Lysis (trad. Cousin)/Notes
NOTES
SUR LE LYSIS.
J’ai eu sous les yeux l’édition générale et les commentaires critiques de Bekker, l’édition spéciale de Heindorf, les traductions de Ficin et de Schleiermacher.
Il doit exister deux vieilles traductions françaises du Lysis ; l’une de Bonaventure Despériers, Lyon, 1544, l’autre de Vigénère, 1679. Je n’ai pu me procurer aucun de ces ouvrages.
Ast et Socher ont nié l’authenticité de ce dialogue, faute de le comprendre. Schleiermacher le défend et montre que, sans citer ni le Lysis ni Platon, Aristote paraît avoir eu sous les yeux ce dialogue. Les passages d’Aristote qui inspirent ce soupçon à Schleiermacher sont au chap. I du liv. VIII de la Morale à Nicomaque ; au chap. II du liv. III de sa grande Morale ; et aux chap. IV et V du liv. VII de la Morale à Eudème. — C’est au liv. III, chap. XXXV, que Diogène de Laerte rapporte comme une tradition déjà ancienne que Socrate, en entendant réciter le Lysis de Platon, s’écria : Grands dieux ! que de choses me fait dire ce jeune homme que je n’ai jamais dites !
Heindorf, page 9, se plaint que l’on ait traduit κρονικώτερα par antiquiora, et propose ineptiora ; d’après L. Bos., Obs. crit. On peut répondre que κρονικώτερα veut bien dire ineptiora, mais indirectement, et que son sens direct est en effet celui d’antiquiora. Ctésippe reproche à Hippothalès de ne dire sur Lysis et sa famille que des histoires rebattues, et il développe κρονικώτερα en se moquant d’une tirade où Hippothalès remontait jusqu’à Hercule pour célébrer la famille des Lysis. Schleiermacher traduit altväterischeres. J’ai fait comme lui, et j’ai traduit κρονικώτερα dans son sens direct, qui renferme implicitement et laisse assez percer la signification de ridicules.
Hermès, comme dieu de la science, présidait aux palestres, et sa fête était une fête de la jeunesse. Eschine (contra Timarch., pag. 58 du tom. I de l’édit. de Reisk.) rapporte une loi qui défendait que ce jour-là, pendant la fête, les jeunes garçons et les hommes d’un âge plus avancé se trouvassent ensemble, ce qui d’abord ne permet guère de comprendre comment Hippothalès, Ctésippe et Socrate purent entrer ce jour-là dans la palestre et y causer si long-temps avec Lysis et Ménexène. On ne peut supposer que Platon ait ignoré cette loi athénienne, ni qu’il ait pris plaisir à la fouler aux pieds, en introduisant Socrate dans la palestre de Miccus un jour plutôt qu’un autre. Schleiermacher résout très bien cette difficulté, en supposant que la loi n’interdit le mélange des âges le jour de la fête d’Hermès que dans le lieu où se faisaient les sacrifices, c’est-à-dire dans le fond de la palestre. En effet, Ménexène, quand il est appelé pour quelques détails du culte d’Hermès, quitte, pour se rendre où était l’autel, la salle extérieure où se trouvaient Socrate et les hommes, et aucun d’eux ne le suit ; les jeunes garçons n’étaient venus dans l’endroit où Socrate cause avec Lysis que parce que les cérémonies étaient achevées.
La différence des deux mots, σπάθης ἢ τῆς κερκίδος, selon Schneider, est que σπάθη se rapporte à la forme perpendiculaire du métier, tandis que κεκρὶς se rapporte à la forme horizontale, telle qu’elle est aujourd’hui. Schleiermacher se demande si ces deux métiers étaient aussi connus des Grecs, et si on s’en servait à Athènes dans le même temps. En français la σπάθη est le battant du métier perpendiculaire, et le κερκὶς la navette du métier horizontal. J’ai cru ne devoir employer que la dernière expression, la seule aujourd’hui qui puisse être entendue.
Κρούειν πλήκτρῳ. J’ai cru pouvoir emprunter ce mot à l’archéologie.
Le mot συγγράμμασιν, qui se dit des compositions en prose, fait douter Schleiermacher qu’il s’agisse d’Empédocle, qui a écrit en vers, et le laisse incertain sur le philosophe que Platon a pu avoir réellement en vue. Le doute serait fondé s’il n’était ici question que d’un seul écrivain ; assurément δυγγραφεὺς ne s’appliquerait point à Empédocle. Mais Platon parle de plusieurs philosophes, τῶν σοφωτάτων, dont la plupart avaient écrit en prose, ce qui justifie l’expression de συγγράμματα, appliquée aux écrits de toute l’école, alors même qu’un d’eux, et le plus célèbre, eût écrit en vers. Il s’agit ici de l’école d’Empédocle plutôt que d’Empédocle lui-même ; mais c’est bien Empédocle et les siens que Platon veut désigner, comme le prouve le passage célèbre d’Aristote, Morale à Nicomaque, liv. VIII, chap. I. Ἐξ ἐναντίας δὲ τούτοις ἄλλοι τε καὶ Ἐμπεδόκλης. — Et cette même phrase d’Aristote nous fait penser aussi que Platon a encore en vue les partisans d’Empédocle dans la phrase où il parle des adversaires de la théorie du contraire comme principe de l’amitié. Οἱ πάνσοφοι ἄνδρες οἱ ἀντιλογικοί, etc.