Louis de Berquin - 1523-1529

Louis de Berquin - 1523-1529
Revue des Deux Mondes, 2e périodetome 79 (p. 454-481).
LOUIS DE BERQUIN
— 1523-1529 —


I.

Louis de Berquin était gentilhomme, docteur en théologie et conseiller du roi. Le conseiller ne siégeait, il paraît, dans aucun conseil, le docteur n’occupait aucune chaire, et le gentilhomme ne fréquentait pas la cour. Né, dit-on, à Passy, près de Paris[1], Berquin appartenait toutefois à la noblesse picarde, comme ayant son domaine patrimonial près d’Abbeville, au territoire de Rambure ; mais il demeurait habituellement à Paris. Sa fortune était modeste ; sa terre ne lui rapportait pas au-delà de 500 livres par an. C’est pourquoi sans doute il ne s’était pas marié. En l’année 1523, François Ier régnant, un gentilhomme de trente-trois ans, — c’était l’âge de Berquin, qui avait choisi Paris pour son séjour ordinaire, — pouvait, sans compromettre son nom, mener une vie dissipée. On s’accorde pourtant à dire que ses mœurs étaient irréprochables. Erasme, qui a fait une enquête sur toute sa conduite, soit à Paris, soit ailleurs, déclare que jamais aucun soupçon d’incontinence ne s’éleva contre lui[2]. Cependant, puisque son nom appartient à l’histoire, il n’était pas sans passion ; il ne végétait pas tristement insensible, indolent, dans ce repos qui fait le bonheur des énervés ; il avait au contraire une passion, qui, développée par de favorables circonstances, occupe tout l’esprit et y entretient une agitation salutaire, la passion de l’étude. Avant l’année 1512, quand il avait à peine vingt-trois ans, Nicolas Berauld lui dédiait sa réponse aux invectives de Laurent Valla contre Antoine de Palerme et Barthélémy Fazio. Vers le même temps, Josse Bade l’honorait d’une autre dédicace qui précède le second volume de son édition d’Ange Politien. On le comptait déjà parmi les humanistes exercés. Plus tard, ayant donné tous ses soins à la lecture des livres sacrés, des pères et des scolastiques, il devint, comme on dit, « un grand clerc[3]. » Tous les clercs, même les moindres, ont l’humeur contentieuse. Homme sincère et droit, dit Érasme, ardent chevalier de la justice et de la vérité, Berquin ne pouvait se défendre d’avertir les gens qu’il croyait dans l’erreur. Fidèle observateur des lois de l’église, il assistait scrupuleusement à tous les offices, jeûnait et recevait les sacremens aux jours prescrits. Cependant sa dévotion n’était pas servile ; c’était un chrétien à la fois austère et libre, qui, n’aimant ni les théologiens ni les moines, ne cachait pas cette répugnance. Étant gentilhomme, il était l’opposé d’un cuistre, et il lui plaisait de le dire, de le montrer. C’est ce qui le perdit.

À Paris, au mois d’avril de l’année 1523, la cour et la ville sont également agitées, mais par des causes diverses. À la cour, on ne s’entretient que des revers éprouvés en Italie par les armes françaises ; la ville est surtout émue par le succès de la réforme religieuse : le nom sinistre de Luther est dans toutes les bouches des clercs, des bourgeois, des manans. Aux défis arrogans du novateur, les ministres du culte catholique répondent dans leurs chaires par les discours les plus véhémens, conjurant le peuple de leur demeurer fidèle, et menaçant des plus grands malheurs, au nom de Dieu, toute nation qui se laissera séduire par l’hérésie. Entendant ces discours, le peuple est dans l’épouvante, et croit voir partout des envoyés de Luther, de Satan, dont les manœuvres préparent sa ruine. Plus éclairés et en conséquence moins alarmés, prêts néanmoins à tout faire pour maintenir l’ordre ancien, qu’on appelle toujours le bon ordre, les magistrats recherchent et livrent quiconque leur est dénoncé comme entretenant de coupables intelligences avec les sectaires du dehors : ils veulent qu’on ne doute ni de leur dévotion ni de leur vigilance. Ainsi la colère et la peur réclament une persécution et pressent l’hypocrisie de l’exécuter, ce qu’elle ne refuse jamais.

En cet état des esprits et des choses, Louis de Berquin est signalé comme étant du parti des réformateurs. Il est savant ; toute sa science doit être hétérodoxe, puisque sa piété manque de respect à l’égard des personnes ecclésiastiques. Il a des livres, et, dit-on, il en fait ; il écrit sur les matières de la foi, c’est une intolérable licence. Sur tout ce qui touche à la religion, les clercs seuls peuvent écrire; ils ont seuls reçu le mandat de prêcher l’Évangile et de l’interpréter. Si l’on tolère maintenant que les laïques s’en mêlent, le désordre commence, et la société court aux abîmes. Étant donc informé des faits reprochés à Louis de Berquin, Guillaume Roger, procureur-général au parlement de Paris, députe à son domicile Jacques de Mailly, huissier de la cour, avec l’ordre de saisir dans les livres et les papiers de ce savant tout ce qui lui paraîtra suspect d’hérésie.

Comment s’était révélé le secret de Berquin? Comment avait-on appris que cet « homme de grandes lettres » avait aussi « l’esprit fort libre[4]? » Comment avait-on été conduit à savoir qu’il lisait dans sa retraite des livres malsains et en composait de semblables? Voici ce que nous raconte à ce sujet le docte Érasme, que Berquin vénérait déjà comme un père, et qui plus tard, dit-il, aima Berquin comme un fils. Quelque temps auparavant, au rapport d’Érasme, Berquin avait osé censurer un théologien de la plus grande autorité dans l’école et dans l’église, Guillaume Duchesne, de Coutances, curé de Saint-Jean-en-Grève et proviseur du collège d’Harcourt. S’il n’avait pas fait imprimer cette censure, il en avait du moins communiqué le texte à quelques amis[5]. Or, pour être compté parmi les catholiques douteux, c’est-à-dire les luthériens cachés, assurément il n’en fallait pas davantage : un laïque ne pouvait prendre à partie sur tel ou tel article de dogme ou de discipline un personnage aussi considérable que maître Guillaume Duchesne sans être au fond du cœur un apostat.

Quelques livres et quelques papiers de Berquin furent jugés suspects par l’huissier de Mailly, qui les saisit et les fit transporter au greffe de la cour. Les livres étaient divers écrits de Luther, de Mélanchthon et de Carlstadt; les papiers étaient des traductions de livres latins en langue vulgaire et quelques traités originaux de Berquin, latins ou français, dont voici les titres : de l’Usage et de l’utilité de la messe, le Miroir des théologastres, le Débat de piété et superstition. Berquin s’est avoué l’auteur de ces traités; il est donc prouvé qu’il occupait ses loisirs à composer des écrits théologiques. Puisqu’ils ont été soustraits à notre examen, nous ne pouvons dire s’ils étaient vifs ou modérés. Ils étaient, au témoignage d’Érasme, d’une modération tout à fait irrépréhensible. Ainsi notre docteur faisait simplement observer qu’on commençait à prononcer trop souvent en chaire le nom de la Vierge, et qu’on ne pouvait, sans corrompre l’ancienne liturgie, l’invoquer à tout propos au lieu de son Fils, au lieu du Saint-Esprit. « Autant qu’il m’en souvient, écrivait Érasme en 1529, il ne s’agissait que de cela; » mais les souvenirs d’Érasme n’étaient peut-être pas, en 1529, très fidèles : on suppose donc que dans les divers écrits de Berquin il s’agissait d’autre chose encore que des prérogatives déjà méconnues du Fils et du Saint-Esprit. Après avoir lu toutes les pièces produites contre l’accusé, nous pensons, pour notre part, qu’en matière de dogme sa critique n’allait pas loin, et nous n’hésitons pas à contredire les récens historiens qui, sur la foi des sorbonistes et de Théodore de Bèze, voient dans Berquin un autre Luther. Animé comme Érasme de l’esprit nouveau, et, comme lui, dégagé de toutes les superstitions scolastiques, Berquin désirait, ainsi qu’Érasme, vivre au sein de l’église établie à cette seule condition qu’il lui fût permis de la fronder. Érasme lui-même dit de Berquin : « Il réprouvait avec force les doctrines de Luther. » Avec plus de force encore, il réprouvait la tyrannie des théologiens et des moines, et cela nous porte à croire que, dans les écrits jugés suspects par l’huissier de Mailly, il y avait également à l’adresse des moines et des théologiens des traits dont Érasme ne parle pas.

Quoi qu’il en soit, la saisie pratiquée, la faculté de théologie intervient, disant que l’affaire est de sa compétence. Il s’agit en effet de savoir si dans les papiers de Berquin il y a vraiment, comme l’a jugé l’huissier de Mailly, quelque proposition hétérodoxe, ce que le parlement ne saurait bien apprécier. Faisant droit à la requête de la faculté de théologie, le parlement ordonne, le 3 mai[6], que les objets saisis lui seront livrés, et qu’elle en fera l’examen devant deux conseillers à la cour, Me Jean Verrier et Me André Verjus. L’accusé, mandé par le procureur-général, ne s’oppose pas à ce que la faculté prenne connaissance de ses écrits; il désire toutefois être présent quand on en fera l’inventaire, et pouvoir donner avant tout des explications qu’il croit utiles. La cour décide que ces explications seront préalablement entendues. Ensuite la faculté de théologie désignera les commissaires qui liront les pièces et feront un rapport qui sera transmis à la cour. Les formes, on le voit, sont observées.

Nous avons le rapport de ces commissaires, qui porte la date du 26 juin. Il commence, selon l’usage, par une déclaration de principes. — La foi étant la base de toutes les vertus, la société civile s’écroule aussitôt que cette base est ébranlée : c’est donc pour la Sorbonne et le parlement un devoir commun que de veiller au maintien de la foi. Or le juge ecclésiastique, ayant soumis à une scrupuleuse censure les livres et les codicilles trouvés au domicile de Berquin, les déclare impies, schismatiques, hérétiques, et invite en conséquence le juge civil à les faire brûler. Quant à la personne, attendu que Louis de Berquin, auteur ou possesseur de ces livres et de ces écritures, est suffisamment convaincu de complicité dans toutes les abominations de l’hérésie luthérienne, il sera contraint d’abjurer publiquement son erreur, et il lui sera désormais interdit de faire ou de traduire aucun ouvrage touchant les articles de la foi[7].

Le 8 juillet 1523, Pierre Lizet, avocat du roi, lit à la cour le rapport des commissaires. Sur le point le plus important, la cour est sans hésiter de leur avis : il faut sévir, il faut intimider la propagande luthérienne par un acte de vigueur. Se réservant donc de statuer plus tard sur l’affaire de Berquin, la cour ordonne que les huissiers Jacques de Mailly et Pierre Buiday feront sur-le-champ une nouvelle enquête chez tous les libraires. Aux livres déjà saisis, il convient d’en joindre d’autres; les circonstances réclament un incendie considérable, qui se voie de loin. L’affaire revient à l’audience du 1er août. Louis de Berquin paraît devant la cour et est interrogé. A la suite de cet interrogatoire, il est arrêté et conduit prisonnier à la Conciergerie, dans la tour carrée. Le 5 août, la sentence est rendue. Les pièces vues, la faculté de théologie consultée, le procureur-général et l’accusé successivement entendus, la cour renvoie Louis de Berquin et ses livres devant l’évêque de Paris. Ainsi l’on n’a fait jusqu’à ce jour qu’une instruction théologique; maintenant le procès va commencer, et, si Berquin est condamné par son évêque, il lui sera difficile d’échapper au dernier supplice. Telle est en effet la peine que l’usage ainsi que la loi, depuis Constantin, réservent au crime d’hérésie.

Comme c’était un homme fier, plein de courage, qui ne devait rien désavouer, il pouvait déjà s’attendre à la mort et s’y préparer. On parlait de son supplice comme d’un spectacle prochain. « Il l’avait bien gagné! » dit le chroniqueur contemporain qu’on appelle le bourgeois de Paris[8]. Ce mot nous fait frémir. Il est pourtant écrit simplement, au courant de la plume. Ce bourgeois ingénu pense ce que la multitude pensait en France de son temps. Un autre contemporain, Jean Sleidan, dit de la France, à l’année 1535, dans son Histoire de l’état de la religion : « En ce pays, le commun du peuple estime qu’il n’y a pas de gens plus méchans et plus criminels que les hérétiques, et ordinairement, tandis qu’ils sont en proie aux flammes du bûcher, le peuple autour d’eux s’agite avec frénésie et les maudit même au milieu des tourmens. »

Berquin avait auprès du roi des amis qui, moins zélés pour les intérêts de la religion, étaient moins cruels. Ayant appris avec le plus grand déplaisir les poursuites exercées contre lui pour quelques libres propos, ou, comme dit Erasme, pour quelques vétilles, ils eurent hâte d’intervenir quand ils virent sa cause perdue. Il était temps. Déjà le roi s’était éloigné de Paris, allant guerroyer au-delà des monts, et le roi seul pouvait encore sauver la victime promise au bûcher. On l’entoura donc, on le supplia, chemin faisant, d’arrêter le cours de ce procès, dont l’issue ne pouvait être douteuse. François Ier n’en était pas à traiter les hérétiques de son royaume comme des factieux. Assez indifférent en matière de religion, il ne blâmait pas encore chez autrui cette indifférence, surtout chez les gens d’esprit ; il lui plaisait même de les entendre railler les sots, c’est-à-dire les docteurs gourmés de l’antique Sorbonne. Un évêque, l’évêque de Rayonne, Jean Du Bellay, lui procurait quelquefois cet agréable passe-temps. Il se laissa donc facilement toucher par les discours qu’on lui fit sur Berquin, un gentilhomme si distingué, si savant, si sincère, si peu suspect de turbulence, et le 5 août, étant sur le point d’entrer dans la ville de Melun, il envoya promptement à Paris le capitaine Frédéric, des archers de sa garde, avec une lettre au parlement et un ordre verbal dont l’exécution ne devait pas être différée.

Le capitaine Frédéric arrivait au parlement le samedi 8 août. La chambre du conseil venait de « rendre » à l’évêque de Paris, « présent et acceptant, » le prisonnier, encore détenu dans la tour carrée de la Conciergerie, quand la lettre du roi lui fut remise. Le roi, disait cette lettre, évoquait l’affaire de Berquin pour la juger lui-même en son grand-conseil, et celui-ci devait en conséquence être rendu non pas à l’évêque, mais au roi. La chambre étonnée fit des remontrances. Berquin n’était plus son prisonnier ; il y avait arrêt. Il fallait s’adresser à l’évêque. La chambre d’ailleurs se proposait d’écrire au roi pour justifier toute sa procédure, et le capitaine Frédéric ne pouvait-il pas, les choses restant ce qu’elles étaient, retourner vers le roi, lui porter la lettre du parlement et attendre une réponse ? L’ordre donné verbalement au capitaine était de recevoir Louis de Berquin ou de l’enlever de vive force, les remontrances de la cour ayant été prévues. C’est pourquoi, malgré son arrêt, la chambre du conseil remit au roi le prisonnier de l’évêque, et se contenta de faire brûler ce jour même, sur la place Notre-Dame, les livres et les codicilles saisis et censurés.


II.

Voici donc l’accusé devant le grand-conseil. Les intentions du roi étant suffisamment déclarées, le grand-conseil n’avait pas à délibérer longtemps. Les pièces portées au chancelier Duprat par le conseiller Verjus sont immédiatement vérifiées. Bientôt après, mandé lui-même devant le chancelier, qui présidait le conseil en l’absence du roi, Berquin reçoit de lui quelques réprimandes. — En écrivant avec trop de liberté sur divers articles de la croyance religieuse, il avait offensé l’église ; il devait le regretter et témoigner ce regret. Tel fut l’accommodement proposé. Étant non plus en la présence d’ennemis conjurés, mais d’un chancelier d’humeur facile, très politique, et, malgré sa robe, très peu dévot, Berquin manifesta sans hésiter, en homme de bonne compagnie, un regret sollicité de cette manière, et fut rendu sur-le-champ à la liberté. Nous le voyons ensuite quitter Paris et se rendre dans ses terres, en Picardie.

Cependant la Sorbonne et le parlement s’obstinent à continuer la persécution. Le parlement, qui de son chef s’intitule « conservateur des saints décrets et conciles sous l’autorité du roi, » poursuit à outrance malgré le roi. Par les ordres du parlement, le 12 août, le son de la trompe se fait entendre dans tous les carrefours de Paris, et la voix redoutée des crieurs avertit clercs et laïques qu’ils devront, dans le délai de trois jours, déposer au greffe du palais tous les livres de Luther qu’ils possèdent. Les laïques qui n’auront pas tenu compte de cet avertissement verront leurs biens confisqués ; les clercs seront privés de leur temporel et bannis[9]. Le clergé, qui occupe tant de sièges dans le parlement, y fait voter tout ce qu’il juge utile à sa cause. C’est lui qui en ce moment décrète la terreur.

Bientôt, au nord et au midi, à l’orient et à l’occident, les frontières de la France sont envahies par des armées étrangères, et le parlement, toujours avide d’accroître son autorité, va s’imposer à la régente, en l’absence du roi, comme conseil de gouvernement. Il a donc à délibérer chaque jour, matin et soir, sur d’autres affaires que celles de l’église. S’étant prescrit ce devoir, il n’y manque pas : il veut tout régler, tout ordonner, non-seulement les levées de subsides, mais encore les envois de troupes et d’armes. Quand au milieu de ces graves circonstances le soin de la défense publique lui laisse un moment de loisir, il l’emploie, l’église tout à coup intervenant, à entendre des discours et à rédiger des arrêts contre les hérétiques. Si les Allemands sont entrés en Bourgogne, les Espagnols en Guienne et les Anglais en Picardie, c’est aux hérétiques, s’écrie l’église, qu’on doit l’attribuer, et l’avocat du roi, Pierre Lizet, répète : « Il faut dire à la régente ce que saint Grégoire disait à Brunehaut, reine des Francs, que le meilleur moyen pour chasser les ennemis du royaume est d’en chasser les ennemis de Dieu et de son épouse l’église[10]. » Il y a dans le parlement, n’en doutons pas, plus d’un homme de sens que de tels discours révoltent; mais personne n’ose les contredire, et c’est aux discours comme ceux de Lizet que la multitude applaudit au dehors.

Après le désastre de Pavie, le roi étant détenu prisonnier hors du royaume, les prétentions du parlement s’élevèrent encore. La régente s’en plaignit, mais sa plainte fut presque vaine. Si cet accroissement peu durable de la puissance parlementaire profita sous beaucoup de rapports à la France, il fut très dommageable aux particuliers qu’une instruction supérieure à celle de la foule et une certaine liberté de jugement avaient plus ou moins séparés de l’église établie. La persécution qu’ils eurent à subir fut en effet de plus en plus cruelle. Le 10 avril 1525, envoyant à la régente certains articles qu’il l’exhorte à prendre pour règle de conduite, le parlement lui recommande plus vivement qu’il ne l’avait fait encore la constante recherche des hérétiques. C’est l’article principal de toute la remontrance et le plus développé. La cour ajoute, parlant de ce qu’elle a fait elle-même pour anéantir la secte maudite : « Elle a par ci-devant donné plusieurs provisions contre les coupables, lesquelles n’ont été exécutées pour malice du temps et empêchemens pratiqués par les délinquans, qui ont trouvé moyen d’assoupir et mettre en délai les jugemens faits contre eux, tant par évocations au grand-conseil que par prise et transport d’aucuns d’eux lors prisonniers, qu’ils ont fait tirer des prisons par puissance souveraine et absolue, qui a donné occasion et audace aux autres de suivre la mauvaise doctrine... » Ainsi la cour reproche durement au roi d’avoir sauvé Berquin, et déclare que l’impunité triomphante de ce grand coupable a été pour d’autres pervers un déplorable encouragement. Combien nous conviendrait mieux en d’autres cas cette dureté de langage! Enfin la cour prie la régente d’écrire au pape et de lui dire que les tribunaux ordinaires de l’église n’ont pas assez d’autorité pour oser poursuivre tous les fauteurs ou complices de Martin Luther, si hautes sont les dignités que plusieurs de ces gens occupent dans l’église même. Les circonstances, dit la cour, exigent que le pape institue des vicaires en France, des délégués qui procèdent en son nom, qui jugent en son nom même les archevêques, les évêques et les abbés qui par leurs actions, leurs écrits, leurs discours, se seront rendus suspects de quelque penchant pour l’hérésie.

La régente Louise de Savoie n’avait de zèle ni pour ni contre la religion. D’ailleurs, nullement ambitieuse de jouer un rôle, mais dévouée tendrement à son fils, elle s’imposait comme première loi de l’imiter. C’était donc vainement qu’on réclamait d’elle un prisonnier que François avait fait libre :: elle ne pouvait le rendre et ne le rendit pas; mais, pour complaire en quelque chose au parlement, elle commit la faute d’écrire au pape la lettre qu’on lui avait demandée, et ce fut l’origine de grands troubles. Ayant donc reçu la lettre de la régente, Jules de Médicis, nouveau pape sous le nom de Clément VII, s’empresse d’établir le tribunal extraordinaire dont on attend des merveilles. La bulle d’institution est du 20 mai 1525. Sont nommés délégués du pape quatre personnages d’une ardeur éprouvée que le parlement avait lui-même, dès le 20 mars, désignés à l’évêque de Paris comme devant être ses suppléans dans l’enquête ouverte contre les hérétiques : Jacques de La Barde, prévôt de l’église du Puy et conseiller au parlement de Paris, André Verjus, prévôt de l’église de Paris et conseiller au même parlement, Guillaume Duchesne et Nicolas Leclerc, docteurs en théologie. Ils dénonceront les suspects au parlement, qui donnera l’ordre de les saisir. Les suspects saisis seront ensuite livrés aux quatre vicaires, qui les jugeront. Jugés et condamnés, ils seront abandonnés au bras séculier. C’est ainsi que l’on procédera, simplement et vivement, sans appel d’aucune sorte. De si formidables périls menacent la foi de la France!

Bientôt, le 12 juillet 1525, le parlement envoie devant les délégués du pape Gérard de Hecquefort, frère prêcheur. Étrange vicissitude de la fortune, étrange dérision de la justice! le premier des suspects signalés par les délégués, le premier de ces hérétiques qu’ils auront à juger, c’est un dominicain, un religieux de cet ordre qui fournissait autrefois par privilège les inquisiteurs de toute hérésie. Après ce dominicain comparaît Pierre Caroli, docteur en théologie, et quelques jours après sont arrêtés ses illustres collègues Gérard Roussel et Jacques Lefebvre d’Étaples. La faculté de théologie de l’université de Paris, qui, la veille encore, donnait tant de gages de la plus fervente orthodoxie, est elle-même devenue suspecte, et l’on ne peut trop se hâter de la décimer.

Cette nouvelle fureur de poursuivre se donnant, ainsi qu’on le voit, pleine carrière, Louis de Berquin ne pouvait être laissé longtemps en repos. D’ailleurs il dédaignait la prudence. Dans sa retraite de Picardie, il écrivait encore. Pour se distraire et pour instruire les autres, il traduisait de petits livres d’Érasme, et rédigeait en outre une apologie des maximes condamnées dans ses précédens écrits. Son dessein, généreux, mais téméraire, était de confondre ses juges. Ayant donc achevé son apologie, il en fit parvenir une copie, avec une lettre où il racontait toute son aventure, à ce libre et savant docteur, Didier Érasme, qu’il avait coutume d’appeler son maître. Ce maître, qui n’avait point une bravoure à toute épreuve, fut effrayé par le disciple. Toutefois ce n’est pas la doctrine qu’il blâma, c’est le ton véhément de l’apologie. « En lisant sa lettre, écrit Érasme, je jugeai que c’était un homme de bien. Cependant je lui conseillai en ami et sans détour d’être prudent, de supprimer son apologie, de laisser en repos les frelons, et de se livrer tout entier aux douces joies de l’étude. Je le priai ensuite de ne pas me mêler à ses affaires, ce qui pouvait être aussi dommageable à l’un qu’à l’autre... Plusieurs fois je lui ai chanté cette chanson; mais je m’adressais à un sourd[11]. » La surdité de Berquin, c’était son courage. Il répandit son apologie, et fit imprimer sans permission, c’est-à-dire en secret, ses traductions d’Érasme. Or, quand on sévissait avec rigueur contre tant de gens même timidement hétérodoxes, on ne pouvait tolérer une telle affectation d’impénitence. Malgré les amis que Berquin avait près du roi, près de la régente, malgré cette haute protection qui paraissait lui garantir l’impunité, il fut résolu qu’on le poursuivrait encore. Autrement on eût dit que cet homme était au-dessus des lois.

Le 20 mai 15’25, le jour même où le pape nommait ses quatre délégués, la faculté de théologie de Paris censurait les écrits d’Érasme, traduits par Berquin. Les livres traduits étaient intitulés : La Déclamation des louanges du mariage, le Symbole des apôtres, Briève admonition de la manière de prier, et la Déclamation de la paix. Ces litres ne paraissent pas criminels; mais dans le traité sur le mariage les juges avaient trouvé dix-huit propositions contre le célibat; à l’occasion du symbole, l’auteur semblait dire que la foi seule justifie; il soutenait, au sujet de la prière, qu’il est bon de prier Dieu dans une langue que l’on comprend; enfin à l’éloge de la paix il avait joint une mordante critique des moines, alors, on le sait, très belliqueux. Toutes ces propositions étaient d’Érasme, et la faculté les avait censurées sous son nom; mais en même temps elle avait censuré Berquin pour les avoir traduites en langue vulgaire et pour avoir multiplié, par la voie de la presse, les exemplaires de ses traductions.

On ne devait pas s’en tenir à cette censure. La faculté de théologie avait alors pour syndic un compatriote de Berquin, Noël Bédier, qui par ostentation se faisait appeler Béda, « le plus grand clabaudeur, dit Bayle, et l’esprit le plus mutin, le plus factieux de son temps. » Ayant été l’un des instigateurs de la censure, Bédier criait aux délégués du pape qu’ils ne pouvaient tarder à poursuivre eux-mêmes l’hérétique censuré sans faire injure à la faculté de théologie. Cette poursuite, longtemps différée, fut enfin commencée à la requête de l’évêque d’Amiens, prié d’intervenir. Tout le monde n’étant pas désireux, comme Bédier, d’attenter à la gloire d’Érasme, on avait hésité, puisqu’on ne pouvait condamner le traducteur sans parler de l’auteur. Ajoutons qu’il y avait encore, même dans l’église, des gens qui regardaient comme véniel le nouveau péché de Berquin. Celui-ci d’ailleurs s’était fait vraiment redouter par son courage, et comme on prévoyait tout le mouvement que de puissans personnages se donneraient pour le défendre, on avait cru devoir temporiser et procéder avec adresse. La tactique avait été de pousser d’abord contre lui son propre évêque. Le 8 janvier 1526, l’évêque d’Amiens demande au parlement la permission de faire prendre au corps Louis de Berquin, qui réside dans son diocèse, et le scandalise par sa conduite. Cette requête étant appuyée par les délégués du pape, le parlement donne la permission demandée. Deux jours après, la cour dit que le prisonnier de l’évêque d’Amiens sera transféré sur-le-champ à Paris. Elle ajoute que, s’il échappe aux mains des sergens envoyés pour l’arrêter, il sera sommé de comparaître dans le délai de trois jours, et que ses biens seront confisqués.

S’il pouvait fuir, il ne fuit pas, et le 24 janvier il était déjà captif sous les voûtes humides de la Conciergerie, quand la cour ordonnait au sénéchal de Ponthieu de faire saisir tous ses livres, déposés, comme on l’avait appris, chez le seigneur de Rambure, son ami, soit au château de Rambure, soit dans la maison qu’habitait ce seigneur en la cité d’Abbeville. C’est donc un grand procès qu’on veut instruire. On a déjà les traductions de Berquin censurées par la faculté; mais à ces pièces on veut en joindre d’autres, et comme on sait que Berquin a l’habitude d’écrire des notes sur la marge de ses livres, on croit pouvoir atteindre, en lisant ces notes, tous les secrets de sa pensée. En outre, car il a, dit-on, mal parlé des théologiens, on fera venir des témoins. Le dernier jour de janvier, la cour ordonne que l’huissier Jacques de Mailly ira faire une enquête au logis de quelques habitans d’Amiens, d’Abbeville, y recueillera des témoignages pour les transmettre aux délégués du pape, et, sur leurs indications, assignera les personnes qu’ils voudront entendre.

Cependant on s’agite au sujet de Berquin ailleurs encore qu’au Palais et à la Sorbonne. Ainsi que l’avaient bien prévu les ennemis de ce libre docteur, la nouvelle de son arrestation anime contre eux le plus intime conseil de la régente. Puisque le roi lui-même a pris Berquin sous sa tutelle, on ne peut le poursuivre sans avoir l’intention d’outrager le roi : tel est l’avis exprimé par ces fidèles serviteurs de la couronne, pour qui tous les devoirs consistent dans l’obéissance. Il y a de plus autour de la régente quelques partisans éclairés de la tolérance religieuse qui se sont déjà prononcés contre Bédier, contre la faction bédiste, et qui cette fois, puisqu’il s’agit encore de l’honnête Berquin, reproduisent avec plus de vivacité leur plainte habituelle. De toutes les voix qui défendent sa cause, la plus émue et la plus touchante est celle de Marguerite d’Angoulême, la sœur du roi, la belle Marguerite, l’amie dévouée de tous les beaux esprits. Marguerite n’a peut-être jamais vu Louis de Berquin, mais elle s’est passionnée de loin pour ce gentilhomme lettré qui s’est révolté contre la tyrannie des pédans, et dont les pédans veulent la mort. Elle intercède pour lui auprès de tout le monde. Elle écrit même au roi, toujours prisonnier, et le sollicite avec une telle ardeur qu’il s’empresse d’envoyer à la régente un ordre pour le parlement. Il prescrit qu’on suspende jusqu’à son retour le procès de Berquin, comme ceux de Lefebvre, de Roussel et de tous les autres docteurs suspects d’hérésie.

Nous avons la réponse de Marguerite à la lettre de son frère. « Monseigneur, lui dit-elle, le désir que j’avais d’obéir à votre commandement était assez grand, sans l’avoir redoublé par la charité qu’il vous a plu faire au pauvre Berquin, selon votre promesse : dont je suis sûre que celui pour qui je crois qu’il a souffert aura agréable la miséricorde que, pour son honneur, vous avez faite à son serviteur et au vôtre[12]. » Ainsi la cause de Berquin est pour Marguerite la cause de Dieu. Par qui la religion du Christ est-elle corrompue? C’est par l’église orthodoxe. Telle est sa croyance, et elle la déclare. Bédier a donc eu raison de la dénoncer un jour elle-même comme hérétique.

La régente transmet aux délégués du pape l’ordre du roi. L’ayant reçu, les délégués se présentent, le 20 février, à l’audience de la cour et demandent un conseil. Le parlement les a chargés de poursuivre; au nom du roi, la régente leur commande de suspendre toute poursuite. Que feront-ils? Personne ne veut croire François si zélé pour les hérétiques. « Le roi a aussi mauvais conseil qu’il est bon, » dit un jour en plein parlement[13] le doyen de la faculté de théologie. C’est l’opinion commune. François est au fond du cœur trop bon catholique pour s’intéresser à Berquin; il n’a pu signer l’ordre transmis aux délégués qu’en cédant aux mauvais conseils de Marguerite. Il serait donc opportun de lui donner un avertissement en continuant le procès qu’il a dit d’interrompre. S’il se fâche, sa colère, si vive qu’elle soit, tombe vite, et avant son retour à Paris se succéderont bien des jours, peut-être bien des mois. Tout cela considéré, le président Charles de Guillard répond fièrement aux délégués que, sur un commandement contenu dans une lettre-missive, la cour ne sursoit jamais. Il faut en conséquence suivre l’affaire en attendant l’envoi d’une lettre-patente.

Les délégués, cet avis exprimé, se retirent et vont se remettre à leur enquête sur les méfaits de Berquin. Après cet incident, il en survient un autre. Berquin, qui connaît ses juges, les récuse. Que vaut cette récusation? Il l’ignore; mais, comme il ne peut plus rien espérer que d’un ajournement, il cherche à faire ajourner son procès. On le comprend, et, pour déconcerter sa manœuvre, on se presse. Le 27 février, il est mandé devant le parlement. Il faut qu’il déclare les motifs de sa récusation pour qu’on la rejette. Le président Charles de Guillard, sieur des Épichelières, un Manceau rusé, l’interroge. Berquin répond qu’il désire exposer par écrit tous ses motifs, qui sont nombreux et graves, et demande pour cela quelque délai. — A tout délai, reprend Guillard, il faut assigner un terme. Combien de jours veut-il? — Il ne peut le dire; on lui refuse en effet tout moyen de hâter sa besogne, même un secrétaire, quand il demande pour secrétaire, sinon le jour, du moins la nuit, le greffier même du tribunal. Autant qu’il est possible, il se pressera. — Qu’il se presse donc, lui répète Guillard; néanmoins, en attendant qu’il ait achevé ses écritures, une autre question se présente, qui peut être sur-le-champ résolue. Il a parlé d’introduire un appel. Qu’a-t-il voulu dire ? S’il a quelque abus à reprocher aux Relégués du pape, on l’écoutera; mais qu’il n’ait pas l’intention d’appeler à d’autres juges : depuis la bulle, il n’y en a plus d’autres pour les hérétiques. Qu’il s’explique donc; la cour va l’entendre et statuer. — Sur ce point même, Berquin demande à réfléchir. On lui donne pour délai la fin du jour et la nuit; le lendemain, il sera de nouveau mandé devant la cour.

Il comparaît en effet le lendemain et puis le 4 mars 1526; mais il n’a cherché, il n’a trouvé que des argumens pour tarder encore de répondre aux questions précises du président. Enfin le 5 mars la cour dit que, sans égard aux appellations, aux récusations nullement motivées de l’accusé, les juges continueront leur procédure. Il est trop clair que Berquin attend un secours du dehors. — Que du moins ce secours n’arrive pas à temps ! C’est le vœu du parlement, et c’est le vœu des délégués. Aussi le procès n’est pas long. Quoique les juges aient à lire plusieurs livres où l’accusé signale et demande à prouver des altérations nombreuses, quoiqu’on ait appelé des témoins, quoique tous les préliminaires aient fait prévoir de solennels débats, et quoique la lenteur soit habituelle aux juges d’église, la sentence suit de près l’assignation. Sur ce procès, nous n’avons qu’un document, mais il est précieux, c’est une lettre de Berquin à l’adresse d’Érasme :


«Voici de nouveau, dit-il, les frelons en fureur. Ils m’ont accusé d’hérésie devant le parlement, devant les délégués du pape, uniquement parce que j’ai traduit en langue vulgaire quelques-uns de vos opuscules où ils osaient prétendre qu’ils avaient trouvé les plus monstrueuses impiétés. J’ai sur-le-champ deviné leur manœuvre : ils voulaient, avec l’aide des dieux, brûler comme hérétiques les livres d’Érasme et avec eux maître Berquin, s’il ne consentait pas à les abjurer comme tels. S’il les abjurait, il suffisait à leur vengeance de lui avoir infligé la marque d’une insigne et perpétuelle infamie. Bien persuadé, pour ma part, que pas un endroit de vos livres ne doit être abjuré comme hérétique, je n’ai rien abjuré, ayant mon honneur plus cher que ma vie, et j’ai de plus soutenu que vous êtes un de ces hommes contre lesquels le moindre soupçon d’hérésie ne doit pas même être exprimé. J’ai dit que vos petits traités ont été approuvés par le pape Léon X; j’ai dit que le pape Adrien vous a prié de venir à Rome avec la plus touchante bienveillance, et ne vous a pas seulement envoyé cette invitation dans une et plusieurs lettres écrites de sa main propre, mais vous l’a faite encore par ambassadeur; j’ai dit que le pape Clément a suffisamment déclaré soit par ses lettres, soit par un magnifique présent, gage de son estime, combien lui a plu votre paraphrase sur les Actes des apôtres, et qu’Érasme lui a seul paru capable de réfuter la doctrine de Jean Œcolampade sur l’eucharistie. (C’est du moins ce que m’avait dit vers ce temps-là je ne sais plus qui. Veuillez, je vous prie, m’écrire si le fait est vrai.) J’ai ajouté que lorsque je traduisais vos opuscules, je n’y avais rien rencontré qui fût indigne d’un chrétien... Quant à la traduction, je leur ai prouvé que j’étais manifestement calomnié; je leur ai montré qu’entre mon style et celui du traducteur dont ils m’attribuaient la version il n’y a pas plus de ressemblance qu’entre un renard et un chameau, qu’ils m’offraient une version avec un titre, avec un nom supposés, avec des additions, des suppressions nombreuses, avec des contre-sens commis par un interprète ignorant, et, pour ne pas leur laisser supposer que je parlais ainsi pour me sauver, je leur ai proposé de vérifier sur mon manuscrit autographe si je disais vrai ou faux. Deux fois la reine-mère avait écrit aux commissaires de surseoir jusqu’à l’arrivée du roi, le roi très chrétien voulant consulter quelques gens de bien doctes et sensés sur l’affaire de Lefebvre, sur la mienne, sur d’autres semblables, et les établir juges de tous ces débats. Cependant les commissaires, ou ne pouvant modérer la violence de leur inimitié, ou désirant complaire à la faculté, ou redoutant un échec pour leur tyrannie, après s’être suffisamment déchaînés contre le nom d’Érasme, après l’avoir appelé bruyamment hérétique, apostat, et Berquin son disciple, produisirent une suite de phrases extraites, disaient-ils, de vos livres par des théologiens, phrases tronquées et mutilées, et les déclarèrent hérétiques, schismatiques, scandaleuses, ou du moins sentant l’hérésie, c’est-à-dire leur déplaisant. Il serait long, très docte Érasme, de répéter ici tout ce que je leur ai répondu; sachez simplement que je ne leur ai pas cédé sur un seul article, et cependant je n’ai rien dit sur le ton d’une raideur opiniâtre. Ou j’ai moi-même expliqué votre opinion mal comprise, ou j’ai fait voir le sens d’une phrase détachée dans une phrase précédente, ou j’ai dit que les mots exprimaient mal votre pensée, ou qu’il manquait quelque chose, ou que le texte de l’exemplaire était corrompu; en résumé, j’ai pris garde de toute façon soit à ne faire, d’une part, aucune concession à leur malveillance, soit, d’autre part, à ne leur pas donner une juste cause de sévir contre moi, contre vos livres. Je n’ai pas omis non plus les protestations; j’en ai fait, disent-ils, d’innombrables. Méprisant néanmoins ces protestations, méprisant l’édit de la reine-mère, ayant à leur aide appelé trois moines, que j’avais dès l’abord récusés, principalement le prieur des chartreux, comme suspects de mauvais vouloir envers Érasme, ils n’ont pas craint de me condamner, n’ayant pas même dit un mot contraire à la foi catholique, comme hérétique et fauteur d’hérétiques[14]. »


La sentence lui fut lue dans sa prison, à la Conciergerie. Ses livres seront encore une fois brûlés en sa présence, tandis que pour sa part il déclarera, selon la formule prescrite, approuver une aussi juste condamnation. Ensuite il méritera la pitié de l’église en ne lui refusant aucune des satisfactions qu’elle exigera. Sinon il sera livré lui-même au bûcher. On vient de lire sa lettre à l’illustre docteur de Rotterdam. Elle est d’un homme sans jactance, qui ne dédaigne pas d’être souple, adroit, pour défendre sa cause, même lorsqu’il a trop de raisons pour la croire perdue ; mais on y voit aussi l’honnête homme de qui l’on ne doit jamais obtenir aucun désaveu. Il faut donc, après avoir dicté la sentence, appeler le bourreau. Cependant on ne l’appelle pas encore. Quand le bras séculier est prié d’agir, il hésite. Naguère si pressé d’en finir avec Berquin, le parlement s’émeut aujourd’hui quand on le somme d’exécuter un arrêt qui pourtant ressemble à tous les arrêts de l’église en telle matière. Des voix s’élèvent pour protester contre la précipitation des juges ; on parle même de mander Berquin devant la cour, de l’entendre, d’examiner de nouveau son affaire, toute son affaire, et cet avis prévaut. On disait à l’accusé très durement, le mois passé, qu’il ne pouvait appeler d’autres juges que des clercs et des moines, et maintenant ces autres juges, que le condamné n’a pas appelés, s’offrent d’eux-mêmes. Ils ne s’offrent pas volontiers et de bon cœur, on l’apprendra bientôt. Non, le parlement de Paris n’a pas tout à coup changé de sentimens à l’égard des hérétiques, et ne veut pas les mieux traiter à l’avenir ; mais, en ce qui regarde Berquin, il regrette maintenant qu’on ait engagé ce nouveau procès. En effet, son puissant protecteur, le roi, n’est plus prisonnier. En entrant à Bayonne le 18 mars, il a été reçu par divers personnages venus à sa rencontre, entre autres par le premier président au parlement de Paris, Jean de Selve, et le soir même celui-ci, à qui le roi n’a pas fait bon visage, s’est empressé d’écrire à ses collègues : « Messeigneurs, j’ai entendu par M. de Selve, mon neveu, quelque mécontentement que l’on avait de la compagnie, et je m’en suis aussi aperçu. J’en ai jà commencé de parler à Madame. Je ferai l’office que je suis tenu faire envers la cour moyennant l’aide de Dieu[15]. » Ainsi le roi revient irrité contre le parlement, on le sait, et l’on doit soupçonner que le procès de Berquin, continué sur l’avis du parlement au mépris de sa lettre-missive, est la raison principale de la colère du roi. Que dirait-il, s’il apprenait en arrivant à Paris que Berquin est brûlé ? Il convient donc de suspendre l’exécution de la sentence.

En effet, revenant vers Paris avec une lenteur calculée, François est en route informé de tous les détails du procès audacieusement poursuivi, promptement achevé, et, craignant pour la vie de Berquin, il écrit de Mont-de-Marsan, le 1er  avril, aux juges tenant sa cour du parlement de Paris :


« Nous avons présentement été avertis comme, nonobstant que par notre très chère et très amée dame et mère, régente en France durant notre absence, vous eût été écrit et mandé ne vouloir en façon quelconque procéder au fait du sieur de Berquin, naguère détenu prisonnier, jusqu’à ce que nous puissions être de retour en cettui notre royaume, vous avez ce néanmoins, à la requête et poursuite de ses malveillans, tellement procédé en son affaire que vous en êtes venus à sentence définitive. De quoi nous ne pouvons trop émerveiller... À cette cause... nous voulons et vous mandons et très expressément enjoignons... que vous n’ayez à procéder à l’exécution de ladite sentence, que vous pouvez avoir, comme dit est, donnée à l’encontre dudit Berquin, mais le mettiez lui, les informations et procédure de son dit procès, en si bonne sûreté que vous nous en puissiez répondre;... et gardez qu’en cela ne faites faute, car nous vous avisons, si faute y a, que nous nous en prendrons à ceux de vous que bon nous semblera pour nous en répondre. »


La lettre royale est cette fois une lettre-patente, et les derniers mots de cette lettre sont, on le voit, une menace. Quand François menaçait, il avait toujours le ton plein d’arrogance. En rien, on le sait, il ne connaissait la mesure; mais il avait autant de légèreté que d’emportement. Avec un roi de ce caractère, on devait se montrer prêt à faire toutes les concessions et se bien garder d’en faire aucune; il fallait plier pour ne pas rompre. Après l’orage, cet inconstant relevait lui-même ceux qu’il avait prosternés. Le 7 avril, ayant reçu la lettre du roi, le parlement charge d’y répondre le président Antoine Le Viste avec les conseillers Jean Prévost, Jean Violle et Nicole Le Cocq. Le 9, la réponse est lue. Le roi, s’il a lieu de se plaindre, manque de justice, dit l’habile réponse, envers ses plus fidèles, ses plus zélés serviteurs. En effet, la régente ayant prié le pape d’intervenir et d’arrêter « la pestiféré contagion de l’hérésie luthérienne, » le pape a lui-même fait choix de notables personnes auxquelles il a donné commission de poursuivre les coupables. C’est devant ce tribunal qu’a paru Louis de Berquin : le parlement n’a fait que prêter à ce tribunal, comme il convenait, le ministère du bras séculier. Puisque le roi lui commande aujourd’hui de différer l’exécution de la sentence rendue, le parlement obéit : par un acte de soumission respectueuse, il suspend l’affaire, il interrompt le cours de la justice; mais, si la régente a pu réclamer l’intervention du pape, si le pape, sollicité par la régente, a pu constituer des vicaires avec le mandat exprès de rechercher et de juger les hérétiques, la sentence prononcée contre Berquin est légale, et le parlement attend du roi l’ordre de l’exécuter. Pour conclure, le parlement fait remarquer que des crimes semblables à celui de Berquin ne peuvent rester impunis. Comme l’enseignent, dit-il, les deux Testamens. Dieu sévit toujours en sa juste colère contre les nations qui négligent de faire respecter les lois par lui-même dictées. Il importe d’ailleurs de précipiter l’événement pour satisfaire au plus tôt, outre Dieu, le peuple, qui murmure, et dont l’impatience devient véritablement importune. — Voilà ce que mandent au roi les gens de sa cour.

Le roi néanmoins ne se presse pas de leur répondre. Il ne lui convient pas sans doute d’engager avec eux une controverse sur les faits accomplis : présentement ils s’engagent à respecter la vie de Berquin, et présentement cela suffit au roi. Berquin demeure prisonnier, mais à bon droit il se croit sauvé. C’est alors, le 17 avril, qu’il fait parvenir à son complice, le docte Érasme, le récit presque enjoué de sa « tragédie. » Par le même messager, il lui transmet la série des articles que les délégués du pape ont condamnés, le priant d’y répondre amplement, comme il sait répondre. Le roi, lui dit-il, l’estime beaucoup, il l’estimera bien davantage quand il aura confondu cette engeance de théologiens attardés, dont l’ineptie n’excuse pas la violence. Érasme, qui était alors à Bâle près de son ami Froben, recevait presque en même temps un paquet de Noël Bédier contenant la copie de plus de deux cents propositions extraites de ses livres et sommairement censurées par l’outrecuidant syndic. Si l’amitié d’Érasme était quelquefois un peu trop circonspecte, on l’appelait en scène dès qu’on le traitait en ennemi et malgré son dédain habituel pour les théologiens et les moines il ne savait supporter aucune offense, même venant de ces moines, de ces théologiens. Il répondit à Bédier le 6 juin en le dénonçant au parlement comme un impudent sycophante.

Ce fut pour Berquin un très opportun et un très utile auxiliaire. Érasme avait partout en effet, même en France, un grand crédit. Sa lettre, lue le 5 juillet 1526 au parlement avec la plus respectueuse déférence, produisit la sensation qu’il avait sans doute prévue : elle indisposa contre Bédier le plus grand nombre des conseillers qui la comprirent, et, quand on raconta devant le roi cette mésaventure des sorbonistes, il en fut satisfait. Ce ne fut pas la dernière. Appelé bientôt à se défendre lui-même devant le parlement, Bédier accusa vainement Érasme, et vainement jura qu’il était de la confrérie de Luther; le parlement interdit provisoirement aux libraires de vendre les libelles de Bédier contre Érasme, et soumit pour l’avenir à la formalité de l’autorisation préalable tous les livres destinés à la presse par les régens mêmes de la faculté[16].

Érasme a donc obtenu tout ce qu’il pouvait désirer en portant sa plainte. Il n’avait jamais demandé qu’on fit à son orthodoxie calomniée l’hommage d’un sorboniste conduit au bûcher. Cependant le traducteur coupable d’Érasme innocent est toujours à la Conciergerie. Priait-on le roi de l’en tirer? Il n’en faut pas douter; mais le roi devait se dire qu’il avait déjà beaucoup fait pour Berquin en sauvant sa vie. Il écrit toutefois le 11 juillet, étant encore éloigné de Paris, pour inviter la cour à bien traiter son prisonnier. Qu’il jouisse du moins de toutes les libertés que la prison comporte; qu’on ne le tienne plus séquestré dans une cellule malsaine, et qu’on le mette dans un autre bâtiment de la Conciergerie où est le préau. — Ce serait, répond la cour, « de périlleux exemple; » jamais on n’a mis au préau des condamnés dont la peine est la mort. A la recommandation du roi, la cour vient, dit-elle, d’offrir à Berquin la chambre réservée aux plus grands personnages, aux princes du sang, celle qui dernièrement était occupée par le sieur comte de Saint-Vallier, et il l’a refusée. On lui permettra désormais, pour contenter le roi, de se promener dans le préau deux heures par jour, une le matin, une le soir, mais seul, en l’absence des autres prisonniers. Qui doit être plus séquestré qu’un si redoutable hérétique?

Non, ce n’était pas contenter le roi. Quant à Berquin, toujours seul, privé même de livres, il s’attriste et devient malade. Le roi, qui l’apprend, écrit de Chambord qu’on le transfère dans quelque maison sûre, mais ouverte à ses parens, à ses amis, où lui seront donnés tous les soins que sa santé réclame. Des lettres-missives, on le sait, le parlement ne tient pas grand compte. A celle-ci le parlement ne répond pas, et de ce que le roi demande il ne fait rien. On informe alors le roi que le parlement s’obstine à lui déplaire. Cela l’irrite, et le 5 octobre, étant à Beaugency, il envoie deux archers de sa garde, René Texier et Charles de Broc, qu’il charge d’aller faire eux-mêmes la translation trop longtemps différée.

Les deux archers arrivent le 10 octobre à Paris avec une lettre du roi pour la cour. Il est, dit le roi, « merveilleusement étrange » qu’on n’ait pas encore fait ce qu’il a ordonné. « À cette cause, ajoute-t-il, nous vous mandons et très expressément enjoignons cette fois pour toutes que vous ayez incontinent à mettre et délivrer ledit Berquin es mains desdits Texier et Charles de Broc, auxquels nous avons commandé le mener en notre château du Louvre. » L’ordre est formel. Eh bien! cette fois la cour refuse formellement d’obéir. Au Louvre, où le roi veut conduire Berquin, on fait en ce moment de grands travaux, et à ces travaux sont employés tant d’ouvriers qu’aucune surveillance n’est praticable. Un prisonnier que favorise un si haut patronage serait bien vite, on n’en doute pas, hors d’une telle prison. Ayant donc délibéré, la cour dit qu’elle ne livrera pas Berquin aux archers de la garde, et qu’il ne sera pas transféré. C’est une vraie résistance, presque une rébellion. La cour ne se dissimule pas qu’elle vient de braver un maître superbe; elle va donc maintenant user pour l’adoucir de tous les artifices qui lui seront conseillés par la prudence. Le prévôt de Paris, Jean de La Barre, premier gentilhomme de la chambre du roi, est prié de venir au palais. Quand il se présente, le 12 octobre, on lui raconte ce qui s’est passé, on lui demande de visiter Berquin dans sa prison, d’apprécier lui-même s’il est possible de traiter plus humainement un aussi grand coupable, et de vouloir bien ensuite aller vers le roi faire de sa visite un rapport fidèle. Le prévôt s’empresse de condescendre au désir de la cour, et, ayant été voir Berquin en sa chambre, il revient avant la fin de l’audience. Berquin, dit-il, paraît avoir été malade; mais il ne se plaint pas de son logis, il demande simplement la liberté de lire et d’écrire. Cette liberté, répond la cour, les condamnés à mort n’y peuvent jamais prétendre; elle ne leur est jamais accordée. Cependant on traitera Berquin avec une faveur exceptionnelle, et, pour l’aider à passer le temps, on lui fera remettre un exemplaire des épîtres de saint Jérôme en latin ; on y joindra même, s’il le désire, quelques livres d’histoire. Le prévôt n’omettra pas cela dans son rapport ; il faut que le roi sache bien que la cour fait tout ce qu’elle peut pour lui plaire.

Le lendemain 13 octobre, les conseillers Louis Régnier et René Du Bellay sont envoyés aussi vers le roi, munis d’instructions adroitement rédigées. Ces instructions contiennent un discours, le discours que les ambassadeurs réciteront au roi. Les ayant entendus, et le prévôt avec eux, le roi ne pourra garder rancune à la cour; il comprendra qu’elle a rempli son devoir, et peut-être se laissera-t-il enfin persuader qu’il ne doit pas protéger plus longtemps un relaps tant de fois condamné, dont l’impunité devient un scandale.

Le 30 octobre, les ambassadeurs sont de retour. En partant de Paris, ils ont fait route vers la ville d’Artenay, où le roi devait venir. Le roi ne venant pas, ils ont envoyé demander de ses nouvelles. On leur a répondu que, la duchesse d’Angoulême étant gravement malade à Montpipeau, le roi se proposait de demeurer quelques jours auprès d’elle, et qu’il leur faisait dire de l’aller attendre dans la ville d’Etampes. Ils se sont aussitôt rendus à Etampes, où ils attendaient encore le roi quand il leur fut annoncé qu’il avait pris une autre route, se dirigeant sur Marcoussis. Ils ont alors gagné Marcoussis, où, dès l’abord, rencontrant le prévôt de Paris, messire Jean de La Barre, ils l’ont prié de vouloir bien demander pour eux une audience au roi. Le roi leur a prescrit alors de rentrer à Paris. C’est pourquoi, disent-ils, les voilà revenus, ayant parcouru beaucoup de pays, mais n’ayant pas rempli leur mandat. Du moins sont-ils informés que le roi sera lui-même bientôt à Paris, et qu’il a dessein de terminer dès son retour l’affaire de Berquin.

Le retour du roi fut encore différé; mais, quoique absent de Paris, il pensait toujours à Berquin. C’est ce que vint faire connaître à la cour, le 19 novembre, le prévôt Jean de La Barre. Le roi ne s’était pas joué du prévôt comme des conseillers. Dès qu’il s’était fait annoncer, demandant à lui parler, le roi l’avait reçu. Maintenant il revient avec une lettre du roi, qui lui commande d’enlever Berquin et de le transporter au Louvre. C’est le prévôt de Paris qui se présente aujourd’hui porteur de cet ordre, le commandant supérieur de la milice urbaine : toute résistance est donc impossible. La cour proteste encore, elle décrète « qu’elle ne délivrera pas ledit Berquin audit prévôt; » mais elle s’empresse d’ajouter que, « vu le temps tel qu’il est, » ledit prévôt pourra librement pénétrer dans la Conciergerie pour y faire « ce qui est en lui. » En d’autres termes, il agira, les portes ouvertes, selon sa conscience et sous sa responsabilité. Le même jour vers six heures du soir, Jean de La Barre se rend à la Conciergerie, et en tire Louis de Berquin, qu’il remet entre les mains du bâtard de Saint-Amadour, capitaine des gardes. Quatre archers, commandés par ce capitaine, le mènent au Louvre.

Il n’y demeura pas longtemps; la cour l’avait bien prévu. Marguerite, qui avait constamment animé son frère contre les persécuteurs de Berquin, ne pouvait supporter que cet honnête homme fût détenu quelque part, même au Louvre. Souvent absente de Paris, elle écrivait, elle adressait les plus vives suppliques, tantôt au roi lui-même, tantôt aux conseillers les plus chers du roi, réclamant toujours la liberté de Berquin. Enfin elle lui fut accordée, et ce fut au grand-maître Anne de Montmorency que le roi commanda de faire la volonté de Marguerite. Berquin libre, Marguerite écrivit alors au grand-maître pour le remercier. Sa courte lettre se termine par ces mots charmans : « Vous merciant du plaisir que vous m’avez fait pour le pauvre Berquin, que j’estime autant que si c’était moi-même, et par cela pouvez dire que vous m’avez tirée de prison[17]. » Là se termine le second acte de la « tragédie » de Berquin.

III.

Le troisième acte, qui finira si mal, commence bien. Marguerite d’Angoulême, nouvellement mariée au roi de Navarre, a pris Berquin au service de son mari[18]. Il va donc s’éloigner souvent de Paris, suivant la cour nomade d’un roi sans royaume, et, s’il consent à ne plus parler, à ne plus écrire, on peut l’oublier. Voici toutefois sa situation véritable : il est condamné comme hérétique et relaps. Cette sentence rendue, il devait être mis à mort par le bras séculier. Un empêchement est survenu, le bras séculier n’a pu remplir son office; mais la sentence demeure intacte, et si le roi, qui s’est mis entre Berquin et le bourreau, quitte cette place, le bourreau va frapper. La vie de Berquin est en suspens, à la merci d’une circonstance. Si donc il a souci de vivre, il doit se taire. Puisqu’il est du parti de la liberté, il est du parti de la justice : il peut se consoler de toutes ses disgrâces en se disant cela tous les jours à lui-même, mais il faut qu’il s’abstienne de le prêcher en public. C’est le conseil que lui donne Érasme.

Ce conseil est encore une fois inutile : Berquin ne l’écoute pas. Il est gentilhomme, il est fier, il est vaillant, il ne considère pas les dangers. On lui dit d’accepter humblement sa défaite. Eh bien! il ne lui suffira plus maintenant de reproduire ses opinions deux fois condamnées et de protester contre la sentence de ses juges; il se proposera d’accuser les opinions de ses juges eux-mêmes et d’obtenir contre elles un arrêt. Ils déclarent que, s’il fronde l’église, il est mauvais chrétien : il veut un arrêt qui les déclare impies.


« Plus il avait de confiance, dit Érasme, plus je craignais pour lui. C’est pourquoi je lui écrivis fréquemment pour l’inviter ou bien à se faire mettre hors de cause par quelque expédient, ou bien à s’éloigner sous le prétexte d’une ambassade royale obtenue par le crédit de ses amis. Je lui disais que les théologiens laisseraient peut-être avec le temps tomber son affaire, mais qu’ils ne s’avoueraient jamais coupables du crime d’impiété; je lui disais d’avoir toujours présent à l’esprit quelle hydre était ce Béda et par combien de gueules il soufflait le venin; je lui disais de bien réfléchir qu’il allait se commettre avec un adversaire immortel, car une faculté ne meurt pas, et de bien se persuader encore qu’après avoir appelé trois moines au combat, il allait avoir à se défendre contre des légions nombreuses, non-seulement opulentes et puissantes, mais encore très malhonnêtes et très expérimentées dans la pratique de toutes les fraudes; je lui disais que tous ses ennemis ne se reposeraient pas avant d’avoir consommé sa ruine, sa cause fût-elle plus juste que celle du Christ; je lui disais de ne pas trop se fier à la protection du roi, la faveur des princes étant inconstante et leurs affections étant facilement changées par les artifices des délateurs ; je lui disais enfin que même les plus grands princes se laissent fatiguer souvent par l’improbité de ces gens et cèdent quelquefois encore à la crainte que ces gens leur inspirent, et que le roi François, étant d’ailleurs le meilleur des hommes, n’avait pas été jusqu’alors très bien servi par la fortune... Et si tout cela ne pouvait le toucher, je lui disais de ne pas m’engager dans son affaire, parce que je ne voulais, avec sa permission, avoir rien à démêler avec des légions de moines et toute une faculté de théologie ; mais je ne réussis pas à le convaincre : quand j’argumentais de tant de façons pour le détourner de son entreprise, je ne faisais qu’exciter son courage. »


Cette entreprise fut d’abord heureusement conduite. Berquin, ayant extrait des écrits de Bédier contre Érasme et Lefebvre douze propositions qu’il estime suffisamment impies, va lui-même les porter au roi. Une lettre de Marguerite le présente et l’introduit. « Monseigneur, écrit-elle à son frère, le pauvre Berquin, qui par votre bonté tient que Dieu lui a sauvé la vie par deux fois, s’en va devers vous, n’ayant plus personne à qui il puisse avoir adresse, pour vous donner à connaître son innocence, et pour ce, monseigneur, que je sais l’estime en quoi vous le tenez, et le désir qu’il a et a toujours eu de vous faire service, je ne crains vous supplier par lettre au lieu de la parole qu’il vous plaise en avoir pitié. Et, s’il vous plaît faire semblant de prendre son affaire à cœur, j’espère que la vérité qu’il fera apparaître rendra les forgeurs d’hérétiques plus maldisans et désobéissans à vous que zélateurs de la foi[19]. »

François faisait grand cas d’Érasme, de Lefebvre, de Berquin, et il détestait Bédier à cause de son humeur querelleuse et de son acharnement à décrier toutes les gloires. Quand donc il eut entre les mains les douze propositions remises et sans doute habilement commentées par Berquin, il les fit porter le 9 juillet 1527 à l’Université de Paris par l’évêque de Bazas, les soumettant à l’examen de toutes les facultés et de toutes les nations. C’était un premier succès. Les trois facultés de théologie, de décret et de médecine n’avaient qu’un sentiment à l’égard de toute nouveauté. Oui, les médecins eux-mêmes, en ce temps-là, trouvaient convenable de faire brûler les gens qui avaient mal parlé du célibat. Toutefois entre les nations il existait de graves dissidences ; ainsi dans celles de Picardie et en Normandie les persécutés avaient plus de partisans que les persécuteurs. L’Université, consultée sur les douze propositions de Bédier, ne les condamna pas; on ne put toutefois obtenir d’elle qu’elle consentît à les approuver; elle ne prononça pas de jugement, ce qui fut pour Berquin presque une autre victoire, puisque pour Bédier ce fut un échec.

Assurément il y avait partout des novateurs; mais, partout répandus et toujours croissant en nombre, ils inspiraient chaque jour plus d’inquiétude aux tuteurs officiels de l’orthodoxie religieuse, et, n’étant encore nulle part le plus gros bataillon, ils auraient été facilement écrasés, s’ils n’avaient été protégés par le roi. Il s’agissait donc pour les adhérons du parti contraire de faire entrer dans l’esprit du roi que ces novateurs étaient des séditieux qu’il fallait enfin renoncer à défendre, dans l’intérêt de sa puissance et de la paix publique. S’il préférait les écrits des lettrés ingénieux, érudits, qui savaient le grec, comme Lefebvre, comme Érasme, aux compilations scolastiques des lourds pédans de la Sorbonne, il devait, d’un autre côté, se laisser persuader qu’en ce qui regarde l’administration de l’état un roi ne peut régler sa conduite sur ses goûts littéraires. Or dans quelle situation s’étaient mis les princes d’Allemagne qui avaient trop incliné vers les beaux esprits! En quel trouble étaient les nations révoltées contre la tyrannie des cuistres !

François avait horreur de toute sédition. C’était habilement lui parler des novateurs que de lui dire qu’ils pourraient un jour porter dommage à son autorité. On l’a vu d’ailleurs, jamais il n’a pris leur défense que pour faire valoir contre le parlement cette autorité sinon menacée, du moins injurieusement méconnue. Si le parlement de Paris n’avait pas mis tant d’ardeur à les poursuivre, il en aurait mis, pour sa part, beaucoup moins à les protéger. Qu’ainsi le parlement se désiste de toute initiative et s’efface devant le roi, le roi, sans aucun doute, se montrera bien plus favorable aux intérêts de l’église, qui sont si chers au parlement. Cette magistrature, composée de clercs et de laïques en égal nombre, avait plus d’audace que de dignité. Dès qu’elle eut pris le parti de s’incliner devant le roi pour le dompter, elle s’inclina très bas. Entendons au lit de justice du 24 juillet 1527 ce président Charles de Guillard, qui l’année précédente traitait avec un si grand dédain les lettres du roi. Il lui dit aujourd’hui : « Nous ne voulons disputer de votre puissance, ce serait espèce de sacrilège, et savons bien que vous êtes par-dessus les lois, et que les lois ou ordonnances ne vous peuvent contraindre... » Il lui dit encore, ajoutant à cette apologie du despotisme la plus grossière flatterie pour le despote ; « Dieu vous a fait tant de grâces et tellement doué de vertus que, si tous les rois qui sont aujourd’hui étaient conférés, ils ne seraient en rien comparables à vous... » Il lui dit enfin : « Sire, votre très humble et très obéissante cour est consolée et réjouie de votre présence et venue autant que le furent les apôtres quand ils virent Dieu après la résurrection. » Mais où tend toute cette bassesse? A persuader François qu’il doit être le « péculier protecteur et défenseur de la religion, » et ne permettre ne souffrir dans son royaume « aucunes erreurs, hérésies ou fausses doctrines. » Ainsi le parlement redevint agréable et puissant.

Malgré les fréquentes remontrances de Marguerite, malgré l’intervention plus tendre d’Anne de Pisseleu, déjà François commençait à se reprocher sa tolérance comme une erreur, comme une faute, quand, en l’année 1528, le lendemain de la Pentecôte, eut lieu dans Paris, où il résidait, un événement de grave conséquence. Une image en pierre de la Vierge placée à l’angle d’une maison près de l’église du Petit-Saint-Antoine ayant été mutilée durant la nuit par quelque hérétique, tout le peuple se souleva. De toutes les paroisses de Paris partirent d’abord des processions nombreuses allant réciter des prières et proférer des menaces sur le théâtre de la mutilation sacrilège. Ensuite arrivèrent tous les suppôts de l’Université, docteurs, licenciés, bacheliers, maîtres ès-arts, écoliers, conduits par leur recteur. On connaît la puissance de ces démonstrations populaires : elles émeuvent, elles entraînent même les indifférens, et les rares dissidens fuient ou se cachent. Entraîné lui-même, le roi se rend au lieu du crime, escorté de ses gentilshommes, de son clergé, de ses archers, tête nue et tenant un cierge à la main, puis le lendemain encore et les jours suivans les processions recommencent. C’est une fièvre qui ne se calme pas. A dater de ce jour, comme l’attestent tous les historiens, François n’eut plus aucune indulgence pour les frondeurs des clercs et des moines. Il aurait eu certainement le courage de les défendre encore, même contre le peuple ameuté, ces complices des briseurs d’images, s’il avait été de leur secte; mais il n’était d’aucune secte, et, quand il vit l’opinion se déclarer avec une telle énergie contre ses anciens protégés, il les abandonna. Alors recommença la persécution, d’autant plus violente qu’elle avait été quelque temps contenue.

Le mercredi 15 décembre 1528, un batelier dont le crime était d’avoir exprimé des doutes sur l’efficacité des prières adressées à la Vierge fut brûlé sur la place de Grève[20]. Il était originaire de Meaux, ville du plus mauvais renom. Bientôt après on refît le procès de Berquin à la requête de Nicolas d’Anthuile, promoteur de la foi. Le roi n’arrêta pas cette nouvelle poursuite; il crut témoigner à Berquin assez d’intérêt en désignant lui-même la moitié de ses juges. La commission chargée de renouveler l’enquête et de prononcer l’arrêt fut par exception composée de douze personnes; on voulut des assises tout à fait solennelles. Dix de ces douze juges nous sont connus : Jean de Selve, premier président au parlement de Paris, Denis Poillot, président, Etienne Léger, vicaire-général de l’évêque de Paris, Guillaume Budé, maître des requêtes, Jean Prévost, Guillaume Bourgeois, Louis Roillart, René Gentil, Pierre Bruslard, conseillers, et Etienne Tornebulle, avocat[21]. L’Université se fit représenter dans la cause par Noël Bédier, jaloux de se justifier lui-même.

Pendant quelques jours, Berquin se rendit sans gardes de son logis au palais. On le traitait avec honneur. Cependant on ne tarda pas beaucoup à l’arrêter. Il fut alors conduit à la Conciergerie, dans la cour du préau. Dans cette cour, réservée aux détenus «pour matière civile, » on jouissait de quelque liberté; on y recevait ses amis, ses domestiques. Or il arriva qu’un des valets de Berquin, qu’il avait envoyé porter des lettres et des livres, s’évanouit sur le pont au Change devant une image de la Vierge, et que les lettres, les livres, recueillis par des passans, furent portés à un jacobin qui les transmit sur le champ à Bédier. Les livres étaient chargés d’annotations hérétiques révélées sans aucun doute par un miracle! Ce miracle était bien fait pour émouvoir tout Paris. Berquin, dès lors reconnu coupable, fut transféré dans la tour de la Conciergerie, et son arrêt fut rendu le 15 avril 1529. Le condamné sera d’abord dégradé ; on le dira déchu de ses honneurs, de ses titres ; pour avoir abusé de sa doctrine, il ne sera plus docteur. Cette dégradation accomplie, il sera conduit, la tête nue et une torche de cire ardente à la main, d’abord au parquet civil du parlement, puis dans la grande cour du palais, devant la pierre de marbre, criant merci à Dieu, au roi, à la justice, à toutes les puissances du ciel et de la terre, qu’il a si criminellement outragées en écrivant des livres et des notes où sont énoncées des opinions conformes à celles de Luther. Ensuite on le mènera sur la place de Grève, où ses livres seront brûlés en sa présence, et où il criera de nouveau qu’il abjure ses erreurs. De la place de Grève, le pénitent et son cortège se dirigeront vers l’église Notre-Dame, où recommencera la palinodie. Toutes les cérémonies de cette abjuration étant achevées, le condamné sera mis aux mains du bourreau, qui lui transpercera la langue avec un fer rouge, et sur son front imprimera l’insigne de la flétrissure, une fleur de lis. Enfin il sera livré tout sanglant à l’évêque de Paris, qui le gardera prisonnier jusqu’à sa mort.

Cette sentence devait être exécutée le jour même après dîner, c’est-à-dire vers trois heures du soir. Le peuple en connaît les termes presque aussitôt que le condamné, et sans retard une foule immense se précipite vers les ponts, vers les rues, vers les places que le cortège doit traverser. Un chroniqueur estime que plus de vingt mille personnes accoururent, impatientes d’assister au spectacle de cette édifiante expiation[22]. Cette fois Berquin ne voit apparaître aucun protecteur : si Marguerite sollicite encore ou sa mère ou son frère, ses prières ne sont plus écoutées.

A l’heure assignée, le lieutenant criminel Maillard, assisté par le commissaire du Châtelet, se rend au palais avec une escorte nombreuse d’archers, d’arbalétriers et d’arquebusiers. Ils viennent chercher Berquin dans sa prison pour l’accompagner aux lieux où, suivant les termes de la sentence, il doit se rendre; mais Berquin leur répond avec calme qu’il vient de faire appel de cette sentence, et qu’il ne les suivra pas. Ainsi l’attente du peuple sera trompée, il sera privé ce jour-là du spectacle annoncé.

Le premier président convoque le tribunal le soir même. Après une courte délibération, il se rend à la prison, et fait signer à Berquin le papier sur lequel est écrit son appel. Le lendemain, de grand matin, le tribunal est encore assemblé. Le président va de nouveau trouver Berquin pour lui demander s’il persiste dans sa résolution. Il persiste et le déclare. Le tribunal réforme alors la sentence : à la peine de la prison perpétuelle, il substitue celle du bûcher. On dit que Guillaume Budé, si grand ami d’Érasme, vint révéler à Berquin les dispositions des juges, ses collègues, et le supplia durant trois jours de les fléchir par quelque soumission. Il ne put l’amener là. Cet homme était trop résolu pour craindre la mort, et trop religieux pour abjurer des lèvres ses opinions, qu’il croyait vraiment chrétiennes.

Marguerite, la reine-mère et le roi sont absens; il faut hâter le supplice de cet hérétique opiniâtre. Que ni Marguerite, ni la reine-mère, ni le roi, ne soient avertis. Quand le « pauvre Berquin » aura cessé de vivre, il n’inspirera plus qu’un vain intérêt. Le même jour 17 avril, vers trois heures, il est conduit dans un tombereau sur la place de Grève, où son bûcher est déjà préparé. Voici dans quels termes Érasme raconte, d’après un témoin, les circonstances de sa mort : « Aucun signe de trouble ne parut ni sur son visage ni dans l’attitude de son corps. Il avait le maintien d’un homme qui médite dans son cabinet sur l’objet de ses études, ou dans un temple sur les choses célestes. Même lorsque le bourreau, d’une voix farouche, proclama son crime et sa peine, la constante sérénité de ses traits ne fut en rien altérée. Quand l’ordre lui fut donné de descendre de la charrette, il obéit vivement, sans hésiter, et néanmoins il n’y avait rien en lui de cette audace, de cette arrogance, qu’inspire quelquefois aux malfaiteurs leur naturel sauvage; tout en lui faisait voir la tranquillité d’une bonne conscience. Avant de mourir, il fit un discours au peuple, mais personne n’en put rien entendre, si grand était le bruit que faisaient les soldats, suivant les ordres qu’ils avaient, dit-on, reçus. Lorsque la corde le liant au poteau étouffa sa voix, personne de la foule ne cria le nom de Jésus, qu’on a coutume d’invoquer même en faveur des parricides et des sacrilèges, tant avaient soulevé contre lui la multitude, ces gens que l’on trouve partout et qui peuvent tout sur l’esprit des simples et des ignorans[23]! » A ce récit, Théodore de Bèze ajoute que le grand-pénitencier de Paris, Merlin, dit de Berquin, en s’éloignant du bûcher fumant encore, qu’il n’avait jamais vu personne mourir plus chrétiennement que lui[24].

Ainsi l’on brûle en France des chrétiens comme hérétiques. Bientôt en Angleterre seront conduits à l’échafaud d’autres chrétiens qu’on nommera papistes. Sur les deux rives de la Manche, mêmes violences commises avec la même rage, mêmes vents semés, gros des mêmes tempêtes. Tristement soucieux de l’avenir, Philippe de Chabot, sieur de Brion, disait alors à François Ier : « Nous faisons des confesseurs, et le roi d’Angleterre fait des martyrs. » Encore un peu de temps, et sur les deux rives les fils des martyrs et les fils des confesseurs se lèveront pour venger leurs pères, et l’on verra commencer l’ère justement abhorrée des guerres religieuses. C’est en décrétant la liberté de conscience qu’on a mis un terme à ces massacres. Entre les opinions la paix n’est pas faite, on ne la fera jamais. Puisque la diversité des opinions est une des lois qui nous régissent, puisque Dieu lui-même a, selon saint Paul, livré le monde à nos disputes, rendons grâce à la liberté, si, toutes les sectes religieuses ayant leur querelleuse clientèle, pour elles du moins on ne s’égorge plus.


B. HAUREAU.

  1. Journal d’un bourgeois de Paris, publié par M. Ludovic Lalanne, p. 378.
  2. Érasme, Epist. 1061.
  3. Journal d’un bourgeois de Paris, p. 170.
  4. Théodore de Bèze, Histoire ecclésiastique, liv. Ier.
  5. Érasme, Epist. 1061.
  6. Registres de la chambre du conseil du parlement de Paris, aux Archives de l’empire. Il nous suffit d’y renvoyer une seule fois. On pourra vérifier, en les consultant au jour indiqué, les nombreux emprunts que nous ferons à ces registres dans la suite de notre récit.
  7. D’Argentré, Collect. judicior. de novis erroribus, t. Ier, part. 2, p. 404.
  8. Journal d’un bourgeois de Paris, p. 170.
  9. D’Argentré, Collectio judiciorum, t. II, part, 2, p. 406.
  10. Chambre du conseil, séance du 9 juin 1525.
  11. Érasme, Epist. 1060.
  12. Lettres de Marguerite, publiées par M. Génin, t. II, p. 77.
  13. Séance du 16 août 1526.
  14. Epistolœ Erasmi; Appendix; epist. 335.
  15. Captivité de François Ier, p. 518.
  16. Séance du 16 août 1526.
  17. Lettres de Marguerite, t. Ier, p. 219.
  18. Journal d’un bourgeois de Paris, p. 380.
  19. Lettres de Marguerite, t. II, p. 96, 97.
  20. Journal d’un bourgeois de Paris, p. 375.
  21. Félibien, Histoire de Paris, t. II, p. 985.
  22. Chronique de François Ier, publiée par M. Guiffrey, p. 76, note.
  23. Érasme, Epist. 1061.
  24. Histoire ecclésiastique, liv. Ier.