Loi relative à la répression du brigandage et des assassinats dans l'intérieur du 23 messidor an 7

Loi relative à la répression du brigandage et des assassinats dans l'intérieur du 23 messidor an 7
Code général français, tome XMénard et Desenne, fils (p. 283-287).

Loi relative à la répression du brigandage et des assassinats dans l’intérieur.[1]

Paris, le 24 messidor an 7 (12 juillet 1799).

(Du 23 messidor.) Art. 1er. Quand un département, canton ou commune est notoirement en état de troubles civils, le directoire exécutif propose au corps législatif de se déclarer compris dans les dispositions suivantes:

II. Les parents d'émigrés, leurs alliés et les ci-devant nobles, compris dans les loix des 3 brumaires an 4 et 9 frimaires an 6, les ailleuls, père et mères des individus qui, sans être ex-nobles ni parents d'émigrés, sont néanmoins notoirement connus pour faire partie des rassemblements ou bandes d'assassins, sont personnellement et civilement responsables des assassinats et des brigandages commis dans l'intérieur, en haine de la république, dans les départements, cantons ou communes déclarés en état de troubles.

III. Immédiatement après la publication de la loi rendue en exécution de l'art 1er, les administrations centrales prendront des otages dans les classes ci-dessus désignées, dans les communes, cantons et départements déclarés en état de trouble: néanmoins et dans le cours des troubles imminens, quoique le département, canton ou commune ne soit point encore déclaré par la loi, en état de troubles, les mêmes administrations sont provisoirement autorisées à prendre des otages; elles en instruiront le directoire exécutif dans les vingt quatre heures.

IV. Les otages seront établis, à leurs frais, dans un même local, dans une commune du département, sous la surveillance des administrations centrales et municipales, et des commissaires du directoire exécutif près ces mêmes administrations.

V. Les ôtages, qui dans les dix jours de l'avertissement qui leur sera notifié par un gendarme, ne se rendront pas au lieu indiqué par les administrations, y seront traduits par la force armée; ceux qui s'en évaderont seront personnellement assimilés aux émigrés, considérés et traités comme tels.

VI. Sont exemptés des dispositions ci dessus les ci-devant nobles et parents d'émigrés qui ont constamment rempli des fonctions publiques à la nomination du peuple, ou qui sont dans les exceptions prévues par les loix des 3 brumaires an 4 et 9 frimaires an 6.

VII. Les administrations centrales dresseront, dans le mois de la publication de la loi qui indiquera les communes, cantons ou départemens où la présente loi sera applicable, en conformité de l'article 1er, une liste de tous les individus assujétis à la garantie personnelle et civile, consacrée par l'article 2.

VIII. Les administrations centrales comprendront sur cette liste tous les individus dénommés au deuxième article, domiciliés dans leurs arrondissements respectifs à l'époque du premier septembre 1791 (v. st.)

IX. S'il est commis un assassinat sur un citoyen ayant été depuis la révolution, ou étant actuellement fonctionnaire public, ou défenseur de la patrie, ou acquéreur ou possesseur de domaines nationaux, le directoire exécutif, après avoir consulté les administrations centrales, est chargé de faire déporter hors le territoire de la république, dans deux décades de l'assassinat, quatre des individus désignés dans l'art. 2, par chaque personne assassinée, pris en premier lieu parmi les parens nobles d'émigrés; secondement, parmi les ci-devant nobles, et successivement parmi les parens des individus faisant partie des rassemblemens. L'enlèvement des citoyens ci-dessus désignés, de leurs pères, mères, épouses, ou de leurs enfans, donnera lieu à la même peine de déportation, et en outre aux amendes et indemnités ci-après fixées, s'ils ne sont remis en liberté dans les vingt-quatre heures de l'enlèvement. Dans tous les cas d'enlèvement de l'une des personnes ci-dessus dénommées, les garans seront assujétis à une amende de xis mille francs, sans néanmoins déroger aux peines portées par le code des délits et des peines contre les auteurs du délit.

X. La peine de déportation contre les ôtages n'a pas lieu, quand l'un d'eeux a formellement dénoncé et procuré l'arrestation des individus qui seroient ensuite déclarés coupable du délit.

XI. Le séquestre sera apposé sur les biens des ôtages déportés, et tiendra jusqu'à l'accomplissement des condamnations prononcées contre eux, et jusqu'à la représentation d'un certificat légal, constatant qu'ils subissent leur déportation.

XII. L'infraction de la déportation sera assimilée à l'émigration, pour les effets personnels aux déportés seulement.

XIII. Indépendamment de la peine de déportation prononcée par l'art. 9 ci-dessus, les individus dénommés dans l'art. 2, seront respectivement dans chaque département, civilement et solidairement responsables d'une amende de cinq mille francs par chaque individu dénommé dans l'article 9, assassiné soit isolément, soit dans une action, ou d'une quelqu'autre manière que ce soit.

XIV. L'amende de cinq mille francs sera payée dans les quinze jours , pour tout délai, qui suivront l'assassinat ou l'enlèvement , et versée dans la caisse du receveur-général, sur simples arrêtés des administratrions centrales , lesquelles prononceront sur la remise des procès-verbaux, rédigés ou par les agens municipaux, ou commissaire de police, ou par les juges-de-paix, ou par les commandans de la force armée.

XV. Outre l'amende de cinq mille francs versée au trésor public, lesdits individus énoncés en l'article 2, seront civilement et solidairement garans et responsables d'une indemnité qui ne pourra être moindre de la somme de six mille francs en faveur de la veuve, et de trois mille francs pour chacun des enfans de la personne assassinée.

XVI. Les citoyens de la qualité désignée dans l'article 9, qui, mutilés, survivront à leur blessures, auront droit à une indemnité qui ne pourra être moindre de six mille francs.

XVII. Les citoyens qui se seroient, en exécution d'une mission particulière à eux donnée par une autorité civile, ou d'un ordre militaire, dévoués à la recherche des émigrés rentrés, des prêtres déportés ou sujets à la déportation, des assassins, et qui seroient assassinés ou mutilés dans le cours ou à la suite de cette mission, ou de l'ordre militaire, auront droit, eux, leurs épouses et leurs enfans, aux mêmes indemnités que dessus.

XVIII. Les indemnités ci-dessus seront acquittées dans les dix jours qui suivront l'arrêté de l'administration centrale.

XIX. Les individus compris dans l'article 2, sont également, dans chaque département, civilement et solidairement responsables, soit envers la République, soit envers les particuliers, des enlèvemens de récoltes, exactions de fermages, spoliations de deniers publics ainsi que des incendies, dégradations et pillage exercés sur les propriétés.

XX. Les indemnités résultantes des délits compris en l'article précédent, seront réglées par arrêté des administrations centrales, dans les dix jours qui suivront le délit, et acquittées dans les dix jours suivans ; elles seront équivalentes aux objets pillés, incendiés dévastés. Les garans seront en outre tenus à une amende , au profit du trésor public, égale à la valeur desdits objets.

XXL Les indemnités dues à la nation, à raison des entèvemens de deniers publics, des incendies, dégradations pillages des propriétés nationales , seront versées dans les caisses respectives que les objets pillés ou dévastés concernent.

XXII. Les administrations centrales règleront les indemnités et amendes d'après l'examen des procès-verbaux rédigés par les agens municipaux, ou commissaire de police , ou juge-de-paix , ou commandant la force armée, et d'après les renseignemens qu'elles jugeront convenables de prendre.

XXIII. Les agens municipaux , ou commissaire de police, juge-de-paix et commandant la force armée, seront tenus de dresser leurs procès-verbaux dans les trois jours qui suivront le délit : mais lorsque ce délit aura été commis dans la commune où résident l'agent municipal ou commissaire de police, le commandant de la force armée et le juge-de-paix, le procès-verbal sera rédigé conjointement par les premiers , et séparément par le juge-de-paix ; il sera adressé, le quatrième jour après le délit, à l'administration centrale.

XXIV. Les agens municipaux , ou commissaire de police, juge-de-paix et commandant la force armée qui ne rédigeront pas ou n'enverront pas leurs procès-verbaux dans les délais fixés par l'article précédent, encourront individuellement une amende de trois cents francs chacun.

XXV. Les amendes prononcées par les articles 13, 20 et 24, seront versées dans la caisse du receveur général du département, qui ouvrira un compte particulier à cet égard, et demeureront spécialement affectées à récompenser les citoyens qui contribueront à faire arrêter un émigré ou un prêtre déporté , rentré ou sujet à la déportation, ou un individu faisant partie des bandes d'assassins désignés sur la liste.

XXVI. Les récompenses mentionnées en l'article précédent, sont fixées; savoir : pour un émigré et un prêtre déporté, rentré ou sujet à la déportation, ou un chef d'assassins, depuis la somme de 300 francs à 2,400 francs ; et pour les autres individus faisant partie des bandes d'assassins, depuis 200 francs à 600 francs. Ces récompenses seront réglées par les administrations centrales.

XXVII. Les gendarmes et gardes nationales sédentaires ou en activité, employés contre les bandes d'assassins, auront droit aux mêmes récompenses.

XXVIII. Les récompenses seront acquittées par les receveurs généraux des départemens, sur mandats des administrations centrales, à imputer sur les fonds provenans des amendes prononcées et versées en vertu de la présente loi.

XIX. Les récompenses accordées aux gendarmes et gardes nationales sédentaires ou en activité, serons distribuées également entre les militaires qui auront contribué à l'arrestation des individus désignés dans l'article 26 ci-dessus.

XXX. A défaut de fonds existans dans la caisse du receveur du département, provenant des amendes, les individus dénommés dans l'article 2, seront tenus solidairement de verser dans la caisse dudit receveur, le montant des récompenses accordées dans les dix jours qui suivront l'arrêté de l'administration centrale.

XXXI. Faute par les individus appelés au paiement, de verser dans les susdits délais les amendes, indemnités et récompenses ci-dessus mentionnées, ils y seront condamnés par le tribunal civil du département, poursuite et diligence du commissaire du Directoire exécutif près le même tribunal. En conséquence , les administrations centrales seront tenues d'adresser audit commissaire une expédition de l'arrêté portant fixation desdites amendes, indemnités ou récompenses, avec l'état de la situation des biens des individus appelés au paiement, de faire apposer le séquestre sur les biens de ces mêmes individus, jusqu'à l'accomplissement des condamnations, sous peine de mille francs d'amende contre chacun des membres de ladite administration.

XXXII. Le commissaire du Directoire exécutif près le tribunal, sera tenu, sous peine de mille francs d'amende, de fournir son réquisitoire au tribunal civil, dans les trois jours de la réception de l'arrêté de l'administration centrale ; et dans les trois jours suivans, le tribunal sera également tenu, sous peine d'une amende de mille francs contre chacun de ses membres, de prononcer sur le simple vu dudit arrêté.

XXXIII. Les amendes ci-dessus auront la même destination que celle mentionnée dans l'article XXV ci-dessus.

XXXIV. Si dans les trois jours qui suivront la notification du jugement rendu par le tribunal civil, l'individu ou les individus condamnés ne versent pas dans la caisse du receveur-général le montant desdites amendes, indemnités ou récompenses et frais y relatifs, ils y seront contraints par saisie et vente de leurs biens et par voies solidaires, dans les formes prescrites.

XXXV. Les jugemens rendus par les tribunaux civils seront exécutés nonobstant appel.

XXXVI. Les administrations centrales, sur l'avis des administrations municipales, dresseront, dans le mois de la publication de la loi qui désignera les communes, cantons ou départemens où la présente sera applicable, une liste de tous les individus notoirement connus pour faire partie des bandes d'assassins.

XXXVII. Les individus faisant partie desdits rassemblemens ou bandes d'assassins connus, et qui justifieront être de la classe des artisans, manouvriers ou cultivateurs, seront admis, dans les quinze jours de la publication de la loi qui indiquera les départemens, cantons ou communes où la présente sera exécutée, à rentrer librement dans leurs foyers, sans pouvoir y être inquiétés par la suite, à condition, par lesdits individus, de se présenter dans ledit délai à l'administration centrale, et d'y déposer un bon fusil simple, de calibre, ou un bon fusil à deux coups. Les administrations centrales sont autorisées à rayer définitivement les individus qui déposeront les armes dans ledit délai, de la liste dressée en exécution de l'article précédent.

XXXVIII. Ne pourront jouir de la faculté accordée par le précédent article , les chefs déjà amnistiés, quelqu'ait été leur grade , ni les ci-devant privilégiés, même sans grade , amnistiés ou non, ni les émigrés, ni les prêtres déportés, rentrés ou sujets à la déportation, la législation concernant ces derniers restant dans toute sa force.

XXXIX. Tous les individus portés sur la liste dressée en vertu de l'art. 36, qui ne jouiront pas du bénéfice de l'art. 37 dans le délai prescrit, seront personnellement assimilés aux émigrés considérés et traités comme tels; en conséquence , ils seront traduits devant une commission militaire , et condamnés à la peine de mort soit qu'ils aient été pris armés ou non.

XL. Les aïeuls, aïeules, pères et mères des individus portés sur la liste dressée en exécution de l'art 36, et qui ne profiteront pas des avantages de l'article 37 ci-dessus, sont personnellement assimilés aux ascendans d'émigrés, et soumis à la même indemnité, dans les formes et dans les délais prescrits pour ces derniers, sans pouvoir faire valoir le minimum de fortune.

XLI. Les individus qui seront convaincus d'avoir donné sciemment asyle à des assassins, seront assujétis à la garantie civile et personnelle portée par l'article 2.

XLII. Les listes dressées en exécution des articles 37 et 36, seront imprimées, affichées dans toutes les communes des départemens respectifs , dans les quatre décades qui suivront la publication de la loi qui indiquera les communes, cantons ou départemens où la présente loi recevra son application. Lesdites listes, seront en outre adressées, dans le même délai, au ministre de la police générale.

XLIII. Au moyen des dispositions ci-dessus, la loi du 10 vendémiaire an 4 cessera d'avoir son application, seulement quant à la responsabilité établie contre les communes, à dater de la publication de la loi qui déclarera que la présente doit être exécutée dans un département, canton ou commune. Les loix tendantes à prévenir ou punir des délits , continueront d'être exécutées en ce qui n'est pas contraire à la présente.

XLIV. Quand un département, canton ou commune est déclaré en état de troubles , l'effet de cette déclaration ne cesse que par une loi.

XLV. La présente loi ne recevra son exécution que jusqu'à la paix générale ; elle sera proclamée et affichée dans toutes les communes de la République.

  1. Note Wikisource : La Loi des otages (23 messidor an VII ) est votée le 12 juillet 1799 par le conseil des Cinq-Cents et le conseil des Anciens, effrayés par les succès des ennemis de l'extérieur, craignant des soulèvements à l'intérieur de la France (que les rapports de police signalent comme probables).