Lotus de la bonne loi/Avant propos

Lotus de la bonne loi
Version du soûtra du Lotus traduite directement à partir de l’original indien en sanscrit.
Traduction par Eugène Burnouf.
Librairie orientale et américaine (p. i-iv).

AVERTISSEMENT


L’impression du présent volume était presque achevée, lorsqu’une mort prématurée et tout à fait inattendue est venue enlever l’auteur à ses travaux et à ses amis. S’il avait vécu quelques jours de plus, il aurait rendu compte dans sa Préface des motifs qui l’ont conduit à la composition de cet ouvrage et de la place qu’il lui assignait entre ses travaux déjà publiés et ceux qu’il préparait. Malheureusement il ne s’est trouvé dans les papiers de M. Burnouf rien qui se rapporte à cette préface, et il ne nous reste qu’à indiquer en peu de mots les circonstances dans lesquelles ce livre a été entrepris et achevé.

Lorsque M. B. H. Hodgson eut envoyé en 1837, à la Société asiatique de Paris, la première partie des originaux sanscrits des livres buddhiques qu’il avait découverts dans le Népâl, et dont nous ne possédions auparavant que quelques traductions tibétaines et chinoises, M. Burnouf crut qu’il ne pouvait mieux répondre à la généreuse pensée du donateur qu’en faisant connaître à l’Europe savante le contenu de ces nouveaux trésors historiques. Il pensa que la meilleure manière d’atteindre ce but était de publier la traduction complète d’un de ces livres, accompagnée d’un commentaire et d’une introduction dans laquelle il exposait sommairement l’histoire et les dogmes du Buddhisme. Il choisit le Lotus de la bonne loi, l’un des neuf Dharmas des Buddhistes du Nord, et peut-être le plus caractéristique de ces livres canoniques. Il en acheva la traduction d’après le manuscrit alors unique de la Société asiatique et la fit imprimer en 1840, pendant qu’il s’occupait à en rédiger l’introduction. Mais la quantité et l’importance des matériaux que lui fournissaient, d’un côté, les travaux qu’il avait faits sur la littérature buddhique de Ceylan et de l’Inde au delà du Gange ; de l’autre, les envois successifs d’ouvrages népâlais, que la Société asiatique recevait de M. Hodgson, lui firent sentir bientôt que cette introduction devenait l’ouvrage principal et le déterminèrent à commencer par elle la série de publications sur le Buddhisme qu’il préparait. Ce fut ainsi qu’il fit paraître son Introduction à l’histoire du Buddhisme indien, tome Ier ; Paris, 1844, in-4o. Ce volume contient l’analyse critique des ouvrages buddhiques du nord de l’Inde et l’exposition des points principaux de la doctrine qu’ils enseignent, et devait être suivi d’un second volume qui aurait traité de l’école des Buddhistes du midi de l’Inde et de la presqu’île au delà du Gange, et qui aurait été terminé par la discussion de la chronologie du Buddhisme.

Mais avant de publier ce second volume, M. Burnouf se décida à faire paraître sa traduction du Lotus, imprimée depuis longtemps, pour confirmer ce qu’il avait dit sur la doctrine de Çâkyamuni et faire mieux comprendre la méthode d’enseignement de ce grand réformateur. Ce volume intermédiaire entre les deux parties de l’Introduction, lui donnait en même temps le moyen de compléter ce qu’il avait exposé dans le premier volume et de préparer ce qu’il avait à dire dans le second. Car dans un sujet si neuf, si étendu et si compliqué, il se présentait une foule de questions historiques ou philosophiques auxquelles il n’avait pas pu accorder tout le développement qu’elles exigeaient, sans rompre perpétuellement la suite naturelle de son argumentation, et dont la solution était néanmoins indispensable pour la parfaite intelligence des résultats auxquels il était arrivé dans l’Introduction. Il composa donc une suite de mémoires qu’il fit imprimer comme Appendice au Lotus, et dont quelques-uns sont d’une étendue et d’une importance telles, qu’ils auraient pu former des ouvrages à part. Cet Appendice est complet et tel que M. Burnouf l’avait conçu, à l’exception du dernier mémoire qui n’est pas achevé. À la mort de M. Burnouf, cent huit feuilles de l’ouvrage étaient imprimées, dont cent quatre entièrement corrigées par lui-même. On a trouvé dans ses papiers le commencement du vingt et unième mémoire, et on a cru utile d’en imprimer la partie qui était rédigée ; mais on s’est abstenu de mettre en œuvre les matériaux qui devaient servir pour la fin de ce travail. M. Burnouf avait préparé un vingt-deuxième mémoire intitulé : Examen de la langue du Saddharma puṇḍarîka ; mais lui-même avait renoncé à le joindre au présent volume, à cause de la multitude des détails qu’exigeait cette matière.

M. Pavie, un des élèves les plus distingués et les plus dévoués de M. Burnouf, et connu lui-même par des travaux remarquables, a eu la bonté de se charger de la tâche laborieuse de faire un Index alphabétique qui embrasse les mots et les matières dont il est question, tant dans le premier volume de l’Introduction à l’histoire du Buddhisme que dans le présent ouvrage. Tous les lecteurs lui sauront gré des soins pieux qu’il a bien voulu donner à ce travail.

Je ne dois pas terminer cet avertissement sans remercier M. de Saint-Georges, directeur de l’Imprimerie nationale, de l’empressement avec lequel il a écarté toutes les difficultés matérielles qui pouvaient retarder l’achèvement de ce volume, et d’avoir rendu ainsi un dernier hommage aux travaux d’un homme dont le nom sera une gloire éternelle pour les lettres françaises.

Paris, le 6 octobre 1852.

Jules MOHL. xxxxxxx