Mercure de France (p. 50-51).

XVIII


Lorsque vous aurez élevé le

Fils de l’homme…

Jean, c. viii, 28.


Il a élevé les petits.
Luc, c. I, 52.


Il a enfin quitté l’Hiver dont les glaces mordent et dépassé le premier Printemps qui, encore que le rossignol module le clair de lune, secoue sur les errants sa crinière de pluie. Il entre en Été et voit, du haut de la côte, le paysage si net que l’on voudrait jeter dessus les dés du jeu-de-l’oie. C’est un dimanche de Fête-Dieu, après midi. Par bouffées la voix des trombones s’élève et, au moment que, du haut du reposoir, Notre-Seigneur bénit les fidèles, les tambours roulent comme un orage. Ici et là, les blés se rident sous la brise qui fait fléchir, en tirant sur son écharpe, les cimes écumantes des arbres.

Voici l’homme dans la rue et qui foule, à la suite de la procession, l’aqueuse verdeur des joncs, les campanules et les pétales de roses. De blancs nuages dans le bleu semblent naître de la fumée des encensoirs et attendre que le Père tenant la Loi les prenne pour marchepied. Et, cependant que les hymnes se délivrant de la terre heurtent le Ciel qui s’ouvre, le pauvre s’apaise. Une aumône lui permettra tantôt quelque extra. L’auberge est douce, et la sauce, et la tasse de vin, à celui qui noue son pantalon d’une corde comme un moine sa robe.

Mais, son repas fini, ce soir, il ne songe point qu’il y ait un lit meilleur que ce foin où il va s’étendre dans un pré. Il contemple l’abîme. Ses pieds bandés de cuir, sa tête et ses mains s’appuient aux étoiles, couché comme Notre-Seigneur sur la Croix avant l’Élévation.