Mercure de France (p. 37-38).

XI


Comme la fleur, il naît et on le coupe.
Job, c. XIV, 2.


Chauve, aveugle, édenté, l’homme naît et il meurt. D’ici là, il pèlerine. Peu après qu’apparu, il se redresse, et l’on voit alors ses joues mûrir dans les palmes de sa chevelure, et ses yeux, comme deux gouttes d’eau baigner la pulpe de ses joues, et ses dents luire comme des graines.

Il est beau au départ. L’aube l’a vêtu dans l’avril bleu et blanc. Ce jeune Prince s’avance. À chaque pas, il lui semble qu’il emporte la terre et le ciel avec lui. Sa prière est une hymne à ce pays tempéré et propice à l’éclosion des œufs des fauvettes.

Mais à midi, la contrée change. Le Prince devient Roi. Les rayons solaires tissent son manteau. Il va par les plaines de l’été rose, jaune et noir. Au bord des routes il voit des parcs si luxuriants que leurs grilles se tordent sous la flore. Il entre en ces retraites et pense y périr de volupté. Puis, voici la vieillesse.

Maintenant, c’est la fin de l’Automne, du jour et de la vie et, vêtu par les hardes de l’ombre, celui qui fut Prince et Roi ne se reconnaît plus. Comme ce paysage qui vacille et dont les seules lignes essentielles se détachent de la nuit qui les va confondre, l’homme dénué à nouveau titube avant de s’effacer.