Mélanges historiques/06/12

XII

L’INDUSTRIE DU FER. — OLIVIER DE VEZAIN. — VISITE DE PETER KALM AUX FORGES. — MARTEL DE BELLEVILLE. — NOMS DES HABITANTS AU REGISTRE DES FORGES, 1749-1751.

Il n’est guère d’industrie plus compliquée que celle du fer ; c’est au point que la matière qui coûte un sou en sortant de la mine vaut une piastre lorsqu’elle est devenue propre à l’usage. La dépense que la manipulation entraîne va toute au profit des ouvriers. Ceux-ci constituent plusieurs branches de main d’œuvre qui sont autant de métiers différents les uns des autres. Au bas de l’échelle, c’est-à-dire les opérations premières, les frais sont minimes ; plus on procède plus c’est dispendieux.

L’extraction de l’or nécessite de grands déboursés, mais une fois le métal mis au jour c’est de l’or — il a presque sa pleine valeur marchande. Le fer tire son mérite de la fabrication.

L’antiquité n’a pas connu l’usage du fer, mais les ouvriers de cette époque lointaine possédaient le secret d’une composition métallique qui s’est perdu. L’analyse de quelques outils découverts de nos jours a donné une petite quantité d’étain avec du cuivre, ce qui ne fournit pas la dureté voulue. Or, la trempe de leurs instruments égalait celle de nos bons aciers puisqu’elle leur permettait d’extraire et de tailler la pierre la plus serrée, tel que le granit, le porphyre et jusqu’aux diamants. Ce qui est plus curieux, c’est que l’art en question existait en Égypte, au Mexique et au Pérou, trois contrées qui n’avaient aucun rapport ensemble. Il a donc fallu que la même découverte fut faite par trois nations, isolément, sur des points du globe éloignés les uns des autres de plus de mille lieues.

Dans le premier établissement des forges Saint-Maurice, en 1737, le minerai se trouva en grande abondance près de la surface du sol et il ne le cédait en qualité à aucune des veines d’Europe pour la flexibilité du métal. D’abord, les différentes veines furent mises en œuvre avec très peu d’habileté, mais en 1739 on fit venir de France un artisan qui réunissait la connaissance des différentes branches de manufacture de fer fondu et travaillé à une connaissance suffisante de l’art d’exploiter les mines.

Il est connu que l’on tirait la mine à la porte même de l’établissement ; cela se pratiquait encore en 1867. De gros ruisseau qui passe en cet endroit est la décharge de savanes remplies de fer ; son eau est très claire avec un fort goût de rouille. En 1737, ce lieu était pavé de minerai de fer, comme le rang Saint-Félix l’était lors de mon séjour en 1869.

Il y a dix-huit espèces de fer. Le nôtre est « fort et mou », pouvant être battu, allongé, aplati, étendu et réduit en fils très minces sans se rompre, ce que ne possède pas le « fer fort dur ». Il est facile à travailler à froid et à chaud et convient surtout à la fabrication des objets qui exige une grande ductilité jointe à beaucoup de résistance, comme les fers et clous de cheval, les jantes et essieux de roue, le fil de fer, etc.

La mine, ai-je déjà dit, est presque à fleur de terre. On lève le gazon. Aussitôt les grains couverts de rouille apparaissent, depuis la grosseur d’un pois jusqu’à celle d’une fève, mêlés au sable à peu près par moitié. La couche varie de six à quinze pouces. Cette épaisseur est remuée à la pelle et la séparation des grains se fait au moyen d’un treillis ordinaire. On porte ensuite le minerai au lavage qui se fait dans une dalle de deux pieds de largeur formant un canal à pente inclinée où passe une branche du gros ruisseau des forges. De là la « mine pure » est envoyée à la fonte.

C’est une grande affaire qu’un haut-fourneau. Il est bâti de pierre dure et revêtu par dedans de briques réfractaires. Une fois allumé il brûle durant deux ou trois ans à toute ardeur, dimanches et fêtes, jours et nuits, et lorsqu’il manifeste un défaut, une faiblesse, on le laisse éteindre, il est démoli et un autre construit à sa place. Qui n’a pas vu le monstre en activité ne saurait croire ce qu’il a d’effrayant. Regardez par les lunettes qui sont au bas et vous verrez la masse liquide, couleur jaune rouge, puis blanche, puis cramoisie qui se tord dans le feu que tourmente une soufflerie de tempête.

Dans le haut de la construction est placé le chargeur qui verse de temps en temps dans le gouffre le contenu d’un panier rempli de minerai, de sable, de fondant et de charbon de bois pour nourrir le feu. Lorsque la quantité de fer en fusion atteint la hauteur voulue, les ouvriers pratiquent une ouverture par laquelle le liquide se précipite et coule vers des rigoles préparées à l’avance dans un sable mouillé que l’on ramène avec de longues grattes pour recouvrir le métal et le laisser refroidir à l’abri de l’air. Lorsque vient le temps de le déblayer, on le casse à coups de masse par tronçons qui prennent le nom de « gueuses ». Dans cet état, il est livrable au commerce pour couler des poêles, des marmites ou pour être transformé en barres, etc., au moyen du martelage. Il n’est pas besoin de réfléchir longtemps si l’on veut se rendre compte de la variété d’industries dans lesquelles entre le fer. Aux forges Saint-Maurice cette limite était restreinte et je ne crois pas qu’on ait jamais dépassé, du temps des Français, la production des ustensiles qui nécessitent le moins d’outillage. Toutefois, cela comportait sept ou huit branches du métier ayant chacune à sa tête un homme expert ; c’est même faute d’avoir sous la main de tels artisans que l’on tâtonna une dizaine d’années en perdant beaucoup d’argent. Supposons la mine mal lavée, le charbon imparfait, le fourneau défectueux, les « charges » irrégulièrement servies, la gueuse est mauvaise et c’est à recommencer. Ensuite, le moulage des poêles, des chaudrons étant inégal ou fautif sous quelque rapport, il en résulte des pertes de toutes sortes, tant pour la main d’œuvre que pour la vente. La création d’un tel établissement, vu l’ensemble des choses dans la colonie, était des plus difficiles. On avait beau s’en tenir aux ouvrages qui sont au bas de l’échelle dans l’exploitation de ces produits, les obstacles restaient nombreux et parfois formidables. La disparition d’un seul ouvrier, par suite de décès ou autrement, paralysait tout le système. C’était bien pis, dans les commencements, lorsque les spécialistes manquaient, car le pays n’en fournissait pas. Et comment ajouter, par exemple, une forge ou fabrique de fers ronds lorsque déjà on avait tant de peine, sans profit, à faire les barres ordinaires. Et les aciers dont la trempe est de toute importance, ne pouvaient pas sortir de la fonderie ou des ateliers qui martellent sans polissage les pièces destinées aux charrons et aux autres constructions. Je me demande si l’on faisait des clous autrement que pour les besoins strictement locaux. Enfin, ce qui paraît bien certain, c’est que les poêles, les marmites et le fer en barres constituaient la principale production de l’établissement[1].

À l’aide du gros ruisseau qui saute en descendant la pente des forges pour tomber dans le Saint-Maurice, on obtenait des forces motrices pour les souffleries du haut-fourneau, celles de la fonderie et la forge du marteau mécanique. Il n’y avait pas de laminoir, que je sache. La soufflerie était à air froid, ce qui donne les meilleurs résultats, mais la fonte du métal s’opère plus lentement qu’avec l’air chaud. La nature du fer de Saint-Maurice est la malléabilité, la souplesse ; il se plie aisément ; l’air chaud de la soufflerie le rend cassant.

Aux forges Saint-Maurice on ramassait, je ne sais où, un certain sable indispensable pour la première coulée. Il fallait aussi casser en petits morceaux très menus un calcaire particulier pour servir de fondant. Avec cela n’oublions pas le charbon de bois qui joue un rôle marquant dans les hauts-fourneaux. Voici en quoi consiste la production de cet élément. Les charbonniers coupent du bois dans la forêt, l’apportent à la « vente » qui est un endroit choisi par le chef de la bande à cause des conditions que ce travail exige, et l’on empile les rondins d’après une méthode, toujours la même, de manière à former une construction remplie de vides en tous sens, haute et large comme une maison d’un étage ou un étage et demi. Le tout est recouvert d’écorce le plus hermétiquement possible. Alors on allume le feu et le bois cuit à l’étouffé durant plusieurs jours. Les hommes sont attentifs à suivre les progrès de la température intérieure sur le bois qui sèche ; pour cela on enlève les écorces à tour de rôle, afin de constater l’état des choses ; on gouverne le foyer pour qu’il fournisse une chaleur intense sans communiquer le feu à l’édifice. Lorsque tout est cuit à point, il ne reste du bois que le charbon et celui-ci est léger comme une plume, selon le terme adopté.

Le naturaliste suédois Peter Kalm qui visitait le Bas-Canada en 1749 était aux Trois-Rivières le 3 août de cette année. Il partit ce jour-là à cheval, visita les Forges et fut de retour en ville avant le coucher du soleil. Bien qu’il ne fasse pas mention de la route, nous savons qu’elle devait être parfaite pour les voitures et sur un terrain partout très favorable, mais traversant d’un bout à l’autre une forêt compacte, sauf de rares éclaircies de peu d’étendue sur deux lieues de parcours[2].

Le minerai, dit-il, est très riche et se rencontre en paquets libres de la grosseur des deux poings. Ces petites masses sont comme des éponges remplies de trous qui renferment de l’ocre, terre jaune, argileuse, diversement colorée par l’influence du fer. C’est de la terre à peinture. On en trouve un grand dépôt à la Pointe-du-Lac, d’où la compagnie des Forges tirait alors et plus tard beaucoup de minerai de fer. Ce minerai, dans les environs des Trois-Rivières, n’est pas tout par mottes, comme le dit Kalm, on le trouve « en sable » ou grains, sous la mince couche de terre végétale et celle-ci étant levée on le ramasse à la pelle, mais il faut le laver au crible pour le séparer de la terre qui ne manque jamais d’y être mêlée.

Le minerai est mou. On peut l’écraser entre les doigts, Il y a des veines de dix-huit pouces d’épaisseur, mais toujours de six pouces pour le moins. Elles reposent sur du sable blanc. Une légère couche d’humus les recouvre. C’est une substance douce, flexible et solide, tenace, souple à l’extrême, moins susceptible de prendre la rouille que bien d’autres fers connus et, sous ce rapport, il semble exister une grande différence entre elle et les produits de l’Espagne en ce qui concerne l’emploi dans la construction des navires. On charge ce minerai sur des traîneaux l’hiver, et en été sur des charrettes pour l’amener aux fourneaux des Forges.

Avec le minerai, il tombe dans le fourneau une proportion de pierre à chaux broyée que l’on se procure dans les environs des Forges. C’est le fondant destiné à durcir le fer qui est généralement doux comme il a été dit. Cette pierre à chaux est grise. On emploie aussi dans le même but de la marne argileuse (terre à pipe) qui se trouve dans le voisinage.

Le pays, n’étant qu’une vaste forêt primitive, donne en abondance le sapin et autres arbres toujours verts pour fabriquer le charbon des forges. Le charbon des hauts-fourneaux est fait avec le bois des arbres à feuilles décidues — qui renaissent tous les ans.

Il y a, sous un même toit, deux grandes forges auxquelles sont adossées deux forges plus petites. Les soufflets en bois « et tout le reste » ressemblent aux forges suédoises. Les hauts-fourneaux sont près des forges et là encore, c’est une copie de ce que notre voyageur avait vu dans la Suède. Ni lui ni ceux qui l’accompagnaient ne savaient que nos ouvriers étaient les petits-fils des hommes que le ministre Colbert avait envoyés en Suède apprendre le métier.

Dans les London Documents, VI, 581, il y a un rapport que M. Stoddart écrivit au gouverneur Clinton, de New-York, sous la date de 1750, disant qu’il y a cinq forges en activité à Saint-Maurice et qu’on lui a fait savoir qu’on y coule des canons. Il ajoute qu’il possède un des moules de ces canons, ce qui est assez curieux il me semble. Il dit plus : il s’est procuré l’un de ces canons manqué à la coulée. On lui a assuré que l’établissement occupe quatre cents travailleurs. Ce rapport vaut ce qu’il peut valoir.

Parlant des poêles du Saint-Maurice qui remontaient à 1750, John Lambert disait en 1808 que les plaques mesuraient deux pouces d’épaisseur. Kalm remarque les procédés suivis aux forges Saint-Maurice et les déclare identiques à ceux de la Suède. C’est, entre autres choses, la soufflerie à vent froid (cold blast) qui opère la fusion avec lenteur mais donne un meilleur fer qui est plus flexible, moins sec que celui obtenu par la soufflerie chaude.

Kalm mentionne des canons, des mortiers de divers calibres, des chaudrons, des poêles « très répandus dans la colonie », que l’on coule aux Forges[3], du « fer en barres », ce qui veut dire peut-être en gueuses ou saumons : fer coulé dans le sable par morceaux pour l’usage des mouleurs et de la forge. Faute de savoir le métier, ajoute-t-il, on n’a pas réussi à y faire de l’acier.

On s’accorde à dire que le revenu des Forges ne couvre pas la dépense et le roi comble le déficit annuel. La main-d’œuvre est rare parce que les habitants des campagnes environnantes ne s’y prêtent pas, aimant mieux se vouer exclusivement à l’agriculture et c’est la campagne qui fait vivre les Trois-Rivières quoique les Forges aident la ville dans une certaine mesure. On a dit à Kalm que la direction des Forges s’y prenait gauchement pour se procurer des travailleurs. Officiers, conducteurs, surveillants, employés, commis (il y en a quatorze), intendant et autres vivent dans l’abondance et sont très bien logés. Lambert, recueillant en 1808 la tradition locale, dit que plus de quatorze de ces personnes avaient fait leur fortune aux Forges, de 1740 à 1760, mais le mot fortune ne saurait être pris au sérieux. Ce qui est certain c’est que, en ce temps-là, comme de 1760 à 1850, les gens des Forges ont toujours vécu largement. Les notes de Kalm sont écrites sans ordre ni suite. Je les ai remaniées pour le mieux. Terminons par nos propres remarques.

Les « gens des forges » ont conservé jusque vers 1850 une foule d’habitudes traditionnelles. Ainsi, l’on communique les ordres autour du haut-fourneau par des sonneries exécutées sur des feuilles de tôle suspendues et frappées à coups de gourdins. Pas de cris, aucun appel vocal mais trois sons, plus ou moins, parfois cinq, espacés d’une certaine manière et tout le monde comprend. Le masque d’amiante sur la figure, le devant du corps protégé par une armature de gros cuir, quelques-uns surveillent la fonte en ébullition. Ceux qui travaillent plus près du fourneau ne portent qu’un simple caleçon[4]. Des outils de tailles gigantesques sont suspendus au centre de la voûte par de minces chaînes de fer. Ce sont la « demoiselle », le « gentilhomme », le « prince », et lorsqu’on les met en branle il faut voir avec quelle précision la besogne s’exécute ! Un immense « gentilhomme » s’attaque à la bouche inférieure du fourneau, l’ouvre en un clin d’œil et la matière en fusion, blanche, avec des teintes orangées, se met à descendre dans les avenues préparées pour la recevoir. L’édifice est complètement ouvert sur trois côtés ; cependant, la chaleur y est intense. Tout le monde sort jusqu’au moment de faire jouer à distance les longues grattes qui vont recouvrir la fonte déjà brunissante, car en ce moment elle n’est pas encore « gris de fer ».

À ce travail on est vite sali, surtout ceux de la forge et de la fonderie, mais le ruisseau est là et rien n’est propre comme les « gens des forges ». Les femmes ont « toutes l’air de sortir d’une boîte ». Leurs maisons reluisent. Quand à la santé générale, on peut dire que personne ne meurt aux Forges parce que l’on y boit de l’eau qui coule sur des lits de fer. Le sang est merveilleusement beau, tous les individus sont forts et souples, pleins de gaieté, aiment la vie — et fiers, ah ! très à pic sur leur dignité ! Je parle de longtemps, car dès 1850 les traditions se perdaient ; il ne doit pas en rester beaucoup aujourd’hui. Je me rappelle que M. McDougall ayant proposé de remplacer les feuilles de tôle par des cloches et des tubes acoustiques, ce fut un scandale ; on ne change pas de religion, voyez-vous ; ce qui était bon pour nos pères est bon pour nous, etc. Je suppose que le téléphone est à présent installé dans toutes les parties des usines actuelles. Les traditions ne sont plus qu’un vague souvenir et je reste peut-être le seul à les rappeler.

***

Le 14 juin 1749, aux Trois-Rivières, mariage de Pierre-François Olivier de Vezain « grand-voyer de la province de la Louisiane et le premier envoyé par le roi pour établir les forges et fourneaux de Saint-Maurice dont il a été le premier directeur. » Il épouse Marie-Josephte Duplessis-Gatineau, fille de Jean-Baptiste, bourgeois des Trois-Rivières, lieutenant de milice, et de demoiselle Charlotte Le Boulanger. Jean-Baptiste Duplessis-Gatineau était seigneur du fief Gatineau, près d’Yamachiche. En 1750, Marie-Josephte se fit accorder une augmentation de cette terre et en 1765, par son testament devant Dielle, aux Trois-Rivières, elle légua tous ses biens à sa cousine-germaine Marie-Madeleine Duplessis. Cette dernière, en 1768, passa le tout « à ses neveux et nièces, enfants de monsieur maître Olivier de Vezain » et, en 1771, le sieur Jacques Perrault « procureur de Pierre-François Olivier de Vezain, au nom et comme tuteur de ses enfants mineurs donataires de demoiselle Madeleine Duplessis », vend la dite augmentation du fief Gatineau à François Lemaître Duhaime[5].

Au registre des Forges, en 1749, le frère Luc Hendrix est le seul prêtre agissant. Il y a « Monsieur Cressé, seigneur de Nicolet et directeur des Forges ». Aussi Jean-Nicolas Robichon et sa femme Denise Chaput.

Jacques, fils de Jean Aubry, arrivé en 1738, épouse en 1749, Antoinette Beaudet, Canadienne ; nous connaissons de ce ménage trois enfants.

Le 7 juin 1750, aux Trois-Rivières, Jean-Urbain Martel de Belleville « directeur des forges Saint-Maurice » est parrain de Charlotte Manseau dit Lajoie, des Forges.

Le 11 juin, registre des Forges, Jean La Tuilière, directeur des Forges, est parrain d’un enfant d’Antoine Milot, contremaître, et d’Amable Boisjoli. Marraine : demoiselle Louise Hertel de Rouville. Le frère Hyacinthe (Louis-Claude Amiot) fait le baptême. Antoine Milot, dont le père était marchand à Montréal, venait de se marier à Lavaltrie avec Amable Griveau dit Boisjoli. Jusqu’à 1758 au moins ce ménage est resté aux Forges, Milot étant toujours contremaître. En 1756, Milot se remaria avec Marie Blais, veuve de François Godard, déjà mentionnés.

Le 20 septembre 1750, le frère Valérien Gaufin, commissaire provincial desservant par intérim « la paroisse des Forges », fait un baptême. Peu après, Denis Baron, prêtre, dessert par intérim[6]. Ensuite Hyacinthe Amiot.

Marie Dubeau, veuve Cardinal, qui figure au registre des Forges en 1744, me paraît être la même qui épousa Jean-Baptiste Ferron en 1750. Mgr Tanguay[7] nomme la femme Dubeau et Bibeau. Ce ménage demeura aux Forges[8] jusqu’à 1761 où il alla s’établir à Yamachiche[9] et la descendance y est encore.

Joseph Aubry, arrivé en 1738, étant décédé, sa veuve Josephte Chèvrefils se remaria le 21 septembre 1750 avec Antoine Lafond, à la Baie-du-Febvre, et ce ménage demeura toujours en ce dernier lieu.

Luc Imbleau (origine inconnue), employé aux Forges, se maria vers 1750 avec Geneviève Contant, née à Champlain en 1729. Jusqu’à 1759, ce ménage fait baptiser cinq enfants. La descendance est encore parmi nous.

Le registre de la chapelle des Forges donne en 1751 les noms de Salvien Boucher, prêtre récollet, le frère Hyacinthe Amiot, Pierre Marchand et sa femme (second mariage), Gertrude Frigon, Jean-Baptiste Ferron et sa femme Marie Dubeau, André de Rouville et sa femme Louise-Catherine André de Leigne, Pierre Desfossés et sa femme Angélique Contant, Jean Mantenet et sa femme Madeleine Béchard, Marie-Louise Frigon, François Chaillé, Alary, Grenier, Beaudoin, Lafrance, Lamère, Boisvert, Pierre Charette, Antoine Dupuis, Antoine Milot, contremaître. Jean-Baptiste Délorme se remaria en 1751 avec Louise Frigon dont la sœur avait épousé Pierre Marchand. Ces mariages ont eu lieu à Batiscan.

Les Beaudoin, ancienne famille de Champlain, ont envoyé de leurs branches dans tout le district des Trois-Rivières. Celui que nous avons ci-dessus était Gervais Beaudoin, né en 1715, marié en 1746 avec Angélique Dubois dit Lafrance. De 1747 à 1750, ils étaient à Sainte-Croix de Lotbinière ; après cela ils demeurent aux Forges.

Pierre Charette a vécu aux Forges et sa descendance y était encore en 1850. On ne connaît pas son origine. Peut-être était-il un Choret, de Sainte-Croix de Lotbinière.

Pierre Desfossés n’a pas d’origine connue. Ce devait être le surnom d’une famille canadienne des environs de Nicolet. Il paraît s’être marié vers 1750 avec Angélique Contant. La descendance s’est fixée aux Trois-Rivières.

Jean-Baptiste Ferron devait être le même que Jean Ferron, né en 1718, fils de René et de Julienne Traillé, paroisse Saint-Léonard dite Chapelle, diocèse d’Avranche, en basse Normandie, qui, le 6 juillet 1750, à la Rivière-du-Loup (en haut) épousa Isabelle Bibaud, Canadienne, et qui me paraît être la même que « Marie Dubé » du registre des Forges. La descendance de ce ménage se retrouve à Yamachiche et aux Trois-Rivières.

Jean-Baptiste Dubois dit Lafrance, Thérèse Lafrance, Angélique Dubois dit Lafrance, frère et sœurs, sont aux Forges en 1751, venant de Saint-Antoine-de-Tilly. Jean-Baptiste, né à Saint-Antoine en 1720, s’était marié en 1741 avec Charlotte Houde, cousine de Louis-Michel Houde. Vers 1758, ce ménage paraît être retourné à Saint-Antoine. Gervais Beaudoin avait épousé Angélique Dubois dit Lachance qui vient d’être mentionnée. Lamère, ci-dessus, est peut-être Rapidion de l’île de Montréal[10].

Notons que, le 20 août 1751, à Québec, fut inhumé François-Étienne Cugnet, l’ancien chef de la compagnie des Forges. Sa femme, Louise-Madeleine du Sautoy, lui survivait. Elle fut inhumée à Beauport en 1783.

Joseph-Étienne, fils de Cugnet, fut nommé procureur général en cour et conseil supérieur le 2 novembre 1760 par le nouveau régime.


  1. Le 5 mai 1745, on voit dans la correspondance du ministre de la marine à Hocquart, que les Forges fournissent des clous à la France. De nouvelles commandes sont données.
  2. Tout le district ouest des Trois-Rivières, depuis Yamachiche et la Pointe-du-Lac jusqu’aux chûtes Shawinigan, et même plus loin, était couvert d’épaisses forêts. Vers l’année 1800, une femme qui demeurait à la Pointe-du-Lac, s’étant aventurée dans le bois, du côté du nord, ne retrouva pas son chemin et périt sans secours ; l’affaire fit grand bruit aux alentours des Trois-Rivières et des Forges. On pouvait alors s’égarer facilement dans ces vastes régions couvertes d’arbres, où le paisible cultivateur engerbe ses blés ou fauche ses foins, de nos jours.
  3. Ni Kalm, ni les autres visiteurs de ce temps, ne mentionnent les fournaises appelées « coquettes » qui devaient être alors très en vogue. Après 1800 ou environ, ces fournaises, semblent avoir perdu leur renommée.
  4. Ceci nous rappelle que le Dr N.-E. Dionne nous avait communiqué à ce sujet une note des plus curieuses. Vers 1750, les habitants des Forges avaient l’habitude de travailler en simple chemise, sans « culottes », pendant l’été, pour éviter la grande chaleur de la saison jointe à celle de la forge, et que les missionnaires, surpris de voir violer les règles de la bienséance, avaient dû condamner cette mauvaise habitude. Il ne semble pas que la chose se soit aggravée, car le Dr Dionne n’a rien trouvé de plus sur cette affaire.

    Mais ce que l’on connaît de certain, c’était le défaut des « gens des Forges » de trop sacrer, de se quereller et de se dire parfois des injures, ce qui ne veut pas dire qu’ils étaient de mauvaises mœurs ; au contraire, cette population était très morale et durant les vingt-trois années de la tenure du registre des Forges, il n’y a pas une seule naissance illégitime.

  5. R. Bellemare, les Bases de l’Histoire d’Yamachiche, donne tous les documents concernant ces fiefs.
  6. Le Père Denis Baron (ou Barras) était à la Pointe-du-Lac depuis 1744, probablement, et en 1751, il fut curé à l’Île-aux-Coudres.
  7. Dictionnaire généalogique, vol. IV, p. 21.
  8. Avec alors deux enfants.
  9. Avec trois enfants.
  10. Il y avait aux Forges, de 1738 à 1750, des gens du lieu nommé Dufresne (?), diocèse de Dijon. Le 16 mai 1738 fut inhumé aux Trois-Rivières Antoine Petit, fils d’Antoine, marchand bourgeois à Dufresne.

    Le 15 avril 1750, le Conseil de la marine écrit à Hocquart disant que le roi a accordé le passage au sieur Gauchereau, qui a servi plusieurs années aux Forges, et qui veut retourner en France.