Loi du 31 août 1830

Loi relative au serment des fonctionnaires publics
Texte établi par Jean-Baptiste DuvergierA. Guyot et Scribe (p. 200-202).

ciaire, les officiers des armées de terre et de mer[1] seront tenus de prêter le serment dont la teneur suit : Je jure fidélité au Roi des Français, obéissance à la Charte constitutionnelle et aux lois du royaume. »



Il ne pourra être exigé d’eux aucun autre serment, si ce n’est en vertu d’une loi[2].

2. Tous les fonctionnaires actuels dans l’ordre administratif et judiciaire , et tous les officiers maintenant employés ou disponibles dans les armées de terre et de mer[3] prêteront le serment ci dessus dans le délai de quinze jours à compter de la promulgation de la présente loi ; faute de quoi , ils seront considéré commesidérés comme démissionnaires[4] , à l’exception de ceux qui ont déjà prêté serment au gouvernement actuel.

3. Nul ne pourra siéger dans l’une ou l’autre Chambre, s’il ne prête le serment exigé par la présente loi.

Tout député qui n’aura pas prêté le serment dans le délai de quinze jours , sera considéré comme démissionnaire.

Tout pair qui n’aura pas prêté le serment dans le délai d’un mois , sera considéré personnellement déchu du droit de siéger dans la Chambre des pairs[5].

    24 nivose et 18 ventose an 5 ; 13 Thermidor an 7 : 7 et 21 nivose an 8. Voy. aussi les diffé rentes constitutions. Il faut remarquer qu’une loi du 4 = 9 janvier 1791, imposait l’obligation de prêter serment sans préambule, explication ou restriction ; les lois des 15 = 17 avril, 21=29 mai 1791, et le décret du 25 mars, prononcent la déchéance, et même des peines, contre le refus de prestation de serment. A la restauration, la formule fut changée par une décision royale non insérée au Bulletin des Lois, et publiée par une circulaire du ministre de l’intérieur ; la voici : Je jure et promets à Dieu de garder obéissance et fidélité au Roi, de n’avoir aucune intelligence, de n’assister à aucun conseil, de n’entretenir aucune ligue qui serait contraire à son autorité ; et si dans mon département, ou dans le ressort de mes fonctions, ou ailleurs, j’apprends qu’il se trame quelque chose à son préjudice, je le ferai connaître au Roi. » Le 3 juin 1816, une nouvelle formule fut adoptée dans les termes suivans : « Je jure fidélité au Roi, obéissance à la Charte constitutionnelle et aux lois du royaume. L’ordonnance du 15 février 1815, relative à l’institution de la cour de cassation, dans art. 4, impose l’obligation de prê ter serment d’être fidele au Roi, de garder et faire observer les lois du royaume, ainsi que les ordonnances et réglemens, et de se conformer à la Charte constitutionnelle. Enfin, l’ordonnance du 20 août 1817 impose aux élecleurs le serment suivant : « Je jure fidelité au Roi, obéissance à la Charte constitutionnelle et aux lois du royaume (art. 11). »

  1. Les officiers militaires n’étaient pas compris, dans le projet de loi ; une grave discussion s’est élevée sur la question de savoir si la formule insérée dans la loi était convenable pour les officiers militaires ; si l’on ne devait pas y faire entrer des termes plus explicites, et embrassant le devoir d’obéissance passive aux ordres des supérieurs, même lorsque les militaires sont appelés à agir contre les citoyens. En prenant à la lettre les expressions de M. Marchal, rapporteur de la commission, on devrait considérer le serment d’obéissance aux lois, comme excluant l’idée d’obéissance passive aux ordres du supérieur ; en effet, a-t-il dit : « Les lois auxquelles ce serment promet la soumission des officiers militaires, expliquent la nature et l’étendue de l’obéissance due par l’inférieur aux supérieurs, et posent à cette obéissance des limites qui défendent et protègent les citoyens contre toute oppression de la part des dépositaires de la force publique. L’obéissance ainsi entendue et ainsi jurée, satisfait à la fois aux besoins du service, aux sentimens des militaires dans un état constitutionnel et aux garanties nécesşaires à la société. M. le général Brenier a soutenu qu’il ne fallait point changer la formule usitée précédemment : Augmentez, a-t-il dit, dans une proportion croissante la responsabilité des chefs, suivant la hiérarchie des grades ; cette mesure, qui pourra être intercallée dans le nouveau Code militaire, sera une garantie suffisante pour la sécurité des citoyens, et rassurera en même-temps la conscience du soldat, mais ne touchez pas au principe de son obéissance. » M. le général Sémélé a dit : « Je crois que le serment tel qu’il est proposé par la commission est celui que vous devez admettre ; mais je pense qu’il est indispensable, et cette opinion est partagée par le ministre de la guerre, le nouveau Code militaire, les limites de l’obéissance passive que doit tout militaire à ses chefs soient bien clairement et positivement établies pour les cas qui, d’ailleurs, j’espère, ne se représenteront plus, où les troupes seraient dans la douloureuse nécessité d’agir contre les ci toyens. M. Boissy-d’Anglas a parlé dans le même sens ; au surplus, ce qui a déterminé à adopter, pour les militaires, le serment prescrit par la présente loi, c’est le désir de supprimer celui qui était en usage sous l’ancien Gouvernement ; voici comment il était conçu : « Vous jurez et promettez de bien et fidèlement servir le Roi, d’obéir, en tout à ce que vous commanderont les chefs nommés par S. M., et de ne jamais abandonner vos drapeaux. » M. le comte de Saint-Aulaire, rapporteur de la commission de la Chambre des pairs, a dit qu’en jurant obéissance aux lois du royaume, tous les fonctionnaires jurent implicitement d’accomplir tous les devoirs généraux à eux imposés comme citoyens, et tous les devoirs spéciaux qui résultent de leur état et d’une situation particulière ; que les objections faites à l’occasion des militaires semblent résolues par ce qui vient d’être dit ; que si, toutefois, quelques-uns des nobles devoirs du soldat requièrent une sanction législative, il faut se hater de la demander aux Chambres. M. Mercier a proposé d’ajouter : et tous les in dividus recevant un salaire de l’Etat. Je dois rendre compte avec la plus scrupuleuse exactitude de l’impression produite sur la Chambre, par cette proposition, je transcris le Moniteur « (Vive rumeur). Je ne crois pas, poursuit M. Mercier, qu’il soit nécessaire d’entrer dans de grands développemens ( non ! non !). C’est un amendement comme un autre, et je n’imagine pas qu’on puisse m’empêcher de le développer (nouveau bruit). Il est nécessaire d’atteindre tous ceux qui, recevant un salaire de l’Etat….. ( Assez ! — Agitation croissante). Je pensais qu’on me saurait gré de la réserve que je mettais à ne pas exprimer toule mon oppinion et qu’on sentirait ce que je veux dire ( C’est entendu ! assez !). L’orateur quitte la tribune ; son amendement n’a pas de suite. Je ne me crois pas obligé d’imiter l’extrême réserve de la Chambre , et je ne vois aucun in convénient à faire remarquer que les ecclésiastiques eussent été compris dans l’expression : tous les in dividus recevant un salaire de l’Etat. Sans doute , il serait contradictoire avec le principe de la li berlé de conscience d’imposer aux prêtres un serment en opposition avec leurs croyances ; sur.. tout , il n’estpasprudent d’aller, sans une extrême nécessité, réveiller les querelles et les dissensions religieuses ; mais il faut bien que les prêtres, exer çant une influence puissante sur la société , soient liés au pouvoir politique par quelqu : rapport ; le temps et la relexion opéreront sans doute ce rapprochenient désirable. Voy. mes noles sur l’ordonnance du 16 juin 1828, relative aux jésuites , t. 28 , p. 200. La loi du 21 nivose an 8 obligeait au serment les ministres d’un culte quelconque. Voy. dans Sirey , t. zer , p. 251 , une lelire ministérielle sur les effets de la loi , relativement aux ministres des cultes. La loi du 18 germinal an 10 , art . 6 , détermine la formule du serment des ecclésiastiques. On peut consulter aussi les lois des 12 juillet =24 août 1790 , et des 27 novembre , 26 décembre 1790.
  2. L’article 2 était ainsi conçu : « Toute autre formule est abrogée ; » mais il a été supprimé comme inutile , au moyen de ce second paragraphe ajouté par la commission .
  3. M. de Briqueville a demandé qu’on ajoutât : « Les militaires en retraite ou en réforme ; » on a répondu : « Ils n’ont pas de serment à préter , ce sont de simples citoyens. M. Le comte Saint-Aulaire , rapporleur de la commission de la Chambre des pairs a fait remarquer que les officiers disponibles sans relation directe avec un chef , retirés dans une campagne, isolée , pourraient être avertis trop tard de l’obligation à eux imposée , et que le principe général, que nul ne peut ignorer la loi, serait ici d’une excessive rigueur.
  4. Votre commission , a dit M. le comte de Saint-Aulaire , à la Chambre des pairs , a repoussé l’idée que les démissions supposées par la loi , en cas de défaut de serment , pussent infirmer des droits acquis à la retraite , soit par les militaires , soit par les autres fonctionnaires publics.
  5. Cet article n’existait pas dans le projet , M. Bavoux en a suggéré l’idée , en proposant d’ajouter à l’art. 2 la disposition additionnelle sui vante : « Le présent article est applicable aux membres de la Chambre des députés qui n’ont pas encore prêté serment. » M. Martignac a fait remarquer que cette rédaction supposerait , que les députés sont compris dans les termes dont se sert l’article , et il a aisément démontré que ces mots functionnaires dans l’ordre administratif ou judiciaire , ne pouvaient s’appliquer aux membres de la Chambre des députés. M. Marchal, rapporteur, a déclaré qu’en effet , l’intention de la commission n’avait pas été de comprendre les députés ; mais c’était trop s’attacher à la forme ; car en avouant que la rédaction de M. Lavoux n’était pas en harmonie avec l’article , il n’y avait rien de plus simple que d’y faire un léger changement , et tout en conservant sa pensée , de l’exprimer plus exactement . M. Demarçay a demandé qu’on étendit la disposition aux membres des deux Chambres. Après une discussion assez animée , mais qui n’offrait pas de véritable intérêt , on a reconnu unanimement qu’il était convenable que les membres des deux Chambres fussent assujétis au même serment que les fonctionnaires publics : on a également admis sans difficulté pour les députés la sanction pénale , qui consiste à être réputé démissionnaire à défaut de prestation de serment dans un délai déterminé. Mais à l’égard des pairs la question a été sérieusement controversée. « Dans l’état encore existant des choses , a dit M. Berryer , il est impossible qu’une pareille disposition figure dans une loi , en ce qui concerne les pairs . Comment les pairs du royaume investis d’une dignité héréditaire, pourraient-ils jamais être considérés comme démissionnaires ? Il a rappelé l’exemple des pairs catholiques d’Angleterre, qui se sont refusés pendant deux siècles à prêter un serment qui blessait leur conscience , et qui n’ont point pour cela perdu leur dignité de pairs ; qui , seulement, se sont abstenus , ou du moins ont été empêchés de siéger. A la Chambre des pairs , M. le rapporteur a dit que l’autorité des pairs catholiques en Angleterre ne saurait être invoquée ; car on demandait à ceux -ci d’abjurer leur religion , on demande au-