LETTRES
SUR L’ÉGYPTE.

Budget et Administration.

Je vous envoie le budget de l’Égypte pour l’année 1250 de l’hégire (10 mai 1834 – 29 avril 1835.) Le budget d’un peuple est le tableau en raccourci de sa vie, l’expression la plus nette et la plus mathématique de sa personnalité. Vous devez bien penser pourtant que ceci n’est point un état de recettes et dépenses contrôlé par une chambre de députés. Les nations constitutionnelles de l’Occident ne craignent pas d’exposer leur situation financière ; elles rendent publiquement leurs comptes. Mais, en administration comme en amour, les Orientaux aiment encore le mystère. Aussi, ce document est-il le fruit de beaucoup de recherches et de travaux. J’en ai puisé les données à des sources, je ne dis pas officielles (car il n’y a rien ici d’officiel en matière du budget), mais authentiques et désintéressées. Pour les recettes, j’ai consulté les négocians, qui connaissent assez exactement le chiffre de chaque récolte ; pour les dépenses, j’ai consulté les employés des diverses branches d’administration. Pour les impôts fonciers et personnels, j’ai eu recours aux principaux mallems. Sans garantir l’exactitude absolue des chiffres (exactitude qu’il est impossible d’obtenir dans un pays administré comme l’Égypte), je puis dire qu’ils se rapprochent très près de la vérité. J’ai accompagné les chiffres de quelques observations comparées.

Dresser le budget de l’Égypte est chose fort difficile, car les Turcs craignent autant de montrer le fond de leur bourse que le fond de leur harem. Au lieu de faire connaître l’état financier du pays, le gouvernement s’efforce de le cacher. Aussi, est-ce avec beaucoup de peine que l’on peut obtenir des employés les renseignemens nécessaires pour un semblable travail. Cependant, le pacha a dit à quelques Européens, et notamment à notre ancien consul-général, que ses revenus s’élevaient à 150 millions de francs. Mais il est certain que c’est là une exagération orientale ; et d’après mes calculs, qui sont le plus exacts que peuvent le comporter les difficultés de l’œuvre, le revenu actuel de l’Égypte ne dépasse pas 78 millions de francs. Il est vrai qu’il y a un excédant des recettes sur les dépenses, et point de dette publique, ce qui permettrait aisément d’organiser un bon système de finances, mais cette idée n’a pas encore atteint sa maturité en Égypte. Il sera difficile de transformer ces deux grands principes qui ont pénétré jusque dans la fibre des Orientaux : « Cache ta bourse et ta femme ; ne prête jamais à intérêts. » Quoi qu’il en soit, voici le budget détaillé d’une nation orientale ; c’est un essai, sans doute encore informe ; mais cela pourra donner l’éveil, et engager enfin à porter quelque ordre et quelque lumière dans le chaos financier et monétaire de l’Orient, que l’on peut regarder comme un des principaux obstacles qui s’opposent au progrès des populations dans ces contrées si belles, si fertiles et si favorisées de la nature.

Budget de l’Égypte pour l’année 1250.
(10 MAI 1834. – 29 AVRIL 1835.)
RECETTES.
IMPÔTS :
SUR LES BIENS.
Piastres
Miri, ou impôt foncier (60 et 40 piastres par feddan, selon la qualité des terres) 
140,500,000
Droit sur les dattiers (10 à 20 piastres par pied) 
10,700,000
Droit sur les successions des propriétés urbaines 
300,000
Droit sur les okels, les bazars et les maisons 
550,000
SUR LES PERSONNES.
Ferdeh-ourrhous, ou imposition personnelle (3 p. 100 sur les revenus connus ou présumés) 
37,000,000
Kharrach, ou droit de capitation des chrétiens et juifs (36, 18 et 9 piastres par tête) 
400,000
Droit sur les danseuses, almés, jongleurs et escamoteurs 
200,000
SUR LES CHOSES ET LEUR TRANSFORMATION.
Droit sur les barques et le poisson 
1,700,000
id.sur le sel 
300,000
id.sur la boucherie, les peaux et graisses 
5,000,000
Bénéfices de l’hôtel des monnaies 
500,000
Droit sur la fonte de l’argent et des galons pour les orfèvres 
225,000

OCTROIS.
Piastres
Hamleh, ou droit d’octroi sur les comestibles 
11,000,000
Droit sur les blés qui entrent au Kaire 
750,000
DOUANES ET APALTES :
DOUANES.
Douane d’Alexandrie 
3,750,000
id.de Damiette 
2,500,000
id.de Boulak 
2,250,000
id.de Suez 
2,500,000
id.de Kosséir 
1,500,000
id.de Déraoui 
150,000
id.de Siouth 
35,000
id.sur les marchandises venant de la Syrie par terre 
125,000


APALTES.
Apalte de la pêche du lac Menzaleh 
300,000
id.du lac Fayoum et du canal de Joseph 
450,000
id.des vins, eaux-de-vie et liqueurs 
1,500,000
id.du séné 
125,000
id.de l’huile de graines 
250,000


BÉNÉFICES SUR LA VENTE DES PRODUITS :
INDIGÈNES-AGRICOLES.
Bénéfices sur le coton longue soie (200,000 quintaux) 
32,500,000
id.sur le coton beledi pour les divans (6,000 quint.
250,000
id.sur le sucre (32,000 quint.
1,000,000
id.sur l’indigo (77,300 okes raffiné ; 100,000 okes brut) 
3,000,000
id.sur l’opium (15,000 okes 
300,000
id.sur le miel et la cire 
750,000
id.sur le safranum (2,500 quint.
280,000
id.sur le lin et la graine de lin (50,000 quint. de lin ; 60,000 ardebs de graine) 
4,000,000
id.sur les soies brutes (65,000 okes) 
1,000,000
id.sur la graine de sésame, de carthame, de laitue 
600,000
id.sur le tabac (100,000 quint.
5,000,000
id.sur le riz (Damiette, 80,000 ardebs ; Rosette, 50,000) 
2,600,000
id.sur les blés, fèves, lentilles, orge, maïs, etc., etc. (3,300,000 ardebs) 
13,000,000
MANUFACTURÉS.
Bénéfices sur les toiles (200,000 de pièces de toile de coton ; 3,000,000 de toile de lin) 
6,000,000
id.sur les soieries (15,000 pièces, coton, soie et or) 
1,400,000
id.sur les indiennes et mouchoirs peints (25,000 pièces d’indienne ; 12,000 mouchoirs imprimés 
640,000
id.sur les cuirs bruts et apprêtés, cornes et carnasses (100,000 cuirs de vache, buffle, chèvre, mouton 
3,500,000

id.sur le sel natron (carbonate de soude) 
250,000
id.sur le nitre (50,000 quint. vendus pour l’exportation ; 100,000 q. employés à la confection de la poudre) 
200,000
id.sur le sel ammoniac 
500,000
id.sur la chaux, le plâtre et les balates (pavés pour le plancher des maisons) 
2,000,000
id.sur les nattes 
400,000
EXOTIQUES
Bénéfices sur la gomme de Sennâr (6,000 quint.
480,000
id.sur le café d’Yémen et d’Abyssinie 
5,400,000
id.sur les dents d’éléphant 
50,000
Total des recettes 
311,410,000


DÉPENSES.
GUERRE.
Piastres
Solde et entretien de l’armée de terre 
105,000,000
id.de l’armée de mer 
40,000,000
Traitement des pachas, beys et grands-officiers 
29,300,000
Solde de l’infanterie et cavalerie turque irrégulière 
7,500,000
id.des Arabes-Bédouins 
10,000,000
Construction des bâtimens de guerre 
27,500,000
Achat d’un bateau à vapeur 
6,000,000
Dépenses des hôpitaux militaires, conseil de santé 
570,000
INDUSTRIE.
Édifices en construction 
4,000,000
Puits à roues, plantations d’arbres 
1,400,000
Travaux publics, carrières, barrage du Nil 
10,500,000
Creusement et nettoiement des canaux, entretien des ponts, digues et chaussées 
5,500,000
Entretien des fabriques, traitement des employés européens, salaire des ouvriers arabes 
16,300,000
Montant des objets tirés d’Europe pour les fabriques (fer, cuivre, plomb, étain, tôle, fer-blanc, bois, etc.) 
4,200,000
ADMINISTRATION.
Appointemens des mallems, drogmans et employés des différentes administrations 
18,000,000
Administration départementale, traitement des moudirs, maimours, etc. 
6,000,000
Conseil d’état, police, bacha-aga 
500,000
Pensions aux anciens moultezims, ou propriétaires de villages 
1,250,000
CULTE ET REPRÉSENTATION.
Envois à Constantinople 
8,750,000
Traitement des cheyks et entretien des mosquées 
1,100,000

Frais pour la caravane des pélerins et offrandes aux mosquées de Médine et de la Mekke 
1,000,000
Pensions à plusieurs harems 
1,000,000
Frais extraordinaires et cadeaux 
1,500,000
Entretien de la cour du vice-roi 
5,000,000
SCIENCE.
Dépenses pour les écoles civiles et militaires 
2,500,000
id.pour les écoles arabes primaires 
150,000
Imprimerie et Moniteur arabe 
175,000
Imprimerie française et Moniteur égyptien 
125,000
Frais d’éducation et entretien des élèves égyptiens en France et en Angleterre 
600,000
Total des dépenses 
305,600,000
Piastres
TOTAL DES RECETTES 
311,410,000
TOTAL DES DEPENSES 
305,600,000
EXCEDANS 
5,810,000
OBSERVATIONS SUR LES DÉPENSES.

Ce qui frappe d’abord, en jetant les yeux sur le budget égyptien, c’est son air de famille avec les budgets européens, soit pour l’assiette de l’impôt, soit pour l’emploi des fonds. En effet, l’article le plus saillant à la colonne des recettes, c’est l’impôt foncier ; à la colonne des dépenses, c’est la solde de l’armée. Vous pouvez voir que, plus encore qu’en Europe, les hauts fonctionnaires militaires sont énormément rétribués. Les pachas ont 432 bourses par an, et les beys 196. Un pacha coûte 350 fois autant qu’un soldat ; un maréchal de France ne coûte que 50 fois autant. Le traitement d’un pacha est de 1/1,425 du budget ; celui d’un maréchal de France n’est que de 1/375,000 seulement[1].

Le chiffre de la marine est respectable ; la flotte compte 26 grandes voiles ; mais les hommes spéciaux disent que ces navires, construits à la hâte, résisteraient peu aux boulets et à la tempête.

Le chiffre de l’industrie est encore bien lilliputien, à côté du chiffre géant de la guerre. Dans le budget d’un pays tel que l’Égypte, on s’attend à trouver, pour l’agriculture, un chiffre prépondérant ; mais, grâce à la fertilité du sol, toutes les améliorations agricoles introduites par Mohammed-Ali, n’ont presque rien coûté à l’état, et lui ont rapporté des bénéfices considérables.

La dépense pour les canaux n’est que de 1/60 du budget ; ce chiffre paraîtra bien mesquin, surtout si l’on se rappelle cette lettre d’Amrou au Kalife Omar : « Trois choses, ô prince des fidèles, contribuent essentiellement à la prospérité de l’Égypte, et au bonheur de ses habitans ; la première de ne point adopter légèrement des projets inventés par l’avidité fiscale, et tendant à accroître l’impôt ; la seconde d’employer le tiers des revenus à l’entretien des canaux, des ponts et des digues ; la troisième de ne lever l’impôt qu’en nature, sur les fruits que la terre produit. » L’Égypte a aujourd’hui 14 canaux, la plupart délabrés ; ils forment un développement de 250 lieues. Sous les kalifes, on comptait plus de 600 lieues de canaux.

À l’inverse de l’agriculture, les fabriques ont coûté énormément (car il a fallu tout faire venir d’Europe, jusqu’aux ouvriers-instructeurs), et les recettes ont bien de la peine à surpasser les dépenses. Le chiffre des objets tirés d’Europe pour les fabriques était autrefois très considérable, alors que le pacha faisait venir les machines à vapeur, les métiers à tisser, et tout le matériel de ses manufactures ; c’est sur la vente de ces objets que les négocians anglais et français ont fait de si exorbitans bénéfices. Ce chiffre est aujourd’hui bien réduit, soit parce que ces bénéfices ont diminué, soit parce que l’Égypte tend à trouver en elle-même, ou en Syrie, presque tout ce qui est nécessaire à sa fabrique.

L’exiguité du chiffre de la police, branche d’administration identique à la justice, n’est-elle pas une leçon pour les gouvernemens européens ? Quelques centaines de chiaoux armés de kourbatchs, voilà tout le système pénitentiaire de l’Égypte. On ramène les Orientaux au devoir en s’adressant à la plante de leurs pieds, et non en les mettant à réfléchir entre quatre murailles. Les Européens se figurent que ce système est plus cruel que le leur ; ils se trompent. En matière de correction, La célérité et l’actualité sont ce qu’il y a de moins cruel et en même temps de plus efficace. Aussi, le chiffre des crimes est-il proportionnellement bien moindre qu’en France ou en Angleterre.

Le chiffre des pensions accordées aux anciens moultezim ou propriétaires de villages, diminue chaque année par le décès des pensionnaires ; il est réduit à 1,250,000 piastres ; c’est le restant-prix de la propriété de l’Égypte, qui est, je pense, un assez beau domaine.

L’envoi à Constantinople des 8,750,000 piastres, ou 17,500 bourses, forme le tribut que le pacha est tenu de payer au grand-seigneur ; il y a 12,000 bourses pour l’Égypte, et 5,500 pour la Syrie (1,500 pour le pachalik de Damas, 1,500 pour celui d’Alep, 1,500 pour les pachaliks d’Acre, de Tripoli et de Seida ; 1,000 pour le district d’Adana. – Traité de Kutohia, du 5 mai 1833 — (22 zil-edje 1248).

Le chiffre du culte indique assez que la religion de Mahomet est encore plus négligée par le gouvernement égyptien, que celle de Jésus par les gouvernemens européens. La moitié des mosquées du Kaire (150 au moins) tombent en ruine ; et, dans la grande mesure générale, leurs propriétés n’ont pas été plus épargnées que les autres. Le pacha a réduit le clergé égyptien à la portion congrue ; en politique habile, il a très bien senti que le mahométisme, comme toutes les autres religions, était aujourd’hui à l’état historique ; qu’il n’avait plus aucune influence sur le présent, et qu’il fallait tout au plus le conserver comme un antique. Or, chez les musulmans, et principalement chez les Turcs, le culte de l’antiquité est un sentiment très peu développé, et ils ne se font aucun scrupule de porter la main sur les plus anciens monumens, pour y prendre ce qui est à leur convenance. Mohammed-Ali n’en agit pas autrement à l’égard du mahométisme.

Vous remarquerez l’allocation pour la caravane des pélerins, et l’offrande aux mosquées de Médine et de la Mekke ; le pacha, qui a détruit tant de préjugés et d’usages religieux, a conservé celui-ci à cause de son utilité pratique. Ces voyages annuels établissent, en effet, une communication régulière entre deux pays séparés par des déserts, et appartenant au même maître, Mohammed-Ali ; ils attirent chaque année au Kaire, 12,000 pélerins-commerçans, et activent les échanges d’idées et de denrées entre toute la côte d’Afrique et la côte arabique de la mer Rouge.

Si l’on compare le chiffre des pensions aux harems à celui de la rétribution aux cheyks, on verra que le pacha donne à peu près autant à ses femmes qu’à ses prêtres, et range sur la même ligne le plaisir et la religion. C’est qu’en effet, dans la manière de sentir des Orientaux, le plaisir est une religion et les harems en sont les temples. Seulement on peut dire que la religion du plaisir y est encore à l’état d’individualisme et de privilége.

Le chiffre de la dépense du pacha paraît d’abord fort modeste, surtout pour un souverain absolu, et qui dispose de tout le revenu de l’Égypte ; mais, comparé à la liste civile du roi des Français, on trouve que celle-ci n’est que de 1/114 du budget de France, tandis que la dépense du pacha est de 1/62 du budget de l’Égypte.

L’allocation pour l’enseignement public paraîtra peut-être moins forte qu’on pouvait s’y attendre, d’autant plus que, dans les écoles du gouvernement, au lieu de payer une pension, les élèves reçoivent un traitement. On peut diviser les écoles en trois classes : 1o  écoles spéciales, 2o  écoles élémentaires du gouvernement, 3o  écoles des mosquées. Il y a dans les premières 4,500 élèves[2] ; dans les secondes, 4,000 ; dans les troisièmes, 9,000. C’est un total de 17,500 élèves ; ce qui fait à peu près, sur 2,500,000 ames de population, 1/140 d’étudiant. Il n’y a pas, en Égypte, d’écoles de femmes. Les écoles des mosquées ne sont pas comprises dans le budget ; elles sont entretenues par des fondations pieuses, ou par la rétribution des élèves.

OBSERVATIONS SUR LES RECETTES

Quand aux recettes, on peut en faire trois catégories principales : 1o  les impôts proprement dits, 2o  les douanes et les apaltes, 3o  les bénéfices de l’exploitation agricole et manufacturière.

On se figure généralement que les bénéfices sur les produits agricoles et manufacturés sont le revenu le plus important de l’Égypte ; vous voyez pourtant que l’impôt foncier et personnel est encore en possession des plus gros chiffres. Néanmoins, si l’on supprimait les monopoles, dont les bénéfices donnent un chiffre total de 84,860,000 piastres, les recettes ne balanceraient plus les dépenses. Il résulte de là que, tant que le pied de guerre actuel devra être maintenu, l’existence du pacha sera liée à celle des monopoles.

Il n’y a guère aujourd’hui que 3 millions de feddans en culture et payant le miri. Ce nombre s’élevait, sous les kalifes à 8 millions. Le barrage du Nil permettra de tripler le chiffre actuel, et par conséquent celui du miri, pourvu toutefois que l’on trouve des bras pour la culture.

Le chiffre du droit sur la translation des propriétés par succession vous paraîtra bien exigu ; c’est que ce droit ne se prélève que sur les propriétés urbaines et les jardins, toutes les autres propriétés appartenant à l’état[3].

Le revenu des douanes est peu considérable ; c’est qu’il n’y a de droits qu’à l’importation. Si le pacha établissait des droits à l’exportation, il devrait se résoudre à vendre meilleur marché ses produits, ou à supprimer les monopoles. Au surplus, cette exiguité du revenu des douanes est plus que compensée par les bénéfices sur les produits indigènes[4].

L’apalte des vins, eaux-de-vie et liqueurs, qui n’était d’abord qu’à 1,250,000 piastres, a été achetée dernièrement à 1,500,000 ; ce n’est pas que l’importation augmente, mais c’est que la taxe suit une progression arbitraire, malgré le tarif de 1816 ; elle a atteint aujourd’hui le taux monstrueux de 200 pour 100.

C’est avec le miri qu’on paie la plus grande partie des récoltes, et le surplus en bons sur le trésor ; cette opération financière (si toutefois elle mérite ce nom) est très avantageuse à l’état, car il ne débourse presque rien, et réalise d’assez beaux bénéfices sur la vente des produits.

Les bénéfices de plusieurs fabriques ne sont pas portés aux recettes ; c’est que leurs produits ne sont pas vendus, et servent pour l’armée. Ce sont les fabriques de drap, de tarbouchs, d’armes, de poudre, et en général toutes les fabriques situées à la citadelle[5].

OBSERVATIONS GÉNÉRALES

Il y a en France 35 millions d’habitans, et le budget est de 1,600 millions de francs, il y a en Égypte 2,00,000 habitans, et le budget est de 311 millions de piastres, ou 78 millions de francs environ. L’individu paie donc en France 41 francs, et en Égypte, 11 francs seulement, et pourtant le budget égyptien nourrit au moins 1/6 de la population (l’armée, les fabriques, les chantiers, les fellahs levés pour les travaux publics, les écoles, le clergé, les employés des administrations) ; ce qui n’a pas lieu en France, où l’on ne compte guère que 1/30 de la population vivant du budget. Ce résultat n’étonnera pas, si l’on fait attention qu’une journée de travail ne coûte en Égypte que 2 piastres (52 cent.), tandis qu’elle coûte en France 1 fr. 50 cent. ; qu’un soldat ne coûte que 600 piastres par an (150 francs), tandis qu’il coûte en France 700 francs. Ne faut-il pas en conclure que, plus les impôts et les salaires sont élevés, plus un peuple est riche et heureux ?

Il y a en France 400,000 soldats, sur 35 millions de population ; il y a en Égypte 120,000 soldats, sur 2,500,000 ames de population. Cela fait 1 soldat sur 87 personnes en France, et 1 soldat sur 21 personnes en Égypte. C’était le pied de guerre de l’Empire. Aussi, tandis qu’en France le budget de la guerre n’est que le cinquième du budget général, il s’élève en Égypte à plus du tiers, quoiqu’un soldat coûte quatre fois moins. Il est évident que si la guerre était aussi chère en Égypte qu’en France, l’Égypte serait depuis long-temps ruinée. Sa population, et surtout son agriculture, n’en souffrent pas moins d’un pareil pied de guerre.

Vous voyez qu’il y a un excédant des recettes sur les dépenses de 5,810,000 piastres, et que par conséquent le trésor égyptien est dans un état satisfaisant. C’est cet excédant qui entre dans les coffres particuliers du pacha, et qui les a, dit-on, garnis depuis une quinzaine d’années, de manière à faire face aux évènemens imprévus.

De tous les budgets connus (j’entends les budgets de nations), le budget égyptien est à peu près le seul où ne figure pas l’inévitable chiffre de la dette publique. Pourtant, malgré cette absence de dette publique, malgré l’excédant des recettes sur les dépenses, il y a toujours des retards et des lenteurs dans les paiemens que fait le trésor. Cela tient à l’absence complète de mécanisme financier et à l’irrégularité du système monétaire. Donnez à l’Égypte de bonnes institutions financières, et employez à l’agriculture les bras et les capitaux employés à la guerre, vous en ferez le plus riche pays du monde.

Il faut dire enfin que le budget égyptien n’a rien de fixe, soit dans son assiette générale, soit dans le chiffre des divers articles ; car l’administration dépend toute entière de la volonté du chef, qui lui fait subir de fréquentes modifications. Ceci me conduit naturellement à vous présenter quelques réflexions sur l’état actuel de l’administration en Égypte.

ADMINISTRATION

La loi, ou la volonté arrêtée dans la lettre, prédomine chez les nations d’Occident ; le gouvernement, ou la volonté mobile dans l’homme, l’emporte chez les peuples orientaux. L’administration des nations européennes est montée comme une horloge ; c’est une machine merveilleusement bien organisée, mais sans vie progressive. En Égypte, l’administration n’a pas la même régularité, la même fixité ; toute entière dans la main du souverain, elle est changeante comme sa volonté, comme les évènemens. Le gouvernement n’est point emprisonné dans l’administration ; mais il improvise et détruit les normes administratives, selon ses vues et les exigences de sa position. Cette mobilité a sans doute des avantages ; elle permet de s’accommoder aux circonstances, à l’imprévu de la vie sociale ; elle facilite la prompte répression des abus et l’introduction des progrès ; mais, poussée à l’extrême, elle a ses inconvéniens ; et le corps administratif perd en intensité et en énergie ce que la société gagne en améliorations souvent incomplètes et inachevées. L’administration égyptienne pèche par cette excessive mobilité. Mohammed-Ali, homme d’activité et de désir, façonne sans cesse dans ses mains absolues ce système qui est son ouvrage, si bien qu’il est impossible d’en dresser la carte précise, et que le tableau qu’on en ferait aujourd’hui devrait être refait demain.

Frappés de cette instabilité, quelques Européens ont cherché récemment, par leurs conseils, à introduire dans l’administration égyptienne l’élément de régularité et de fixité, et même l’élément de statistique. Une sorte d’état civil vient d’être organisé ; les cheyks de justice ou de religion, qui déjà, comme nous l’avons vu, dressent les actes de mariage et de divorce, ont reçu l’ordre du gouvernement, dans toutes les villes et tous les villages d’Égypte, de tenir des registres de naissance et de décès. Dans l’exercice de ces fonctions, les cheyks ressortiront des moudirs et des maimours ; c’est encore une prépondérance de l’autorité militaire sur l’autorité civile et religieuse, et ce secret motif a sans doute aidé à l’adoption de ce projet. Tous les décès devront être déclarés à l’autorité, et les cadavres ne pourront être enlevés qu’avec sa permission. La facilité de punir les contrevenans donnera quelque exactitude au chiffre des décès ; mais les déclarations de naissance seront moins complètes ; les riches, qui ont des harems, ne seront pas bien aises de divulguer ainsi leur paternité, et l’exécution de la mesure éprouvera des difficultés peut-être insurmontables.

Les inhumations dans les villes sont prohibées. D’après une ancienne coutume, les musulmans qui possédaient quelque fortune, achetaient le privilége d’être ensevelis à Imân-Châfi, dans le Delta ; le gouvernement a ordonné l’abolition de cet usage, et dorénavant tous ceux qui mourront de l’autre côté du fleuve y recevront la sépulture. Les chrétiens ne pourront plus être enterrés au Vieux-Kaire. Ces mesures hygiéniques, qui semblent inspirées par le travail du docteur Pariset sur les causes de la peste en Égypte, ont été combinées avec la suppression des deux okels les plus sales du Kaire, que l’on pouvait regarder comme deux foyers permanens d’infection. L’un, l’okel du fissir, ou poisson salé, a été transporté à un quart de lieue en-deçà de Boulak ; l’autre, l’okel du marché des esclaves noirs, a été placé à un quart d’heure au-delà du Vieux-Kaire. L’apalte de la boucherie a été supprimée ; mais on ne pourra tuer les bêtes qu’aux abattoirs désignés par le gouvernement, qui conservera seul le droit d’acheter les peaux.

Tant qu’on s’est tenu dans la limite de semblables détails, les améliorations proposées ont été aisément agréées ; mais on a voulu aller plus loin, et toucher à l’œuvre même de Mohammed-Ali, pour lui donner une sorte de régularité constitutionnelle. Il existe un conseil chargé de l’examen des affaires administratives, agricoles et industrielles, avec lequel correspondent les nazirs, les chefs des départemens et des provinces. On a proposé de modifier et d’étendre les attributions et l’organisation de ce conseil ; il devait être composé de deux notables de chaque rit, arménien, grec, catholique, juif, etc., de douze cheyks arabes, et de douze notables turcs, pris dans la classe des commerçans. Ses principales attributions auraient été de contrôler les actes des ministres, d’émettre une opinion sur les propositions qui seraient faites par eux, d’examiner le budget des recettes et des dépenses. On entrevoit là une sorte d’assimilation aux chambres représentatives d’Europe, et telle a été la pensée des personnes sous l’inspiration desquelles ce remaniement devait être fait. On devait aussi créer dans les villages des espèces de municipalités, et dans les départemens des conseils départementaux, qui auraient été en rapport avec le ministre de l’intérieur, responsable devant le grand conseil, ainsi que tous les autres ministres. C’était placer en dehors de la surveillance immédiate du pacha tout le système agricole et industriel, constituer des corps indépendans, et une sorte de représentation politique. Mais tout cela a été formellement désapprouvé et rejeté par Mohammed-Ali, qui a senti que l’on touchait à son pouvoir. La composition du conseil continuera à appartenir au pacha ; ce sera toujours, comme par le passé, une réunion de personnes affidées, auxquelles il distribue les affaires, et dont il se sert pour surveiller, ordonner, activer le système politico-industriel. Ce n’est point proprement un conseil, c’est-à-dire une machine à délibération, ou même à vote consultatif ; c’est plutôt une pépinière d’agens, dont le pacha se fait suivre partout, et auxquels il assigne des rôles actifs ; ce sont autant de représentans en mission d’une petite convention dont le pacha est l’ame. Quant à la responsabilité des chefs des administrations, ce n’est pas chose nouvelle en Égypte ; mais c’est vis-à-vis du pacha que cette responsabilité existe, et c’est lui seul qui approuve ou blâme la conduite de ses mandataires politiques. Il les tient, en effet, dans sa main, non-seulement comme ministres, mais encore comme hommes, comme époux, comme fils d’adoption, comme créatures ; et certes il y a là des liens bien plus profonds, une responsabilité bien plus intime, bien plus fatale, que tout ce qu’ont pu imaginer les publicistes d’Occident.

On avait songé aussi à créer un budget officiel. Nous croyons que ce budget peut bien être une œuvre historique, comme celle que nous avons faite, mais non une œuvre d’aministration, de prévision. Le budget vivant, c’est le pacha ; sa volonté seule règle les dépenses et les recettes, et cette volonté varie selon les évènemens ; les recettes dépendent aussi des circonstances commerciales. Dans les différens ministères, il ne peut y avoir que des comptes, et non un budget. Ce sont ces comptes qui seront soumis à l’examen du conseil, comme ils l’ont au reste toujours été. Mais, attendu la mobilité et l’imprévu de la vie administrative, attendu la négligence et l’incurie des écrivains, ces comptes sont ordinairement de véritables hiéroglyphes ; et le pacha juge plutôt la bonne administration du comptable, plutôt par la connaissance qu’il a de l’homme, que par les chiffons de papier appelés en Égypte des comptes. Ce n’est que lorsqu’il a quelques doutes sur la probité de son agent, qu’il fait approfondir ces comptes, et l’on sait bien alors y découvrir les élémens d’une condamnation. Ainsi, en définitive, c’est le sentiment de la moralité de l’administrateur qui guide le pacha ; et les comptes ne servent guère qu’à occuper et faire vivre quelques écrivains cophtes. Tous les administrateurs dilapident, par conséquent, tous les écrivains sont inexacts ou infidèles ; mais quand cela n’excède pas certaines limites, l’administration égyptienne est dans son état normal.

Tout cet arrangement est tellement éloigné de la régularité européenne, que vouloir assimiler les choses par les noms, c’est faire de la logomachie, et rien de plus. Il semblerait au reste que le chiffre n’est pas absolument indispensable au monde administratif, puisque l’administration égyptienne marche bien sans le chiffre ; le coup d’œil d’aigle du pacha, et la connaissance profonde qu’il a de ses hommes, tiennent lieu de la donnée arithmétique. Le chiffre n’existe pas même dans la finance égyptienne, et le ministre de ce département vit au jour le jour, comme le fellah, sans savoir ce qu’il doit dépenser ou recevoir. Préoccupés du chiffre, les Européens ont cherché à élucider les mystères de l’administration égyptienne, en lui donnant une expression arithmétique. J’ai essayé un semblable travail, et j’ai dressé un budget, égyptien. Mais, je vous l’ai déjà dit, c’est une histoire, et non un budget. L’élément budgétaire entrera-t-il jamais dans l’administration égyptienne. Oui, sans doute ; mais, en y entrant, il n’en exclura point l’appréciation morale des individus. Pendant long-temps encore, cette face sera prédominante, et le chiffre sera subalternisé par le sentiment. Le laisser-aller panthéistique de l’Égyptien répugne à l’arithmétique administrative, le soleil des pyramides fond le chiffre, mais, en revanche, il illumine tellement l’instinct, qu’il devient bien plus pénétrant que le chiffre, et presque toujours aussi sûr.

D’après l’organisation la plus récente, l’administration égyptienne se compose de six grands départemens ou ministères. Le ministère de l’intérieur a dans ses attributions la police de surveillance, les marchés, les approvisionnemens, les corporations, la justice et le culte Le ministère de l’instruction publique renferme l’enseignement de l’agriculture, les haras et les bergeries, le génie, les travaux publics et les bâtimens, l’inspection des canaux, les télégraphes, les écoles et les imprimeries. Le ministère de la guerre comprend tout ce qui est relatif à la levée des régimens, leur instruction, à leur distribution, les expéditions à l’extérieur de l’Égypte, qui y tiennent garnison, les hôpitaux militaires, les fortifications. Le ministère des finances comprend les receveurs des contributions, les payeurs publics, la monnaie, la banque du Kaire. Le ministère de la marine a dans son ressort la construction des navires et les arsenaux, les troupes de mer et la flotte. Le ministère des affaires étrangères et du commerce a la direction des schounas, les apaltes et les douanes, les ventes de produits et les enchères, les rapports diplomatiques avec les consuls, et la correspondance avec l’Europe.

Au surplus, ces différentes formes, divisions et attributions administratives, sont peut-être déjà changées au moment où j’écris ; car, autant il y a d’uniformité dans l’aspect physique du pays, et dans les mœurs des classes inférieures, autant il y a d’instabilité et de mouvement au sommet de l’administration. C’est une mer dont la surface est agitée, tandis que la masse des eaux demeure immobile. Une bonne administration doit avoir de l’unité, de la régularité, comme aussi de la mobilité, de l’élasticité. Dans la constitution administrative comme dans l’architecture navale et urbaine, il faut marier la courbe à la droite, le défini à l’indéfini, la prévision à la soudaineté. L’indéfini et la soudaineté donnent aux administrations orientales de grands avantages ; les administrations européennes doivent les réintégrer en elles, sans perdre ceux qui résultent de la régularité et de la fixité. L’instrument administratif oriental est trop lâche ; ses pièces ont trop de jeu, se transforment et se substituent trop aisément mais il a une aisance, un à-propos, un Allah kérim qui plaît. Le corps administratif européen est bien plus parfait comme organisation, mais cette perfection elle-même, dépourvue d’inspiration progressive, lui donne l’apparence d’un modèle anatomique, plutôt que d’un être vivant. C’est Hercule au repos, ou plutôt c’est son anatomie. Il faut rendre à Hercule sa vie puissante, ses gigantesques travaux, sa protection pour le faible, sa générosité, sa soudaineté d’action. Alors la vie administrative ne sera point une fastidieuse répétition, ni une agitation désordonnée, mais une marche libre et régulière dans les domaines indéfinis du progrès social.


Auguste Colin.
  1. Il y a maintenant 75,000 hommes d’infanterie (20 régimens) ; chaque homme a une paie de 15 piastres par mois. L’infanterie de la garde a 25 piastres (2 régimens). – 10,000 hommes de cavalerie (13 régimens) ; 25 piastres par homme. – 6 régimens d’artillerie de 800 hommes ; 30 piastres par homme. – 12,000 hommes sur la flotte (marins et soldats), 15 et 20 piastres par homme. – 15,000 hommes d’infanterie et cavalerie turque irrégulière. – Plus de 40,000 Bédouins.
  2. École polytechnique 
    600
    École des ingénieurs des mines 
    150
    École des ingénieurs des ponts-et-chaussées 
    50
    École d’artillerie 
    600
    École d’infanterie 
    500
    École de cavalerie 
    400
    École préparatoire 
    1,150
    École d’administration 
    50
    École de médecine 
    700
    École vétérinaire 
    350
    TOTAL 
    4,500
  3. L’état n’est pas propriétaire selon l’acception que l’on donne en Europe à ce mot ; il règle seulement la nature des plantations et des cultures, et achète les récoltes des grands produits. Il est vrai qu’il donne l’investiture de la terre, quand elle se trouve sans cultivateurs-usufruitiers ; mais c’est un droit qu’ont tous les gouvernemens possibles ; car d’une manière ou d’une autre, il faut toujours que la possession se transmette. Au reste, le gouvernement égyptien n’est point assez injuste pour dépouiller le cultivateur du capital qu’il aurait créé sur sa terre. Ainsi, à l’exception des grandes concessions faites à quelques Européens, à quelques Arméniens et à quelques Grecs (concessions dont la condition première est la restitution de la terre au bout d’un certain laps de temps, dans l’état où elle se trouvera), si le cultivateur égyptien veut vendre sa terre avec le capital immobilier qu’il y a créé, il le peut, et le gouvernement ne met aucun obstacle, n’impose aucun droit, à ces sortes de transactions, pourvu que les terres soient cultivées comme il l’entend, et qu’on lui cède les récoltes au prix fixé par lui. L’état ne donne la possession des terres que lorsqu’elles sont sans cultivateurs, ou que les cultivateurs ne savent pas ou ne veulent pas les cultiver ; mais, comme il y a encore en Égypte six millions de feddans cultivables, vous voyez que l’état a de la marge pour faire des concessions et donner des investitures.
  4. On avait proposé au pacha d’établir de forts droits à l’exportation, et de laisser libres la culture et la vente des produits ; mais le pacha a très bien senti : 1o  que l’ensemble du travail agricole avait besoin d’être réglé et ordonné, et que, si l’on abandonnait le fellah à lui-même, il se laisserait aller à l’incurie et à la paresse, et ne planterait que des fèves et du doura ; 2o  que, par conséquent, les droits à l’exportation deviendraient illusoires et impossibles ; 3o  que, quelque élevés que fussent ces droits, il n’équivaudraient pas aux bénéfices faits sur la vente des produits, et exciteraient en pure perte les plaintes du commerce, qu’ils gêneraient et entraveraient nécessairement ; 4o  qu’il faudrait ajouter à tout cela les inconvéniens de la contrebande, plus difficile à réprimer (car elle serait faite par des Européens) que la vente frauduleuse des produits, que l’on peut regarder comme presque nulle ; car, en vérité, les fellahs ne sauraient trop à qui s’adresser pour vendre leurs cotons ou leurs indigos.
  5. À l’exception des filatures, les fabriques d’Égypte ont pour objet la confection du matériel militaire. Il semble que l’on n’ait appelé l’industrie d’Europe que pour la mettre au service de la guerre. C’est un reproche que l’on peut adresser à Mohammed-Ali ; mais il répond que son système militaire lui a été indispensable, à l’intérieur comme à l’extérieur, pour lancer l’Égypte, et avec elle l’Orient, dans la carrière du progrès moderne.