Lettres de Pline le Jeune/Tome premier/Panckoucke 1826/XVIII. À Mauricus

Traduction par Louis de Sacy revue et corrigée par Jules Pierrot.
éditeur Panckoucke (p. 153-155).
XVIII.
Pline à Mauricus.

Quelle commission plus agréable pouviez-vous me donner, que celle de chercher un précepteur pour vos neveux ? Je vous dois le plaisir de revoir des lieux où l’on a pris soin de former ma jeunesse, et où il me semble que je recommence, en quelque sorte, mes plus belles années. Je m’asseois, comme autrefois, au milieu des jeunes gens, et j’éprouve combien mon goût pour les belles-lettres me donne de considération auprès d’eux. J’arrivai la dernière fois, pendant qu’ils discutaient ensemble dans une assemblée nombreuse, et en présence de plusieurs sénateurs : j’entrai ; ils se turent. Je ne vous rapporterais pas ce détail, s’il ne leur faisait plus d’honneur qu’à moi, et s’il ne vous promettait une heureuse éducation pour vos neveux.

Il me reste maintenant à vous mander ce que je pense de chacun des professeurs, quand je les aurai entendus tous : je tâcherai, autant du moins qu’une lettre me le permettra, de vous mettre en état de les juger, comme si vous les eussiez entendus vous-même. Je vous dois ce zèle et ce témoignage d’affection ; je les dois à la mémoire de votre frère, surtout dans une affaire de cette importance : car que pouvez-vous avoir plus à cœur, que de rendre ses enfans (je dirais les vôtres, si c’était assez dire pour exprimer les sentimens qu’ils vous inspirent aujourd’hui), que de rendre, dis-je, ses enfans dignes d’un père tel que lui, et d’un oncle tel que vous ? Quand vous ne m’auriez pas confié ce soin, je l’aurais réclamé pour moi. Je sais que la préférence donnée à un maître, va me brouiller avec tous les autres ; mais, pour l’intérêt de vos neveux, il n’est point d’inimitiés si fâcheuses que je ne doive affronter, avec autant de courage qu’un père le ferait pour ses propres enfans. Adieu.