Louÿs – Poésies/Astarté 24

Slatkine reprints (p. 111-114).

LE SYMBOLE



La chapelle où s’arrêtent mes pas
La chapelle
Où quelque voix de triste aurore appelle
Et d’où l’on ne revient pas
Sans une âme changée
Je ne saurais
M’y guider qu’à travers les marais
Où le ciel vespéral se moire en mer orangée
Flamme de gloire
Mais l’eau d’or se rassérène sans mémoire
Des pieds calleux, des pieds las,
L’eau longue d’or sous le céleste soir lilas
Et c’est la voie au firmament couleur de gloire
Vers la chapelle où s’arrêtent mes pas.

Le parvis où j’ai rêvé d’être, de toute
Éternité
Lumineux au terme de la route
Auréolé par les soirs d’été
C’est la virginité
Marmoréenne des colonnes sous la voûte.


Ô chapelle
Où cette voix de silence m’appelle
Enroulé de laine blanche à plis réguliers
Seul
Traînant en arrière aux remous du linceul
Les sursauts matés des désirs oubliés
J’irai
Vers le chœur de l’Esprit ignoré
Où s’épure à genoux toute ignominie
Aux plus clairs rayons des mains hautes et vierges.

Mais que la Forme aux yeux profanes se dénie
Et qu’en l’absence des simulacres et des cierges
Seul au centre du chœur se carre
Le pur piédestal de marbre rare
Où le seul rêve sera statue

De la Vierge aux iris, l’Astarté, apparue.


grande chartreuse,
bayreuth, eisenach,
passy
.
1890-1891.