l’île à Laterrière au prix de mille piastres. Je comprends que l’île appartenait à Saint-Martin et à sa sœur, comme formant partie du fief Bécancour. Nous avons vu ce Saint-Martin aux Forges[86].

Si Dumas, voulant se mettre au courant de la gestion des Forges, a utilisé les services de Laterrière durant les mois d’août-octobre, rien d’étonnant à cela. Laterrière écrit que, au mois d’octobre, il rendit ses comptes à Dumas et aussitôt acheta l’île de Bécancour. Il ajoute : « Vers la fin d’octobre tout fut conclu et exécuté en faveur de M. Alexandre Dumas pour jusqu’à la fin du bail avec le roi. » Ce bail c’est celui de 1767 qui devait expirer en 1783.

Ainsi, arrivant sur l’île en octobre, Laterrière terminait ses affaires avec Dumas pour la période des dix ou douze dernières semaines comme il avait alors réglé ses comptes avec Pélissier le 27 juillet précédent. Si, en octobre, Pélissier lui a encore demandé un règlement de comptes, je persiste à dire que, au moment de retourner en France pour toujours, il voulait se faire rendre autre chose que de l’argent.

Dumas s’était montré grand ami de Laterrière depuis l’arrivée de celui-ci en Canada et ce qui suit s’explique parfaitement surtout si l’on songe que Laterrière avait fort bien dirigé les Forges de 1776 à 1778 :

« M. Dumas, ne pouvant tirer aucun parti avantageux de sa nouvelle ferme (sa nouvelle position, car la ferme datait de 1767) parce qu’il connaissait fort peu cet état, ne me laissa plus de paix qu’il ne m’eût cédé la moitié des Forges. Je n’hésitai pas à accepter ses offres, sous la condition que j’irais au printemps de 1779 prendre la conduite de tous les travaux. L’acte passé, il ne s’agissait plus que de trouver les deux mille louis nécessaires pour ma part. La vente des produits de ma culture, foin, paille, blé, avoine, et de mes animaux m’en procura une bonne partie. Je vendis mon île et, par là, je formai la somme. Je fis cet achat (des parts de la société des Forges) en janvier et je devais, à l’ouverture de la navigation, en mai, me rendre aux Forges pour en prendre possession aux conditions de notre acte, mais mon emprisonnement en décida autrement. »

Visiblement, Laterrière serait devenu associé de la compagnie des Forges en achetant les parts de quelqu’un des membres. Ce n’est pas Dumas qui lui vendait comme il le dit, la moitié des Forges. Une observation à faire : comment l’île de Bécancour, occupée en octobre, rendait-elle en janvier une récolte de foin, paille, blé, avoine et autres produits, pour former à la vente une aussi forte somme que celle ici mentionnée ? Il faudrait croire que Laterrière avait pris possession de l’île dès le printemps de 1778 mais n’était allé y demeurer qu’en octobre. Dans tout ceci nous ne pouvons faire que des conjectures.

Parlons de l’emprisonnement, d’après Laterrière d’abord, puis nous éclaircirons son histoire : « J’ignorais les manœuvres secrètes de Pélissier auprès de son ami le général Haldimand pour me faire arrêter. La principale partie du clergé était de ce complot, avec tous ceux dont l’enragé politique favorisait les idées — me taxant, quoiqu’à faux, d’avoir trahi les intérêts du roi en faveur des Bostonnais, et on ne parlait de moi au château Saint-Louis que comme d’un traître qui avait fait faire des boulets et des pétards pour briser, disait-on, les portes de la ville de Québec, l’hiver du blocus par les Américains. »

Je ne saurais voir la main de Pélissier dans cette nouvelle affaire. Les faits parlent d’eux-mêmes. Laterrière était du nombre des Français qui s’étaient montrés sympathiques à la cause des Américains et en 1779 ces étrangers redevenaient incommodes. La guerre durait encore. Haldimand décida de coffrer ces gens inquiétants. Il en avait le plein droit. Laterrière avait recueilli chez lui un soldat déserteur. Un autre homme se joignit au premier. Tous deux, se voyant en danger d’être découverts, voulurent gagner le Maine, mais on les arrêta et bientôt après Laterrière fut envoyé aux prisons de Québec, d’où il ne sortit qu’en 1782[87].

Laterrière vécut après cela comme médecin et il se distingua dans cette profession qui le mit en voie d’acheter la seigneurie des Éboulements où il termina ses jours et où demeure encore sa descendance. Son fils Pierre, chirurgien renommé, publia, à Londres, en 1830, A Political and Historical Account of Lower Canada, un bon ouvrage qui eut son influence. Il mourut en 1834. Marc-Pascal, l’autre fils, aussi chirurgien, fut député de 1824 à 1832 et de 1845 à 1854 ; membre du Conseil législatif du 5 janvier 1832 au 27 mars 1838 ; du conseil spécial du 2 avril 1838 au 1er  juin suivant ; du Conseil législatif du 11 novembre 1856 au 25 octobre 1864 et décéda aux Éboulements le 30 mars 1872. De son mariage avec Eulalie Dénéchaud sont nés Laure qui épousa Frédéric Braun, Canadien ; Virginie mariée à sir C.-A.-P. Pelletier ; Edmond marié à Corinne Juchereau-Duchesnay — et de ces derniers nous avons M. le notaire de Laterrière marié à Maria Charlebois qui élèvent un fils et une fille aux Éboulements.


XVIII

BAIL DE 1783. — CONRAD GUGY, SES CONTINUATEURS. — MUNRO ET BELL, 1793. — DESCRIPTION DES FORGES, 1796, 1797. — TRAVAUX DE MUNRO ET BELL. — BAIL DE 1800. — PRIX DES ARTICLES. — BAIL DE 1806. — DESCRIPTION DES FORGES, 1808, 1779-1809.

De 1779 à 1783 il n’y a presque rien à dire des opérations des Forges dirigées par Dumas au nom de la compagnie Pélissier. Le pays était tranquille. La guerre de l’indépendance américaine se continuait et fut considérée comme finie en 1782.

Cette année 1782 et jusqu’à 1804, date de sa mort, je vois John Pullman aux Forges. C’était un homme de l’état de New-York. De 1775 à 1782, il avait tenu une école à Montréal.

Depuis 1770 à peu près il y avait aux Forges Philippe et Nathaniel Lloyd, ainsi que Thomas Lewis, arrivés ensemble du pays de Galles, et qui ont continué d’être employés dans les Forges. Thomas Lewis épousa en 1771 Josette Delorme, née aux Forges, et en eut John-Samuel, qui fut maître-mouleur, puis marchand, et Josette et Nathaniel qui vécurent aux Forges. Ces familles sont devenues tout à fait canadiennes et françaises de langue. John-Samuel Lewis épousa Thérèse Sulte en 1797.

À l’approche de l’expiration (1783) du bail des Forges le gouverneur général voulait avoir de Londres les renseignements nécessaires pour guider sa conduite. On lui répondit le 12 décembre 1782 de conserver intactes les terres des Forges et de louer de nouveau pour seize ans l’exploitation des mines de fer. Il n’est pas fait mention du privilège c’est-à-dire du monopole que ce bail pouvait couvrir. Le bail de 1767 n’en dit rien non plus, parce que, en prenant possession du Canada, les autorités britanniques mettaient fin à ce régime. Toute personne ou compagnie pouvait créer, exploiter des fonderies, forges et laminoirs selon le besoin du commerce, à ses risques et avantages.

Le 3 février 1783 le bail des Forges fut accordé pour seize ans, au prix de dix-huit louis quinze shillings sterling par année, à Conrad Gugy, que les Trifluviens et les gens des Forges connaissaient depuis près de vingt ans. C’était un Suisse de langue française, mais né à la Haye, en Hollande, fils aîné d’un officier militaire employé dans le service hollandais. Huguenot de religion, il avait obtenu une lieutenance au 60e régiment (appelé colonial) de l’armée britannique partant sous les ordres de Wolfe, en 1759, pour la guerre du Canada. De plus, il avait fait des études d’ingénieur.

Haldimand, succédant à Burton aux Trois-Rivières, le 1er  janvier 1764, avait fait de Gugy son secrétaire et un juge-avocat en place de Bruyère. Haldimand et Bruyère étaient des Suisses de langue française. Dès le 15 mai 1764 Gugy ayant vendu sa commission de lieutenant acheta bientôt de Louis Boucher de Grandpré la partie de la seigneurie d’Yamachiche appelée Grosbois, puis l’autre morceau qui portait le nom de Grandpré.

Le 17 août 1775, à la formation du Conseil législatif, Gugy devint l’un de ses membres. Il demeurait alors à Yamachiche où les Américains pillèrent sa maison en 1776, lors de leur retraite. Le 4 juin de cette dernière année, il était caché aux Forges tandis que les Américains occupaient les Trois-Rivières et les environs[88].

Vers 1778 les autorités l’employèrent pour placer en Canada les Loyalistes fuyant la révolution américaine. Il tenta même d’en établir un certain nombre à Yamachiche mais le milieu ne convenait nullement à ces classes de personnes et la colonie ne dura pas longtemps.

Le bail commençait à courir du 9 juin 1783 aux mêmes conditions que celui de 1767[89]. Allsop, qui avait été de la compagnie Pélissier et formait partie du conseil du gouverneur, s’opposa à ce bail en faveur de Gugy parce que le public n’était pas invité à faire des offres. Il y a apparence que les choses marchaient bien aux Forges lorsque Gugy mourut subitement le 10 avril 1786[90]. Barthélemy, son frère cadet, était alors officier dans les Suisses de Louis XVI, régiment de Sonnenberg, et ne semble pas avoir connu ce qui se passait en Canada, mais en 1792, lui et ses hommes, refusant de servir sous l’Assemblée Nationale, il quitta la France et vint à Québec, où il recueillit l’héritage d’Yamachiche, sans s’occuper du bail des Forges, du moins selon que j’ai pu en juger.

La mort de Gugy n’avait pas annulé le contrat. En 1787, Alexandre Davidson et John Lee furent acceptés à le continuer, mais cette fois à raison de deux mille trois cents louis courant. En juin 1793, Davidson passa sa part (et peut-être celle de Lee) à son frère George Davidson, à David Munro et à Mathew Bell, au prix de quinze cents louis courant. Il n’est pas exact de dire que Bell entra dans les Forges en 1789, mais à cette date il était l’associé des Davidson dans le commerce de Québec et l’erreur vient de là. Bell était né en juillet 1769 à Berwick, sur la Tweed, frontière de l’Écosse. Il arriva à l’âge de quinze ans dans la colonie. En 1789 il entrait en société avec Davidson et Lee, marchands de Québec. Dans la Gazette de Québec du 4 mars 1794 on mentionne la société Munro et Bell.

Cette année 1794 lord Dorchester (Guy Carleton) se proposait de concéder les Forges à Hugh Finlay[91] mais il se contenta de le nommer auditeur des comptes en 1795.

À l’arrivée du gouverneur Prescott en 1796 la compagnie des forges de Batiscan demanda le bail des forges Saint-Maurice qui, paraît-il, était de quatorze cents louis sterling. Munro et Bell, qui en étaient possesseurs, offrirent cinq cent cinquante louis avec promesse de quinze cents louis d’amélioration. Batiscan parla aussitôt de payer huit cents louis sans amélioration. Bell et Munro allèrent jusqu’à huit cent cinquante louis et l’emportèrent pour cinq années. Tout ceci montre que l’on ne s’en tenait pas au prix du bail de 1783.

Le duc de La Rochefoucauld qui était alors dans le Haut-Canada et recueillait des renseignements du gouverneur Simcoe, s’exprime ainsi : « Une fabrique de fer aux Trois-Rivières et une distillerie près Québec, sont les seules manufactures du Canada ; encore sont-elles sur une très petite échelle. La manufacture de fer ne suffit pas pour fournir même le Bas-Canada. Elle appartient à des négociants de Québec et de Montréal qui n’y employent pas les machines usitées en Angleterre pour un tel travail. La mine se trouve dans les rivières voisines, et en grain sur la surface de la terre et assez riche ; elle est connue sous le nom de mine de Saint-Maurice. Une vingtaine d’ouvriers, tous Canadiens, y sont occupés ; ils forgent (coulent) le fer en saumons et en ustensiles de différentes espèces, outils, marmites, etc… Ils gagnent trois quarts de piastre par jour et ne sont pas nourris ». Ailleurs il nous dit qu’on a découvert « dernièrement une mine de fer abondante près le creek de Chipawa, Haut-Canada. Une compagnie se propose de l’exploiter et veut construire auprès de la chute une usine nécessaire à son travail, mais il faut la permission du gouverneur, car la mère-patrie veut fournir toutes ses colonies de ses propres manufactures. Elle n’est pas corrigée encore de ce monopole qui déjà lui a coûté l’Amérique. On se flatte pourtant que la permission pourra être accordée. »

Les forges de Batiscan étaient pour celles de Saint-Maurice et les fabriques d’Angleterre des rivales sérieuses, pourtant on les laissait tranquilles. La prétendue compagnie de Chipawa c’était la famille Allen, du Vermont, des révolutionnaires dangereux qui s’étaient insinués dans la confiance du gouverneur Simcoe, un homme assez naïf, mais que lord Dorchester contrôlait haut la main. La Rochefoucauld, révolutionnaire lui-même, nous cache la vérité. Dorchester suivait les Allen de l’œil. Il eut bientôt fait de mettre un terme aux concessions de terre que Simcoe voulait accorder à ces « brouillons » qui se vantaient d’annexer certains territoires au Canada, n’osant pas dire qu’ils voulaient annexer le Canada au Vermont.

Isaac Weld, qui était aux Trois-Rivières en 1797, écrit : « La mine de fer qui est dans le voisinage et qu’on supposait devoir être la source de sa prospérité est presque épuisée[92] et il ne paraît pas que ses productions aient jamais été assez considérables pour tenir plus d’une seule forge constamment en activité pour alimenter, par intervalle seulement, une très petite fonderie ». Il ajoute : « On ne rencontre, depuis l’embouchure du Saint-Maurice jusqu’aux Forges, que quelques habitations. Tout ce qui est au-delà n’est connu que des Sauvages ». Parlant du bail des Forges d’après ce qu’on lui en a dit, il note que ce contrat doit expirer en 1800 « et on aura de la difficulté à trouver quelqu’un pour louer cette usine vu que le minerai s’épuise. Les poêles sont le principal article de Saint-Maurice, mais on leur préfère les poêles d’Angleterre ». Après avoir dit que la principale industrie de Sorel est la construction des navires, il remarque que les ferrures et toute la partie en fer est importée, mais que le gréement est fait à Québec. Ceci ne s’accorde pas avec Lambert que nous verrons plus loin.

J’ai toujours entendu dire aux Forges, dans ma jeunesse, que Bell avait fait des efforts pour établir la renommée de sa fabrique et y était parvenu. Il remporta des prix en Angleterre. Ses poêles épais et fondus au vent froid étaient excellents.

Sous Bell et Munro, outre la grande baie de Yamachiche et de la Pointe-du-Lac, on tira, pendant quelques années, de la mine de Nicolet, où il y en avait un bon et solide, compacte dépôt, tout en face du collège. Les vieux mineurs en ont gardé la tradition. C’était une couche de cinq pieds de mine nette — rare avantage que la mine nette car elle ne nécessite pas de lavage.

En 1797, le lieutenant de milice Zacharie Macaulay exerçait la compagnie des Forges. Il était au Canada depuis 1760 et il vécut longtemps aux Forges.

En 1798, le bail des Forges qui devait expirer l’année suivante fut prolongé jusqu’à 1800. C’est alors, je crois, que Mathew Bell prit directement la conduite des affaires. Le 17 février 1798, George Davidson, David Munro et Mathew Bell représentent au gouvernement qu’ils sont en possession du bail qui se terminera le 10 juin 1799 et qu’ils ont fait de grandes améliorations dans l’établissement. Ils demandent la continuation ou le remboursement de leurs dépenses. Dans un rapport du 13 avril suivant soumis au Conseil du gouverneur Prescott il est proposé de faire un bail de quatre-vingt-dix-neuf ans, mais ce projet resta sur le papier, comme aussi la vente du contrat aux enchères publiques. On se contenta de laisser courir le bail jusqu’à 1800 et alors Robert Shore Milnes, administrateur de la province, l’étendit de nouveau jusqu’au 31 mars 1801. Il y a un acte de Conseil exécutif du 1er  mai 1799 disant que les Forges sont d’une grande importance et devront produire plus tard un fort revenu. En même temps, on recommande que le contrat se prolonge jusqu’au 1er  avril 1810.

La compagnie de Batiscan offrit de prendre l’affaire pour deux années à raison de cinq cents louis par an, mais Davidson se déclara prêt à payer ce même prix pour cinq ans. Munro et Bell allèrent jusqu’à cinq cent cinquante louis disant que les cinq années révolues ils rendraient la place en bon ordre avec quinze cents louis d’amélioration. L’offre du parti opposé s’élève alors à six cents louis, puis a huit cents, mais Munro et Bell vont jusqu’à huit cent cinquante et l’emportent pour cinq ans à dater du 1er  avril 1801. En mai 1805 le Conseil constate que Munro et Bell ayant toujours bien payé on est satisfait d’eux.

Joseph Bouchette, parlant du renouvellement du bail en question, dit qu’on ajouta des terres au domaine des Forges afin d’employer le bois à la fonderie. Il y avait de deux cent cinquante à trois cents hommes à l’ouvrage. Les maîtres et contremaîtres étaient des Écossais et des Anglais ; les ouvriers, des Canadiens. Il dit de plus qu’on ouvrit des carrières de pierre à chaux, de bonnes pierres grises et de quelques autres espèces de pierre à bâtir, sur les bords du Saint-Maurice, près des chutes des Grès et de la Gabelle, un peu au-dessous de celle-ci. Voilà, je pense, l’origine de la pierre qui a servi à la construction de plusieurs édifices aux Trois-Rivières, de 1800 à 1830.

Vers 1800, Thomas Coffin paraît avoir été intéressé dans les forges de Batiscan. Mathew Bell et lui étaient députés du comté de Saint-Maurice. Mathew Bell, « marchand de Québec », avait épousé aux Trois-Rivières, le 17 septembre 1799, Anne, fille de James McKenzie, grand connétable des Trois-Rivières, qui était aussi marchand et mourut cinq semaines après ce mariage. Pendant plusieurs années, Bell commanda une compagnie de volontaires à cheval dans la ville de Québec. En 1799, il était trésorier de la société contre les incendies de cette même ville.

En 1804, David Munro et Michel Caron représentent le comté de Saint-Maurice. En 1805, Benjamin L’Écuyer arpente les terres des Forges.

D’après un supplément de la Gazette de Québec du 20 juin 1799, les fermiers des forges Saint-Maurice annoncent leurs marchandises à douze et demi par cent de rabais, savoir : poêles à 55, 75, 80, 85, 90, 100, 120 shellings ; autres poêles de 80 à 130 shellings ; plaques de cheminée, 25 shellings. On faisait des ouvrages unis pour les moulins, tels que roues, goujons, etc., aussi le fer en barres, chaudrons, marmites, tourtières, bassins, sacs, moulés, boîtes à roue, enclumes, chenets, pilons (mortiers).

Le 1er  mai 1805, le Conseil exécutif mentionne la rareté du minerai et du bois sur les terrains des Forges et pense que les nouveaux concessionnaires (en 1806) devront payer aux anciens quatre cents louis ou toute autre somme à fixer par arbitrage. Munro et Bell continuent a raison de huit cent cinquante louis par année.

Les cinq ans expirés, Thomas Dunn était administrateur de la province, en l’absence de Milnes, et se trouvait dans un certain embarras à cause des Forges, ayant acheté pour ses fils des actions dans les fonderies de Batiscan qui voulaient avoir de plus les « vieilles forges » c’est-à-dire celles de Saint-Maurice. Le 10 juin 1806, il demande qu’on ajourne la vente du bail (expirant le lendemain ?). On tombe d’accord à laisser les Forges à Munro et Bell pour soixante louis par année, jusqu’au 1er  octobre suivant.

Je vois une annonce portant que, le 11 juin 1806, Burns et Woolsey, encanteurs (commissaires priseurs) de Québec, vendront l’exploitation des Forges avec certains morceaux de terre adjacents, pour un bail de vingt ans, à courir du 1er  avril 1807. C’est signé de Herman W. Ryland, secrétaire du gouverneur. La vente fut remise au 1er  octobre 1806.

Allcock, juge en chef, recommandait de fixer la mise à prix à huit cent cinquante louis aux enchères. Arrive le 1er  octobre, Thomas Dunn demande qu’on règle à soixante louis avec Munro et Bell pour une période de vingt ans, mais l’Exécutif fait entendre que Munro et Bell avaient probablement écarté par des manœuvres sourdes les autres compétiteurs et il annonce la vente des Forges aux enchères. Il faut croire qu’il ne se présenta pas de concurrents puisque le 1er  octobre Munro et Bell remportèrent la palme au prix de soixante louis durant vingt et un ans, mais, si je comprends bien, sujet à rectification quant à la somme d’argent. La rectification resta en suspens jusqu’au 9 octobre 1810, Munro et Bell payant toujours soixante louis, et alors on porta la somme à cinq cents louis, du 1er  octobre 1810 au 31 mars 1831 (dépêche de lord Castlereagh) selon les conditions qui furent publiées dans la Gazette de Québec.

La législature siégeant, en mars 1807, survint le décès de John Lee, l’un des deux représentants des Trois-Rivières depuis 1792. L’autre était alors le juge L.-C. Foucher. Mathew Bell se posa à la candidature, ainsi que Thomas Coffin, Pierre Vézina et Ézéchiel Hart ; ce dernier fut élu. Il s’en suivit beaucoup d’agitation politique[93].

John Lambert, qui était aux Trois-Rivières en 1808, dit que les forges de Batiscan étaient sur le modèle de celles du Saint-Maurice, mais que les affaires sont en décadence et que deux associés se sont retirés récemment. « Les forges Saint-Maurice ont pour surintendant Zacharie Macaulay. J’y suis allé au mois d’août par une très grande chaleur, à cheval, à travers la forêt. Tous les gens des Forges ont des jardins.

« Le sable pour mouler est importé d’Angleterre en barils, au coût de neuf piastres chacun. C’est un sable particulier qu’on ne trouve nulle part en Canada. Trois cents hommes, quelques fois moins et plus, aussi de trente à quarante chevaux sont employés. On ne brûle que du charbon de bois pour fondre le minerai mais les forêts des alentours fournissent en abondance le sapin blanc et le pin nécessaire pour fabriquer ce produit considéré comme de beaucoup préférable au charbon de terre pour cette industrie. On découvre sans cesse de nouvelles veines de minerai et les habitants les vendent à très bas prix.

« Les marteaux, soufflets, des forges et de la fonderie sont mis en mouvement par la force hydraulique. Les ateliers de forge ne sont que du fer en barres et des socs de charrue. Il y a un surintendant et deux commis avec contremaître à la tête de chaque branche. Une fonderie avec grande fournaise coule les plaques de poêles, les chaudières à potasse, l’outillage de moulin, etc… J’ai vu modeler et couler des pièces avec beaucoup d’habileté. Les ouvriers sont payés selon la quantité de travail qu’ils exécutent. Les hommes se relèvent de six heures en six heures, car l’usine fonctionne jour et nuit. À la fonderie ceux qui n’alimentent pas le fourneau font des journées ordinaires. Ceux qui coulent et finissent les poêles sont occupés du soleil levant au soleil couchant, ce qui, chez ces Canadiens-français est la durée usuelle du travail journalier, année durante. On y gagne ce grand avantage de compenser en été la perte, de temps des nuits d’hiver.

« La main-d’œuvre est principalement canadienne. Quelques Anglais font des modèles et agissent comme contremaîtres ou experts ouvriers. Un grand nombre d’hommes font du charbon et le charroyent, creusent le sol pour avoir le minerai, ou conduisent les bateaux sur le Saint-Maurice jusqu’aux Trois-Rivières. Cette rivière n’est pas profonde pour les navires, on y emploie des chalands ; par endroits le courant est très fort.

« Le fer du Saint-Maurice a la renommée d’être égal, sinon supérieur, à ce que la Suède produit de mieux. Il est extrêmement malléable et ne prend guère la rouille. Les Canadiens le préfèrent à tous les autres fers. À ce propos j’ai un trait à rapporter. Les services des Forges, ceux d’à présent, au début de leur contrat, voulant activer la vente du fer en barres, achetèrent une quantité de cet article en Angleterre, mais de pauvre qualité et la revendirent aussi bon marché que le désiraient les habitants, mais ceux-ci n’en voulurent pas prendre une seconde fois, préférant payer plus cher et se procurer le fer du Saint-Maurice.

« Monsieur Graves, aux Trois-Rivières, reçoit les produits des Forges et les expédie par le fleuve à Montréal et à Québec, ou les vend aux gens du voisinage. On fabrique à peu près mille poêles par année. Les plus petits ou poêles simples coûtent aux acheteurs trois louis. Les grands vont jusqu’à six louis. Les poêles doubles avec fourneau au-dessus valent de dix à douze louis, selon leur mesurage. Les chaudières à potasse sont de vingt à vingt-cinq louis.

« Munro et Bell ont dépensé beaucoup d’argent à ramasser des masses de minerai et en améliorations dans l’outillage. À la fin de leur bail, en 1806, ils étaient prêts à le renouveler en payant douze cents louis par année plutôt que de le voir passer en d’autres mains. Ils ont le mérite de donner du développement à l’exploitation, ce qui est autant à l’avantage de la colonie que favorable à leur bourse. Il va sans dire que la somme de soixante louis par année est dérisoire. Jusqu’à 1806 ils payaient huit cent cinquante louis et actuellement, les progrès accomplis, devraient porter le bail plus haut qu’il y a deux ans.

« Presque tout le fer qui entre dans la construction des navires en Canada vient du Saint-Maurice et cela date de vingt ans. On compte cinq constructeurs : un à Montréal, quatre à Québec. De six à huit navires sortent annuellement de ces chantiers. L’ouvrage se poursuit en toute saison, ce qui fait une circulation de vingt mille louis par douze mois.

André Robichon, né aux Forges vers 1793, m’a dit en 1860 que l’église en bois servait vers 1800 de hangar pour les voitures et que la sacristie, en gros murs de pierre, de 20 x 20 pieds était encore solide.

Il faut mentionner ici la « grande vie » que menait Bell, tant à Québec qu’aux Trois-Rivières et aux Forges. Dîners, piques-niques, bals, promenades, grandes chasses, concerts, tel était le roulement. Les invités venaient de toutes parts de la province, et pas les moindres familles, cela s’entend. Le souvenir en était vivace quand j’étais jeune ; la tradition locale le conserve. Rien d’étonnant que ce personnage fastueux n’ait pas accumulé de la fortune, mais il a fait vivre à l’aise un grand nombre de personnes et en a amusé des milliers.

En 1806, Robert Fulton avait fait naviguer sur l’Hudson un bateau à vapeur, le Clermont, et John Molson, de Montréal, ne tarda pas à construire l’Accommodation pour servir sur le Saint-Laurent entre Montréal et Québec. Il se rendit en Écosse, y fit faire les machines de son navire et les apporta aux Trois-Rivières. Les ouvriers des Forges fabriquèrent certaines pièces de leur métier et tout fut mis en place pour l’été de 1809 où ce « prodigieux pyroscaphe », comme on disait, commença ses allées et venues sur le fleuve contre vents et marées[94].

Dans les documents de la session de 1809 on lit le reçu de la somme de soixante louis payée par Munro et Bell pour une année de loyer des forges Saint-Maurice expirée le 1er  octobre. Le Canadien dit, en novembre 1809, que Bell a voté avec le gouvernement sur la question des juges et sur celle de la liste civile « pour les soixante louis des Forges ».[95].


XIX

DESCRIPTIONS, 1817, 1818. — RECENSEMENT DE 1800. — LES CHIENS DE CHASSE. — BAIL DE 1831. — TERRAINS DES FORGES. — INVENTAIRE, 1833. — TÊTES-DE-BOULE. — RECENSEMENT DE 1842. — ARPENTAGE. — FIN DE BELL. — RADNOR ET L’ISLET. — DÉCADENCE DES VIEILLES FORGES. — 1810-1920.

Jacques Sansom, des États-Unis, qui passait à travers le Canada en 1817, se borne à dire que le fer du Saint-Maurice est pliant, tenace et peu susceptible de se rouiller. Joseph Bouchette, à la même date, dit que ces forges vont toujours de mieux en mieux étant conduites presque aussi bien que celles d’Angleterre et d’Écosse. Le sable propre à la fonte du minerai vient des Trois-Royaumes. Ceci existait encore en 1870 à ma connaissance. Je me demande comment on agissait à cet égard « du temps des Français ». Le sable était-il importé de France ou se bornait-on à une qualité inférieure qui pouvait se rencontrer à peu de distance du Saint-Maurice ? On met dans une boîte ou cassot le minerai mêlé avec du charbon de bois et largement saupoudré de sable. C’est une « charge » qui est vidée dans le haut-fourneau par la tête. Ce fourneau a la forme d’une cheminée. On y monte par un escalier d’à peu près dix pieds d’élévation pour y verser la charge, et à chaque fois on en met quatre ou cinq en frappant aussitôt quatre ou cinq coupe d’une tige de fer sur une feuille de tôle suspendue qui rend un son sauvage, vibrant et prolongé.

D’ans son livre Cinq Ans au Canada, Adrien Talbot dit que le fer du Saint-Maurice est meilleur que le produit anglais mais inférieur à celui de la Suède. Ceci est de 1818. L’année suivante, John Duncan, dans Travels in Canada, rapporte qu’on lui a dit que les poêles de Saint-Maurice endurent mieux la chaleur que ceux de Carron, qui étaient probablement de fabrique anglaise. Je ne sais rien de Carron.

La Gazette de Québec du 18 janvier 1820 note que les Forges comptent 55 maisons, 285 catholiques et seulement 5 protestants. La ville des Trois-Rivières renfermait 1,916 âmes et 355 maisons.

C’est en 1829 que Mathew Bell commença ses préparatifs pour se retirer des affaires des Forges. Il vendit sa meute de chiens de chasse à un club de Montréal qui possède encore la descendance de ces animaux. J’ai connu l’esclave nègre qui en avait le soin et, en 1865, je l’ai retrouvé tenant un restaurant à Sainte-Catharine, au pied du canal Welland. Il parlait français comme nous et m’a conté des histoires des Forges, moitié légendes et moitié vraies, surtout sur les fêtes et amusements des gens de haute classe visitant l’endroit, l’hiver comme l’été, grâce aux largesses de M. Bell[96].

La paroisse dite Saint-Maurice, en arrière du Cap-de-la-Madeleine, fut commencée en 1830. Le bail des Forges expirant en 1831, les terres devinrent accessibles aux colons qui voulaient ouvrir des cultures dans le Saint-Maurice.

Le 7 juillet 1830, Bell demande que son bail soit prolongé d’une année, ce qui est consenti de suite. Il était membre du Conseil législatif. La question des Forges est soumise au ministre des colonies avec proposition d’un bail de cinq années.

Contre le privilège des Forges, qui faisait obstacle à la colonisation, il y eut aux Trois-Rivières, le 24 février 1831, une assemblée populaire présidée par Pierre Vézina qui, en outre, demanda au gouvernement plusieurs réformes dans les affaires de la ville.

Un état de 1832 montre qu’il y avait aux Forges plus de quatre cents âmes, à part cent à deux cents personnes qui y faisaient diverses affaires. On y manufacturait du fer pour trente mille louis environ par année. Un chemin s’ouvrait pour pénétrer dans le territoire au-delà des Forges. Parlant de la grande chute, Bell écrit ce nom Cha-our-nigam, et Cha-oui-nigan en 1843 et 1845.

En décembre 1832, René Kimber, député des Trois-Rivières, disait, dans l’Assemblée législative, que sur les terres des Forges on ne rencontrait plus ni essences de bois ni minerai utiles à ces usines et que la ville était serrée par ce monopole, ne pouvant étendre sa colonisation vers le Saint-Maurice. Bell répondit qu’on exagérait puisque le fief Sainte-Marguerite, adjoignant au nord-ouest les terrains des Forges n’a pas un seul colon, tout voisin qu’il est de la ville. Il va plus loin et dit que les terres ne valent rien pour la culture, ce qui est une bien plus forte exagération. Il ajoute que ceux qui ont pillé le bois de Sainte-Marguerite voudraient en faire autant sur le domaine des Forges[97].

Un inventaire du 1er  janvier 1833 dressé par Bell estime : charbon, minerai, modèles et outils, fer en gueuses (lingots, saumons), marchandises variées, liqueurs, provisions de bouche, chevaux, voitures, puis ustensiles de toutes descriptions
£7,852-12-2
Les mêmes genres d’articles au poste des Trois-Rivières
4,667-3-5
Les poêles aux Forges
6,310-14-10
x"xxxxx"xxxx"xxTrois-Rivières
8,278-4-7
x"xxxxx"xxxxàx Québec
6,567-1-3
x"xxxxx"xxxx"xxMontréal
4,950-5-10
x"xxxxx"xxxx"xxKingston et York (Toronto)
1,274-8-6


On ajoute à cette liste un état des poêles fabriqués en janvier-avril 1833 :

Janvier
£2,095-5-10
Février
  1,907-10-00
Mars
  2,169-4-01
Avril (estimation)
  2,000-0-00
donnant un grand total de
£48,072-10-6

En 1833 il y eut un grand débat dans l’Assemblée législative au sujet des Forges. De fait, les attaques se répétaient d’année en année. L’agitation contre les Forges paraît n’avoir eu d’autre base que la passion politique. Bell était « bureaucrate », c’est-à-dire du parti des fonctionnaires nommés par la couronne et qui jouissaient de privilèges contre lesquels les députés canadiens à la Chambre d’assemblée luttaient avec persistance. Ce groupe oligarchique était le même qui tenait dans l’administration du Royaume-Uni une place considérable et que le parti whig ou réformateur ou libéral combattait sans cesse. Au Canada on ne disait pas whig, mais patriote. Vallières, Polette, Vézina, qui menaient la guerre contre Bell étaient des patriotes, ou réformateurs, ou libéraux, ou whigs — c’est la même chose.

Le 5 janvier 1834, Bell accepte l’offre que lui fait le gouvernement de continuer l’exploitation des Forges jusqu’au 31 décembre 1843 mais, je crois, sujet à l’approbation du ministre des colonies. De plus, on lui permet d’utiliser un certain morceau de terre dans la seigneurie du Cap-de-la-Madeleine. Ceci est en date du 24 avril. Bell promet de payer soixante-quinze louis par année durant dix ans à commencer du 1er  janvier 1833 pour ce terrain qui mesure 25,940 arpents, mais, dans les lettres patentes du 23 novembre 1834 qui accordent les Forges à Bell pour dix ans, il est déclaré que les £75 sont compris dans le prix du bail lequel est de £500. La Chambre d’assemblée se montre très mécontente de cet arrangement.

En 1837, les missionnaires remontent le Saint-Maurice pour visiter les Têtes-de-Boule. Jusque-là ces Sauvages n’étaient connus que par leurs descentes, en été, lorsqu’ils allaient aux Forges et aux Trois-Rivières vendre des pelleteries. Ils étaient restés sans connaissances religieuses[98].

Des plaintes s’élevant toujours contre les Forges, on pétitionnait et des discours avaient lieu dans la législature. Kimber et Vallières paraissent avoir créé l’impression que si le bail des Forges était modifié, les terres seraient données gratuitement aux colons. Ils avaient envoyé au gouverneur Kempt une liste de ces personnes se disant prêtes à s’établir dans les endroits en question. Kempt en parla à Bell qui se déclara favorable au projet et il céda cinq mille arpents contigus à l’arrière de la Pointe-du-Lac et Yamachiche qui furent arpentés sur ordre du gouverneur, puis divisés en lots de cinquante à soixante-dix acres, comme augmentation du township de Caxton. Ceci se passait de février à mai 1843. Durant plusieurs mois on annonça la vente de ces terres d’habitants, puis, à l’église de Yamachiche, l’encan s’ouvrit. Pas un seul pétitionnaire ne se présenta ; Bell y était. Il acheta presque tout au prix de la mise aux enchères.

Dans ces occasions, Bell dit à qui voulait l’entendre que les terres des Forges n’étaient pas fameuses pour la culture tandis qu’il y en avait d’excellentes dans les seigneuries voisines et inoccupées. Encore aujourd’hui les terres des Forges sont presque sans habitants.

Le 27 décembre 1842, Bell dit qu’il y avait quatre cent vingt-cinq âmes aux Forges et de plus que trois cents personnes y étaient nourries à certaines saisons de l’année. Les habitants du voisinage y vendaient leur grain.

Voici la distribution des familles établies :

Sexe masculin, plus de 14 ans
126
Sexe"masculin"moins de"14 "ans "
97
Sexe"masculin moinsféminin, plusde"14 "ans "
114
Sexe"masculin"moins de"14 "ans "
88

425

Il donne une liste de quatre-vingt-dix-sept noms du sexe masculin qui me semblent être de la catégorie de ceux âgés de plus de quatorze ans et appartenir uniquement aux travailleurs de tous les métiers. Quant aux vingt-neuf noms qui manquent pour compléter le chiffre de cent vingt-cinq porté ci-dessus, je suppose que ce sont des surintendants, surveillants, commis, fournisseurs, marchands regardés comme à part de la main d’œuvre. S’il ne donne que le chiffre des femmes, petits garçons et filles c’est qu’il ne les compte pas parmi les travailleurs des usines ou de l’exploitation en générale — ce sont les membres des familles du lieu et qui y vivent.

Aubry, Jacques,
Beaulac, Antoine,
Boisvert, Joseph,
Boisvert," Jean-B.,
Boisvert," Thomas,
Bouchard, F.,
Bouchard," H.
Bourgainville, P.
Chaurette, B.
Chaurette," D.
Chaurette," F.
Chaurette," Joseph,
Chaurette," Louis,
Chaurette," P.
Claude, F.-J.
Collins, Jacob,
Cunningham, James,
Denoncour, P.,
Dugré, C.,
Gauthier, père, L.
Gauthier," fils L.,
Gilbert, Antoine,
Gilbert," Augustin,
Gilbert," Jean-Baptiste,
Gilbert," Joseph,
Gilbert," P.,
Gordon, James,
Harris, Catherine,
Himbleau, C.,
Himbleau," L.-C.,
Himbleau," Louis,
Himbleau," R.,
Himbleau," P.-P.,
Himbleau," Saint-Luc,
Himbleau," veuve,
Huot, Édouard,
Isabelle, Laurent,
Laliberté, Joseph,
Laliberté," O.,
Lamb, I.
Lanouette, Joseph,
Laroche, F.,
Leclerc, Antoine,
Lesieur, Antoine,
Lessard, D.,
Lewis, Antoine,
Lord, Pierre,
McCauley, H.
Mailloux, André,
Mailloux," Antoine,
Mailloux," Jean,
Mailloux," Joseph,
Mailloux," père, Louis,
Mailloux," fils, Louis,
Mailloux," P.,
Mailloux," P.,
Michelin, Antoine,
Michelin," A.-J.,
Michelin," Benjamin,
Michelin," Jean,
Michelin," J.-B.,
Michelin," père, Joseph,
Michelin," fils, Joseph,
Michelin," Louis,
Noël, D.,
Pellerin, Antoine,
Pellerin," François,
Pellerin," J.-P.,
Pellerin," Louis,
Pléau, Antoine,
Pléau," J.,
Poulin, Augustin,
Précourt, Alex.,
Précourt," père, G.,
Précourt," fis, G.,
Précourt," N.-V.,
Raymond, H.,
Rivard, Jules,
Rivard," P.,
Robichon, Joseph,
Robichon," N.,
Rouet, Étienne,
Sarrazin, C.,
Sawyer, père, B.,
Sawyer," fils, B.,
Tassé, Édouard[99],
Terrault, Éloi,
Terrault," E.,
Terrault," Jean,
Terrault," Jean-Baptiste,
Terrault," Joseph,
Terrault," père, N.,
Terrault," fils, N.,
Terrault," R.,
Tomlinson, J.,
Winniburgh, H.

Le 21 octobre 1843, Dominique Daly, secrétaire provincial, écrit à Bell qu’on lui offre de prolonger son bail d’un an s’il accepte l’arpentage et le reste des terres des Forges que l’on jugerait à propos de concéder dans l’intervalle de ces douze mois. Bell consent et ajoute que vers l’été de 1844, la fournaise sera usée, hors de service et qu’il ne la rebâtira point mais tiendra cependant à faire mettre les choses en état d’agir afin que son successeur puisse faire une fournaise sans retard. Daly fixe le prix du terme en question à cinq cents louis englobant les soixante-et-quinze louis à payer aux commissaires des biens des Jésuites pour les 25,940 arpents qui sont dans la seigneurie du Cap. Un ordre en conseil du 16 septembre 1844 prolonge le bail de Bell jusqu’au 1er  juin 1845.

Edward Grieves, gendre de Bell (son agent), représentait les Trois-Rivières à l’Assemblée législative pour la période de 1844-47. Il mourut en 1845 et le 14 juillet de cette année Denis-Benjamin Viger le remplaça comme député. Bell n’était plus membre du Conseil législatif. Son agent à Québec était Alexandre-Davidson Bell, marchand.

Mentionnons ici un curieux procès intenté en 1844 par Antoine Turcotte et sa femme Rosalie Rivard, commerçants des Trois-Rivières, pour revendiquer le fief Saint-Étienne et pour faire défense à Bell de payer au gouvernement cette partie du loyer des Forges couvrant le dit fief. Nous connaissons ces sortes d’héritages que l’imagination du peuple fait surgir de temps à autre. Il n’était pas difficile de trouver des avocats pour plaider la cause de Turcotte, car la politique en fournissait.

Tout de même le « règne » de Bell tirait à sa fin. La fortune s’était envolée par les portes et les fenêtres. Je crois que dès le 1er  janvier 1845 il était décidé à se retirer avec l’expiration du contrat, le 1er  juin suivant, car ce premier janvier 1845 le gouvernement donne instruction à Pierre Bureau d’arpenter les terres des Forges, de les diviser en fermes et de faire la réserve d’un village. Cela n’aboutit qu’à peu de chose. Madame Bell était décédée depuis quelques années. Mathew Bell mourut aux Trois-Rivières en 1849 âgé de quatre-vingts ans, dit le registre de sépulture. Sa famille m’a dit qu’il avait été en rapport avec les Forges durant soixante ans, ce qui peut le reculer jusqu’à 1784 puisqu’il semble avoir cessé à la date du 1er  janvier 1845, mais alors c’était du temps de Gugy et Bell ne dépassait pas vingt ans ; il vivait à Québec. Le document officiel de 1845[100] fait croire que sa participation aux affaires des Forges va de 1798 à 1843, ce qui donne cinquante-quatre ans et me paraît plus juste.

En 1846, Henry Stuart achète les Forges au prix de 5,575 louis. Il désirait aussi acheter les fiefs Saint-Étienne et Saint-Maurice, sur quoi M. Papineau demanda de les lui céder moyennant 4,500 louis. Cependant, ils furent mis à l’enchère à la demande du Conseil et M. Stuart les acheta le 3 novembre pour la somme de 5,900 louis[101].

La fin de notre travail sera brève. En 1851, il y eut la compagnie Andrew Stuart et John Porter, puis vint la compagnie Ferrier, deux pauvres affaires. Les Forges déclinaient. En 1854, Hall, Larue et Turcotte commencent les forges Radnor près de la paroisse Saint-Maurice qui venait (1852) d’être organisée canoniquement[102].

En 1856, Dupuis et Robichon établissent les forges de l’Islet, rive gauche du Saint-Maurice, comme Radnor. Le minerai de cette région, très abondant, n’avait pas encore été touché[103].

Les messieurs McDougall, des Trois-Rivières, prirent les « vieilles forges » des mains de Ferrier en 1862 et aussi les forges de l’Islet[104]. Ils y ramenèrent la vie. Le minerai donnait 40% de bonne substance. Vers 1869 on parlait beaucoup du « fer de montagne » que les gens des Forges disaient avoir vu en abondance à quinze ou seize lieues en arrière, vers le nord et on ajoutait qu’il devait y en avoir des quantités énormes plus loin, à vingt lieues. Les mineurs comparaient les échantillons de cette trouvaille au fer du Kentucky qui donne 60%. Ce fer de montagne est moins flexible que l’autre du Saint-Maurice. Il est plus sec, plus cassant, mais plus propre à faire de l’acier. La mine de Hull, vis-à-vis Ottawa, est de fer de montagne.

En 1862, à l’Exposition internationale, les Forges Radnor exhibèrent des roues de chars avec un essieu nouveau genre qui attirèrent l’attention. Les roues avaient parcouru 150,000 milles comme épreuve.

Le 8 janvier 1874, les forges Radnor furent ravagées par un incendie, néanmoins on y travailla jusqu’à 1908 sur une petite échelle[105].

En 1889, la « Canadian Iron Furnace Co. Ltd. » fit l’acquisition de ces forges à un prix dérisoire, mais il n’y avait plus de minerai.

Des Vieilles Forges ont tenu ferme jusqu’à 1883, puis est venue la décadence ; et maintenant on n’y compte plus que quelques familles, mais pas d’exploitation de fer.

***

Adieu mes vieilles Forges. Je vous ai connues dans votre splendeur et je me promettais, dès lors, de vous donner place dans notre histoire. J’écris ces dernières lignes en face de vos ruines qui bientôt disparaîtront. Déjà, votre souvenir n’est plus qu’une légende vague dont la prochaine génération ne saura rien. Je veux vous sauver de l’oubli, vous faire revivre dans l’âme des Canadiens qui s’attachent à l’étude des temps passés.



TABLE DES SOMMAIRES

Pages
display:inline-block;w:7em;border-top:2px solid;border-bottom:2px solid;h:3px


GRAVURES, CARTES ET PLANS

display:inline-block;w:7em;border-top:2px solid;border-bottom:2px solid;h:3px


Index Général

Accommodation, bateau à vapeur
...........................................................................................................................................................
Adam, Ignace
...........................................................................................................................................................
Adam, Jean
...........................................................................................................................................................
Adam, J.-B.
...........................................................................................................................................................
Aigremont, M.  d’
...........................................................................................................................................................
Ailleboust, Charles d’
...........................................................................................................................................................
10, 37
Alary, Pierre
...........................................................................................................................................................
75, 92, 110
Alary, Ursule
...........................................................................................................................................................
64, 74, 95
Alavoine, Charles
...........................................................................................................................................................
53, 88, 124
Allcock, juge en chef
...........................................................................................................................................................
Allen, famille
...........................................................................................................................................................
Allsop, George
...........................................................................................................................................................
Ameau, Séverin
...........................................................................................................................................................
10, 12, 13, 24
Amherst, sir Jeffrey
...........................................................................................................................................................
Amiot, M.
...........................................................................................................................................................
Amiot, frère Hyacinthe
...........................................................................................................................................................
André de Leigne, Louise-Catherine
...........................................................................................................................................................
Arnold, général
...........................................................................................................................................................
Arnould, M.
...........................................................................................................................................................
Aubry, Angélique
...........................................................................................................................................................
59, 87
Aubry, Anne-Françoise
...........................................................................................................................................................
Aubry, Jacques
...........................................................................................................................................................
Aubry, Jean
...........................................................................................................................................................
59, 68, 72, 77, 87, 88, 93, 95, 108, 129
Aubry, Joseph
...........................................................................................................................................................
65, 68, 69, 88, 93, 95, 109
Aubry, Simon
...........................................................................................................................................................
68, 95, 139
Baby, Josephte
...........................................................................................................................................................
Baby, Véronique
...........................................................................................................................................................
Badeaux, Fabien
...........................................................................................................................................................
Badeaux, Jean
...........................................................................................................................................................
Badeaux, J.-B.
...........................................................................................................................................................
Baie Saint-Paul
...........................................................................................................................................................
16, 18
Baraillon, Claude
...........................................................................................................................................................
Baribault, Françoise
...........................................................................................................................................................
Baron, Denis, frère
...........................................................................................................................................................
Batiscan, forges
...........................................................................................................................................................
Batiscan, paroisse
...........................................................................................................................................................
16, 20, 49
Bayard, Madeleine
...........................................................................................................................................................
Bayard, Marguerite
...........................................................................................................................................................
Bazire, Charles
...........................................................................................................................................................
Beauchemin, Dr  L.-J.-B.
...........................................................................................................................................................
Beaudet, Antoinette
...........................................................................................................................................................
Beaudet, Marie
...........................................................................................................................................................
68, 95
Beaudet, Michel
...........................................................................................................................................................
Beaudoin, François
...........................................................................................................................................................
Beaudoin, Gervais
...........................................................................................................................................................
Beaudoin, Madeleine
...........................................................................................................................................................
Beaudoin, Marthe
...........................................................................................................................................................
Beaudry, Josephte
...........................................................................................................................................................
Beaudry, Marguerite
...........................................................................................................................................................
Beaudry, Urbain
...........................................................................................................................................................
Beauharnois, gouverneur
...........................................................................................................................................................
39, 41, 42, 45, 83, 96
Beaulac, Antoine
...........................................................................................................................................................
Beaupré, François-Pierre
...........................................................................................................................................................
68, 75, 76, 94
Bécancour, île de
...........................................................................................................................................................
Bécancour, paroisse
...........................................................................................................................................................
Béchard, Madeleine-Françoise
...........................................................................................................................................................
Becquet, Pierre
...........................................................................................................................................................
Bélisle, Louis
...........................................................................................................................................................
48, 92, 95, 129
Bélisle, Marie
...........................................................................................................................................................
Bell, Alexander-Davidson
...........................................................................................................................................................
Bell, Mathew
...........................................................................................................................................................
171-195
Belleau
...........................................................................................................................................................
Bénard, Maurice
...........................................................................................................................................................
Benier, Massé
...........................................................................................................................................................
Bériau, Catherine
...........................................................................................................................................................
Bériau, Élisabeth
...........................................................................................................................................................
59, 69, 94, 95
Bériau, J.-B.
...........................................................................................................................................................
75, 92, 94
Bériau, Joseph-Marie
...........................................................................................................................................................
Bériau, Maurice
...........................................................................................................................................................
Bertault, Barthélemi
...........................................................................................................................................................
Bertault, Marguerite
...........................................................................................................................................................
Bibaud, Isabelle
...........................................................................................................................................................
Bigot, François, intendant
...........................................................................................................................................................
Blais, forgeron
...........................................................................................................................................................
Blais, Marie
...........................................................................................................................................................
Blondin, Amable et Claude
...........................................................................................................................................................
Boisclerc, Lanouiller de
...........................................................................................................................................................
Boisjoli, Amable
...........................................................................................................................................................
Boismenu, Catherine
...........................................................................................................................................................
Boisvert de Nevers, J.-B.
...........................................................................................................................................................
Boisvert, Joseph
...........................................................................................................................................................
Boisvert, Thomas
...........................................................................................................................................................
Boivin, Joseph
...........................................................................................................................................................
Bouchard, F.
...........................................................................................................................................................
Bouchard, H.
...........................................................................................................................................................
Boucher, Dominique
...........................................................................................................................................................
Boucher, Geneviève
...........................................................................................................................................................
Boucher, Pierre
...........................................................................................................................................................
10, 11, 13, 16, 38
Boucher, Salvien, prêtre
...........................................................................................................................................................
Boucher de Boucherville, Charlotte
...........................................................................................................................................................
Boucher de Grandpré, Louis
...........................................................................................................................................................
Boucher de Niverville, Joseph
...........................................................................................................................................................
Bouchette, Joseph
...........................................................................................................................................................
Bouin, Simon
...........................................................................................................................................................
Boulanger (Le), Charlotte et Marguerite,
...........................................................................................................................................................
34, 35, 36, 180
Boulanger (Le), François
...........................................................................................................................................................
Boulanger (Le), Louise
...........................................................................................................................................................
Boulanger (Le), Pétronille
...........................................................................................................................................................
Boulanger (Le), Pierre
...........................................................................................................................................................
Bourgainville, P.
...........................................................................................................................................................
Bourgoin, Françoise-Véronique
...........................................................................................................................................................
Bousquet, Jean
...........................................................................................................................................................
Boutet, abbé Charles
...........................................................................................................................................................
Bouton, Claire
...........................................................................................................................................................
Bouvet, Pierre
...........................................................................................................................................................
74, 75, 93, 94, 95, 96, 139
Brassard, curé
...........................................................................................................................................................
Brassard, J.-B.
...........................................................................................................................................................
92, 93, 95
Brassard, Pierre-Louis
...........................................................................................................................................................
Braun, Frédéric
...........................................................................................................................................................
Brissard, Jean
...........................................................................................................................................................
Brouillan, gouverneur, Acadie
...........................................................................................................................................................
Bruyère, Joseph
...........................................................................................................................................................
Bullet, frère Bernard
...........................................................................................................................................................
65, 88
Bureau, Pierre
...........................................................................................................................................................
Burgoyne, général John
...........................................................................................................................................................
Burns et Woolsey, encanteurs de Québec
...........................................................................................................................................................
Burton, Francis-Nathaniel, gouverneur,
...........................................................................................................................................................
Cadelé, Isaac
...........................................................................................................................................................
Caisse, François
...........................................................................................................................................................
67, 75
Caisse, abbé J.-R.
...........................................................................................................................................................
Cantenet, Étienne
...........................................................................................................................................................
Cap-de-la-Madeleine
...........................................................................................................................................................
16, 18, 20, 23, 32, 40, 43, 46, 47, 54,

...........................................................................................................................................................
84, 89, 92, 143, 144, 145, 157
Cardin, Maurice
...........................................................................................................................................................
Cardinal
...........................................................................................................................................................
Carleton, Guy, gouverneur,
...........................................................................................................................................................
Caron, Joseph
...........................................................................................................................................................
Caron, Michel
...........................................................................................................................................................
Caron, abbé Nap.
...........................................................................................................................................................
Carpentier, frère François
...........................................................................................................................................................
Carufel (Sicard de) Amable
...........................................................................................................................................................
Catalogne, Gédéon de
...........................................................................................................................................................
Chabanac, Sylvain
...........................................................................................................................................................
Chabot, Geneviève
...........................................................................................................................................................
92, 95
Chaillé, Catherine
...........................................................................................................................................................
Chaillé, François
...........................................................................................................................................................
Chaillé, Jean-François
...........................................................................................................................................................
Chaillé, Joseph
...........................................................................................................................................................
Chaillé, Michel
...........................................................................................................................................................
64, 65, 92
Chaillot, Pierre
...........................................................................................................................................................
Champagne, Nicolas
...........................................................................................................................................................
64, 69, 75, 88, 92, 94, 95
Champigny, Jean Bochart de
...........................................................................................................................................................
26, 37
Champlain-Galimard
...........................................................................................................................................................
Champlain, seigneurie
...........................................................................................................................................................
19, 20, 23, 30, 32
Chapelle
...........................................................................................................................................................
75, 87, 91, 92, 117, 123, 193, 194
Chaput, Denise
...........................................................................................................................................................
69, 79, 108, 140
Chaput, Jean
...........................................................................................................................................................
Chaput, Josephte
...........................................................................................................................................................
Chaput, Nicolas
...........................................................................................................................................................
69, 94
Chaput, Suzanne
...........................................................................................................................................................
72, 95, 125
Charette, B.
...........................................................................................................................................................
Charette, D.
...........................................................................................................................................................
Charette, F.
...........................................................................................................................................................
Charette, Joseph
...........................................................................................................................................................
Charette, Louis
...........................................................................................................................................................
Charette, Pierre
...........................................................................................................................................................
Charlebois, Maria
...........................................................................................................................................................
Chartier de Lotbinière, Michel
...........................................................................................................................................................
Chasseur (Le), Jean
...........................................................................................................................................................
29, 30, 33
Chatelin, famille
...........................................................................................................................................................
Chaussegros de Léry
...........................................................................................................................................................
60, 82, 191
Chéné, Marie-Anne
...........................................................................................................................................................
Chevalier, François
...........................................................................................................................................................
Chevalier, Marie
...........................................................................................................................................................
Chèvrefils, Josephte
...........................................................................................................................................................
68, 88, 93, 109
Chèvrefils, Louis
...........................................................................................................................................................
Chicoyneau, M.
...........................................................................................................................................................
Choiseul, duc de
...........................................................................................................................................................
Chouart, Médard
...........................................................................................................................................................
Chrétien, Jacques
...........................................................................................................................................................
Chrétien, Jean-François
...........................................................................................................................................................
Cimetière des Forges
...........................................................................................................................................................
Claude, F.-J.
...........................................................................................................................................................
Coffin, Thomas
...........................................................................................................................................................
Colbert, ministre
...........................................................................................................................................................
17, 18, 25, 79
Collet, frère Hippolyte
...........................................................................................................................................................
Collins, Jacob
...........................................................................................................................................................
Comeau, abbé J.-B.
...........................................................................................................................................................
Contant, Angélique
...........................................................................................................................................................
Contant, Geneviève
...........................................................................................................................................................
Contant, Josephte
...........................................................................................................................................................
Constantineau, Catherine
...........................................................................................................................................................
74, 95
Constantineau, Jean-François
...........................................................................................................................................................
Cook, Esther
...........................................................................................................................................................
Corbin, André
...........................................................................................................................................................
Couagnes, Thérèse de
...........................................................................................................................................................
37, 47, 49, 51
Courcelle, M. de, gouverneur
...........................................................................................................................................................
Couturier, Agathe
...........................................................................................................................................................
Cressé, Louise
...........................................................................................................................................................
24, 36, 91
Crevier, Claude
...........................................................................................................................................................
Crevier, Jeanne
...........................................................................................................................................................
Crevier, Marguerite
...........................................................................................................................................................
Croteau, Barthélemi et Christophe
...........................................................................................................................................................
Crisasy, marquis de
...........................................................................................................................................................
Cugnet, famille,
...........................................................................................................................................................
47, 48, 50, 51, 52, 54, 62, 81-85, 89, 111, 118, 143
Cunningham, James
...........................................................................................................................................................
Dalphins, Jacques-Philippe
...........................................................................................................................................................
Dandonneau, Catherine
...........................................................................................................................................................
Dasylva, Pierre
...........................................................................................................................................................
74, 94, 95
Dautel, Jean
...........................................................................................................................................................
64, 69
Dautel, Nicolas
...........................................................................................................................................................
64, 88
Davidson, Alexandre
...........................................................................................................................................................
Davidson, George
...........................................................................................................................................................
Dehornay, Geneviève
...........................................................................................................................................................
Dehornay, Isabelle
...........................................................................................................................................................
Délorme, J.-B.
...........................................................................................................................................................
58, 60, 67, 94, 110, 129
Délorme, Josephte
...........................................................................................................................................................
Delouche, Pierre, prêtre récollet
...........................................................................................................................................................
Delzenne, famille
...........................................................................................................................................................
Demaizière, Émile
...........................................................................................................................................................
Dénéchaud, Eulalie
...........................................................................................................................................................
De Nevers, François
...........................................................................................................................................................
73, 87, 92, 110
De Nevers, Madeleine
...........................................................................................................................................................
De Nevers, Marguerite
...........................................................................................................................................................
De Nevers, voir Boisvert.
...........................................................................................................................................................
Denoncourt, P.
...........................................................................................................................................................
Denoncourt, abbé Eugène
...........................................................................................................................................................
Denoncourt, abbé M.-N.-L.
...........................................................................................................................................................
Denonville, gouverneur
...........................................................................................................................................................
24, 25
Denys de la Ronde, Pierre
...........................................................................................................................................................
Déry, Maurice
...........................................................................................................................................................
83, 84
Deschenaux, Jean
...........................................................................................................................................................
Deschenaux, J.-B.
...........................................................................................................................................................
Deschenaux, Marie
...........................................................................................................................................................
Deschenaux, Pierre
...........................................................................................................................................................
Deserre, Charles
...........................................................................................................................................................
Desfossés, Pierre
...........................................................................................................................................................
Desmaisons, Gabriel
...........................................................................................................................................................
Desrosiers, Joseph
...........................................................................................................................................................
Doucet, M., instituteur
...........................................................................................................................................................
Drummond, Colin
...........................................................................................................................................................
Dubé, Marie
...........................................................................................................................................................
Dubeau, Marie
...........................................................................................................................................................
Dubois, Angélique
...........................................................................................................................................................
Dubois, Jacques
...........................................................................................................................................................
29, 30
Dubois, J.-B.
...........................................................................................................................................................
Dubois, Marie
...........................................................................................................................................................
Duchesne,
...........................................................................................................................................................
Duchesneau, intendant
...........................................................................................................................................................
Dufresne, François
...........................................................................................................................................................
Dufrost, Marie-Louise
...........................................................................................................................................................
Dugal, demoiselles
...........................................................................................................................................................
Dugré, Charles
...........................................................................................................................................................
Duguay, Claire
...........................................................................................................................................................
Duguay, Jacques
...........................................................................................................................................................
Duhaime, François Lemaître
...........................................................................................................................................................
Dumas, Alexandre
...........................................................................................................................................................
Dumas, Jean
...........................................................................................................................................................
Dumas, Jean-André
...........................................................................................................................................................
Dumont, famille
...........................................................................................................................................................
Duncan, John
...........................................................................................................................................................
Dunn, Thomas
...........................................................................................................................................................
Duplessis, J.-B.
...........................................................................................................................................................
Duplessis, Marie-Josephte
...........................................................................................................................................................
Duplessis, Marie-Madeleine
...........................................................................................................................................................
Dupré, Madeleine
...........................................................................................................................................................
Dupuis et Robichon, compagnie
...........................................................................................................................................................
Dupuis, Antoine
...........................................................................................................................................................
74, 95, 110
Dupuis, Brigitte-Exupère
...........................................................................................................................................................
74, 77, 122
Dupuis, François
...........................................................................................................................................................
Dupuis, J.-B.
...........................................................................................................................................................
74, 75, 93, 95
Dupuis, Ursule
...........................................................................................................................................................
74, 95
Dupuy, Claude-Thomas, intendant
...........................................................................................................................................................
Duruau, Marguerite
...........................................................................................................................................................
Dusablon, abbé L.-A.-H.
...........................................................................................................................................................
Duval, Julien
...........................................................................................................................................................
Duverger, Marguerite
...........................................................................................................................................................
83, 95, 96
Fafard, Alexis
...........................................................................................................................................................
Fafard, Louis-J.-B.
...........................................................................................................................................................
58, 76
Falaise de Gannes, Bernardin
...........................................................................................................................................................
Falaise de Gannes, Charles
...........................................................................................................................................................
Faucher, Jeanne et Louise
...........................................................................................................................................................
Faucher de Saint-Maurice
...........................................................................................................................................................
Ferrier (Fenwick), compagnie
...........................................................................................................................................................
Ferron, J.-B.
...........................................................................................................................................................
Filet, Claire
...........................................................................................................................................................
63, 64, 92
Finlay, Hugh
...........................................................................................................................................................
Fleury de la Gorgendière, Claire
...........................................................................................................................................................
Foissy, Marie
...........................................................................................................................................................
53, 59
Forestier, Madeleine
...........................................................................................................................................................
34, 96
Foot. Dr
...........................................................................................................................................................
Foucault, François
...........................................................................................................................................................
Foucher, L.-C., juge
...........................................................................................................................................................
Foulon, Françoise
...........................................................................................................................................................
Francheville, Jacques de
...........................................................................................................................................................
9
Francheville, Pierre de
...........................................................................................................................................................
14, 28
Franquet,
...........................................................................................................................................................
Frigon, Gertrude
...........................................................................................................................................................
Frigon, Marie-Louise
...........................................................................................................................................................
Frontenac, gouverneur
...........................................................................................................................................................
14, 18-21, 37
Fulton, Robert
...........................................................................................................................................................
Gabelle, saut de la
...........................................................................................................................................................
58, 81, 176
Galifet, gouverneur
...........................................................................................................................................................
Galimard-Champlain
...........................................................................................................................................................
34, 35
Gamelin, Ignace
...........................................................................................................................................................
47, 49, 52, 54
Gamelin, Michel
...........................................................................................................................................................
47, 85, 86, 89
Garneau, Alfred
...........................................................................................................................................................
Garreau. Père Léonard
...........................................................................................................................................................
10, 11
Gatin, Élisabeth
...........................................................................................................................................................
Gatineau, J.-B.
...........................................................................................................................................................
Gauchereau, 1850,
...........................................................................................................................................................
Gaufin, frère Valérien
...........................................................................................................................................................
92, 95, 109
Gauthier
...........................................................................................................................................................
Gauthier, L., père et fils
...........................................................................................................................................................
Gautier, Charles
...........................................................................................................................................................
Gauvreau, Nicolas
...........................................................................................................................................................
Gilbert, Antoine
...........................................................................................................................................................
Gilbert, Augustin
...........................................................................................................................................................
Gilbert, J.-B.
...........................................................................................................................................................
Gilbert, Joseph
...........................................................................................................................................................
Gilbert, P.
...........................................................................................................................................................
Girardot, Laurent
...........................................................................................................................................................
70, 71, 72, 88
Giroux, abbé T.
...........................................................................................................................................................
Godard, Charles
...........................................................................................................................................................
64, 95
Godard, Claude
...........................................................................................................................................................
Godard, François
...........................................................................................................................................................
64, 92, 109, 124
Godard, Marie-Anne
...........................................................................................................................................................
64, 65, 70
Godefroy de Lintot, Jean
...........................................................................................................................................................
10, 34
Godefroy de Lintot, Renée
...........................................................................................................................................................
Godefroy de Normanville, Josephte
...........................................................................................................................................................
Godefroy de Normanville, Louis
...........................................................................................................................................................
14, 38
Godefroy de Saint-Paul, Jean-Amador
...........................................................................................................................................................
Godefroy de Tonnancour, Charlotte
...........................................................................................................................................................
Godefroy de Tonnancour, Louis-Joseph,
...........................................................................................................................................................
76, 91, 114, 118, 135, 144
Godefroy de Tonnancour, René
...........................................................................................................................................................
33, 34, 36
Godefroy de Vieux-Pont, Joseph
...........................................................................................................................................................
12, 24, 29, 33, 34
Godefroy de Vieux-Pont, Marguerite
...........................................................................................................................................................
34, 92
Godin, Jeanne
...........................................................................................................................................................
Gordon, James
...........................................................................................................................................................
Gorge de Saint-Martin, Jean-Jacques
...........................................................................................................................................................
Goubault, Anne
...........................................................................................................................................................
Gouin, Louise
...........................................................................................................................................................
Gouvernet, Joseph
...........................................................................................................................................................
94, 95, 97
Grancey, comtesse de
...........................................................................................................................................................
Grenier, François
...........................................................................................................................................................
Grenier, François-Bonaventure
...........................................................................................................................................................
Grenier, Marie
...........................................................................................................................................................
Grieves, Edward
...........................................................................................................................................................
Griveau, Amable
...........................................................................................................................................................
Grondin, Jean
...........................................................................................................................................................
Groseilliers, des, voir Chouart.
...........................................................................................................................................................
Guénond
...........................................................................................................................................................
Guéry, Antoinette
...........................................................................................................................................................
68, 77, 87, 93
Guéry, Nicole
...........................................................................................................................................................
69, 72
Gugy, Barthélemi
...........................................................................................................................................................
Gugy, Conrad
...........................................................................................................................................................
130, 161, 163, 169, 170 192
Guyon ou Goujot, Pierre
...........................................................................................................................................................
Haldimand, Frédéric, gouverneur
...........................................................................................................................................................
Hall, Larue & Turcotte, compagnie
...........................................................................................................................................................
Hambleton, Édouard
...........................................................................................................................................................
Hameau, fondeur
...........................................................................................................................................................
Harris, Catherine
...........................................................................................................................................................
Hart, Ézéchiel
...........................................................................................................................................................
Hastain, Louis
...........................................................................................................................................................
66, 95
Hastain, Pierre
...........................................................................................................................................................
Hayet, Marguerite
...........................................................................................................................................................
Hendrix, frère Luc
...........................................................................................................................................................
92, 95, 108
Hérard, Antoine
...........................................................................................................................................................
Hérard, Élie
...........................................................................................................................................................
Hérard, Pierre
...........................................................................................................................................................
Héroux, Onésime
...........................................................................................................................................................
Hertel, Charles
...........................................................................................................................................................
Hertel de Cournoyer, Jacques
...........................................................................................................................................................
Hertel de Rouville, André,
...........................................................................................................................................................
Hocquart, Gilles, intendant
...........................................................................................................................................................
41, 42, 51, 83, 85, 86, 87, 96
Hoire, …,
...........................................................................................................................................................
Holard, Jean
...........................................................................................................................................................
Holland, maison d’
...........................................................................................................................................................
Hostain, voir Hastain.
...........................................................................................................................................................
Houde, Angélique
...........................................................................................................................................................
Houde, Charlotte
...........................................................................................................................................................
Houde, Louis-Michel
...........................................................................................................................................................
Houde, Marguerite
...........................................................................................................................................................
Huot, Édouard
...........................................................................................................................................................
Imbleau, C.
...........................................................................................................................................................
Imbleau, Luc
...........................................................................................................................................................
Imbleau, Louis
...........................................................................................................................................................
Imbleau, P.-P.
...........................................................................................................................................................
Imbleau, R.
...........................................................................................................................................................
Imbleau, Saint-Luc
...........................................................................................................................................................
Imbleau, veuve
...........................................................................................................................................................
Isabelle, Laurent
...........................................................................................................................................................
Islet (l’) forges
...........................................................................................................................................................
Jahan, voir Laviolette.
...........................................................................................................................................................
Jallaut, Jeanne
...........................................................................................................................................................
9-15, 22, 23, 24, 28, 31, 38
Janson de Lapalme, Catherine
...........................................................................................................................................................
Jeoffroy
...........................................................................................................................................................
Joannès, baron
...........................................................................................................................................................
Johnston, James
...........................................................................................................................................................
Joviel, Jacques
...........................................................................................................................................................
Juchereau-Duchesnay, Corinne
...........................................................................................................................................................
Jutras, Claude
...........................................................................................................................................................
Jutras, Jean-Baptiste
...........................................................................................................................................................
Jutras, Marie
...........................................................................................................................................................
24, 29, 33, 34, 35, 36, 39
Kalm, Peter
...........................................................................................................................................................
Kempt, gouverneur
...........................................................................................................................................................
Kimber, René
...........................................................................................................................................................
Labonne, Pierre
...........................................................................................................................................................
73, 91, 94
Lacharité (Laspron ?),
...........................................................................................................................................................
Lacombe, J.-B.-Gabriel
...........................................................................................................................................................
66, 92, 112
Ladouceur, Geneviève
...........................................................................................................................................................
Lafond, Antoine
...........................................................................................................................................................
Lafontaine, Thérèse
...........................................................................................................................................................
Lafrance, Thérèse
...........................................................................................................................................................
Lagny des Brigandières, J.-B.
...........................................................................................................................................................
Laliberté, Joseph
...........................................................................................................................................................
Laliberté, O.
...........................................................................................................................................................
Lamb, I.
...........................................................................................................................................................
Lambert, John
...........................................................................................................................................................
Lamothe, Marie-Anne
...........................................................................................................................................................
Landry, J.-B.
...........................................................................................................................................................
Langlois, Jérôme
...........................................................................................................................................................
Lanouette, Joseph
...........................................................................................................................................................
Lanouette, Pierre
...........................................................................................................................................................
Lanouette, Pierre-Henri
...........................................................................................................................................................
Lapérouse, Nicolas
...........................................................................................................................................................
Lapierre, fief,
...........................................................................................................................................................
Lapointe, Marie
...........................................................................................................................................................
9
Laramée, Anne
...........................................................................................................................................................
Laroche, Charles-Étienne
...........................................................................................................................................................
Laroche, F.
...........................................................................................................................................................
La Rochefoucault, duc de
...........................................................................................................................................................
Larose
...........................................................................................................................................................
Larue, Pierre
...........................................................................................................................................................
Laterrière, Pierre de Sales
...........................................................................................................................................................
145-168
Latuilière, Jean
...........................................................................................................................................................
Laviolette, Jacques
...........................................................................................................................................................
83, 95, 96
Law, capitaine
...........................................................................................................................................................
Leclerc, Antoine
...........................................................................................................................................................
Leclerc, Jean
...........................................................................................................................................................
Lecompte, Catherine-Gertrude
...........................................................................................................................................................
Lécuyer, Benjamin
...........................................................................................................................................................
Lee, John
...........................................................................................................................................................
171, l78
Lefebvre, Anne
...........................................................................................................................................................
Lefebvre, frère Clément
...........................................................................................................................................................
91, 92, 95
Lefebvre, Simonnet
...........................................................................................................................................................
Le Gardeur, Marguerite
...........................................................................................................................................................
Le Gardeur de Croisille, Louise-Gabrielle
...........................................................................................................................................................
Lelaidier, abbé Auguste
...........................................................................................................................................................
Lelièvre, Marc,
...........................................................................................................................................................
Lemaître, Charlotte, Louise et Madeleine
...........................................................................................................................................................
34, 35
Lemaître, Marie
...........................................................................................................................................................
Lemaître, François
...........................................................................................................................................................
10, 12, 24, 33
Lemaître, Louis
...........................................................................................................................................................
Lemaître, Pierre
...........................................................................................................................................................
Lemay, Geneviève
...........................................................................................................................................................
Lemay, Michel
...........................................................................................................................................................
Lemoine, Marguerite
...........................................................................................................................................................
Leneuf de la Poterie, Jacques
...........................................................................................................................................................
10, 11, 12
Leneuf de la Poterie, Marie
...........................................................................................................................................................
Leneuf du Hérisson, Michel
...........................................................................................................................................................
10, 11
Lepage, abbé
...........................................................................................................................................................
Leprouste, Antoine-Claude
...........................................................................................................................................................
Lesieur, Antoine
...........................................................................................................................................................
Lessard, D.
...........................................................................................................................................................
Levasseur
...........................................................................................................................................................
Lévesque, F.
...........................................................................................................................................................
Lewis, Antoine
...........................................................................................................................................................
Lewis, John-Samuel
...........................................................................................................................................................
Lewis, Thomas
...........................................................................................................................................................
L’Hermitte, Jacques
...........................................................................................................................................................
34, 35, 36
Lieutenant de roi, ce terme,
...........................................................................................................................................................
Lisieux, Jean
...........................................................................................................................................................
Lloyd, Philippe et Nathaniel
...........................................................................................................................................................
Loiseau, Jacques
...........................................................................................................................................................
Longueuil, Charles Lemoine de
...........................................................................................................................................................
Lord, Pierre
...........................................................................................................................................................
Lottinville, fief,
...........................................................................................................................................................
Louis XV
...........................................................................................................................................................
45, 56
Loyalistes américains
...........................................................................................................................................................
Macaulay, H.
...........................................................................................................................................................
Macaulay, Zacharie
...........................................................................................................................................................
Maclean, général,
...........................................................................................................................................................
Madry, docteur Jean
...........................................................................................................................................................
Maillet, Charles
...........................................................................................................................................................
Mailloux, André
...........................................................................................................................................................
Mailloux, Antoine
...........................................................................................................................................................
Mailloux, Jean
...........................................................................................................................................................
Mailloux, Joseph
...........................................................................................................................................................
Mailloux, père, Louis
...........................................................................................................................................................
Mailloux, fils, Louis
...........................................................................................................................................................
Mailloux, P.
...........................................................................................................................................................
Manseau, Charlotte
...........................................................................................................................................................
Mamseau, Élie
...........................................................................................................................................................
74, 76
Manseau, J-B.
...........................................................................................................................................................
Mantenet, Jean
...........................................................................................................................................................
Marchand, Antoinette
...........................................................................................................................................................
Marchand, Pierre
...........................................................................................................................................................
64, 67, 68, 88, 95, 110, 129, 138
Marchand (Le), Jacques
...........................................................................................................................................................
Marchildon
...........................................................................................................................................................
Marie-Josette-Angélique, négresse
...........................................................................................................................................................
Marineau, Pierre
...........................................................................................................................................................
Marmette, Joseph
...........................................................................................................................................................
6, 194
Marotte, Geneviève
...........................................................................................................................................................
Marquet, Alexis
...........................................................................................................................................................
Marquet, Catherine
...........................................................................................................................................................
Marquet, François
...........................................................................................................................................................
Marquet, Pierre
...........................................................................................................................................................
88, 94
Marsolet, fief,
...........................................................................................................................................................
Martel de Belleville, Jean-Urbain
...........................................................................................................................................................
88, 92, 94, 95, 108
Martin, Geneviève
...........................................................................................................................................................
Martin, Louis
...........................................................................................................................................................
Martin, Pierre
...........................................................................................................................................................
Masère, Francois
...........................................................................................................................................................
24, 39, 43, 146
Mat, Louise
...........................................................................................................................................................
Maudoux, Aubin
...........................................................................................................................................................
Maudoux, Madeleine-Catherine
...........................................................................................................................................................
McDougall, George
...........................................................................................................................................................
193-195
McDougall, John
...........................................................................................................................................................
193-195
McDougall, Robert
...........................................................................................................................................................
193-195
McKenzie, James et Anne
...........................................................................................................................................................
Ménard, Jacques
...........................................................................................................................................................
Ménard, père René
...........................................................................................................................................................
Mercier, Pierre
...........................................................................................................................................................
Mercier, Thérèse
...........................................................................................................................................................
75, 94
Mergé, Nicolas
...........................................................................................................................................................
Messier, Anne
...........................................................................................................................................................
92, 95
Metcalfe, lord
...........................................................................................................................................................
Meunier, Azilie
...........................................................................................................................................................
Michelin, Antoine
...........................................................................................................................................................
Michelin, A.-J.
...........................................................................................................................................................
Michelin, Benjamin
...........................................................................................................................................................
Michelin, Jean
...........................................................................................................................................................
Michelin, J.-B.
...........................................................................................................................................................
Michelin, père, Joseph
...........................................................................................................................................................
Michelin, fils, Joseph
...........................................................................................................................................................
Michelin, Louis
...........................................................................................................................................................
Michelin, Pierre-François
...........................................................................................................................................................
63 64, 92, 129
Milnes, Robert Shores
...........................................................................................................................................................
Milot, Antoine
...........................................................................................................................................................
Milot, Pierre
...........................................................................................................................................................
Molson, John
...........................................................................................................................................................
Montgomery, général
...........................................................................................................................................................
Montour, veuve
...........................................................................................................................................................
Montréal en 1649
...........................................................................................................................................................
Moreau, Michel,
...........................................................................................................................................................
Morier, J.-B.
...........................................................................................................................................................
93, 95
Mouet de Moras, Catherine
...........................................................................................................................................................
Mouet de Moras, Françoise
...........................................................................................................................................................
Mouet de Moras, Michel
...........................................................................................................................................................
35, 37
Mouet de Moras, René
...........................................................................................................................................................
Munro, David
...........................................................................................................................................................
Murray, général James
...........................................................................................................................................................
Nicolet
...........................................................................................................................................................
Niel, Pierre
...........................................................................................................................................................
Noël, D.
...........................................................................................................................................................
Noyon, Anne de
...........................................................................................................................................................
Noyon, Jean de
...........................................................................................................................................................
Ouellet, Geneviève
...........................................................................................................................................................
Pagé, Suzanne
...........................................................................................................................................................
77, 95
Paillé, Geneviève
...........................................................................................................................................................
Panneton, abbé J.-E.,
...........................................................................................................................................................
Panneton, Théodore,
...........................................................................................................................................................
Papineau, D.-B.,
...........................................................................................................................................................
Pélissier, Christophe,
...........................................................................................................................................................
143-152, 155-156, 162-167, 169, 171
Pellefresne, père Hyacinthe,
...........................................................................................................................................................
Pellerin, Antoine,
...........................................................................................................................................................
Pellerin, François,
...........................................................................................................................................................
Pellerie, J.-B.,
...........................................................................................................................................................
Pellerin, Louis,
...........................................................................................................................................................
Pelletier, sir C.-A.-P.,
...........................................................................................................................................................
Pepin, Charlotte,
...........................................................................................................................................................
Pepin, Guillaume,
...........................................................................................................................................................
Pepin, Jeanne,
...........................................................................................................................................................
Peras…,
...........................................................................................................................................................
Périchon, Charles,
...........................................................................................................................................................
Périgord, voir Marquet.
...........................................................................................................................................................
Perreault, famille,
...........................................................................................................................................................
77, 83, 86, 93, 94, 95, 108, 113, 118, 125, 126, 135, 142
Perrier, Claude,
...........................................................................................................................................................
Petit, Antoine,
...........................................................................................................................................................
Petit, Josette,
...........................................................................................................................................................
Petit, Louise,
...........................................................................................................................................................
Philippe, Pierre,
...........................................................................................................................................................
Phlem, Dr ,
...........................................................................................................................................................
Picard, Catherine,
...........................................................................................................................................................
Picard, contremaître,
...........................................................................................................................................................
Piché, Madeleine,
...........................................................................................................................................................
Pigeon, Jean,
...........................................................................................................................................................
Pineau, Catherine,
...........................................................................................................................................................
Pineau, Pierre,
...........................................................................................................................................................
Pitt, William, ministre,
...........................................................................................................................................................
Pléau, Antoine,
...........................................................................................................................................................
Pléau, J.,
...........................................................................................................................................................
Ploumelle, Anne,
...........................................................................................................................................................
10, 11, 12
Pointe-du-Lac,
...........................................................................................................................................................
31, 83, 103, 136, 143, 157, 187
Poisson, Jean,
...........................................................................................................................................................
Polette,
...........................................................................................................................................................
Pommereau, Gilles,
...........................................................................................................................................................
Pontbriand, Mgr  de,
...........................................................................................................................................................
Porter, John,
...........................................................................................................................................................
Potardière (La),
...........................................................................................................................................................
Potevin, Pierre,
...........................................................................................................................................................
Poitevin, Suzanne,
...........................................................................................................................................................
Pothier, Louis,
...........................................................................................................................................................
65, 72
Poulin (famille) voir tout le livre.
...........................................................................................................................................................
Pratte, J.-B.,
...........................................................................................................................................................
Précourt, Alex
...........................................................................................................................................................
Précourt, G., père et fils,
...........................................................................................................................................................
Précourt, N.-V.,
...........................................................................................................................................................
Pressé, greffier et notaire,
...........................................................................................................................................................
Prévost, Pierre,
...........................................................................................................................................................
Prétorius, lieut.-colonel,
...........................................................................................................................................................
Prêtres desservants les Forges, 1860-1920,
...........................................................................................................................................................
Price, Benjamin,
...........................................................................................................................................................
Proulx, Thérèse,
...........................................................................................................................................................
Provencher, Madeleine,
...........................................................................................................................................................
Pulman, John,
...........................................................................................................................................................
Québec en 1649,
...........................................................................................................................................................
Quintal, frère Augustin,
...........................................................................................................................................................
64, 65, 73, 74, 76, 77, 87, 88, 91, 112, 124
Radnor, forges,
...........................................................................................................................................................
Raffay, Anne,
...........................................................................................................................................................
71, 72
Ragueneau, Père Paul,
...........................................................................................................................................................
Raudot, intendant,
...........................................................................................................................................................
Raymond, H.,
...........................................................................................................................................................
Recensement de 1732,
...........................................................................................................................................................
Recensement de 1760,
...........................................................................................................................................................
Recensement de 1765,
...........................................................................................................................................................
Recensement de 1820,
...........................................................................................................................................................
Recensement de 1842,
...........................................................................................................................................................
Ressous, M. de
...........................................................................................................................................................
Rhéault, abbé L.-S.,
...........................................................................................................................................................
Richard, abbé Louis,
...........................................................................................................................................................
Riedesel, général, et sa femme,
...........................................................................................................................................................
Rigaud, gouverneur des Trois-Rivières,
...........................................................................................................................................................
Rigault, Judith,
...........................................................................................................................................................
Rivard, Jules,
...........................................................................................................................................................
Rivard, P.,
...........................................................................................................................................................
Rivard, Rosalie,
...........................................................................................................................................................
Rivière-Ouelle, combat, 1690,
...........................................................................................................................................................
9
Robert, Marguerite,
...........................................................................................................................................................
Robichon, André,
...........................................................................................................................................................
Robichon, Jean-François,
...........................................................................................................................................................
Robichon, Jean-Nicolas,
...........................................................................................................................................................
69, 73, 78, 108, 124, 129, 139
Robichon, Joseph,
...........................................................................................................................................................
Robichon, N.,
...........................................................................................................................................................
Robichon et Dupuis, compagnie,
...........................................................................................................................................................
Robineau de Bécancour, Marie-Anne,
...........................................................................................................................................................
Robineau de Bécancour, René,
...........................................................................................................................................................
Rocheleau, Josephte,
...........................................................................................................................................................
Rochereau, Michel,
...........................................................................................................................................................
Rouet, Étienne,
...........................................................................................................................................................
Rouillard, Saint-Cyr,
...........................................................................................................................................................
Rouville, voir Hertel.
...........................................................................................................................................................
Ryland, Herman W.,
...........................................................................................................................................................
Sagon, M.,
...........................................................................................................................................................
Saint-Aulaire, comte de,
...........................................................................................................................................................
Saint-Éloy, île,
...........................................................................................................................................................
Saint-Étienne, fief,
...........................................................................................................................................................
56, 57, 144, 145, 192
Saint-Félix, localité
...........................................................................................................................................................
Saint-Jean (Terreneuve),
...........................................................................................................................................................
Saint-Martin, voir Gorge.
...........................................................................................................................................................
Saint-Maurice, paroisse,
...........................................................................................................................................................
Saint-Onge, grand-vicaire,
...........................................................................................................................................................
Sainte-Marguerite, fief,
...........................................................................................................................................................
28, 29, 185
Sanguinet (témoin oculaire),
...........................................................................................................................................................
Sansom, Jacques,
...........................................................................................................................................................
Sarrazin, C.,
...........................................................................................................................................................
Sarrazin, docteur Michel,
...........................................................................................................................................................
46, 47
Sarrazin, Marie,
...........................................................................................................................................................
Sautoy, Louise-Madeleine du
...........................................................................................................................................................
Sauvage, Charlotte,
...........................................................................................................................................................
Sauvage, François,
...........................................................................................................................................................
Sauvage, Louise-Françoise,
...........................................................................................................................................................
Sauvage, Marie-Charlotte,
...........................................................................................................................................................
67, 87
Sauvage, Monique,
...........................................................................................................................................................
Sauvaget, Jean,
...........................................................................................................................................................
Sawyer, B., père et fils,
...........................................................................................................................................................
Shawinigan, épellation,
...........................................................................................................................................................
Silly, M. de,
...........................................................................................................................................................
Simcoe, gouverneur,
...........................................................................................................................................................
Simon, Michel,
...........................................................................................................................................................
Simonnet, Jacques,
...........................................................................................................................................................
50, 52, 53, 54, 57, 59, 85, 89
Simonnet, J.-B.,
...........................................................................................................................................................
59, 77, 83
Smith, général,
...........................................................................................................................................................
Sorel,
...........................................................................................................................................................
Stoddart, M.,
...........................................................................................................................................................
Stuart, Andrew,
...........................................................................................................................................................
Stuart, Henry,
...........................................................................................................................................................
Sulte, Thérèse,
...........................................................................................................................................................
Taché, J.-C. et Charles,
...........................................................................................................................................................
Talbot, Adrien,
...........................................................................................................................................................
Talon, Jean, intendant,
...........................................................................................................................................................
14, 16, 17, 18, 20, 21, 22, 25
Taschereau, Thomas-Jacques,
...........................................................................................................................................................
52, 53, 54, 85, 86, 89
Tassé, Édouard,
...........................................................................................................................................................
Tassin, M.,
...........................................................................................................................................................
Ternay,
...........................................................................................................................................................
Terreau, Antoine,
...........................................................................................................................................................
Terreau, Éloi,
...........................................................................................................................................................
Terreau, Jean,
...........................................................................................................................................................
Terreau, J.-B,
...........................................................................................................................................................
Terreau, Joseph,
...........................................................................................................................................................
Terreau, N., père et fils,
...........................................................................................................................................................
Terreau, R.,
...........................................................................................................................................................
Terrier, Marin, de Francheville,
...........................................................................................................................................................
9, 28, 38, 44
Terroux, Jacques,
...........................................................................................................................................................
Tesserie, M. de la,
...........................................................................................................................................................
Têtes-de-Boule, Sauvages,
...........................................................................................................................................................
Thara, Antoine,
...........................................................................................................................................................
Thara, Hyacinthe,
...........................................................................................................................................................
Thibault, Claude,
...........................................................................................................................................................
Thomas, François,
...........................................................................................................................................................
66, 77
Thomas, général,
...........................................................................................................................................................
Thomlinson, J.,
...........................................................................................................................................................
Trois-Rivières en 1649,
...........................................................................................................................................................
Trois-Rivières en 1721,
...........................................................................................................................................................
Trois-Rivières, incendie, 1752,
...........................................................................................................................................................
Trois-Rivières, bataille, 1775,
...........................................................................................................................................................
Trois-Rivières, 1778, fêtes,
...........................................................................................................................................................
Trois-Rivières, recensement, 1765,
...........................................................................................................................................................
Trois-Rivières, recensement, 1820,
...........................................................................................................................................................
Trotocheau, Anne,
...........................................................................................................................................................
71, 72
Trotocheau, Louis,
...........................................................................................................................................................
Trotocheau, Suzanne,
...........................................................................................................................................................
Trudel, Louise,
...........................................................................................................................................................
Trudel, abbé G.-R.-I.,
...........................................................................................................................................................
Turcot, Étienne,
...........................................................................................................................................................
Turcotte, Antoine,
...........................................................................................................................................................
Vallières,
...........................................................................................................................................................
Véron, Étienne,
...........................................................................................................................................................
Véron, Françoise,
...........................................................................................................................................................
Véron, Jeanne,
...........................................................................................................................................................
Vézina, Pierre,
...........................................................................................................................................................
Vézain, Olivier de,
...........................................................................................................................................................
49, 50, 51, 52, 53, 57, 58, 60, 78, 82, 85, 89, 108
Viard, Gabrielle,
...........................................................................................................................................................
Viart, Louis,
...........................................................................................................................................................
Viger, Denis-Benjamin,
...........................................................................................................................................................
Villier, Marguerite-Angélique de,
...........................................................................................................................................................
Voligny, Louis,
...........................................................................................................................................................
Watson, Brook,
...........................................................................................................................................................
Weld, Isaac,
...........................................................................................................................................................
89, 90, 173
Wilkes, John,
...........................................................................................................................................................
Winniburgh, H.,
...........................................................................................................................................................
Wooster, général,
...........................................................................................................................................................
Yamachiche,
...........................................................................................................................................................
  1. Son nom était Francheville. L’abbé J.-B.-A. Allaire donne une courte biographie de lui dans le Clergé Canadien-français.
  2. Voir le récit de ce combat à la page 22 du volume 5 des Mélanges historiques.
  3. On écrivait parfois Poulain.
  4. Après le mariage, c’était un fait très rare !
  5. Elle avait une superbe écriture.
  6. Dictionnaire généalogique, vol. 1, p. 496.
  7. Il ne faut pas oublier que Mgr Tanguay confond le père avec le fils.
  8. Conseil Souverain, vol. 1, p. 1002 ; Titres seigneuriaux, p. 27.
  9. Talon comparait le fer de la rivière du Gouffre (Baie-Saint-Paul) au meilleur métal de France.

    Cette mine avait été étudiée par M. de la Tesserie.

  10. Notes prises par l’auteur sur les lieux, en 1869. Voir la préface.
  11. Titres seigneuriaux, p. 154.
  12. Conseil Souverain, vol. II, p. 359.
  13. Conseil Supérieur, vol. III, p. 882. Masères, Commissions, p. 214. Nous ne voyons pas ce que Joseph Godefroy fit dans cet arrangement qui avait pour résultat de donner la seigneurie à Michel.
  14. Archives canadiennes, 1899, p. 207, 209.
  15. Conseil Souverain, vol. II, p. 27.
  16. Aux archives judiciaires de Montréal, nous avons lu un document de 1760 parlant d’un poêle « avec trépied et tuyau vendu cent quarante livres ».
  17. Conseil Souverain, vol. III, p. 882.
  18. Conseil Souverain, vol. III, p. 1051.
  19. Sur Galifet voir les Mélanges historiques, vol. V, pages 76-80.
  20. Il signait Poulin.
  21. Le « lieutenant de roi » était donc un personnage qui remplaçait le gouverneur lorsque celui-ci manquait. Assez souvent il servait de frein pour arrêter la marche des plus hauts fonctionnaires, gouverneurs compris, car il était porteur de pleins pouvoirs secrets qu’il ne faisait connaître qu’en temps et lieu. C’est le régime de Louis XIV pur, avec tous ses défauts. Montréal, Québec et les Trois-Rivières avaient des « lieutenants de roi » ; il n’en fut plus mention sous le régime anglais. (Bulletin des recherches historiques, 1907, p. 191.)

    Vers 1698-1700 il y avait à Plaisance, Terreneuve, l’ingénieur L’Hermitte qui nous a laissé de bons dessins des lieux.

  22. Ou Dugué, ou Duguet, anciennes épellations.
  23. Frère de notre gouverneur.
  24. Note de M. E.-Z. Massicotte.
  25. Ce modèle n’est pas connu, non plus que les plans des établissements des forges qui furent faits en France par des architectes experts.
  26. Dictionnaire généalogique, vol. VII, p. 195.
  27. Ceci fut donné après une requête des intéressés aux forges, conservée aux archives judiciaires de Québec.
  28. Ce document est conservé aux archives judiciaires de Québec. Il a été imprimé dans le Bulletin des recherches historiques, p. 287, septembre 1917.

    C’est de ce moment ou à peu près que le lieu prit le nom de « village des Forges ».

  29. Volume II, p. 449.
  30. Une des hautes-forges avait une chaussée en bois et l’autre en pierre. On a découvert dernièrement à six pieds sous terre, près de l’emplacement d’une ancienne forge, un trottoir en pierre qui a dû servir à ces fins il y a un siècle passé.
  31. Michelin était un chasseur très adroit et l’on a raconté sur lui des légendes plus ou moins exagérées.
  32. Probablement un frère ou cousin de Jean Dautel.
  33. Cet accident semble avoir eu lieu le 2 juillet car, dès le 3 juillet, on fit un procès-verbal de l’affaire où l’on mentionne François Thomas, des Forges, qui périt avec Pierre Chaillot. Une fille posthume de ce dernier naquit le 7 novembre suivant.
  34. Ce doit être Châlons où il y avait des Guéry ; dans ce cas elle doit être parente d’Antoinette Guéry, ci-haut mentionnée.
  35. Dictionnaire généalogique, vol. II, p. 611.
  36. C’est ce Louis qui continua la lignée.
  37. Pas Caillé, comme nous l’avons déjà vu ailleurs. Les Caillé sont une autre famille étrangère aux Chaillé.
  38. Mgr Tanguay, Dictionnaire généalogique, vol. V, p. 56.
  39. Dasylva était encore aux Forges en 1748. Cette famille était au pays depuis 1680 ou environ et laissa une nombreuse descendance.
  40. Nous croyons plutôt maintenant que c’est son fils François, alors âgé de vingt-deux ans, qui signa ce témoignage. Car, aux archives judiciaires de Québec, nous avons vu un document (No 1286) où il est dit que François Thomas, père, fut tué aux Forges en 1742.
  41. Cugnet dit Provençal, né en 1688, a dû arriver au pays vers 1719, car il ne figure pas au recensement de Québec en 1716. En mai 1724, Cugnet est nommé agent du domaine d’Occident en Canada. Son magasin était dans la rue Sous-le-Fort. On le qualifie aussi de fermier du domaine du Labrador, premier conseiller au Conseil Supérieur de Québec (1733) et receveur général du domaine du roi. De 1727 à 1732, il commerça avec Gatineau sur la laine des bœufs illinois. Mais cette entreprise tomba aussitôt.
  42. Cet ordre a été imprimé dans le Bulletin des recherches historiques, 1917, p. 287. Le procès-verbal de cette visite fut fait par Maurice Déry en octobre suivant.
  43. Ménage, cheval, voitures, etc. Cependant, la procédure en resta là et le roi accorda un délai à Cugnet. En 1745, lui, Gamelin et Taschereau demandent d’être déchargés de leurs dettes ou avances du roi pour les Forges, qu’ils n’avaient pu encore régler. Le 12 mai de cette même année, le Conseil informe Cugnet, Gamelin et Taschereau que leur demande sera considérée plus tard. Cugnet avait alors la ferme de trois postes de traite. En juin 1745, il demande à Hocquart le renouvellement de son bail de la ferme de Tadoussac au prix de 6,000 francs en y joignant la baie de Kitchechatsom. En mars 1747, Cugnet obtient pour quatre ans l’affermage des postes de Témiscaming, Michipicoton et Kaministiquia, au prix de 7,500 francs par an. Peu après un nouveau malheur s’abat sur Cugnet : le navire La Gironde, qui était chargé de cent barriques d’huile à son compte, se perd sur les côtes de la Bretagne en passant de Brest à Rochefort.

    Le 7 juillet 1752, le président du conseil de la marine écrit à Bigot que les effets laissés par Cugnet, décédé peu avant, sont plus que suffisants pour payer ce qu’il doit au roi et à ses autres créanciers. Le 8 juin 1753, la veuve de Cugnet obtient une gratification du roi de cent livres.

  44. Par une lettre du conseil de la marine datée du 12 mai 1745, nous voyons que les recettes de l’année fiscale 1744-1745, égalent les dépenses ; le stock en marchandises se monte à 50,432 livres, ce qui représente un profit. Le 7 mars 1746, la même correspondance nous informe que du 1er  octobre 1741 au 1er  janvier 1745, les recettes ont été de 254,473 francs et les dépenses se chiffrent à la même somme ou à peu près. Après avoir déduit les dettes de l’ancienne compagnie aux ouvriers, il resterait une avance de 42,846 livres depuis que l’exploitation est faite pour le compte du roi, mais il fallait rembourser la main d’œuvre. De plus, les négociations avec M. Fleur et M. de Sérilly, de Rochefort, pour obtenir des ouvriers, de 1745 à 1748, mangent le profit. En 1745, l’on fit bien des déboursés pour obtenir un maître-fondeur expérimenté « pour remplacer celui trop âgé qui dirige les Forges ».
  45. On a déjà dit que cette chapelle avait d’abord été construite en bois rond, puis améliorée peu après. On y ajouta une sacristie en pierre, de 20 x 20 pieds qui était encore bien conservée en 1860. Elle était vis-à-vis l’aile de la « grande maison » ; la chapelle était au nord-ouest. Vers 1763, la petite chapelle fut abandonnée. Elle resta vide durant quelque temps, puis elle servit de hangar aux voitures jusqu’à la fin du dix-huitième siècle alors qu’elle fut démolie. La messe se fit dans la « grande maison » durant assez longtemps, jusqu’à ce qu’on y fit élever la chapelle dont nous donnons la photographie. Malgré sa reconstruction, c’est encore le modèle de la première chapelle, avec une allonge.
  46. Il y avait un cimetière aux Forges. Il a dû exister dès 1738 ou 1739. Il s’étendait le long du Saint-Maurice, à l’endroit où était le grand jardin en 1870.
  47. Dictionnaire généalogique, vol. VI, p. 501.
  48. Il écrivit au ministre de la marine que les Forges sont dans un bon état.
  49. À la date du 25 avril le président du conseil de la marine avait écrit à MM. de la Galissonnière et Hocquart qu’on avait fait l’essai de trois canons fabriqués aux Forges et que la matière a été reconnue propre à faire de l’artillerie, mais les canons ont été mal fabriqués ; il ajoute que maître Gouvernet n’a pas les connaissances voulues pour une pareille opération, mais que, la paix signée, on verra à y envoyer un maître-fondeur compétent dans cette ligne.

    Quant aux bombes dont se plaignait le ministre, il est bon d’ajouter qu’elles donnaient entière satisfaction dans tous les ménages canadiens. Mon grand’père m’a souvent dit que ces « canards » venaient des « Cyclopes ». On appelait ainsi autrefois les vieilles forges.

  50. Le 5 mai 1745, on voit dans la correspondance du ministre de la marine à Hocquart, que les Forges fournissent des clous à la France. De nouvelles commandes sont données.
  51. Tout le district ouest des Trois-Rivières, depuis Yamachiche et la Pointe-du-Lac jusqu’aux chûtes Shawinigan, et même plus loin, était couvert d’épaisses forêts. Vers l’année 1800, une femme qui demeurait à la Pointe-du-Lac, s’étant aventurée dans le bois, du côté du nord, ne retrouva pas son chemin et périt sans secours ; l’affaire fit grand bruit aux alentours des Trois-Rivières et des Forges. On pouvait alors s’égarer facilement dans ces vastes régions couvertes d’arbres, où le paisible cultivateur engerbe ses blés ou fauche ses foins, de nos jours.
  52. Ni Kalm, ni les autres visiteurs de ce temps, ne mentionnent les fournaises appelées « coquettes » qui devaient être alors très en vogue. Après 1800 ou environ, ces fournaises, semblent avoir perdu leur renommée.
  53. Ceci nous rappelle que le Dr N.-E. Dionne nous avait communiqué à ce sujet une note des plus curieuses. Vers 1750, les habitants des Forges avaient l’habitude de travailler en simple chemise, sans « culottes », pendant l’été, pour éviter la grande chaleur de la saison jointe à celle de la forge, et que les missionnaires, surpris de voir violer les règles de la bienséance, avaient dû condamner cette mauvaise habitude. Il ne semble pas que la chose se soit aggravée, car le Dr Dionne n’a rien trouvé de plus sur cette affaire.

    Mais ce que l’on connaît de certain, c’était le défaut des « gens des Forges » de trop sacrer, de se quereller et de se dire parfois des injures, ce qui ne veut pas dire qu’ils étaient de mauvaises mœurs ; au contraire, cette population était très morale et durant les vingt-trois années de la tenure du registre des Forges, il n’y a pas une seule naissance illégitime.

  54. R. Bellemare, les Bases de l’Histoire d’Yamachiche, donne tous les documents concernant ces fiefs.
  55. Le Père Denis Baron (ou Barras) était à la Pointe-du-Lac depuis 1744, probablement, et en 1751, il fut curé à l’Île-aux-Coudres.
  56. Dictionnaire généalogique, vol. IV, p. 21.
  57. Avec alors deux enfants.
  58. Avec trois enfants.
  59. Il y avait aux Forges, de 1738 à 1750, des gens du lieu nommé Dufresne (?), diocèse de Dijon. Le 16 mai 1738 fut inhumé aux Trois-Rivières Antoine Petit, fils d’Antoine, marchand bourgeois à Dufresne.

    Le 15 avril 1750, le Conseil de la marine écrit à Hocquart disant que le roi a accordé le passage au sieur Gauchereau, qui a servi plusieurs années aux Forges, et qui veut retourner en France.

  60. Les ouvriers des Forges allant en ville à pied (pour assister à la messe du dimanche) portaient à la main leurs chaussures cirées avec de la mine et ne les mettaient qu’à la descente du grand coteau où commence la rue des Forges. Très soigneux de leur toilette, ils avaient des habits propres et bien taillés, des chapeaux frais, du linge immaculé et l’on connaissait à cette tenue les « gens des Forges ». Il en était encore ainsi vers 1850.
  61. Le contraire de l’affermage.
  62. Jusqu’à 1763. Dès lors, la paroisse des Forges fut visitée par le curé des Trois-Rivières jusqu’à 1860 ; de 1860 jusqu’en 1903, un des prêtres du séminaire fut chargé de la desserte régulière des Forges. Depuis 1903, la mission est desservie par un prêtre de l’évêché.
  63. Franquet doit vouloir parler sans doute des rapports annuels que l’administration des Forges envoyait en France. Sinon, le mémoire en question n’est pas encore connu.
  64. Par la rivière Saint-Maurice, trois lieues ; par terre, sept milles.
  65. En 1750, on manquait d’ouvriers aux Forges. Le 19 mai, le Conseil de la marine répond à Bigot qu’il n’a pas jugé à propos de destiner une compagnie de soldats pour les travaux urgents, mais en 1753, la cour remarque qu’il serait temps de trouver une compagnie de soldats pour travailler quelques mois aux ouvrages secondaires des Forges.

    Cette même année il est question de former une nouvelle compagnie en état de se charger de l’exploitation des Forges. Puisque l’exploitation laisse enfin un excédent sur les dépenses, il est évident qu’une société particulière y trouverait de plus grands bénéfices. On ne put former aucune société et la chose languit ainsi.

  66. Même plus aujourd’hui, en comparaison du coût élevé de la vie. L’argent actuel représente le sixième de la valeur de la monnaie de 1750-60.
  67. Cette année 1753, il y avait aux Forges un nommé Jacques-Philippe Dauphins qui, en 1752, subit un procès criminel pour avoir volé deux haches aux Forges.
  68. Celle-ci mourut en 1761. Saint-Martin fut l’ami intime de Laterrière que nous verrons plus loin.
  69. Fille de Pierre André de Leigne, juge à Québec, et de Claudine Fremin.

    C’est la fille aux aventures ! De Rouville, son mari, avait été nommé le 16 février 1747, pour faire la police des Forges, et prononcer les sentences des différends qui naîtraient entre les employés (voir le Bulletin des recherches historiques, 1906, p. 137 et suivantes).

  70. Mgr Tanguay, Dictionnaire généalogique, vol. VI, p. 339.
  71. Il signe Tara.
  72. Ce doit être Bélisle. Il y avait aussi un nommé Billy (?), dit Marmette, mais ce doit être Belleau.
  73. Il est tout probable que, dans le cours de cette année 1920, le gouvernement fédéral posera sur cette chapelle, encore fort bien conservée et fréquentée chaque dimanche, une plaque de bronze portant inscription pour rappeler que le fer du Saint-Maurice a fourni le Canada, durant plus d’un siècle et demi, de tous les articles coulés et forgés dont ce pays avait besoin. L’auteur des Forges Saint-Maurice, M. Benjamin Sulte, est l’âme dirigeante de ces démonstrations.
  74. Sur les premiers moyens préventifs contre les incendies des maisons aux Trois-Rivières, voir nos Mélanges historiques, vol. 2, p. 73-83.
  75. À la fin de ce chapitre, il serait bon de mentionner le rapport du colonel Burton en date du 5 avril 1762, sur le gouvernement des Trois-Rivières, qui donne le recensement suivant des Forges : 11 chefs de familles, 11 femmes mariées, 18 hommes non mariés, 28 femmes non mariées, 2 hommes engagés, 1 serviteur et 1 servante à la grande maison ; total : 72. Bruyère ajoute qu’il n’y a pas un seul homme en état de porter les armes.
  76. Mgr Tanguay, Dictionnaire généalogique, vol. VI, p. 274
  77. Ceci embrasse Saint-Étienne.
  78. Commissions of Quebec, p. 220 ; soumission du rapport, p. 211 : projet, de bail, p. 226. Le document imprimé omet le nom « Pélissier ».
  79. Mémoires, Québec, 1873. Toutes les citations ici reproduites de Laterrière sont tirées du même livre.

    Avant la nomination de Laterrière comme agent des Forges à Québec, il y avait en cette ville un nommé Jacques Terroux, marchand, qui achetait directement des Forges du fer et des poêles qu’il revendait. Aux Trois-Rivières, Haldimand avait loué d’un nommé F. Lévesque un hangar ou magasin pour l’emmagasinage des poêles et autres articles, de 1762 à 1765.

  80. J.-B. Badeaux, Journal de l’invasion du Canada par les Américains en 1775 ; les forgerons dirent que les bombes ne pourraient pas éclater (faute d’avoir l’outillage voulu à leur parfaite fabrication) et qu’elles ne seront prêtes que cinq semaines plus tard. Ce 1er  mai il y eut « une bonne bordée de neige », ajoute Badeaux.

    Plusieurs de ces boulets qui étaient enfouis dans le sol furent trouvés il y a une trentaine d’années à une assez grande profondeur dans la côte où se déverse le gros ruisseau « qui ne gèle jamais durant l’hiver », près du moulin. Le musée du Séminaire des Trois-Rivières en possède deux de moyen calibre.

  81. Sanguinet.
  82. Le soir même du combat
  83. Laterrière doit ici faire erreur. Madame de Riedesel n’a pas rencontré son mari aux Trois-Rivières à cette date. Le 20 janvier elle devait être encore à Londres.
  84. Sur les batailles de la révolution américaine jusqu’à la défaite de Burgoyne.
  85. Les ventes sont les endroits dans la forêt où l’on fabrique le charbon.
  86. En 1790, il demeurait à la Rivière-du-Loup.
  87. Si Laterrière s’est aliéné la haine de Pélissier c’est pour une question qui ne regardait pas les Forges, mais Pélissier ne l’a pas trop inquiété par la suite. De Rouville détestait aussi Laterrièqe parce que celui-ci avait mis hors des Forges son fils Voligny qui était contremaître.
  88. Gugy put donc tirer parti de sa cachette en étudiant le commerce des Forges, ce qui le décida à les acheter (à ferme).
  89. Victoria, VIII, appendice O ; Archives canadiennes, 1892, pages 275-280.
  90. D’une syncope de cœur survenue à la suite d’une condamnation formulée par un jury dont il était lui-même l’auteur. Il fut inhumé à Montréal le 12 avril. (L’Écho de l’Ouest, 29 nov. 1912).
  91. Archives canadiennes, 1891, pages 87-110.
  92. Le mot est exagéré. Texte français, p. 59 (II).
  93. Voir Pages d’histoire du Canada, par B. Sulte p. 401-432.
  94. J.-C. Taché a dit que son père, Charles, fut commis ou associé aux forges Saint-Maurice et de Batiscan vers cette époque et que son nom figure sur les plaques de certains poêles, ce qui nous surprend énormément. Un associé, encore moins un employé, ne pouvait pas faire graver son nom sur les fers ; une marque de commerce représente la compagnie et non les particuliers. Quand il allait à Batiscan, ajoute J.-C. Taché, il logeait chez Marchildon, père de celui qui fut député. Charles Taché a quitté les Forges à la guerre de 1812, prit du service dans l’un des bataillons de Québec et fit les campagnes de 1812-15
  95. Ce chapitre s’arrête à la guerre américaine de 1812-14, mais nous n’avons pu rien découvrir sur les opérations des Forges durant cette époque mouvementée. Cependant, il est aisé de croire que les Forges durent fonctionner avec entrain pour fabriquer le matériel de guerre nécessaire : canons, mortiers, pioches, etc.

    Plusieurs ouvriers des Forges s’enrôlèrent dans la compagnie du capitaine Zacharie Macaulay ; Louis Voligny fut enseigne dans le second bataillon des Trois-Rivières en 1813. En 1875, lorsque le parlement fédéral vota des gratifications aux volontaires qui avaient servi en 1812-14, deux survivants obtinrent chacun $20.00 : J.-B. Boisvert, 80 ans, et J.-B. Landry, 81 ans, soldats dans la division du colonel Duchesnay. Boisvert était aux Forges en 1842 et il y demeura jusqu’à sa mort. Landry y était dès 1810, s’en alla en 1812, et y retourna vers 1860.

  96. Le gouverneur lui-même venait souvent résider chez M. Bell et il avait sa chambre dans la « grande maison» connue sous le nom de « chambre du gouverneur » ; elle était la mieux meublée. Lorsqu’il arrivait aux Forges, les ouvriers le portaient en triomphe jusqu’au perron et la fête commençait.

    Le club de chasse de M. Bell était connu de partout. Il y gardait dans ses écuries des renards, des chiens et des chevaux, et chaque automne, ses amis se réunissaient pour poursuivre le gibier dans les bois et ils faisaient ensuite bonne chair. C’était le régime légendaire des anciens lords anglais.

  97. Le prédécesseur de Kimber avait commencé une campagne contre les Forges.
  98. On appelait ces Sauvages « Têtes-de-Boule », parce qu’ils ont la tête grosse et le visage rond ; ils étaient grands, bien cambrés, bons et hospitaliers, mais d’une intelligence étroite et naïve.
  99. Tassé était un bon garçon, mais les gens des Forges disaient qu’il avait des entrevues avec le diable. Il n’y a pas un coin du pays où les superstitions durèrent aussi longtemps qu’aux Forges ; les femmes et les filles étaient surtout très naïves sur ces histoires de « grand’mère ». Toutefois, Tassé était un lutteur redouté ; il fut la terreur du poste des Forges et l’on a mis sur son compte des fables exagérées, mais ses camarades y croyaient… Il est mort en bon chrétien à Saint-Boniface.
  100. Daté du 20 novembre. Publié en 1846 (p. 26) par D.-B. Papineau, commissaire des terres de la couronne. Le 19 décembre 1845, lord Metcalfe annonce que les Forges seront vendues à l’enchère le 4 août 1846, à 11 heures a.m. dans le Palais de justice des Trois-Rivières.
  101. Il commença immédiatement des travaux mal dirigés et dut bientôt les abandonner, faute de fonds. Il ne lui restait plus que de louer les Forges, ce qu’il fit deux ans après.
  102. Ils y construisirent un haut-fourneau, des forges, des laminoirs, une fonderie spéciale pour roues de chars (avec succursale aux Trois-Rivières). Leurs terrains couvraient 40,000 âcres. Ils employaient environ 200 hommes ; la production était de trois tonnes de fer par jour. Un grand inconvénient existait dans cet établissement : le chemin de fer ne se rendait pas jusque là et le charroie était long, coûteux et difficile à s’accomplir.
  103. Dans le voisinage des forges de l’Islet, M. Bell s’était autrefois fait bâtir une maison sur une ferme qui lui appartenait et que l’on regardait comme la plus belle du Saint-Maurice.
  104. Les fourneaux furent éteints en 1876. Deux ans après tout travail cessa aux forges de l’Islet.

    Sous le régime de Stuart et Porter la chapelle fut restaurée ; elle servit en même temps d’école ; un M. Doucet et deux Dlles Dugal y enseignaient la classe à une trentaine d’enfants des Forges et des alentours. Ce sanctuaire qui était appelé « chapelle de la Réparation » fut solennellement consacré le 15 juillet 1883 à la Sainte-Face par l’abbé J.-R. Caisse.

    Voici les noms des prêtres qui ont desservi ce lieu de 1860 à nos jours : Joseph-Élie Panneton, Louis-Séverin Rhéault, J.-B. Comeau, Napoléon Caron, 1860-76 ; J.-R. Caisse, 1876-93 ; Louis Richard, 1893-95 ; M.-N.-Louis Denoncourt, 1895-99 ; Louis-Arthur-Hévêque Dusablon, 1899-1909 ; Auguste Lelaidier, 1909-12 ; Télesphore Giroux, 1912-15 ; Eugène Denoncourt, 1915-16 ; G.-R.-I. Trudel en 1916, tandis qu’il était curé de Saint-Étienne-des-Grés ; Charles Boutet, 1917.

    En face de la chapelle était la demeure du Dr Louis-Jean-Baptiste Beauchemin qui épousa la veuve de Onésime Héroux. Le Dr Beauchemin se remaria à Azilie Meunier qui lui donna une nombreuse famille.

    Le Dr Beauchemin était propriétaire d’un moulin à farine en brique, de deux étages, qui avait d’abord été une boutique de menuisiers, construite par Henry Stuart pour l’utilité des Forges. Il y avait aussi non loin de là un autre petit moulin érigé par Onésime Héroux et qui disparut vers 1875.

    Lorsque les MM. McDougall prirent les Forges en 1862, la « grande maison » venait d’être partiellement endommagée par un incendie ; elle fut réparée par Robert McDougall « avec un goût que tous nos industriels n’ont pas » disait Faucher de Saint-Maurice à Joseph Marmette. « Il lui a scrupuleusement conservé ses anciennes divisions, son toit normand, ainsi qu’une grande partie des vieilles boiseries françaises. Rien de plus pittoresque, et de plus antiquaire que ces salles immenses, aux larges âtres flanqués de plaques de fer fleurdelysées et portant le millésime de « 1732 », que ces corridors où toute une compagnie de reîtres et de lansquenots serait à l’aise. C’est à se croire dans la salle d’armes du dernier des Burckhards, si l’hospitalité toute écossaise des MM. McDougall n’était là pour nous faire songer avec complaisance aux douceurs du temps présent. »

    MM.  Sulte, Faucher de Saint-Maurice, Marmette et Alfred Garneau sont d’accord à dire que le millésime en question porte « 1732 » et non « 1752 » comme le prétend l’abbé N. Caron dans ses Deux Voyages sur le Saint-Maurice. Nous croyons que ce millésime « 1732 » est là pour signifier que les Forges furent fondées en 1732, mais rien ne dit que ces plaques furent coulées cette même année : elles ont dû être fabriquées plus tard, peut-être en 1738, date où la « grande maison » a été construite.

    John et Robert McDougall établirent leur bureau et magasin dans la « grande maison » qu’on a appelée à tort « manoir ». Ils se construisirent une résidence au nord-ouest de celle-ci à côté du terrain où avait été bâti la première chapelle de bois (1738). Cette maison fut démolie en 1900.

    Les Forges furent transférées à George McDougall, fils, le 18 décembre 1876 ; tout travail dût arrêter en 1883.

  105. Comme aux Vieilles Forges, aujourd’hui, les fourneaux et autres bâtiments sont rasés. L’épuisement du minerai a amené la fermeture de ces usines ; il en est de même de tous ces grands ateliers qui ne vivent que temporairement.