Libéralisme et Étatisme

(Redirigé depuis Libéralisme et Etatisme)
Libéralisme et Étatisme
Revue des Deux Mondes5e période, tome 60 (p. 671-686).
LIBÉRALISME ET ÉTATISME[1]

Je suis bien en retard avec le livre de M. Dicey, qui n’est pas seulement un grand livre anglais, qui est un livre européen. Je prie de croire que je le connais depuis longtemps, et que seul le torrent de l’actualité m’a empêché d’en écrire plus tôt.

Comme le titre l’indique, l’ouvrage a pour objet les modifications qu’a apportées dans la loi anglaise, et il faut ajouter dans tout le régime politique anglais, le mouvement de l’opinion générale en Angleterre. Or, cette opinion générale, en sa randonnée depuis un siècle et demi, est singulièrement représentative du mouvement général de tous les peuples depuis cent cinquante ans : aussi est-ce là ce qui fait l’intérêt supérieur du livre, son intérêt international et pourquoi je l’ai appelé un livre européen, expression qui est encore restrictive.

Cette évolution de l’esprit politique anglais, en négligeant tout ce qu’on est forcé de négliger pour ne voir et pour ne montrer que les grandes lignes, est celle-ci. L’esprit public anglais est passé du Blackstonisme au Benthamisme et du Benthamisme au Collectivisme, comme dit M. Dicey, mais il vaut mieux dire en français l’Étatisme, pour éviter des confusions qui seraient de redoutables contresens. Autrement dit, l’esprit public anglais a passé de la conception du gouvernement autoritaire à la conception du gouvernement libéral, puis à la conception du gouvernement autoritaire sous une nouvelle forme. En d’autres termes encore, les Anglais ont aimé le gouvernement paternel, — se sont cabrés contre le gouvernement paternel, — sont revenus à chercher la reconstitution d’un gouvernement paternel.

Cela fait trois périodes, dont l’une va environ de 1760 à 1830 (les deux derniers Georges), la seconde de 1830 à 1865 (mort de Palmerston), la troisième de 1865 à une date que contient l’avenir.

Dans la première période, l’Angleterre est profondément conservatrice. Avec de très mauvaises lois, corrigées sans cesse, à la vérité, par la loi que fait le juge, trait essentiellement anglais (français aussi sous l’ancien régime, mais en proportion beaucoup moindre), elle vit sous l’autorité d’une aristocratie très étroite, qui est faite moitié de nobles, moitié de non-nobles, mais tout entière de grands propriétaires, d’où s’ensuit que les divisions que l’on voit en elle sont beaucoup plus apparentes que réelles et en tout cas ne sont pas profondes.

Cette aristocratie a naturellement un esprit traditionniste avec une certaine faculté d’admettre ce qu’on appelle le progrès, c’est-à-dire les réformes, mais à la condition qu’elles soient très lentes. A noter seulement que, dans la dernière époque de son règne (1815-1830) elle est plus conservatrice qu’auparavant et décidément réactionnaire, à cause de l’influence qu’a sur elle l’horreur que lui inspire la Révolution française. Ceci même, à savoir le caractère non seulement conservateur, mais rétrograde, hâte, par réaction, les progrès et l’avènement du Benthamisme, c’est-à-dire du libéralisme, c’est-à-dire de l’individualisme, c’est-à-dire de l’anti-autoritarisme, en 1830.

Le Benthamisme avait pour principe capital, à coup sûr digne de l’approbation et de la vénération de tous les hommes : Le véritable but de toute loi est de favoriser le plus grand bonheur du plus grand nombre.

Et il est piquant que Bentham qui n’aimait pas, — il l’a dit, — la Déclaration des droits de l’homme, lui eût précisément fourni sa première ligne : « Le but de la société est le bonheur commun. »

Tel était le principe capital du Benthamisme ; mais, comme il arrive toujours, c’était son sous-principe, son principe de seconde ligne qui renfermait tout son esprit. Quel était ce sous-principe ? Voici. A des gens qui vous disent : Le but de la loi est de favoriser le plus grand bonheur du plus grand nombre, on demande immédiatement : Or, comment la loi favorisera-t-elle ce bonheur ? Les benthumistes répondaient : Chacun est le principal et en général le meilleur juge de son propre bonheur. Dès lors, la législation doit tendre à supprimer toutes les restrictions à la liberté d’action d’un individu qui ne sont pas nécessaires pour garantir la liberté semblable chez les autres. Cette fois, voilà la définition du benthamisme et même du libéralisme de tous pays. C’est la négation du gouvernement paternel : « Chacun (et non pas le gouvernement) est juge, et le meilleur juge de son bonheur. » C’est l’individualisme : « Chacun, pour lui-même, est juge du genre de bonheur qu’il lui faut. » En effet, pour nous autres libéraux, le bonheur c’est d’obéir à sa nature ; le bonheur plus grand, c’est de la combattre selon les ordres de sa raison ; et le malheur, c’est que ma nature soit combattue par une autre, et le malheur plus grand, c’est que ma nature soit servie par une autre, favorisée par une autre selon ses conceptions et non pas selon les miennes.

C’est ce principe qui a été l’objet, le point de mire des plus importantes réformes, de presque toutes les réformes qui ont eu lieu dans la législation anglaise.

Remarquez qu’il était profondément conforme au caractère anglais lui-même, il n’y a plus besoin de dire combien l’Anglais est, de tempérament, profondément individualiste et il n’y a qu’à répéter le mot de je ne sais plus qui, un Américain, je crois : « L’Angleterre est une île ; l’Anglais est un insulaire ; l’Anglais est plus qu’un insulaire ; il est une île. »

Remarquez d’autre part que ce principe contenait la démocratie d’une certaine façon. Si chacun est le meilleur juge de son bonheur, c’est tous qu’il faut consulter sur la loi. Si on exclut quelqu’un, du bonheur de ce quelqu’un, c’est un autre et non lui qu’on fait juge ; on traite ce quelqu’un en enfant et l’on retombe plus ou moins partiellement, peut-être beaucoup, dans le régime du gouvernement paternel.

Mais j’ai dit : la démocratie d’une certaine façon. La démocratie que contient le benthamisme est une démocratie qui aurait pour principe que toute restriction à la liberté individuelle qui ne serait pas nécessaire pour garantir cette même liberté chez un autre, serait tyrannique. Le benthamisme contient la démocratie, mais il ne contient, ne comporte et n’admet que la démocratie libérale.

D’autre part, il ne contient pas le républicanisme ; car une loi tendant à assurer le plus grand bonheur du plus grand nombre peut exister sans un roi, comme sous un roi ; et une loi qui ne limite la liberté de celui-ci que par la liberté des autres peut exister sans un roi, comme sous un roi ; et enfin la démocratie libérale peut exister sous un roi, pourvu qu’il soit constitutionnel, et ce serait la démocratie royale dont les Français ont rêvé en 1789-1790.

Le benthamisme ne choquait pas les sentimens religieux de la majorité du peuple anglais. Au contraire, à plusieurs points de vue. Il était individualisme au suprême degré ; or la religion de la majorité des Anglais était une religion essentiellement individualiste et il y avait parité entre ces deux formules : Je suis le meilleur juge de mon propre bonheur ; je suis le meilleur juge de ma meilleure croyance. Il y avait même un a fortiori : si mes chefs religieux m’ont déclaré le meilleur juge de ma meilleure croyance, d’autant plus je dois être tenu pour juge de ma meilleure façon d’être dans la vie.

De plus, le sentiment religieux de la majorité des Anglais trouvait pleine satisfaction dans ce principe benthamien que le but de toute loi est le bonheur du plus grand nombre, ce qui est un axiome de charité ; et le chrétien anglais pouvait dire : L’Anglicanisme est la religion religieuse de l’Angleterre et le benthamisme est la religion civile de l’Angleterre. Le benthamisme satisfaisait l’esprit et aussi le cœur d’un très grand nombre d’insulaires.

Il eut le succès que l’on sait ; immense ; et l’on peut même dire que ce succès n’est pas épuisé et que le benthamisme est encore en Angleterre ce qui règne le plus. Cependant, remarquez. A qui s’ajustait-il, à qui s’adaptait-il le mieux ? Qui couvrait-il le mieux ? comme disent les Allemands. Les hommes des classes moyennes. L’homme de classe moyenne, du reste intelligent, actif et ambitieux, de quoi a-t-il besoin ? De liberté, c’est-à-dire de n’être pas gêné dans l’expansion de son activité soit proprement intellectuelle (répandre ses idées), soit industrielle, commerciale, artistique, etc. Il est fort, de demi-force au moins. Qu’on ne le gêne pas et qu’on lui laisse faire son trou, sans du reste qu’il empêche personne de faire le sien, voilà précisément son idéal.

L’homme du peuple, je ne dis pas précisément au contraire, mais l’homme du peuple, au lieu de cela, est un faible, il a besoin d’être protégé, aidé, soutenu. Il cherche quelqu’un qui le soutienne, ou quelque chose. Mon étonnement, à moi qui ne suis pas du tout royaliste, a toujours été que le peuple ne le fût point. Au fond, ne vous y trompez pas, il l’est toujours. Il l’est en ce sens que s’il ne demande pas un roi, il demande un gouvernement paternel, ce qui est tout à fait la même chose. Il l’est en ce sens qu’il demande que l’Etat, par la loi, intervienne dans ses affaires pour le protéger et lui faire un sort moins dur. Et c’est du royalisme sous un autre nom ; c’est de l’Etatisme. Le peuple est toujours étatiste et il serait tout à fait étonnant et invraisemblable qu’il fût autre chose.

Quelquefois, il faut y songer, il ne l’est point ; c’est quand il fait de l’associationisme, du corporatisme, du syndicalisme, comme vous voudrez. Alors il n’est pas étatiste, pas du tout ; mais il n’est pas individualisa non plus. Il n’est ni étatiste, ni individualiste. Il est… M. Dicey a des pages de maître sur ce sujet. Dans l’associationisme, fait-il très bien remarquer, l’homme du peuple ne demande pas à l’Etat de diminuer sa liberté pour lui faire un sort moins dur ; il la diminue lui-même pour se donner de la sécurité ; ce gouvernement paternel dont il a toujours besoin, et dont il est toujours partisan parce qu’il en a toujours besoin, il se le donne à lui-même, en quoi, du reste, il a bien raison ; et ce n’est pas du tout la liberté qu’il recherche, dont il n’a cure, la liberté n’étant que le besoin des forts pour être plus forts et non celui des faibles pour être moins faibles. Etatiste ou syndicaliste, l’homme du peuple poursuit donc son idée du gouvernement paternel qui n’est aucunement celle du libéralisme. Le benthamisme est bourgeois, le libéralisme est bourgeois.

Il y aurait bien des moyens, et je crois les connaître, pour que le libéralisme, sans se nier, sans se démentir, sans donner dans son contraire, à savoir dans l’Etatisme, suffit au peuple, et lui assurât une destinée très favorable, et ces moyens rentrent précisément dans l’associationisme bien entendu et réglé dételle sorte qu’il fût paternel, ou plutôt fraternel, sans pouvoir devenir despotique ; mais d’abord, ce n’est point ce dont j’ai à m’occuper aujourd’hui ; et ensuite, historiquement il est vrai qu’il n’y a jusqu’ici que les classes moyennes, par tous pays, qui se soient souciées du libéralisme. Le benthamisme devait donc, — ou doit donc, — céder peu à peu à la poussée du plébéianisme pour qui le benthamisme est un leurre.

Ou plutôt pour qui le benthamisme est une négation. Le benthamisme ne gêne pas, ne réprime pas, ne comprime pas, n’opprime pas ; mérites négatifs qui ont peut-être leur valeur ; mais qu’est-ce qu’il donne, qu’est-ce qu’il assure, qu’est ce qu’il fait pour ? Rien. Il ne fait que la voie libre. Cela permet de marcher, ne donne pas des forces pour marcher. Le benthamisme doit céder à la poussée du plébéianisme prenant conscience de soi.

Autres causes secondaires, très importantes encore, de sa désagrégation relative. Le benthamisme a été une foi, à une époque où une foi politique, réunissant, reliant, religionnant un très grand nombre d’esprits et de cœurs, était possible ; maintenant, c’est moins possible. Le benthamisme, à cet égard, avait en soi et nourrissait en soi, comme il arrive souvent, un des élémens de sa ruine. Exactement comme le protestantisme, parce qu’il se réclame du libre examen, porte en lui un principe de liberté de critique qui doit avec le temps s’appliquera lui et le dissoudre ; tout de même, le benthamisme, portant en lui le principe de l’individualisme, favorise la désagrégation des croyances générales, la dissémination et pulvérisation des credos, et une de ces croyances, un de ces credos, c’était lui-même. Il a subi l’action désagrégatrice, sinon dissolvante, de la critique, et comme toutes les grandes doctrines, peu à peu, depuis 1850 environ jusqu’à 1865 ou 1870, il est devenu plusieurs, ce qui n’a peut-être pas diminué son contingent, mais ce qui, assurément, a diminué sa force.

Songez encore à ces deux forces qui, très différentes et très éloignées l’une de l’autre, pèsent, en quelque sorte, chacune de leur côté. Ces deux forces sont la sensibilité et le sens historique. La sensibilité, l’apothéose du sentiment, comme dit M. Dicey, n’est évidemment pas, en soi, ennemie du benthamisme, ni le benthamisme n’est pas en soi ennemi de la sentimentalité, et l’on a vu combien le sentiment religieux avait fait bonne figure au benthamisme et avait fait alliance avec lui : les évangélistes de l’école de Wilberforce avaient, aux beaux temps du benthamisme, prêté un très grand appui, sinon à toutes ses doctrines du moins à son esprit général. Cependant, et nous avons pris soin de l’indiquer déjà, si le benthamisme, par son premier principe, « chercher le plus grand bonheur du plus grand nombre, » est profondément sentimental, par son second principe, par son principe d’application, « chacun laissé juge de son propre bonheur et laissé libre de le chercher, » il est une doctrine dure ; il dit à l’homme : « Marche ! » et il ne le prend pas par la main ; il devient même une doctrine de combat, puisque, lançant en avant les activités, il ne peut pas faire qu’elles ne se heurtent pas et que les plus fortes ne refoulent et n’écrasent pas les moindres : le benthamisme aboutit au struggle for life ; et c’est contre le struggle que la sentimentalité proteste et qu’elle s’indigne. Voilà un ennemi ou, au moins, un adversaire du libéralisme.

Tous les partisans des pouvoirs forts, depuis les royalistes jusqu’aux socialistes s’appuient sur le sentimentalisme, sur l’humanitarisme et font remarquer avec douceur ou avec violence que la liberté, dépouillée des phrases dont on l’entoure, n’est qu’un privilège, c’est à savoir le privilège des forts et qu’en définitive la liberté est un permis d’assassiner. Ils sont tous très forts sur ce terrain-là et ils nous ébranleraient certainement, car nous ne sommes pas cœurs de caillou, si nous ne savions que tous les despotismes, aussi, sont des permis de faire mourir de faim et, de plus, que les despotismes sont moins souples que la liberté et ne se prêtent pas, comme elle s’y prête, à se guérir eux-mêmes de leur vertu meurtrière et ne trouvent pas en eux-mêmes les moyens de devenir inoffensifs et innocens.

Toujours est-il, sans entrer dans la didactique, qu’en fait, la sensibilité, excitée du reste et émue par les conclusions libérales insensibles, par les cruautés libérales, si je puis m’exprimer ainsi, d’un Herbert Spencer ou de tel autre, amené le combat contre le benthamisme, non sans avantages.

Et de l’autre côté, quelque chose de très insensible, au contraire, l’esprit historique, battait en brèche le benthamisme. Voici comment. « Celui qui se livre aux recherches historiques n’a, comme tel, aucune raison pour détester un abus. » Cet abus était nécessaire puisqu’il était l’effet inévitable de causes inévitables elles-mêmes ; ce qui a été est justifié ainsi par ceci même qu’il était ; le droit à être est dans le fait même d’être ; ce qui a tort, c’est ce qui n’a pas pu réussir à exister.

Cet état d’esprit, absolvant tous les abus passés, conduit très naturellement à absoudre tous les abus présens ; l’historien dit très facilement : « Cela ne me plaît pas ; mais cela doit être. — Pourquoi ? — Parce que cela est. »

Deuxièmement, l’esprit historique combat, tend à combattre, à infirmer plutôt, ce que le benthamisme contient de démocratie. L’esprit historique voit des races très différentes et des espèces très différentes entre les hommes ; et qu’il les voie, cela le porte à les exagérer. Il peut donc amener celui qui en est pénétré à peu d’enthousiasme pour une doctrine qui, voulant le bonheur de tous les hommes par les mêmes moyens, suppose, comme principe au moins, la quasi-égalité et la quasi-similitude de tous les hommes. Les abolitionnistes de l’esclavage auraient-ils eu une fermeté si indomptable « s’ils n’avaient pas été soutenus par une foi inébranlable dans la ressemblance essentielle de tous les êtres humains ? » Or cette foi, c’est ce que n’a pas, généralement, l’historien.

Enfin le benthamisme est naturellement à tendances un peu cosmopolites, ou plutôt à un état d’esprit un peu cosmopolite, ses aspirations au bonheur du plus grand nombre n’ayant aucune raison de se limiter et circonscrire aux frontières d’une patrie, tandis que l’historien n’est pas forcément nationaliste sans doute, mais le devient par un retour sur lui des sentimens qu’il fait naître et qu’il propage parmi les masses. L’historien crée du nationalisme, ne fût-il pas du tout nationaliste lui-même. « Le nationalisme, c’est-à-dire la conviction enthousiaste que les habitans d’un pays doivent être exclusivement gouvernés par des hommes de leur race ou supposés de leur race, a été évidemment rendu plus intense par la prédominance de l’esprit historique, comme aussi, par réciprocité, il a donné prestige nouveau et vigueur nouvelle à l’emploi de la méthode historique. » Encore autant de perdu pour le benthamisme, qui est une sorte de religion universelle de la liberté, une sorte de catholicisme de la liberté et qui est battu en brèche par cette idée évidemment dominante dans tout cerveau de nationaliste : plutôt être mal gouverné par gens de chez moi que bien gouverné par un étranger ou par des idées étrangères.

Et ne dites pas que ce soit là un paradoxe ou une puérilité que nous prêtons aux nationalistes : de 1815 à 1830 l’Anglais était anti-libéral surtout parce que le libéralisme était idées françaises ; et précisément à la même époque ce que beaucoup de Français reprochaient aux libéraux français, c’était que gouvernement parlementaire était système anglais.

Donc, les historiens ont fait du mal au benthamisme.

Je n’en crois pas grand’chose, et, franchement, c’est bien ici que les idées de M. Dicey, encore que je les trouve, comme toutes celles qu’il a, très ingénieuses, très originales et même très suggestives, s’éloignent le plus des miennes. J’ai penchant à croire que si les historiens avaient de l’influence sur l’esprit des peuples, de quoi il va sans dire que je doute, cette influence serait « benthamique, » serait libérale.

Pour commencer par le fatalisme historique, que nous avons vu que M. Dicey vise en premier lieu, il est certain que c’est une maladie diagnostiquée chez un très grand nombre d’historiens ; mais il est remarquable qu’elle n’a pas d’influence, ou presque point, sur les opinions qu’ils ont relativement aux choses de leur temps. Ils sont fatalistes pour toute l’histoire et ils ne le sont pas pour l’histoire contemporaine. S’ils l’étaient pour l’histoire de leur temps, ils ne seraient d’aucun parti politique, estimant qu’être de quelque parti que ce soit est bien inutile, puisque l’histoire fara da se. Or, ils sont toujours d’un parti politique et avec ardeur, exemples Guizot, Thiers et Macaulay. Et cela se comprend très aisément. C’est l’histoire même du libre arbitre. Nous ne croyons pas libres les autres ; mais nous nous croyons libres nous-mêmes. De même sorte, l’historien croit toute l’histoire passée mécanique ; mais il croit libre celle qu’il fait ; il croit susceptible d’incliner à droite, à gauche, en avant ou en arrière l’histoire à laquelle il collabore. Tout au plus, — et ce n’est qu’un bien, — il se gardera de l’illusion radicale, de l’illusion par laquelle on croit que le peuple dont on fait partie peut, soit avancer, soit reculer, de cinquante ans en une semaine. A cela s’oppose la notion qu’il a des lenteurs nécessaires de l’histoire réelle ; mais pour ce qui est de son fatalisme d’historien, il le laisse à la porte de la Chambre des Communes, ou plutôt, s’il entre à la Chambre des Communes, c’est que, pour tout ce qui touche aux choses de son temps, il ne l’a pas.

Pour ce qui est de la croyance à la quasi-égalité des races humaines qui fait nécessairement partie du benthamisme et que l’habitude de l’histoire détruit, je ferai remarquer qu’elle ne la détruit pas, mais qu’elle la fonde. Ce qui donne l’idée de la différence et de l’inégalité radicale des races, c’est l’orgueil national non éclairé par l’historien ; ce qui dissipe, un peu au moins, les préjugés de l’orgueil national et ce qui réintègre plus ou moins, mais un peu, l’idée de la quasi-égalité des races, c’est précisément le commerce avec l’histoire. Nous sommes profondément persuadés que nous sommes d’une essence supérieure à celle de nos voisins, parce que différence nous fait l’effet de supériorité et que nous nous sentons différens de nos voisins. Mais si l’histoire nous apprend, et il me semble que c’est un de ses offices, que les plus nobles races se sont étiolées et dégradées, que des races longtemps inférieures se sont relevées, qu’il y a un temps pour les Romains et un temps pour les « Barbares » et un temps pour les Aryens et un pour les Arabes et un pour les blancs et un pour les jaunes, le préjugé des races reçoit un coup, dont je souhaite qu’il meure ; mais dont, à coup sûr, il est, du moins, affaibli. Ce sont les peuples sans historiens qui ont le préjugé des races et les peuples élevés par les historiens qui ne l’ont… qui l’ont un peu moins.

Je sais bien qu’il existe une histoire, — une nation voisine de l’Allemagne ne peut guère l’ignorer, — qui se donne pour mission d’entretenir le préjugé de la race, de le fortifier, de le nourrir, de le désaltérer et de l’enivrer. Mais faites attention : ici ce n’est pas l’histoire qui intoxique l’esprit public, c’est l’esprit public qui intoxique l’histoire ; et ce n’est pas la faute de l’histoire si le peuple s’éloigne de l’esprit benthamique ; c’est la faute du peuple si l’histoire s’en éloigne ; et ici M. Dicey ne doit pas ranger l’histoire et les historiens dans l’ordre des causes, mais dans l’ordre des effets. L’histoire chauvine n’est illibérale que parce qu’elle est illibéralisée ; mais l’histoire vraie, l’histoire historique, l’histoire qui ne s’inspire que de l’histoire est persuadée au moins qu’il est impossible de voir de très grandes différences entre les races ; et persuadée de cela, sinon elle a pour effet, du moins elle se donne pour devoir d’en persuader les autres. A ce point de vue encore, l’histoire n’est pas anti-benthamique per se.

Enfin, — ce troisième point de vue n’est pas très différent du second, — l’histoire exalte le nationalisme. C’est mon avis et pour mon compte je ne songe qu’à l’en féliciter. Seulement, je fais remarquer, comme je l’ai fait remarquer toute ma vie, qu’elle n’est qu’une des vingt choses qui exaltent le patriotisme. La langue que nous parlons et qu’ont parlée nos pères, la religion que nous professons et que nos pères ont professée, les arts que nous aimons et qui ont un caractère national, nos coutumes, nos costumes, nos préjugés ancestraux, nos manières, la façon dont nous traitons les femmes et dont nous admettons qu’elles nous traitent, nos plis héréditaires de sentiment et de pensée, nos proverbes, voilà ce dont est fait notre patriotisme, en tout quoi l’histoire n’a que sa part, quoique importante. Je dirai même que, parmi tous ces élémens du patriotisme, l’histoire, quoique, encore une fois, très patriotisante, l’histoire est le seul qui, très distinctement au moins-, porte avec lui son correctif utile et souhaitable. C’est elle qui nous apprend, à nous Français par exemple, que nous sommes très grands ; mais que, cependant, il y a des peuples, des anciens et des modernes, qui ont eu quelque grandeur aussi, ce que ne nous enseignent ni notre langue, ni nos arts, ni nos préjugés, ni nos coutumes, ni tout ce que j’ai dit plus haut. — Inutile d’ajouter qu’il y a cette histoire dont M. Barrett-Wendell parle si joliment dans sa France d’aujourd’hui, de par laquelle le jeune élève de l’enseignement secondaire confond Louis XIV avec Guillaume le Conquérant et croit Catherine de Russie fille de Marie de Médicis, mais ne se trompe pas d’un iota sur Danton, Robespierre, Saint-Just, Marat et Lakanal, ce qui rappelle à M. Barrett-Wendell le résumé de l’histoire romaine dans les manuels officiels des écoles de Russie : « Le dernier des rois fut Tarquin le Superbe ; il fut détrôné par le démagogue Brutus et Rome entra dans une période de convulsions affreuses, dont elle ne sortit que grâce à l’empereur Julius César. » Mais cette histoire-là est l’histoire préfectorale et ce n’est pas elle, évidemment, que vise M. Dicey. L’histoire écrite par les historiens est patriotique et, en même temps, ne satisfait aucun préjugé ni patriotique, ni de parti et, par conséquent, elle élabore et elle produit un patriotisme éclairé qui n’empêche aucunement d’être libéral.

Qui y conduit même ; car elle apprend, ce me semble, qu’il y a des principes généraux de bon aménagement social qui peuvent si bien être communs à tous les peuples que tous y tendent plus ou moins consciemment, et que ces principes, sans effacer les patries, qui sont constituées par autre chose, peuvent être, du moins, lien moral entre les patries en tout différentes. Non ; je vois très bien l’histoire servante élément de dissolution du libéralisme ; mais je ne vois pas trop l’histoire maîtresse, et j’entends surtout par-là l’histoire maîtresse d’elle-même, convaincue de battre en ruine les idées elles doctrines libérales.

D’autres influences, — et j’en passe que signale M. Dicey, — ont contribué à décréditer le libéralisme ou à émousser sa force de pénétration dans les esprits. Songez à ceci qui peut-être n’a l’air de rien, ou à quoi l’on n’est point naturellement porté à songer. Il fut un temps où l’éducation publique n’existait pas en Angleterre. Or, comme le remarque très bien Leslie Stephen, « à raison même de la défectuosité ou plutôt de la non-existence de l’éducation nationale, il n’y a aucune période dans l’histoire d’Angleterre où un plus grand nombre d’individus pauvres et partis de bas ait réussi à se distinguer. » C’est Burns fils de paysan, Thomas Paine fils d’un petit industriel, William Cobbett fils d’un paysan, W. Giffbrd fils d’un petit industriel, Dalton fils d’un tisserand, Porson fils d’un petit employé de province, White fils d’un tisserand de village, Robert Owen et Lancaster fils d’ouvriers et ouvriers eux-mêmes. C’est le temps des autodidactes. On comprend assez que l’absence d’éducation constituée et régulière stimule les individus bien doués et les force à donner tous leurs efforts, comme la multiplicité des collèges, bienfait pour la moyenne, évidemment, empêche les bien doués de se développer eux-mêmes, ce qui est la méthode forte ; et l’on comprend qu’une société où se trouvent tant d’individualités énergiques, tant d’homme faits par eux-mêmes, soit très pénétrée d’individualisme, comme celle où tout le monde est élevé sans efforts doit avoir du goût pour la protection et la tutelle.

Ajoutez à tout cela les causes économiques qui sont probablement les plus puissantes de toutes les causes. La grande industrie, simple résultat de la facilité des communications, d’une part, et du machinisme, de l’autre, change dans des proportions énormes la mentalité même d’une nation. On voit très facilement pourquoi. Une industrie, en cessant d’être individuelle ou quasi individuelle, ne devient pas seulement collective, comme on le croit ; elle devient semi-sociale. Entre un petit patron coutelier, son ouvrier et son apprenti, l’État n’intervient pas, parce qu’il n’y a aucune raison pour qu’il intervienne. Entre un patron et ses trois mille ouvriers, l’État ne peut pas ne pas intervenir, tant le moindre heurt dans le fonctionnement de cette machine-ci aurait des retentissemens sur la société tout entière. Un voiturier de 1815 n’a rien à démêler avec l’Etat. Une compagnie de chemin de fer, avant de travailler, rien que pour construire son chemin, a besoin d’une intervention de l’Etat non seulement considérable, mais oppressive, puisque, pour qu’elle ouvre son chemin, il faut que l’Etat exproprie des milliers de propriétaires ; et en retour, n’est-il pas naturel que l’Etat intervienne dans toutes les affaires de cette compagnie ? Fort bien ; mais ainsi toute la nation s’habitue à voir l’État partout et s’habitue à ne pas supposer qu’il puisse y avoir endroit où il ne soit point.

Songez encore à ceci : les suggestions de l’impérialisme. L’impérialisme est chez un peuple l’idée ou le sentiment qu’il n’est jamais assez grand pour sa gloire, pour son honneur, pour sa dignité, pour le rôle qu’il joue dans le monde et aussi pour le bonheur des peuples qu’il a conquis, qu’il conquiert ou qu’il conquerra ; et que, par conséquent, la toujours plus vaste domination est une beauté, d’abord, un idéal, un standart ; mais aussi un vrai devoir moral.

Comme le grand magasin, d’abord est une belle chose, ensuite est un bien parce qu’il produit à meilleur marché, de même le grand empire protégeant à moindres frais que vingt gouvernemens le même nombre d’hommes est un devoir d’humanité. « L’ère des petits États est passée. » C’était un reste de barbarie. « Les grands empires sont une nécessité de nos jours autant que les énormes Sociétés commerciales. »

Or le benthamisme ne comprenait pas du tout cela. Comparez le langage de Cobden, en 1850, à… mon Dieu au langage de M. Dicey lui-même en 1905. Cobden disait : « Si l’on pouvait convaincre les classes commerçantes et industrielles de cette nation… que, en même temps que nos dépendances sont une dépense pour eux, en impôts directs, de plus de cinq millions de livres par an ; elles ne servent que d’accessoires magnifiques et pesans pour étaler ostensiblement notre grandeur et qu’en réalité elles compliquent et augmentent nos dépenses gouvernementales sans améliorer notre balance de commerce, — à coup sûr cela deviendrait au moins une question à étudier avec soin, pour un peuple si accablé de dettes, de savoir s’il ne devrait pas être permis à ces colonies de s’entretenir et de se défendre elles-mêmes en tant qu’existences séparées et indépendantes… »

En 1905, M. Dicey, qui ne peut guère être suspect de jingoïsme, et qui est certainement un des plus pondérés et même un des plus circonspects dans l’affirmation parmi les hommes, affirme nettement le devoir qu’a un grand peuple d’être plus grand et de s’adjoindre pour son bien et pour le leur des peuples qui ne veulent pas de lui. Où était, dit-il, le droit dans la guerre des Anglais contre les Boers ? Du côté de l’Angleterre, exactement comme il était du côté du Nord contre le Sud dans la guerre de sécession américaine. « Il est aussi certain que la guerre dans l’Afrique du Sud a été faite par l’Angleterre pour maintenir l’unité de l’Empire britannique qu’il est certain que la guerre contre les Etats du Sud fut faite par les États du Nord pour maintenir l’unité des Etats-Unis. Ni le peuple britannique, ni les citoyens des Etats du Nord n’étaient disposés à reconnaître le droit de sécession. La résolution du peuple anglais de s’opposer au démembrement de l’Empire me semble pleinement défendable sur le terrain du bon sens et de la justice. »

Pourquoi, car cela semble un peu paradoxal ? Parce que « le maintien de l’Empire britannique rend possible, à des frais relativement peu élevés, si on les compare avec le nombre total des sujets anglais, d’assurer la paix, le bon ordre et la liberté personnelle dans une grande partie du monde. De plus, à une époque d’États militaires énormes, il est de la plus haute importance de protéger contre les agressions étrangères une des deux plus grandes républiques libres qui existent. »

Ainsi, moi grande nation, je conquiers un peuple qui n’est ni de ma race, ni de ma langue, et n’a jamais été mêlé à mon histoire, et qui ne m’aime pas, mais qui est moins fort que moi. Je le conquiers. Dès qu’il est conquis, il est coupable de sécession, s’il se révolte ; car il fait partie du moi, et il est anti-patriote, il commet le crime de lèse-patrie, s’il veut être indépendant. C’est ainsi que raisonnent « le bon sens et la justice. »

Remarquez qu’il a intérêt à faire partie de moi ; car je puis le défendre contre des envahisseurs. S’il allait me répondre que je suis envahisseur moi-même et que par conséquent il ne voit pas ce qu’il gagne à être envahi par moi plutôt que par un autre, je lui répondrais que cela n’a pas le sens commun.

Remarquez de plus que je l’administre à moindres frais qu’il ne s’administrerait lui-même, ce qui est une grande économie. S’il me répondait qu’il aime mieux être mal administré et chèrement par lui-même que bien et économiquement par un étranger, je lui répondrais que c’est du sentiment et que cela est du domaine de la romance. Une patrie, c’est un grand magasin, et le patriotisme consiste à être du plus grand magasin, parce que le plus grand magasin est le plus économique. Le patriotisme français consiste, non pas à vouloir reconquérir les pays français que la France a perdus, mais à désirer être conquis par l’Allemagne, parce que l’Allemagne est plus forte que la France. Et quand cela sera fait, le patriotisme anglais consistera à désirer d’être conquis par l’empire d’Allemagne ; et quand la Grande-Bretagne aura été conquise par l’empire d’Allemagne la Grande-Bretagne, si elle s’insurgeait, commettrait le crime de sécession et d’anti-patriotisme ; et du reste elle serait stupide. Ainsi raisonne l’impérialisme, et l’on voit clairement le grand progrès qu’il constitue sur le benthamisme.

Il est possible, du reste, qu’il ait raison. Il est possible que, désormais, aux grands empires seuls il soit permis, et non ridicule, d’avoir du patriotisme. Comprenez-vous le patriotisme d’un peuple qui ne peut rester peuple qu’à la condition d’être client d’une grande puissance ou neutralisé sous la protection des grandes puissances ? Ne vaudrait-il pas mieux, pour autant, qu’il s’annexât à une grande puissance et qu’il en fût une province intéressante ?

Cela est possible. Aussi bien, et je l’ai fait remarquer depuis longtemps, bien avant la sécession de la Norvège d’avec la Suède, il y a un double mouvement : les peuples forts sont de plus en plus patriotes sous forme d’impérialisme ; les peuples faibles voient naître en eux des patriotismes particularistes, par quoi ils se subdivisent de manière à devenir plus faibles. L’Allemagne veut absorber tout ce qui parle allemand et sept ou huit régions de plus ; la Russie veut l’Empire panslaviste ; l’Angleterre veut absorber tout ce qui parle anglais et huit ou dix peuples de plus ; l’Amérique du Nord veut absorber toutes les Amériques ; — à l’inverse, la Belgique se sépare de la Hollande et tend à se subdiviser encore ; la Hongrie ne rêve que d’être faible, mais chez elle, en se séparant de l’Autriche ; la Norvège ne respire que d’être nulle, mais at home, en se séparant de la Suède. Et ainsi, les patriotismes particularistes préparent proies plus faciles aux patriotismes impérialistes à l’affût.

Et il arrive tout naturellement, par contemplation des faits et par déduction logique, qu’un pays fort ne peut même plus comprendre, vous venez de le voir, — qu’un peuple faible soit patriote et trouve injuste et idiot qu’il le soit.

Le benthamisme est donc bien loin. Étatisme et impérialisme confluent et convergent pour l’étouffer : l’étatisme, en persuadant à l’individu qu’il a tort de vouloir être lui et qu’il sera bien mieux simple cellule de l’État, le nourrissant, nourri, par lui, gouverné par lui et ne gardant aucune autonomie, aucune personnalité, sauf relativement peut-être à son épouse ; — l’impérialisme, qui est comme une sorte d’étatisme international, persuadant à ces individus collectifs qui s’appellent les petits peuples qu’ils ont tort de vouloir être des individus et qu’ils feraient bien mieux d’être des cellules d’un Léviathan, le nourrissant, nourries par lui, sans autonomie, sans goûter le plaisir de se gouverner soi-même, mais grosses et grasses et à peu de frais ; et n’est-ce pas le bonheur ?

On le voit, par tous les bouts, le benthamisme est bien ébréché. J’ai parlé de randonnée au commencement de ce papier. C’est le mot juste. De la conception du gouvernement autoritaire les peuples qui furent les plus libéraux et, disons-le, qui le sont encore, reviennent insensiblement à la conception du gouvernement autoritaire, sous une autre forme, au fond très peu différente, de l’État paternel ; après une excursion dans l’individualisme, ils reviennent à l’Etat patron. Il est possible que le libéralisme n’ait été, dans l’histoire de l’humanité, qu’un épisode très court, extrêmement court, le rêve d’une nuit d’été, de quoi les historiens du XXIe siècle, de minimis non curantes, ne croiront même pas devoir tenir compte ; et que le règne de la force et l’adoration de la force soient, pour le regard d’ensemble, les caractéristiques continues et invariables de l’espèce humaine. Soit ; je me féliciterais, cependant, à ma dernière heure, d’avoir fait partie de l’épisode.

Tout cela tend-il à faire entendre que le livre de M. Dicey soit mauvais ? Il tend surtout à faire entendre qu’il est plein de faits, plein d’idées, débordant d’intelligence et que, pour en parler d’une manière qui fût digne de lui et qui fût complète, il faudrait en deviser pendant un an, vacances comprises.


EMILE FAGUET.

  1. Leçons sur les rapports entre le droit et l’opinion publique en Angleterre au cours du XIXe siècle, par A. V. Dicey, trad. Albert et Gaston Jèze (chez Giard et Brière).