Lettres inédites de Jean-Jacques Rousseau/02

Lettres inédites de Jean-Jacques Rousseau
Revue des Deux Mondes5e période, tome 47 (p. 563-595).
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LETTRES INÉDITES
DE
JEAN-JACQUES ROUSSEAU[1]

II


A Madame de Lessert, née Boy de la Tour, à Lyon.


A Paris, 27 mars 1771.

Enfin, chère cousine, je puis vous écrire. Une fraude des facteurs, qui s’entendaient avec je ne sais qui, arrêtait le cours de mes lettres à la poste. Cette fraude vient d’être reconnue, et l’on m’a promis que pareille chose n’arriverait plus à l’avenir. Ainsi nous pouvons nous écrire en droiture comme auparavant. J’en suis d’autant plus aise que, depuis la lettre de vous que me remit M. d’Escherny, je n’ai plus reçu aucune nouvelle ni de vous ni de votre maman, quoique M. Du Peyrou lui ait adressé une lettre pour moi qui ne m’est point parvenue et dont je n’ai ouï parler d’aucune façon que par l’avis que m’en a donné M, Du Peyrou. Il me semble pourtant que la situation où je vous ai laissée et mon attachement pour vous, dont vous ne pouvez douter, exigeaient de temps en temps quelque nouvelle de votre état, et quoique la correspondance directe fût suspendue, vous aviez tant d’occasions sûres l’une et l’autre de me faire passer quelque mot, qu’un silence si absolu et si général n’a pu que m’alarmer extrêmement. Le retour de M. de la Tourrette m’a fourni le moyen d’écrire à votre maman, et je compte qu’avant que vous receviez cette lettre, elle aura déjà reçu la sienne. Mais comme je n’avais pas encore eu l’éclaircissement que la visite d’un de ces messieurs des Postes a occasionné, je n’ai pu dans cette lettre lui donner l’avis que cette voie était rouverte ; je vous prie d’y suppléer.

Je la prévenais dans la même lettre qu’ayant contracté ici des dettes pour me mettre dans mes meubles, je me voyais forcé, pour y satisfaire et pourvoir à mes besoins, de retirer l’argent qui restait entre les mains de monsieur votre frère et que j’avais compté laisser à ma femme, si j’avais pu pourvoir à notre entretien d’une autre façon. Je vous prie, si la lettre n’est pas encore parvenue, de vouloir bien prévenir monsieur votre frère de cet article et le prier de me faire passer cet argent en tout ou en partie à la Saint-Jean, en m’en prévenant d’avance par un petit mot d’avis, afin que je fasse mes arrangemens.

Hâtez-vous, chère cousine, je vous en supplie, de me tirer de l’incertitude où je suis sur votre état présent et des alarmes que me donne le silence de votre maman et de tous les vôtres. Comme vous êtes à portée d’avoir des nouvelles de ma pauvre tante, je vous prie aussi de vouloir bien m’en procurer. Vous avez bien voulu vous charger d’avoir pour elle cette année la même bonté que la précédente. Vous devez vous préparer au même embarras pour l’année prochaine, car tant que Dieu me la conservera, je me priverai plutôt du nécessaire que de laisser même arriérer jamais ce léger tribut de ma reconnaissance et de mon tendre attachement pour elle. Cela me fait penser à déduire les cent francs jusqu’à l’année prochaine, de l’argent que monsieur votre beau-frère me fera tenir, pour vous les remettre ; afin qu’ainsi ces cent francs soient tout portés. C’est de quoi vous m’obligerez de le prier de ma part.

Bonjour, chère cousine, j’attends avec impatience de vos nouvelles. Ma femme vous embrasse de tout son cœur. Bien des salutations à M. de Lessert ; j’embrasse vos chers enfans, votre bonne maman, tous les vôtres, et mon excellente cousine par-dessus tout.


A Madame de Lessert, née Boy de la Tour, à Lyon.


À Paris, 13 août 1771.

Il n’y a point de joie pure en cette vie. Celle que m’a donnée votre lettre l’eût été, chère cousine, si le cruel accident de votre pauvre enfant ne l’eût empoisonnée[2]. Rien peut-être ne m’a fait mieux sentir la solidité de votre vertu que la manière simple dont vous m’avez narré ce malheur, à moi qui sais si bien à quel point votre cœur maternel en a été transpercé. Quelle différence de ce langage modéré d’une âme trop sensible qui sent sa faiblesse, qui la cache et voudrait la surmonter, à ces convulsions de comédiennes qu’affectent à tous propos ces femmes qui ne sentent rien ! Il est presque impossible qu’où est la vraie sensibilité ne soit aussi le vrai courage, puisque la même chaleur d’âme produit également l’un et l’autre. C’est là votre cachet, ma respectable amie, dans un siècle où tout est joué, surtout de la part des femmes ; vous seule suivez la nature soumise aux lois du devoir et de la raison. J’espère aussi que la Providence vous mesurera toujours les épreuves sur vos forces et vous donnera plus d’alarmes à vaincre que de malheurs à supporter. Je ne doute point, par votre lettre et celle de votre maman, que le pauvre enfant ne soit maintenant sur pied sans qu’il reste aucune trace de sa chute, les fractures se réunissant mieux et plus solidement à son âge que dans un âge plus avancé.

Mais je crains de cet accident un inconvénient plus durable, par les précautions dont vous allez entourer vos enfans, si vous ne faites attention que, quelque soin qu’on prenne, il est impossible de prévenir tout accident, et qu’il faudrait empêcher un enfant de marcher jamais si l’on voulait s’assurer qu’en tombant de sa hauteur il ne se cassera ni la jambe ni la cuisse. Puisque toutes vos précautions ne sauraient prévenir tous les accidens, exercez vos enfans à les supporter en leur donnant une bonne constitution, en les exposant sans crainte à l’air et à la fatigue. S’ils se blessent quelquefois, du moins ils n’en mourront pas ; plus délicatement élevés, ils éviteraient peu des mêmes atteintes, et ne les supporteraient pas si bien ; mais exposés à des multitudes d’autres par les intempéries de l’air, ils seraient à chaque instant de leur vie en proie à des périls dont vous les garantirez pour toujours. Ne pouvant les rendre invulnérables, rendez-les robustes et sains. Voilà tout ce qui dépend de la sagesse humaine. Ainsi je vous exhorte à ne vous point laisser ébranler par les sots discours, dont je sens la bêtise et dont je connais la source.

Vous n’aurez pas de peine, chère cousine, à rassurer un cœur dont vous chérir et vous honorer est devenu partie de l’existence, et qui, trop effarouché par des trahisons sans exemple, avait conçu des craintes plutôt que des soupçons, et qui vous les manifestait plutôt avec l’humeur d’un enfant qui boude qu’il ne les nourrissait en secret comme un homme défiant. Vous en avez effacé jusqu’à la moindre trace, et je n’ai plus d’autre tâche à remplir sur cet article, tant envers vous qu’envers votre mère, que celle de vous faire oublier mes torts. Jusqu’à mon dernier soupir je nourrirai pour vous les mêmes sentimens que vous m’avez inspirés dès notre première connaissance, que depuis votre mariage votre conduite a si bien justifiés et qui, dans tous les temps, je le proteste, furent encore plus fondés sur votre caractère et sur vos vertus que sur votre esprit et vos charmes.

Je vous remercie, chère cousine, de la peine que vous avez prise de faire passer à ma digne tante sa petite rente ; je vous prie d’avoir la même bonté pour elle et pour moi l’année prochaine, et j’ai prévenu pour cela monsieur votre frère, qui vous remettra les cent francs. Vous m’obligerez de me donner quand vous pourrez de ses nouvelles ; je me réjouis de continuer d’en apprendre de bonnes. Puissé-je ne compter jamais parmi mes malheurs celui de lui survivre, afin qu’une famille qui s’est toujours distinguée dans sa sphère par des sentimens d’honneur ne s’éteigne que dans celle qui l’a le plus honorée !

Vous me marquez que madame votre mère n’a point reçu la lettre que j’avais remise pour elle à M. de la Tourrette. Lui-même ne m’a plus écrit depuis ce temps-là. Il y a là quelque chose qui me passe. La lettre de votre maman de même date que la vôtre ne m’est parvenue que douze jours après. Je trouve plaisant que vous ayez affranchi la vôtre. Croyez-vous que c’est de vos lettres que le port me coûte à payer ?

Donnez-moi de vos nouvelles et tirez-moi tout à fait d’inquiétude sur votre enfant. Mes salutations à M. de Lessert. Recevez celles de votre ami et de sa femme, qui n’oubliera jamais vos bontés pour elle.


[A Madame de Lessert, à Lyon.)


A Paris, 20 octobre 1771.

J’ai déjà relu bien des fois, chère cousine, votre dernière lettre : elle fait couler dans mon âme toute la sérénité de la vôtre ; vous me peignez votre bonheur de manière à m’en faire jouir, je vous vois au milieu de vos enfans goûtant tous les plaisirs attachés aux devoirs de mère, et je crois en les partageant retrouver tout ce que j’ai perdu. C’est bien de vous, cousine, qu’on peut dire que vous écrivez comme un ange, et j’en sais bien la raison. Je me suis bien douté que quand la cuisse de votre aîné serait parfaitement remise, il resterait encore chose à réparer. Mais à son âge et avec votre vigilance, je suis sûr que tout se remettra bientôt également, et qu’il ne boitera ni de l’esprit, ni du corps. Cependant, j’approuve fort que sentant à votre faible, vous redoubliez d’attention sur vous-même et qu’en tout ce que la raison demande vous songiez toujours que vos enfans jouiront quelques instans de vos complaisances et toute leur vie de vos refus.

Vous aviez bien raison de penser à moi chez la maman : combien de fois mon cœur se transporte au milieu d’une société si charmante et qui m’est si chère ! combien de fois, dans mes promenades solitaires, je transporte avec moi ma cousine dans ce monde idéal dont je m’entoure et que je peuple d’êtres selon mon cœur[3] ! J’avoue même que tante Julie y tient bien aussi quelquefois sa place et n’y gâte rien.

Vous me transportez en m’apprenant que mon verbiage de corolles et de plantes ne vous a pas trop ennuyée, et que déjà notre petite botaniste s’en occupe[4]. Tant que cela ne l’ennuiera pas, nous continuerons, et je me propose de vous envoyer une seconde lettre sur la même matière avec celle-ci[5], et de continuer de même de tems à autre. Car quoique vous ne puissiez entendre et lire ces lettres que dans leur saison, il n’est pas mal que vous les ayez d’avance pour ne pas manquer les occasions. Je dois à tante Julie un petit échantillon d’herbier que je n’ai pu préparer encore ; mais je tâcherai de réparer en partie cette négligence, et quand vous serez en doute des plantes dont j’aurai à vous parler dans la suite, ce petit recueil vous aidera pour celles qui pourront s’y trouver.

Je n’ai eu le plaisir de voir qu’un instant monsieur votre beau-frère, et il m’a laissé l’inquiétude d’une foulure au bras qu’il s’était faite, et dont je ne puis savoir des nouvelles que quand il m’en apportera, parce qu’il n’a pas voulu me laisser son adresse. Je prépare à tout événement cette lettre et celle qui doit l’accompagner, afin de pouvoir les lui remettre s’il ne vient que pour m’annoncer son départ. Adieu, chère cousine, recevez les plus tendres salutations d’un couple qui vous honore et qui vous porte dans son cœur.

J. J. R.

Mes salutations à votre cher mari. Quoique vous passiez une partie de l’hiver à Fourvière, vous ne resterez pas tout ce temps sans voir la maman. Parlez-lui souvent, je vous prie, des sentimens dont vous me savez pénétré pour elle ainsi que ma femme, qui n’oubliera jamais ses bontés. J’attends avec impatience les nouvelles que vous me promettez de ma respectable tante. Je ne vous remercie plus de vos soins pour elle et pour moi, sachant que l’amitié dédaigne les remerciemens et met un autre prix à ses soins.


A Madame de Lessert, née Boy de la Tour, à Lyon.


A Paris, le 6 décembre 1771[6].

J’ai reçu, chère cousine, le très petit sac de marrons que vous m’avez envoyé. Il faut qu’il y ait eu quelque quiproquo dans l’envoi, car celui que j’ai reçu est un très grand sac d’une pesanteur énorme. En attendant l’explication, je vais toujours alléger le sac d’une partie de son contenu en en mangeant autant qu’il me sera possible pour ne pas entasser des indigestions. Je reçois vos cadeaux et ceux de votre bonne maman avec le même cœur que vous mettez à leurs envois[7], mais il me semble pourtant que s’ils étaient plus proportionnés à la consommation de mon ménage, ils me feraient encore plus de plaisir.

Je ne comprends pas, chère cousine, ce que monsieur votre beau-frère a pu vous dire de mon logement pour exciter là-dessus votre commisération. Mais je puis vous assurer que ce logement, quoique fort petit et fort haut, est fort gai, fort agréable, qu’il paraît charmant à tous ceux qui me viennent voir, et que je n’en ai jamais occupé aucun qui fût plus de mon goût. Loin d’avoir à me plaindre de la manière dont je suis actuellement, j’en bénis le Ciel chaque jour davantage ; quand j’aurais cent mille livres de rente, je ne voudrais être ni logé, ni nourri, ni vêtu autrement que je ne suis, et le seul vœu qui me reste à faire à cet égard est d’achever mes jours dans la même situation, sans monter ni descendre ; c’est à peu près celle où je suis né et pour laquelle j’étais fait ; on ne pourrait m’en assigner aucune autre dans laquelle je ne vécusse beaucoup moins heureux.

Je finis ma lettre à la hâte, me réservant de vous écrire plus à mon aise quand j’aurai moins d’embarras. Recevez les tendres salutations de deux cœurs qui vous aiment, et faites-les aussi à tout ce qui vous est cher.


A Madame de Lessert, née Boy de la Tour, à Lyon.


A Paris, le 28 avril 1772.

La joie, chère cousine, que m’a donnée la réception de votre lettre, a été un peu mêlée d’inquiétude sur le sort de celle que j’avais écrite à votre maman quelques jours auparavant ; je crus d’abord qu’elle s’était croisée avec la vôtre, mais continuant à n’y recevoir aucune réponse, je crains qu’elle n’ait eu le sort de plusieurs autres et qu’elle ne soit égarée. J’ai éprouvé depuis longtemps que ma correspondance avec votre maman était sujette à des accidens intermédiaires qui n’avaient pas également lieu dans celle entre vous et moi. Je vous avoue que l’incertitude du sort de mes lettres ajoute beaucoup à ma paresse à écrire, et que, pour éviter désormais cet inconvénient où je l’ai particulièrement éprouvé, je voudrais que vous me permissiez de vous adresser les lettres que j’écrirai à la maman, que vous voulussiez bien les remettre vous-même et vous charger de la même manière de mes réponses.

Il y avait tant de rapport entre nos idées quand nous écrivîmes nos lettres, qu’on dirait que la vôtre répond à la mienne, surtout par les détails où vous entrez sur tout ce qui vous est cher. Je demandais même si vous persistiez à vous amuser de l’observation des plantes, et vous répondez encore à cela. J’en ai rassemblé quelques petits échantillons pour être envoyés à ma tante Julie, et je demandais si, par hasard, il se trouverait ici quelqu’un à qui je pusse remettre le petit paquet. Voilà sur quoi je n’ai point de réponse, et comme je ne sais pas dans quel temps s’exécutera le voyage de Suisse dont vous me parlez, je suis incertain si je ne dois point vous adresser le paquet à vous-même, afin que vous puissiez le recevoir en l’absence de votre sœur.

Je me réjouirais fort de ce voyage par l’amusement qu’il doit procurer à madame votre mère, si je n’étais contristé par ce qui le rend nécessaire. Je la croyais tout à fait rétablie de ses maux d’estomac, et le bon état où je l’ai vue à Lyon m’en faisait espérer la durée. Je crois au reste qu’elle prend un bon parti, et outre l’effet qu’elle attend des eaux, j’en attends un non moins bon du voyage. Je vous prie, chère cousine, de vouloir bien durant son absence me donner de ses nouvelles avec des vôtres et m’instruire du succès de ce voyage pour sa santé ; ou, pour mieux dire, ce n’est pas moi qui vous en prie, mais j’accepte avec empressement l’offre que vous m’en faites.

Je suis fort aise que ma belle grand’maman reste auprès de vous. Une sœur telle que vous est pour elle une véritable mère ; je ne doute point qu’elle ne trouve dans votre attachement pour elle autant de douceur que d’utilité, et que vous soulageant dans vos soins maternels, elle ne s’applique à rendre à vos enfans tous ceux que vous prenez d’elle. Je suis plus réjoui que surpris des progrès avantageux de votre fille, mais je suis édifié jusqu’à la surprise de la fermeté que vous avez enfin ajoutée à votre zèle, en faveur de votre dernier nourrisson[8]. Continuez avec le même courage, et songez toujours, même avec votre fille, qu’il faut savoir élaguer quelques fleurs de l’enfance pour amener de bons fruits à maturité.

Ce qui a cinq pétales et beaucoup de petites étamines est sans contredit de la famille des rosacées, dont nous parlerons en son temps ; mais une si courte description ne suffit pas pour déterminer le genre et l’espèce. Cependant, si la fleur est jaune, comme je le soupçonne, je puis vous dire que c’est une renoncule des prés. Mais je ne veux pas anticiper ici sur la troisième lettre que je vous destine sur la botanique et que vous pouvez attendre dans peu[9].

Bonjour, chère cousine ; recevez mes remerciemens au sujet de ma bonne tante, les plus tendres salutations de ma femme, et faites agréer les miennes à votre cher mari.

Ce n’est pas encore le temps de faire lire les fables de La Fontaine à votre fille[10] ; mais de peur que vous ne vous en pourvoyiez d’avance, je vous préviens que j’en ai ici un exemplaire qui lui est destiné.


A Madame de Lessert.


[Paris] 30 août[11][1712].

Lorsque vous me proposâtes, chère cousine, de vous donner la connaissance de quelques plantes pour l’amusement de vos enfans, je jugeai qu’on pouvait leur rendre cet amusement utile par une étude un peu méthodique qui les accoutumât peu à peu à l’attention, à l’observation et surtout au bon raisonnement. Au lieu qu’une simple nomenclature qui ne chargerait que leur mémoire, ne les amuserait pas longtems, serait bientôt oubliée, et ne leur serait d’aucun profit après cet oubli. Je commençai donc par tâter leur goût et le vôtre par quelques notions générales des parties de la fructification où résident les caractères les plus essentiels et les plus constans des plantes et par lesquels on vient le mieux à bout de les classer. Je vous offris pour premiers objets cinq ou six familles des plus nombreuses et des plus saillantes du règne végétal et je tâchai d’accoutumer vos yeux à démêler et distinguer leurs parties essentielles en attendant que vous y pussiez reconnaître cet air de famille qui les distingue même sans fructification, mais qui ne frappe que les yeux suffisamment exercés.

A la distance où nous sommes les uns des autres, ne pouvant vous montrer les objets dont il s’agissait, je cherchais à vous les indiquer de façon que vous pussiez les trouver vous-même, mais je ne tardai pas sentir que cette indication avait de plus grandes difficultés que je n’avais prévu ; que quelque communes que fussent les plantes d’où je tirais mes exemples, je n’étais point sûr que vous les connussiez, ni, quand vous les connaîtriez, que ce fût sous le même nom que j’employais à les désigner, ni enfin qu’elles se trouvassent sous votre main au moment où vous en auriez besoin pour m’entendre. Je tâchai d’obvier à toutes ces incertitudes par le nombre, espérant que, parmi tout ce que je vous nommais, il se trouverait du moins quelque chose que vous pourriez examiner ; je n’ai jamais su si j’ai réussi quelquefois, et je suis par exemple encore en doute si vous connaissez une seule ombellifère.

Voilà, pour commencer l’étude de la botanique (car je ne vous dissimulerai pas que vous n’en êtes encore qu’aux préliminaires), une difficulté qu’il faut lever de manière ou d’autre. J’ai pensé pour cela à vous proposer de commencer un herbier pour votre usage, et de m’envoyer un échantillon de chaque plante que vous y feriez entrer. Chaque plante que vous m’envoyez et que je vous suppose bien connue, par des observations attentives et réitérées, me fournit, en vous en envoyant le nom, un moyen certain de me faire entendre sans équivoque lorsque j’aurai à vous parler de quelque chose appartenant à la structure de cette plante. Mais ce moyen devient d’une extrême longueur, tant par le peu de temps que vos occupations vous permettent de donner à cet amusement, que par le grand soin que vous donnez à l’échantillon que vous m’envoyez. Au lieu de le coller aussi proprement que vous faites, il suffisait de m’envoyer un rameau desséché et non collé, qui eût feuilles et fleurs ; quand même il serait un peu chiffonné, je viendrais bien à bout pour l’ordinaire de débrouiller tout cela. Mais votre extrême soin nous éloigne du but : car voilà seulement dix plantes que vous m’avez fait passer jusqu’ici. Il faut que vous en connaissiez au moins deux cents de vue et par leurs noms afin que nous puissions nous entendre, et peut-être en connaissez-vous bien autant tant dans les jardins que dans la campagne, mais faute de savoir quelles elles sont, je suis là-dessus comme si vous n’en connaissiez réellement que les dix que je vous ai nommées. Je ne puis donc tirer mes exemples que de celles-là jusqu’à ce que je sois plus instruit de vos progrès, et il n’est pas possible d’aller en avant sur un fond aussi mince.

Ce n’est pas que j’aie changé d’avis sur la nomenclature ; je ne la crois pas plus utile que quand je vous en ai parlé à la botanique qu’on veut étudier de soi-même ; mais, encore une fois, pour s’entendre avec quelqu’un qui est absent, il faut bien convenir des noms qu’on donne aux objets dont on parle. Ce n’est pas en vain que je vous donne ceux de Linnaeus, quoique latins. Ce sont les seuls admis dans toute l’Europe et par lesquels on est sûr de s’entendre avec les botanistes de toutes les nations. Avant lui, chaque botaniste avait ses noms qui, presque tous, étaient de longues phrases ; il fallait savoir tous ces noms pour s’entendre avec eux ou avec leurs disciples, ce qui faisait un tourment pour la mémoire à pure perte pour la science. Les noms français sont sujets au même inconvénient ; chaque province a les siens, chaque état, chaque métier a les siens, tous différens les uns des autres. Vous avez déjà vu que le Mouron des bonnes femmes et celui des herboristes sont deux plantes différentes. Il en est de même du Talitron des herboristes et du Thalictrum des botanistes, de la Coquelourde des jardiniers et de celle des herboristes, de l’Argentine des fleuristes et de l’Argentine des paysans, du Trifolium des mêmes fleuristes et de celui des cultivateurs. Enfin, tout n’est que confusion dans les noms donnés au hasard et qui ne sont point imposés avec méthode. Il faut donc nécessairement connaître ceux de Linnaeus pour lever dans l’occasion l’équivoque des noms vulgaires : mais ce n’est pas à dire qu’il, faille avoir ces noms à la bouche hors les cas où ils sont nécessaires. Au reste, la prononciation n’en est pas toujours aussi difficile que celle de ce terrible Chrysanthemum qui vous a si fort effarouchée. Encore ôtez les deux h qui ne servent que pour l’orthographe et n’entrent point dans la prononciation : vous verrez que ce même mot crisantémum n’est pas si rude à prononcer qu’il vous a paru d’abord.

Je reviens, chère cousine, à ma difficulté. Il faut absolument que vous parveniez à connaître de vue et par leurs noms environ deux cents plantes et que je sache quelles elles sont, pour que je puisse, avec succès et plaisir pour vous, vous parler de botanique. Autrement, mes détails abstraits ne feront que vous ennuyer quand vous n’en verrez pas l’application. Pour étudier utilement et agréablement la nature, il faut avoir ses productions sous les yeux.

Mon intention est bien de faire un herbier à notre petite jardinière : mais outre qu’il prendra du temps, son usage sera de lui conserver le souvenir des plantes qu’elle aura connues, mais non pas de les lui faire connaître. Il faut donc mettre un peu plus de diligence dans vos envois, ou vous aider de quelque jardinier ou apothicaire qui vous montre et nomme le plus de plantes qu’il se pourra. Je me suis tellement perdu dans mon bavardage qu’il ne finit qu’avec mon papier. Je ne vous dis donc rien pour aujourd’hui de vous, ni de moi, mais je charge votre cœur d’être l’interprète du mien.


[A Madame de Lessert.]


A Paris, le 11 octobre 1772.

C’est à moi, chère cousine, bien moins occupé que vous, ou du moins d’occupations bien moins respectables et chères, à me reprocher ma négligence ; mais pour ne pas revenir toujours au même préambule, je me livre sans excuse à la censure que je mérite, me contentant de vous répéter avec vérité que vous n’avez point cessé et ne cesserez jamais d’être présente à mon cœur et à ma mémoire. Vous ne doutez pas non plus, je l’espère, du tendre intérêt avec lequel j’apprends l’état dans lequel vous rentrez, état qui devient un fléau pour tant d’autres femmes, mais qui n’est pour vous qu’une nouvelle bénédiction du Ciel et par lequel vous éprouverez un jour qu’une nombreuse famille bien élevée est la richesse ainsi que la gloire de la femme forte. Ma pauvre femme vous en félicite en soupirant ; elle dit que ce sont des gages que votre mari vous laisse de son amour à ses départs pour Beaucaire. Choyez-le bien, ce précieux gage, afin que tout aille comme par le passé, c’est-à-dire aussi bien qu’il est possible[12].

J’ai su l’accident de votre maman par monsieur votre oncle, qui me vient voir quelquefois et m’apporte de ses nouvelles et des vôtres ; j’ai su que cet accident l’avait retenue assez longtemps dans son lit à Yverdon, ce qui était bien triste et pour elle et pour ma pauvre tante ; j’ai aussi appris sa guérison et son voyage de Rolle ; il ne me manque plus, pour achever de me rassurer, que d’apprendre son heureux retour auprès de vous. Pour tante Julie, je ne vois pas sans quelque peine qu’elle n’aura pas sitôt besoin de lacet[13], mais je me réjouis pour sa bonne maman de ce qu’elle la conserve encore auprès d’elle, et pour elle et pour vous de ce que vous aurez bientôt le plaisir de vous embrasser ; j’apprends aussi le retour de monsieur votre frère ; ce vous doit être une satisfaction bien douce, surtout dans la circonstance où vous êtes, de voir derechef toute votre famille rassemblée et empressée autour de vous.

Mon travail journalier a fait depuis quelques mois et fera vraisemblablement tout l’hiver une grande diversion à la botanique. L’ouvrage, qui, durant près de deux ans, ne venait qu’avec peine, m’est venu tout d’un coup en abondance et assez à propos[14]. Cela fait que, pour ne rebuter personne et parce que la chose l’exige, j’ai pris le parti de m’y livrer tout entier, et c’est une des causes qui m’ont fait cesser toute correspondance, en sorte que je n’écris plus du tout : car après avoir bien griffonné de la musique, écrire encore n’est pas un délassement. Cela m’a fait suspendre aussi nos petites conférences de botanique ; car tant qu’elles vous amuseront, je n’y renoncerai jamais. J’ai vu d’ailleurs que les ombellifères, comme je l’avais prévu, vous ont un peu embarrassée ; voilà encore une raison pour renvoyer de quelques mois notre sixième famille ; car il vaut infiniment mieux s’arrêter que d’avancer en confusion.

D’ailleurs cette station ne sera pas tout à fait perdue, vos enfans en digéreront mieux le petit acquis qu’ils ont déjà, si vous en causez avec eux quelquefois, et peut-être avant que l’hiver se passe, pourrai-je encore trouver quelque chose à vous dire qui ne demandera pas la présence des objets. Je ne suis pas surpris que vous ne distinguiez pas aisément une ombellifère d’une autre, car cela est souvent très difficile ; mais leur caractère général est si marqué, qu’il se fait sentir au premier coup d’œil. Cela me fait soupçonner que, n’ayant point encore rencontré d’ombellifère, vous n’avez pu vous en bien représenter la figure.

Cette idée me fait prendre le parti de vous envoyer ci-jointe une ombelle en nature, afin d’en peindre la figure générale à votre imagination. Celle que je vous envoie est une ombelle de carotte sauvage très commune dans les prés. Je l’ai choisie très petite pour la pouvoir placer commodément dans une lettre ; mais elle ne laisse pas dans sa petitesse de contenir toutes les parties caractéristiques des ombellifères. Grande ombelle, petites ombelles, grand involucre, petits involucres, et même les fleurs, dans quelques-unes desquelles, toutes petites qu’elles sont, vous pouvez, même à l’œil nu, distinguer et compter aisément les cinq pétales, etc. Il me semble que d’après ce seul modèle bien examiné, vous ne pouvez guère méconnaître d’autres ombelles quand elles vous tomberont sous les yeux. Adieu, chère cousine, mes salutations à M. de Lessert et nos tendres embrassemens à toute votre chère progéniture, ainsi qu’à l’aimable Emilie. Vous connaissez, du moins je m’en flatte, de quel cœur nous vous embrassons vous-même. Adieu derechef.

J.-J. ROUSSEAU.


Vous pouvez, en ôtant les brides, détacher, si vous voulez, l’ombelle du papier, pour l’examiner plus à votre aise. Vous y verrez bien clairement à la loupe le fruit à demi formé, et déjà hérissé des pointes dont la graine de carotte est garnie[15].

Vos fables de La Fontaine sont toujours ici par ma négligence à les emballer et les envoyer à vos correspondans, dont la demeure est un peu loin d’ici. Si par hasard vous aviez la facilité de les faire prendre, vous m’épargneriez de l’embarras, et je vous en serais très obligé.


A Madame de Lessert, née Boy de la Tour, à Lyon.


A Paris, le 5 décembre 1772.

Enfin, chères cousines, je me suis évertué, et, triomphant de mon indolence toujours croissante, je suis allé hier chez messieurs Zolicoffre, et j’ai remis vos Fables de La Fontaine au même à qui j’avais parlé précédemment, lorsque je fus la semaine dernière les prier de se charger de cet envoi. Il m’a promis de vous les faire parvenir emballées et franches de port. Je n’ai osé les faire relier, dans la crainte que vous ne m’en sussiez mauvais gré. Je vous conseille même de ne les faire relier vous-même que quand vous les aurez bien feuilletées avec vos enfans. Alors cet ouvrage battu et relié reprendra un tout autre air, les feuilles perdront le grippé qui s’y est fait par ma négligence, et l’encre ayant eu le temps de bien sécher, les estampes ne maculeront pas à la reliure. Je n’ai pas besoin, je crois, de vous prévenir que je n’ai pas acheté-ce livre ; c’est un présent que je n’ai accepté que pour le rendre utile entre vos mains.

J’ai appris dans ce voyage que la perte d’un de ces messieurs, à laquelle je prends part comme à tout ce qui vous intéresse, engagerait peut-être votre cher époux à faire en ce pays un second voyage. Si cela est, et qu’il veuille bien se souvenir de moi, je gagnerai à ce malheur le plaisir d’apprendre bien en détail de vos nouvelles, qui m’intéressent encore plus en ce moment, s’il est possible, vu la situation où vous vous trouvez. Vous avez maintenant auprès de vous votre excellente maman, bien rétablie, à ce que j’ai appris avec grande joie. J’espère que vous ferez quelquefois mention de moi avec cette chère amie et avec mon aimable tante. Parlez-moi de ce retour, de vos enfans, de toute votre famille et de tout ce qui vous touche ; il me semble que j’ai plus faim qu’à l’ordinaire d’une lettre de vous. Vous ne tarderez pas à en recevoir de moi une seconde ; car celle-ci, qui n’est qu’une lettre d’avis, ne doit entrer en ligne de compte que comme l’annonce d’une plus étendue que j’espère vous écrire dans peu.

Bonjour, belle et bonne nourrice ; vous avez raison de ne vous pas laisser chômer d’ouvrage dans un métier dont vous vous acquittez si bien. Ma femme vous embrasse mille fois. Elle a toujours le cœur plein de vous, et de la course j’ose dire indiscrète que le zèle de l’amitié vous fit faire avec elle et dont nous parlons bien souvent.


A Madame de Lessert, née Boy de la Tour, à Lyon.


A Paris, le 26 avril 1773.

J’ai eu hier le plaisir, chère cousine, de passer la journée avec votre cher mari, que j’ai trouvé plein de complaisance et de gaîté, et jouissant de la santé la plus prospère. Il a voulu lui-même apporter à ma femme le précieux cadeau que vous lui annonciez si modestement dans la lettre pleine d’amitiés et de bontés que vous lui avez écrite. Je me suis fait son secrétaire auprès de vous pour vous faire ses plus tendres remerciemens, conjointement avec mes reproches. En vérité, vous abusez beaucoup de l’autorité absolue que vous avez sur l’un et sur l’autre, et si l’amitié qui est entre nous vous portait à vouloir faire quelque cadeau à ma femme, en le rendant moins magnifique, vous l’auriez rendu plus amical. Toutefois, la douce idée de marcher sous vos enseignes et de porter votre uniforme le lui fera porter avec autant de plaisir que de reconnaissance, et si jamais nous sommes assez heureux pour revoir la personne que nous honorons et chérissons le plus au monde, j’espère qu’elle pourra se montrer à vous parée de votre don. Je n’ajouterai rien sur le choix et sur la couleur. Ce choix est de vous, c’est tout dire, et il y a longtemps que je sais qu’il y a autant de noblesse dans votre goût que dans votre cœur.

Adieu, chère cousine ; puisque vous voilà à Fourvière, vous y recevrez dans peu la lettre de botanique[16]que je vous ai ci-devant annoncée. Nous embrassons l’un et l’autre le cher et charmant groupe qui vous entourait au moment que vous écriviez votre lettre ; et au milieu de cette image touchante, que nos cœurs ne contemplent point sans émotion, brille d’un éclat aussi pur que vif celle qui en est l’auteur et le centre.


A Madame de Lessert, née Boy de La Tour, à Lyon.


A Paris, 9 août 1773.

J’ai reçu, chère cousine, de vos nouvelles bien à propos ; car je commençais d’être inquiet, et vous n’auriez pas tardé de recevoir des miennes. C’est avec un plaisir bien pur que je les reçois en apprenant que tout va bien tant chez vous que chez la maman, et que vous faites entrer pour quelque chose dans vos souvenirs avec elle et vos aimables sœurs un homme qui vous sera toute sa vie tendrement attaché. Il y a bien du bon sens à des personnes comme elles, faites pour exciter tant d’empressement, d’en avoir si peu elles-mêmes pour un changement d’état qui, malgré l’aspect riant auquel il s’offre à leur âge, expose à tant de chances contraires pour une favorable qu’on cherche, et qu’on trouve si rarement. Quelque bonheur qu’elles méritent et qu’elles aient lieu d’espérer dans le mariage, je suis persuadé qu’elles se rappelleront toujours avec plaisir et quelquefois avec regret les jours doux et paisibles qu’elles passent à rendre heureux ceux de leur digne mère.

Après leur en avoir si bien donné l’exemple, vous vous en ménagez de loin la récompense en préparant le cœur de votre fille à vous imiter. L’attention que vous avez eue d’aller au-devant de la louange qu’elle allait s’attirer en nommant une papilionacée est un soin dont je sens d’autant mieux le prix, que je suis bien sûr que toutes les louanges méritées qu’elle peut recevoir vous flatteront encore plus qu’elle. Mais comme il me paraît impossible d’éloigner toujours la flatterie de son oreille, il vaudrait mieux peut-être qu’elle apprît de bonne heure à l’apprécier et à la dédaigner, et cet effet s’opérerait peut-être mieux que par des leçons directes, en lui donnant à elle-même des règles pour employer la louange avec économie et discernement, et lui faisant sentir combien elle avilit ceux qui la prodiguent et indispose ceux qui la reçoivent, lorsqu’elle est futile ou non méritée. Il me semble que, de cette manière, on la disposerait adroitement à être aussi difficile sur les louanges qu’elle recevrait que sur celles qu’elle accorderait. Il n’est pas dans la nature du cœur humain d’être insensible aux éloges dont on se sent digne et que le cœur dicte, mais il l’est très fort de n’aimer pas qu’on nous surprenne et qu’on nous traite en sot ou en enfant. Les femmes doivent, je le sais, être polies et caressantes : mais il ne s’ensuit pas qu’elles doivent être flagorneuses et cajoleuses. Elles le sont d’ordinaire trop avec les hommes, et entre elles c’est encore pis, elles le sont avec fausseté. Mais les louanges d’une femme qui se respecte et qui ne les accorde qu’avec justice et modération sont la récompense la plus flatteuse du mérite d’un honnête homme.

Il me semble, chère cousine, qu’en dirigeant vos instructions à peu près dans cet esprit, vous l’armerez puissamment, sans paraître y tâcher, contre les petites séductions des cajoleurs. Ces leçons auront assurément dans votre bouche toute la force possible, et l’acquis qui en résultera vaudra mieux un jour à la petite que la géographie et le blason, et même que la botanique, prise comme on l’entend communément. Mais ici, notre marche est si différente de l’ordinaire, qu’elle doit naturellement nous conduire à un autre but.

A propos de botanique, voici les noms des plantes que vous m’avez envoyées. J’admire votre patience et la propreté de votre ouvrage : mais cependant, donnez-vous moins de peine à l’avenir. Contentez-vous de dessécher ce que vous m’envoyez, de façon que les parties essentielles soient reconnaissantes, mais ne collez que ce que vous gardez pour votre herbier. Vous aurez dans peu une lettre sur la botanique. Me voici au bout de mon papier. Je ne vous fais pas mon compliment de condoléance sur votre veuvage, car, vu le retard de ma réponse, je le crois fini dès à présent, et que vous pourrez faire de bouche mes salutations à votre cher mari. J’embrasse toute la charmante famille. Mes félicitations à M. Gaujet. Je fais des vœux bien sincères pour son bonheur.

Vous avez bien raison de croire que ma femme aimerait et caresserait de tout son cœur votre petit nourrisson. Nous aimons si tendrement votre famille en imaginant ce qu’elle doit être et par cela seul qu’elle vous appartient, qu’il serait difficile que ce sentiment augmentât de près en la trouvant en effet si aimable.


A Madame de Lessert, née Boy de la Tour, à Lyon.


A Paris, le 15 décembre 1773.

Depuis quelque temps, chère cousine, notre correspondance languit un peu ; ma confiance en vous et en moi m’empêche de m’en inquiéter. Heureux les amis qui n’ont pas besoin de se parler pour s’entendre ! J’aurais pu dans ce long intervalle être en peine de votre santé, si M. de Luc[17], en passant ici, n’eût prévenu cette crainte, en m’apprenant, dans une visite qu’il s’était arrangé pour me faire très longue (et qui m’eût paru plus courte s’il ne m’eût parlé que de vous), que vous et tous les vôtres vous portiez parfaitement bien ; depuis lors, votre lettre est venue très à propos me confirmer cette assurance, et ma paresse s’est doucement reposée sur cet oreiller de confiance et de sécurité.

J’ai souvent été prêt à prendre la plume pour écrire à votre bonne maman, et j’en ai été encore moins retenu par mes distractions ordinaires que par la remarque que j’ai faite qu’elle se faisait une loi malgré mes prières de me répondre elle-même, quoique l’altitude d’écrire soit préjudiciable à son estomac et à sa santé. Je l’exhorte fort à n’avoir pas moins de soin pour la conserver, à présent qu’elle est rétablie, qu’il lui en a fallu pour la rétablir. C’est un soin bien plus facile et plus agréable à prendre pour conserver ce qu’on a que pour recouvrer ce qu’on a perdu, ne fût-ce qu’à cause de l’effet, qui est sûr dans le premier cas, et toujours douteux dans l’autre. Faites parler votre cœur, chère cousine, pour lui dire mille choses de ma part, de même qu’à votre cher mari, qui vous sera revenu, je l’espère, en bonne santé, et qui vous aura selon sa promesse rapporté des nouvelles de ma bonne tante Gonceru, dont je vous serai obligé de me faire part.

Je suis réjoui des progrès de vos aimables enfans et n’en suis nullement surpris ; il y a pour cela de bonnes raisons ; et par la bénédiction du ciel et par le cours naturel des choses, vous devez être la plus heureuse des mères comme vous fûtes la plus digne des filles. Jouissez dus cette vie de tous les prix de la vertu. Heureux qui dans un rang moral bien inférieur y peut du moins expier toutes ses fautes !

L’appesantissement qui m’a fait renoncer aux longues courses et le partage d’un temps qui m’est nécessaire et dont la botanique ne me dédommageait pas, m’ont forcé d’y renoncer, et il est étonnant avec quelle rapidité j’ai perdu dans quelques mois le peu que je n’avais acquis en plusieurs années qu’à force de travail et d’assiduité. Il n’y eût eu que le désir de diriger ou plutôt de suivre vos progrès qui eût pu soutenir les miens. Mon zèle ne s’attiédira jamais, tant qu’il pourra seconder le vôtre ; à cela près, je me détache insensiblement de tout ce qui tient à cette vie, et il n’y a pas, à la vérité, un grand mérite à moi. Je vois déjà le port, et j’allège mon vaisseau dans l’orage en jetant peu à pou dans la mer tout ce qui le surchargeait.

Adieu, chère cousine ; nous vous faisons, ma femme et moi, mille tendres salutations, et soyez sûre que vous n’êtes nulle part plus dignement honorée que vous l’êtes au fond de nos cœurs.


A Madame de Lessert, née Boy de la Tour, à Lyon.


A Paris, le 31 décembre 1773.

Vous avez trouvé, chère cousine, l’art d’animer ma paresse sans déranger la vôtre, et de me forcer de vous écrire en gardant le silence de votre côté. Je vous dois des remerciemens que je vous fais de bon cœur, et que je vous ferais de meilleur cœur encore, si dans les marques de votre souvenir vous eussiez un peu plus consulté mon goût que le vôtre. Est-il bien de jeter ainsi des ballots de marrons à la tête des gens sans dire gare ? Un autre eût peut-être gardé les marrons jusqu’à ce que vous lui en apprissiez la destination ; pour moi, qui ai passé l’âge des enfantillages, et qui vous honore trop pour être pointilleux avec vous, j’accepte les marrons, et je les mange avec plaisir, moins encore parce qu’ils sont excellens que parce qu’ils me viennent de vous ; mais je ne prétends pas pour cela laisser votre silence impuni, et pour m’avoir envoyé cette fois des marrons sans lettre, je vous condamne pour votre pénitence à m’envoyer tous les ans à pareil temps une lettre sans marrons.

Bonjour et bon an, chère cousine, soyez toujours heureuse, honorée et chérie, et ayez un peu d’amitié véritable pour ma femme et pour moi, qui vous aimons et saluons de tout notre cœur.

Votre silence commence à me faire craindre que vous n’ayez pas de bonnes nouvelles à me donner de ma tante Gonceru, et cette incertitude est un état bien pénible pour son pauvre neveu, qui lui doit une vie bien peu fortunée, à la vérité, mais qui n’y tient presque plus que pour elle.


A Madame de Lessert, née Boy de la Tour, à Lyon.


Paris, 21 janvier 1774.

Voilà, chère cousine, de terribles nouvelles auxquelles je ne m’attendais guères, après les bonnes qu’on m’avait successivement données et de vous et de toute votre famille. J’aime à me livrer au soin que vous prenez de me faire envisager vos alarmes comme passées, surtout à l’égard de vos chères sœurs, que je dois supposer entièrement rétablies sans en sentir moins toutes les peines qu’ont dû souffrir et toutes les fatigues qu’ont dû supporter à cette occasion une sœur comme vous et une maman comme la leur. Mais il me reste à l’égard de vos enfans une inquiétude que vous seule pouvez dissiper, puisqu’ils n’étaient encore ni l’un ni l’autre, quand vous m’avez écrit, en pleine convalescence. Ce n’est que quand je les y saurai que je puis être tranquille, et l’état d’incertitude m’est si contraire en toute chose intéressante, que de mauvaises nouvelles, en m’affligeant davantage, me troubleraient pourtant moins. Veuillez donc, chère cousine, me faire passer un mot sur l’état présent des choses : il n’est point nécessaire qu’au milieu de vos tracas vous preniez la peine d’écrire vous-même, et je vous prie de n’en rien faire. Deux lignes en forme de bulletin, écrites par un de vos commis, suffiront pour ce moment. Je ne veux que savoir l’état des choses tant qu’il restera du mieux à désirer ; après cela, nous nous écrirons plus tranquillement.

Je vous conjure de penser sans cesse que ce qui pourrait arriver de plus funeste à vos enfans serait que le soin de leur santé pris avec excès nuisît à la vôtre. Je mets donc votre zèle sous la garde de votre prudence, et j’attends avec impatience un mot de votre part.

Je fais bien des remerciemens à M. de Lessert de la peine qu’il a prise d’aller voir ma tante Gonceru, et j’accepte avec reconnaissance les nouvelles plus récentes que vous m’en faites encore espérer.

Recommandez aux charmantes convalescentes les ménagemens que demande leur état pour ne pas s’exposer aux rechutes, et dites à leur excellente maman, en lui faisant mes plus tendres salutations, que je me sens encore affecté de ses peines passées comme si j’en avais été le témoin. Quand elle n’aurait eu que la corvée de son hôte et parent, c’eût été pour elle une rude épreuve ; mais ses deux filles après cela ! Je vous assure que je sens bien tout ce qu’elle et vous avez dû souffrir.

Bonjour, chère cousine, pour ma femme et pour moi, et n’oubliez pas que nous attendons un mot l’un et l’autre avec impatience.

Il y a une quinzaine de jours tout au plus que j’ai reçu vos plantes, qu’on m’a dit avoir été oubliées au fond d’une caisse. Je vous enverrai les noms sitôt que la belle saison et plus de tranquillité vous rappelleront à Fourvière et à la botanique.


A Madame de Lessert.


A Paris, 28 mai 1774.

Le dernier cadeau, chère cousine, que ma femme a reçu de vous, méritait assurément bien un prompt remerciement ; et l’ouvrage de l’aimable Madelon, qui est un chef-d’œuvre pour son âge, et qui fait l’admiration aussi bien que la parure de ma femme, méritait bien son éloge et le mien ; mais j’ai toujours remarqué avec peine que l’obligation d’écrire m’en diminuait l’empressement : de si fréquens remerciemens commencent à devenir embarrassans à faire ; ils ont enfin rendu nécessaire une explication sur les cadeaux de toute espèce, qui me coûte infiment avec vous. Et j’avoue, chère cousine, que si, vous en tenant là désormais sur cet article, vous vouliez bien m’épargner par là cette explication, vous soulageriez mon cœur d’un grand poids.

Au plaisir d’embrasser votre cher mari et de le voir arriver en bonne santé, s’est joint le regret d’apprendre que nous ne le posséderions ici que bien peu de temps, — encore de ce peu son voyage d’Amiens nous en a-t-il ôté une grande partie ; mais puisqu’il part pour retourner auprès de vous, je n’en dois pas murmurer, et je préférerai toujours votre bonheur mutuel à mon plaisir.

Je lui remets un petit échantillon d’herbier commencé depuis longtemps, maintenant achevé à la hâte, et que j’ai mieux aimé laisser imparfait que de manquer cette occasion de vous le faire passer. Ce petit essai est destiné pour l’aimable Madelon, qui pourra le continuer et l’enrichir à son aise si elle conserve assez de goût pour la botanique pour s’en occuper quelquefois. Je suis bien aise qu’elle voie que j’aime le travail aussi bien qu’elle, et que je m’occupais aussi d’elle tandis qu’elle s’occupait de nous. Ce petit herbier devait être divisé en deux cahiers, même en quatre pour plus de commodité. Mais on a cousu la peau qui doit soutenir les ardillons des boucles trop près du bout du lien ; et afin que ce lien ne fût pas déchiré par la boucle, il a fallu rendre le contenu plus épais et tout mettre en un seul cahier. Vous y trouverez les cartons du second et quelques feuilles du même papier pour y coller d’autres plantes à mesure que vous en trouverez dans la campagne que vous vouliez conserver[18].

Vous pourrez continuer cet herbier autant qu’il vous plaira, dans la même forme, avec des cartons semblables ; car il faudra absolument le diviser en plusieurs cahiers pour le rendre commode à feuilleter, et continuant l’ordre alphabétique que j’ai commencé, vous aurez soin de marquer sur chaque cahier la première et la dernière lettre de la portion d’alphabet qu’il contient. De cette manière, vous pourrez trouver tout d’un coup la plante que vous cherchez en n’ouvrant que le cahier où elle est contenue. Sur la feuille qui contient chaque plante, j’ai écrit premièrement le nom de Linnaeus, puis un nom français ou connu ou tiré de quelque auteur, et enfin, comme vous le désirez, le nom de la famille, autant que cela s’est pu faire ; car cette chaîne n’est pas encore si bien débrouillée que toutes les plantes sans exception puissent se rapporter à une famille bien déterminée, et il y a bien des familles qu’on ne distingue encore que par des caractères plus arbitraires que naturels. Au reste, j’ai bien fait de vous proposer d’avance la nomenclature de Linnaeus ; car cette nomenclature vient, comme je l’avais prévu, d’être adoptée ici au Jardin du Roi, et dans peu d’années on n’en connaîtra plus d’autre en France, non plus que dans le reste de l’Europe.

Mais voilà beaucoup de botanique. Permettez que je renvoie à une autre fois votre objection sur les arbres fruitiers dont les jardiniers et cultivateurs prennent les variétés pour autant d’espèces, parce qu’ils les distinguent les unes des autres non seulement au fruit, mais au feuillage et au bois. Sur ce pied là, ils doivent admettre aussi, non seulement les nègres et les blancs, mais les blonds et les bruns, pour autant d’espèces différentes d’hommes, et par conséquent faire un Adam pour chacune de ces espèces, etc., le reste à une autre fois.

J’ai su par M. de Lessert que tout allait bien durant son séjour ici tant chez vous que chez votre bonne maman, excepté qu’il nous reste encore quelque chose à désirer pour la parfaite santé de l’aimable Julie. J’espère que la belle saison achèvera de la rétablir, et que, selon les vœux de mon cœur, je n’apprendrai plus que de bonnes nouvelles des deux familles. Ma femme, qui vous prie d’embrasser pour elle la petite cousine en lui faisant ses remerciemens, se joint à moi pour vous faire, et à votre chère maman, et aux chers enfans de l’un et de l’autre, nos plus tendres salutations.


A Madame de Lessert, née Boy de La Tour, à Lyon.


[Paris], 6 juin [1774],

Votre silence, chère cousine, me tient en inquiétude à cause de la circonstance. Il me semble que si tout allait bien, vous m’auriez écrit. Sur votre première lettre, je crus votre maman parfaitement rétablie et partie pour la Suisse, je vous écrivis et vous fis adresser l’herbier dans cette opinion, jugeant votre sœur partie avec elle. Votre seconde lettre, en me confirmant son rétablissement et son prochain départ, m’apprit cependant que j’avais pris la première trop à la lettre. Maintenant je ne reçois plus rien, je ne sais pas même si elles sont parties ou non : cette incertitude me met en peine. Je vous prie de m’en tirer.

Je suis très fâché de ne m’être pas trouvé chez moi, quand la personne que vous aviez chargée de retirer l’herbier y vint. Je me serais arrangé avec lui en lui demandant son adresse pour avoir de vos nouvelles, toutes les fois que j’aurais de l’inquiétude, sans avoir besoin de vous écrire et d’attendre une réponse. Mettez-moi, je vous prie, à portée de cet avantage, en me donnant l’adresse de quelqu’un de vos correspondans, afin que je puisse aller chez lui me tirer de peine quand j’attendrai de vos nouvelles et que je n’en aurai plus.

Bonjour, chère cousine. Pour me tranquilliser, un mot suffit ; mais j’ai besoin de ce mot.


A Madame de Lessert, née Boy de La Tour, à Lyon.


A Paris, le 23 août 1714.

J’ai reçu, chère cousine, avec la plus douce joie les nouveaux témoignages de vos bontés et de votre amitié pour moi, et dans les bonnes nouvelles de votre santé, de celle de la maman, du cher mari, de vos chers enfans et de toute la famille, la confirmation de celles que j’avais apprises de temps à autre par M. Rigot ; la vérité, la force de mes sentimens pour vous me donnait sur la constance des vôtres une sécurité qui ne pouvait me tromper ; la confiance de l’amitié fondée sur l’estime n’est jamais inquiète. Je vous sais gré de nourrir l’espérance que vous m’avez donnée de vous voir quelque jour à Paris ; je vous en saurai bien davantage encore de la remplir le plus tôt qu’il sera possible, et de procurer à mon cœur une des plus douces consolations qui puissent encore le flatter[19].

Je ne suis pas surpris que la nature que vous vous appliquez à seconder accélérant les progrès de vos petits bambins vous fasse déjà sentir la nécessité de leur donner un guide sous les yeux d’un père qui serait certainement le meilleur, mais qui ne peut pas tout suivre. Sur les dispositions où il me paraissait être j’aurais cru votre choix déjà fait : s’il ne l’est pas encore, j’insiste sur l’importance de préférer un naturel heureux à de grandes connaissances et un homme sage à un homme instruit. Je ne le redirai jamais assez, la bonne éducation doit être purement négative, il s’agit moins de faire que d’empêcher ; le vrai maître est la nature, l’autre ne fait qu’écarter les obstacles qui la contrarient, l’erreur même n’entre qu’avec le vice, et toute bonne judiciaire a sa source dans un cœur sain. L’éducation de l’enfance ne consiste qu’en bonnes habitudes à prendre. Un enfant qu’on n’a pas laissé engourdir dans la paresse ni contracter des passions vicieuses, parvenu sain de cœur et de corps à douze ans, fait alors plus de vrais progrès en deux ou trois ans dans les connaissances utiles et même agréables, qu’on n’en peut obtenir jusques à cet âge par des études forcées que le goût n’anime jamais. De ces principes qui me paraissent confirmés pas l’expérience, je conclus que ce ne sont point du tout des talons distingués ni des qualités brillantes qu’il faut chercher dans le mentor[20]de vos enfans, mais seulement celles qui rendent un homme maître de lui-même et fidèle à son devoir. Qu’il soit doux, attentif et surtout d’une patience invincible. Voilà les qualités indispensables. Du reste, ne cherchez nullement qu’il fasse admirer sa faconde, ni qu’il soit un beau péroreur.

Je vous épargnerais ces redites triviales de choses que vous savez mieux que moi, si je ne savais combien les meilleurs esprits ont peine à se garantir de la nuisible tentation de faire briller dans leurs enfans des talens précoces[21]. Au reste, ce n’est que des garçons que j’entends parler ici, et je ne désapprouve point que vous cultiviez de bonne heure les heureuses dispositions de votre fille, puisqu’ainsi le veut la nature, qui donne à son sexe une pénétration plus vive et plus prompte qu’au nôtre, et la raison, qui veut qu’il soit soumis de bonne heure au joug sévère qu’il doit porter un jour.

« Vous m’aviez promis, m’écrivez-vous, de m’avertir quand le public recevrait de vos ouvrages : on parle beaucoup d’une traduction du Tasse qui a paru il y a quelques mois, et qui est certainement, dit-on, de vous. Veuillez m’en dire la vérité. » Mais, chère cousine, il me semble que votre première ligne servait de réponse à votre question et n’en demandait aucune autre. La vérité que vous me demandez est que cette belle traduction, qui, dit-on, est certainement de moi, n’en est point du tout. Je n’ai pas même assez d’humilité pour croire que personne puisse de bonne foi m’attribuer une pareille production, et je ne doute point que ceux qui me l’attribuent ne l’aient fait faire exprès pour cela tout aussi mauvaise qu’ils ont pu, par quelque cuistre de collège qui ne savait ni le français ni l’italien. Je vous réponds au reste que si j’avais à reprendre la plume que j’ai quittée depuis dix ans, ce ne serait pas pour donner au public des traductions.

Quant à l’opéra dont vous me parlez, c’est autre chose. Je n’ai que deux récréations, la promenade et la musique. Parmi la quantité que j’en ai fait uniquement pour mon amusement depuis mon retour à Paris, est en effet un opéra commencé, mais qui, n’étant pas destiné pour le public, n’est point achevé, et ne le sera vraisemblablement jamais. C’est une pastorale en quatre actes intitulée Daphnis et Cloé. Les paroles sont d’un homme avec qui M. de Lessert a dîné ici[22].

Quoique j’aie absolument quitté la botanique, et que la peine d’écrire augmente pour moi chaque jour, j’aurai toujours le même empressement à contribuer à vos amusemens et à ceux de la charmante Madelon ; mais pour reprendre ce petit travail avec un peu de succès, il faudrait que j’eusse une idée un peu plus précise de vos goûts et de vos progrès, et que je visse de quel point je dois partir pour vous marquer la route que vous devez suivre. Les six familles dont j’ai essayé de vous décrire la fructification pour consulter votre goût et vous familiariser avec quelques termes, sont prises pour ainsi dire au hasard et n’ont pas une suite dont on puisse prendre le fil. Cet essai étant fait, il en faudrait connaître bien le succès pour commencer au point convenable la véritable étude, qui ne consiste pas seulement dans celle de la fructification, mais des plantes dans leur ensemble et dans toutes leurs parties. Deux heures de conversation quand j’aurai le bonheur de vous voir nous dispenseraient de bien de longues pancartes, et si malheureusement ce temps est encore éloigné, pour y suppléer par lettres, il ne suffit pas que vous m’entendiez, il faut aussi que je vous entende, et je ne puis suppléer à des instructions verbales que par des exemples tirés d’objets que je sois sûr vous être connus.

Rien ne pouvait me donner une plus pure joie que d’apprendre, l’entier rétablissement de ma tante Julie. J’ai vu ici avec bien du plaisir son amie Rosette, qui m’a paru vive et douce comme elle et que leur amitié m’a rendue encore plus intéressante.

Je n’écris point à la maman par la même raison qui l’empêche de m’écrire ; depuis que j’ai su que l’altitude d’écrire lui était préjudiciable, je lui demandais en grâce de ne point répondre à mes lettres, mais voyant qu’elle n’en continuait pas moins, par ménagement pour sa santé j’ai pris le parti de les supprimer pour quelque temps, durant lequel notre amitié ne perdra sûrement rien à vous avoir pour médiatrice. Mille respects et tendres embrassemens de la part de ma femme et de la mienne à cette chère et digne maman, à toute sa charmante famille, mais surtout à celle qui en est la gloire, et que nous chargeons aussi de nos devoirs auprès de son cher mari.


A Madame de Lessert, à Lyon.


[Paris], ce 4 octobre [1774], à la hâte.

Grand merci, chère cousine, du bien que vous me faites, et par votre aimable lettre pleine de la tendresse la plus amicale et par la bonne nouvelle que vous me donnez du mariage de votre cher frère, et par les marques de confiance et d’amitié dont cette nouvelle est accompagnée tant de votre part que de celle de votre excellente maman, dont je partage la joie ainsi que la vôtre dans cet agréable événement qui nous intéresse tous. Je voudrais en cette occasion remplir un devoir bien doux en écrivant à la maman, mais M. Gaujet, qui veut bien venir ce matin prendre ma lettre, me laisse peu de temps, qui est encore abrégé par une compagnie qui va m’arriver et qui me force de m’habiller en hâte pour la recevoir. Le choix de monsieur votre frère, qui a préféré le mérite à la fortune, est bien digne des sentimens que j’ai cru lui connaître. Son humeur égale et douce, son caractère plein d’honnêteté doivent assurément produire le bonheur commun dans un mariage bien assorti. Et je ne doute point qu’il n’y trouve le sort heureux que mon cœur lui désire[23].

Comme, pour lire votre lettre à mon aise, j’ai tardé de rouvrir après le départ de la compagnie, j’ignorais qui était la personne dont M. Gaujet était accompagné, car M. Gaujet ne m’en parlait point, et il ne me parlait point lui-même ; de sorte que si je n’eusse pris enfin le parti de lui adresser la parole, j’eusse peut-être ignoré l’intérêt que vous preniez à lui, et par conséquent celui que j’y devais prendre moi-même, jusqu’après leur départ. Parent de votre cher mari, attaché à votre maison et honoré de votre estime, il a tous les titres possibles pour être toujours reçu chez moi avec plaisir et empressement, comme le sera toujours tout ce qui vous appartient en quelque chose.

Un petit changement que, par raison de commodité plus que d’économie, j’ai été forcé de faire dans ma vie privée, me prive à présent de prolonger les visites qui me sont agréables jusqu’à l’heure du repas, c’est que n’ayant point de domestique, et ma femme commençant ainsi que moi à se ressentir de l’appesantissement de l’âge, nous nous abstenons désormais d’offrir à personne même la très mince fortune du pot, à moins que ce ne soit au cabaret. Ce n’est pas là une nouvelle fort importante à dire ; mais c’est pourtant une espèce de nécessité, lorsque cela produit quelque changement dont ceux qui s’en apercevraient pourraient, et bien à tort, s’appliquer la cause, faute de savoir qu’il est sans exception.

J’ai senti sans surprise, mais avec attendrissement, la grande délicatesse de cœur qui vous fait aller au-devant des interprétations téméraires et injustes qu’on pourrait donner aux fréquens changemens qui se sont faits depuis quelque temps dans votre maison. Ce soin était bien superflu avec moi, et tout ce que la lecture de cet article a produit entre ma femme et moi, a été de nous serrer la main l’un à l’autre en nous disant de concert : « Sans mentir, l’aimable Madelon a un heureux mari. »

Pour le coup, me voilà forcé de quitter. Suppléez, chère cousine, à tout ce qui me reste à dire au nom de ma femme et au mien, et recevez mes plus tendres embrassemens.


A Madame de Lessert, née Boy de la Tour, à Lyon.


A Paris, le 17 décembre 1774.

Je suis bien honteux, chère cousine, de vous remercier si tard de l’immense provision de marrons que vous m’avez envoyée ; la quantité n’a pas empêché qu’ils n’aient été gelés en chemin et a fait qu’ils se sont échauffés ensuite. Mais ils se raccommodent depuis que ma femme les a étendus à l’air, et nous les mangeons avec plaisir. Nous vous en remercions de tout notre cœur, mais il ne fallait pas me consulter sur cet envoi, puisque vous étiez déterminée à le faire sans attendre mon consentement.

J’espérais sur votre dernière lettre voir de jour en jour arriver votre cher mari. Il a bien fait de ne pas se mettre en route par les froids violens que nous venons d’essuyer ; mais à présent que le temps est doux et favorable aux voyages, j’espère ne pas tarder à l’embrasser. J’espère apprendre de lui bien des détails intéressans que je ne veux pas vous donner la peine de m’écrire et que je suis empressé de savoir. Il me trouvera délogé. Je n’ai point changé de vue, je suis seulement quelques portes plus bas, vis-à-vis de l’hôtel de Bullion ; mon nouveau logement, quoique plus grand et plus commode, me plaît pourtant beaucoup moins que celui que je viens de quitter ; mais en attendant que j’en trouve un qui me convienne davantage, j’espère être ici du moins à l’abri du voisinage scandaleux qu’on m’avait donné dans l’autre, et qui m’a forcé enfin d’en sortir après quatre ans d’habitation.

Mal sur mal n’est pas santé ; j’ai eu ces odieux tracas par surcroît dans un moment où j’en avais beaucoup d’autres, et entre autres celui d’un engagement fort étourdiment pris, mais que je veux remplir fidèlement s’il m’est possible, et pour la chose et pour le temps, et qui m’oblige de me lever pour cela d’ordinaire avant le jour et de travailler à la lumière, ce que j’aime encore mieux que de veiller tard. Excusez donc, chère cousine, si forcé de vous écrire à la hâte, je ne m’entretiens pas avec vous comme je le désirerais. Quand viendra le moment que vous m’avez fait espérer, où, sans l’intermédiaire de la plume, nous pourrons nous parler à notre aise, et où vous me rendrez témoin oculaire des progrès de la charmante Madelon ?

Bonjour, chère cousine, nous vous embrassons, et votre excellente maman et toute votre aimable famille, de tout notre cœur.


A Madame de Lessert, à Lyon.


A Paris, le 2 février 1775.

Je reconnais bien, chère cousine, votre tendre délicatesse dans la manière dont vous m’annoncez la perte que je viens de faire. En apprenant la mort de ma respectable tante, ce n’est point sur elle que j’ai pleuré, c’est sur moi que le ciel destinait à lui survivre. Il est facile à tout homme raisonnable de supporter avec patience tout ce qui est dans l’ordre de la nature, et rien n’est plus naturel que de voir une longue et innocente vie se terminer par une douce mort. Grâce au Ciel, elle n’a point connu ces situations cruelles qui font de la vie un fardeau ; mais à l’âge où elle était parvenue, la sienne avait cessé d’être pour elle un bien, et si, au nom des bonnes œuvres dont elle l’a remplie, elle obtient pour un neveu qu’elle a chéri ce qu’il y a désormais de meilleur pour lui, sa mort même n’aura pas été sans fruit. Ce n’était plus ce que je craignais pour elle ; je craignais le mal-être et la souffrance, et vous m’avez rassuré là-dessus bien à propos, en m’apprenant avec combien de zèle et de générosité elle a été soignée jusqu’à la fin par cette personne estimable dont, par une des bizarreries attachées à ma situation, je ne sais pas même le nom, mais à laquelle je dois et j’ai voué la plus vive reconnaissance. Votre cher mari veut bien se charger de lui faire parvenir une lettre où je tâche de la lui témoigner : vous m’obligerez de faire en sorte qu’elle la reçoive avec bonté.

Je n’ai profité que bien peu du plaisir de voir votre cher mari depuis son arrivée, et il faut bien se résoudre à le voir repartir plus tôt que je n’avais compté, et même à approuver le motif qui le rappelle, et sur lequel il n’a pas été si dissimulé que vous. Il m’est pourtant bien difficile de voir sans un peu de murmure renvoyer si loin ce voyage que vous m’aviez promis : je ne m’en consolerai qu’en apprenant que selon vos désirs vous avez heureusement donné une petite élève à l’aimable Madelon, qui doit maintenant avoir déjà de la sagesse à distribuer à ses frères et sœurs. En attendant, songez, chère cousine, sitôt que monsieur de Lessert sera de retour, à nous faire donner souvent de vos nouvelles, sentant, je l’espère, combien, dans les circonstances présentes, elles me sont nécessaires. Il nous a fait le plaisir de nous en donner de toute la famille, il voudra bien aussi vous donner des nôtres.

Il peut voir que je ne crains guère plus d’être indiscret envers lui qu’envers vous, car j’ai souffert sans scrupule qu’il se soit chargé pour moi d’une petite affaire que, dans la position où je suis, je me vois hors d’état de terminer tout seul.

Adieu, chère cousine, ménagez-vous et modérez vos exercices vu la saison et votre état ; nous vous embrassons l’un et l’autre de tout notre cœur ; nos plus tendres respects à votre digne maman, et nos embrassemens à tout ce qui vous est cher.

Je vous prie de vouloir bien faire nos salutations à M. Gaujet et le remercier de ma part de la bonté qu’il a eue de se ressouvenir de mes petites commissions et de les faire si bien.


A Madame de Lessert, née Boy de la Tour, à Lyon.


A Paris, le 24 octobre 1T75.

Au plaisir, chère cousine, d’avoir de vos nouvelles et de celles de toute la famille par M. Gaujet s’est joint celui d’apprendre la conclusion de la malheureuse affaire qui vous a si longtemps chagrinée. Puisque heureusement il n’en reste aucune trace, ce qu’il nous reste maintenant à faire à tous est de l’oublier comme si elle n’était jamais avenue. Les procédés de Messieurs de Lessert en cette occasion sont la seule chose dont la reconnaissance ne doit pas permettre à votre famille de perdre le souvenir.

J’ai senti toutes vos angoisses dans l’accident d’un de vos enfans. Il faut assurément tout votre courage pour leur laisser encore une liberté qui a produit deux si tristes effets ou plutôt qui a paru les produire, car s’ils en étaient l’ouvrage, ils en résulteraient toujours ; au lieu qu’après avoir étudié très longtemps avec grand soin les enfans des paysans, qui, sans contredit, sont encore plus en liberté que les vôtres, je n’ai point vu parmi eux d’accidens semblables ; et, s’il en arrive quelquefois, ce que je ne veux pas nier, quoique je l’ignore, je suis certain du moins qu’ils sont moins nombreux et moins fâcheux que ceux qui arrivent aux enfans de la ville les mieux gardés et surveillés. Voilà une différence dont il importerait de trouver la véritable cause, et cette recherche ne me paraîtrait pas indigne des méditations de M. Prévost[24]. J’ai eu la consolation d’apprendre que cet accident n’aurait aucune suite et avait occasionné dans l’enfant des marques de courage qui, selon moi, doivent être comptées pour quelque chose dans les effets de la bonne éducation.

Dois-je espérer que vous jouirez d’un assez long congé pour exécuter le projet de voyage dont vous m’avez ci-devant flatté, ou si monsieur de Lessert, empressé de réparer ses pertes, vous aura forcée de renvoyer encore ce projet ? Pour me ménager une consolation très douce, je veux toujours espérer de voir exécuter enfin ce projet. En attendant, conservez soigneusement votre santé, ne vous échauffez pas trop après vos petits bambins ; voilà votre aimable fille en état d’être bientôt la gouvernante des autres ; c’est un soulagement dont vous devez profiter. J’apprends que la digne maman se porte à merveille ainsi que vos chères sœurs. C’est n’être pas malheureux en tout que de voir mes vœux accomplis autour de vous ; puissé-je avoir toujours la même consolation !

Ma femme se porte passablement. Ma santé décline un peu depuis quelque temps ; mon estomac se délabre : ainsi n’envoyez plus de marrons, car ils ne sont plus du régime auquel je suis obligé. M os amitiés respectueuses à l’excellente maman ; nous embrassons tendrement ses chères et charmantes filles, la vôtre et tous vos enfans, et jugez des sentimens dont nous sommes pleins pour vous et votre autre moitié par ceux qui rejaillissent sur tout ce qui vous touche.


[A Madame de Lessert.]


[Paris], 8 mars 1776[25].

Votre lettre, chère cousine, est venue à propos et m’a fait un grand plaisir. Ne doutez jamais que votre sincère amitié ne me soit toujours précieuse. Jamais, en fait d’amitié et de sincérité, Rousseau né fut en reste avec personne. Et il ne voudrait pas commencer par vous. Je vous aimerai toujours, quoi qu’il arrive, vous, votre bonne maman, vos aimables sœurs, et tout ce qui vous appartient, quand même ce ne serait pas un retour. Bonjour, cousine, ménagez-vous et faites-moi donner de bonnes nouvelles quand il en sera temps.

Ma femme vous prie d’agréer ses salutations.

  1. Voyez la Revue du 1er septembre 1908.
  2. Un des enfans de Mme de Lessert s’était cassé la cuisse.
  3. La même expression se trouve déjà dans la troisième lettre à Malesherbes. Montmorency, 26 janvier 1762.
  4. La première des Lettres sur la Botanique, adressées à Mme de Lessert, est du 22 août 1771.
  5. La deuxième Lettre sur la Botanique est effectivement datée du 18 octobre 1771, soit de deux jours avant celle-ci.
  6. Le manuscrit de cette lettre que nous avons eu sous les yeux doit être une copie. D’après une obligeante communication de M. Eugène Ritter, l’original se trouverait à la Bibliothèque Nationale, Fonds français, 12 768, ainsi que l’original de la lettre publiée d’après une copie (comme nous l’avons dit en note) dans la livraison du 1er septembre, p. 41.
  7. Sic.
  8. Mme de Lessert avait eu en mars 1771 un second fils, — son troisième enfant, — Jacques-François-Gabriel-Étienne. Il mourut aux États-Unis, âgé de vingt et quelques années.
  9. Cette troisième lettre est datée du 16 mai 1772.
  10. Voyez, sur la question de savoir si les fables de La Fontaine conviennent aux enfans, Emile, livre II.
  11. Sans enveloppe ni adresse : cette lettre doit avoir été écrite après la cinquième lettre sur la Botanique, laquelle est du 16 juillet 1772.
  12. Benjamin de Lessert naquit en 1773.
  13. Rousseau, pendant son séjour à Môtiers, s’amusait à faire des lacets, dont il faisait présent à ses « jeunes amies » à leur mariage, « à condition qu’elles nourriraient leurs enfans. » Les descendans d’Isabelle d’Ivernois, son amie de Môtiers, devenue Mme Guyenet, conservent un peloton de lacet que lui offrit Jean-Jacques (« Songez que porter un lacet tissu par la main qui traça les devoirs des mères, c’est s’engager à les remplir »). Voyez Fritz Berthoud, J.-J. Rousseau au Val-de-Travers, p. 122 et suiv.
  14. Il avait repris son ancien métier de copiste de musique.
  15. La petite plante envoyée par Jean-Jacques est demeurée dans la lettre qu’elle accompagnait. Elle est fort soigneusement étendue sur le papier auquel la fixent de toutes petites brides en papier doré.
  16. La sixième lettre sur la Botanique est du 2 mai 1773.
  17. De Genève. Rousseau était fort lié avec Jacques-François de Luc, « le plus honnête et le plus ennuyeux des hommes, » ainsi qu’avec ses deux fils, Jean-André et Guillaume-Antoine.
  18. Cet herbier a été précieusement conservé. Il se compose de 180 plantes environ, renfermées dans une boite en acajou. Chaque échantillon est fixé par de petites brides de papier doré, sur des feuilles encadrées d’un filet rouge. Rousseau a inscrit le nom de chaque plante en français et en latin.
  19. Le passage qui suit a été cité dans l’Éloge de Benjamin de Lessert, académicien libre, par M. Flourens, secrétaire perpétuel, le 4 mars 1850, à l’Académie des Sciences. Paris, Didot, 1850. Le même passage a été reproduit, tel quel, dans l’ouvrage : Famille de Lessert, Souvenirs et portraits, par M. Gaston de Lessert (1904, non mis dans le commerce).
  20. M. Flourens a lu maître : Rousseau a écrit mentor.
  21. Ici finit la citation faite par M. Flourens.
  22. Corancez (Voyez Iansen, J.-J. Rousseau, als Musiker, p. 419, 420, 482).
  23. Ce passage fait allusion au mariage de François-Louis Boy de la Tour avec Henriette-Marguerite Bontems. Mariage moins heureux que ne le souhaitait Rousseau, car il fut rompu par le divorce au bout de deux ans.
  24. Pierre Prévost, de Genève (1751-1839), savant et littérateur bien connu, fut précepteur dans la famille de Lessert.
  25. Ce billet n’existe qu’en copie dans le dossier : une note nous apprend que l’original a été donné à M. Deluze.