imprimerie de la Vérité (Ip. 124-130).

LE CONGRÈS DE LYON ET LA FRANC-MAÇONNERIE


3 décembre 1881

Au récent congrès des jurisconsultes catholiques tenu à Lyon, M. Robinet de Cléry, ancien avocat général à la cour de cassation, a fait un rapport très remarquable sur la franc-maçonnerie et le caractère international que revêt la persécution.

Le savant orateur catholique commence par poser trois questions :

À qui faut-il résister ?

En quoi faut-il résister ?

Comment faut-il résister ?

Puis il continue :

Existe-il dans le monde moderne une conjuration universelle du mal, ne reconnaissant ni nationalité, ni frontières, obéissant partout, sous des dénominations et des apparences diverses, à un même mot d’ordre, disposant d’une puissance qui dépasse celle à laquelle peuvent parvenir des efforts purement humains — une Église satanique se dressant en face de l’Église de Dieu et appelant une partie de l’humanité dévoyée, aveuglée, affolée à une œuvre de destruction sans lendemain, sans trêve et sans merci ?

Si une telle force existe avec un double caractère, bien rare dans l’histoire du monde — l’universalité et l’unité — où réside-t-elle et comment la combattre ?

Messieurs, songez-y. Si ce n’est pas là un rêve, peut-il y avoir pour des chrétiens, pour des patriotes, à quelque nationalité qu’ils appartiennent, une préoccupation plus constante que celle de combattre les progrès d’un mal si menaçant, de le faire reculer et de le détruire, en remontant à son origine, pour n’en pas laisser le germe de mort aux générations futures ?

Depuis un siècle et demi cette question se pose ; longtemps les meilleurs esprits l’ont ignorée. Quand ils en ont reconnu l’existence, beaucoup sont restés volontairement aveugles, quelques-uns sont devenus complices.

Cet aveuglement et cette complicité ont porté leurs fruits. Dans la plupart des États du monde la génération actuelle est devenue l’esclave d’une secte cosmopolite.

Oui, jadis l’Eglise catholique a détruit l’esclavage païen. Voilà qu’aujourd’hui — par ignorance, par aveuglement, par leurs passions — les nations du monde entier se courbent sous le joug de l’esclavage maçonnique.

L’orateur constate qu’en France il est devenu très difficile de contester le péril ; toutefois, pendant longtemps, et jusqu’à ces dernières années, beaucoup d’hommes bien intentionnés refusaient de voir dans la franc-maçonnerie un danger social. Dans certains pays, au Canada par exemple, beaucoup de personnes refusent encore de croire à l’influence malsaine qu’exercent les loges sur la politique.

Pourtant dans notre jeune pays, le mal maçonnique fait des progrès rapides, à cause de l’aveuglement et de la complicité de certains hommes politiques qui ne veulent pas voir.

Longtemps, dit M. Robinet de Cléry, dans ses constitutions, dans ses déclarations publiques, pour donner le change aux gouvernements qu’elle minait, la secte a dissimulé son but, le rôle qu’elle s’efforçait de jouer, ses moyens d’action et d’influence.

Tant que la dissimulation peut leur être utile, les francs-maçons prétendent qu’ils ne s’occupent pas des questions politiques : quand il n’y a plus de danger, les vénérables frères sont les premiers à se vanter de leur hypocrisie avec un rare cynisme.

Au Canada, la franc-maçonnerie se donne pour une société purement de bienfaisance, et beaucoup de bonnes âmes y croient ou feignent d’y croire. Et pendant ce temps la secte travaille activement à remplir les bureaux publics de ses affiliés, à se glisser partout et à faire pénétrer son esprit dans notre législation.


17 décembre 1881

Nous avons vu que dans son rapport fait au congrès des jurisconsultes catholiques de Lyon, M. Robinet de Cléry a dénoncé la Franc-Maçonnerie comme le grand péril social des temps modernes.

On s’étonne quelque fois de voir les princes et les rois mêmes s’affilier aux sociétés secrètes, et l’on ajoute : Puisque ces grands personnages ne craignent pas de faire partie de la Franc-Maçonnerie, c’est que cette société ne travaille pas au renversement du trône. L’exemple du prince de Galles, qui, on le sait, est le grand chef des francs-maçons d’Angleterre, est souvent cité comme une preuve que la secte est inoffensive, politiquement parlant du moins. Écoutez ce que dit, à ce sujet, un franc-maçon, M. Louis Blanc :

À la veille de la Révolution française, dit-il, la Franc-Maçonnerie se trouvait avoir pris un développement immense. Dans l’Europe entière, elle secondait le génie méditatif de l’Allemagne, agitait sourdement la France et présentait partout l’image d’une société fondée sur des principes contraires à ceux de la société civile. Il plut à des souverains, au Grand Frédéric, de prendre la truelle et de ceindre le tablier. L’existence des hauts grades leur étant soigneusement dérobée, ils savaient seulement de la Franc-Maçonnerie ce qu’on pouvait montrer sans péril. Mais en ces matières, la comédie touche au drame ; et il arriva, par une juste et remarquable dispensation de la Providence, que les plus orgueilleux contempteurs du peuple furent amenés à couvrir de leur nom, à servir aveuglément de leur influence les entreprises latente dirigées contre eux-mêmes.

Ne soyons donc pas surpris de voir les francs-maçons de l’Angleterre choisir le prince de Galles, l’héritier présomptif du trône, pour leur grand maître. Ils se servent de lui comme d’un instrument, car dans la Franc-Maçonnerie tout est secret. Ce ne sont pas ceux qui portent les titres les plus sonores qui sont les véritables têtes de la secte. Ceux qui dirigent les mouvements de la société sont très peu nombreux et ils laissent les titres et les honneurs aux dupes qu’ils font parmi les grands de la terre. Ainsi, ne soyons pas surpris, non plus, si le prince de Galles, après avoir servi d’instrument à la Franc-Maçonnerie, en devient la victime.

M. R. de Cléry s’applique ensuite à prouver, par de nombreuses citations d’auteurs sérieux, que la grande Révolution française est sortie des loges maçonniques, et que toutes les entreprises dirigées, depuis cette époque néfaste, contre l’ordre religieux et civil, sont l’œuvre de la secte.

Un franc-maçon n’est pas libre ; il lui faut obéir aveuglément aux ordres de la loge dont il fait partie. Un député franc-maçon n’agit que sous l’inspiration de la secte. « En promettant de remplir ses obligations, dit un décret du Grand Orient, le maçon aliène une partie de la liberté absolue de ses actions. La Maçonnerie doit tenir ses yeux ouverts sur ses soldats. Sans cette action exercée par la Maçonnerie sur ses membres livrés à la vie publique, le travail maçonnique serait stérile, le dévouement de nos frères une duperie et nos espérances en l’avenir ne seraient que des chimères. Par ces considérations principales, le Grand Orient résout sans hésitation la question qui lui a été posée, et il décide que non-seulement les loges ont le droit, mais le devoir de surveiller les actes de la vie publique de ceux de leurs membres qu’elles ont fait entrer dans les fonctions publiques… Le Grand Orient pense qu’il faut être sévère et inexorable envers ceux qui, rebelles aux avertissements, poussent la félonie jusqu’à appuyer, dans la vie politique, des actes que la Maçonnerie combat de toutes ses forces comme contraires aux principes sur lesquels il ne peut être permis de transiger. »

Après cela, peut-on croire un seul instant, que les affiliés des loges conservent, en entrant dans la vie politique, leur entière indépendance, qu’ils parlent, votent et agissent suivant les libres inspirations de leur conscience ? Évidemment non.


7 janvier 1882

Nous avons constaté, dans notre dernier article, par l’analyse d’une partie du rapport de M. Robinet de Cléry sur le caractère international que revêt la persécution maçonnique, que la franc-maçonnerie, bien qu’elle se prétende une association purement de bienfaisance, s’occupe activement des affaires politiques des pays où elle s’implante, c’est-à-dire qu’elle travaille à façonner les peuples à son image en les rendant athées et libre-penseurs. Nous avons vu, aussi, que la franc-maçonnerie, sait cacher habilement son jeu lorsque la prudence est nécessaire, que tout en travaillant au renversement du pouvoir civil elle confère des honneurs, mais ne livre pas ses secrets, aux princes et aux rois. Il est également certain que la franc-maçonnerie a pour but la destruction de l’Église de Jésus-Christ ; les pratiques religieuses, dont elle fait parade en certains pays, au Canada par exemple, ne sont que d’hypocrites momeries destinées à tromper les naïfs sur les véritables tendances de la secte.

Nous avons pu aussi nous convaincre par une déclaration du Grand Orient que « l’obligation prononcée par le maçon donne à celui-ci un caractère indélébile » et que le maçon « aliène une partie de la liberté absolue de ses actions. »

Ces dernières paroles devraient faire réfléchir ceux qui s’imaginent qu’un affilié des loges est une personne à qui l’on peut, sans danger confier la législation d’un pays.

M. de Cléry prouve ensuite, en s’appuyant toujours sur des documents et des pièces authentiques, que les événements politiques qui se déroulent en Europe depuis neuf ans ne sont que l’accomplissement des décrets de la franc-maçonnerie. Au mois d’octobre 1872, des francs-maçons, réunis à Locarno, en Italie, ont tracé la politique à suivre dans les différents pays d’Europe. On trouve dans ces délibérations jusqu’à la dictature de M. Gambotta « qui nous est lié, affirment les sectaires, par des engagements qu’il ne pourra jamais rompre. »

Ceux qui suivent de près les affaires de France se rappellent qu’en 1880, M. de Freyeinet, après avoir inauguré une politique de persécution et de violence, voulut s’arrêter en chemin et limiter le mal qu’il avait sanctionné. On se rappelle aussi que M. de Freyeinet est tombé mystérieusement du pouvoir, bien que le Parlement ne fût pas en session et que le président de la République lui fût notoirement sympathique. Est-il permis de douter un seul instant de la véritable cause de cette chute, inexplicable au point de vue constitutionnel et parlementaire ? Le Grand Orient a siégé quelques jours avant la démission de M. de Freyeinet, et c’est incontestablement de là qu’est parti le mot d’ordre qui a fait tomber le ministre coupable d’avoir voulu reculer.

Voilà la franc-maçonnerie, à laquelle il faut résister hardiment, partout et toujours, qu’il faut dénoncer comme le grand péril social des temps modernes. Et en le faisant, ne craignons pas de nous montrer plus catholiques que le Pape. Dès 1738 Clément XII dénonçait « les nouveaux et rapides progrès que font chaque jour certaines sociétés, assemblées, réunion», agrégations ou conventicules, nommés vulgairement de francs-maçons, ou sous toute, autre dénomination. » Et le même pontife défendait, sous peine d’excommunication, « à tous et chacun des fidèles de Jésus-Christ, d’entrer dans ces sociétés de franc-maçons, de les entretenir, les recevoir chez soi, leur donner asile, assister à leurs réunions, leur fournir quelque chose, leur donner conseil, secours ou faveur ouvertement où secrètement, directement où indirectement. »

Plus tard le pape Benoit XIV a confirmé et renouvelé, la condamnation faite contre les franc-maçons par son prédécesseur.

En 1811, Pie VII renouvelle, à son tour, cette condamnation ; Léon XII, en 1825 ;

Grégoire XVI en 1828, et finalement Pie IX en 1865.

Nous ne devons donc pas craindre de nous montrer trop sévères lorsqu’il s’agit de condamner et de flétrir la franc-maçonnerie, et nous pouvons répéter, en toute sûreté, avec M. R. de Cléry : « Jamais l’Église catholique ne signera de concordat avec le Grand Orient. »