Lisbeth
Le jour, d’un bonhomme sage
J’ai l’auguste escarpement ;
Je me conforme à l’usage
D’être abruti doctement.
Je me scrute et me dissèque,
Je me compare au poncif
De l’homme que fit Sénèque
Sur sa table d’or massif.
Je chasse la joie agile.
Je profite du matin
Pour regarder dans Virgile
Un paysage en latin.
Je lis Lactance, Ildefonse,
Saint Ambroise, comme il sied,
Et Juste Lipse, où j’enfonce
Souvent, jusqu’à perdre pied.
Je me dis : Vis dans les sages.
Toujours l’honnête homme ouvrit
La fenêtre des vieux âges
Pour aérer son esprit.
Et je m’en vais sur la cime
Dont Platon sait le chemin.
Je me dis : Soyons sublime !..
Mais je redeviens humain,
Et mon âme est confondue,
Et mon orgueil est dissous,
Par une alcôve tendue
D’un papier de quatre sous,
Et l’amour, ce doux maroufle,
Est le maître en ma maison,
Tous les soirs, quand Lisbeth souffle
Sa chandelle et ma raison.