Lettres de Pline le Jeune/Tome premier/Panckoucke 1826/VIII. À Arrien

Traduction par Louis de Sacy revue et corrigée par Jules Pierrot.
éditeur Panckoucke (p. 267-269).
VIII.
Pline à Arrien.

Vous vous réjouissez avec moi de ma promotion à la dignité d’augure, et vous avez raison. D’abord, il est toujours glorieux d’obtenir, même dans les moindres choses, l’approbation d’un prince aussi sage que le nôtre. Ensuite, ce sacerdoce, respectable par sa sainteté et par l’ancienneté de son institution, est encore consacré par un autre caractère ; c’est qu’il ne se perd qu’avec la vie. Il est d’autres sacerdoces, dont les prérogatives sont à peu près égales[1], mais qui peuvent s’ôter, comme ils se donnent : sur celui-ci, la fortune ne peut rien, que le donner. Ce qui me le rend encore plus agréable, c’est d’avoir succédé à Julius Frontinus[2], homme d’un rare mérite : à chaque élection, depuis plusieurs années, il me donnait son suffrage, et paraissait, par là, me désigner pour son successeur : l’événement a été si bien d’accord avec ses vœux, qu’il ne semble pas que le hasard s’en soit mêlé. Mais ce qui vous plaît davantage, si j’en crois votre lettre, c’est que Cicéron fut augure : vous me voyez avec joie marcher dans la carrière des honneurs, sur les traces d’un homme que je voudrais suivre dans celle des sciences. Plût au ciel qu’après être parvenu, beaucoup plus jeune que lui, au consulat et au sacerdoce, je pusse, au moins dans ma vieillesse, posséder une partie de ses talens ! Mais les grâces dont les hommes disposent, peuvent bien venir jusqu’à moi et jusqu’à d’autres ; celles qui dépendent des dieux, il est difficile de les acquérir, et il y a trop de présomption à se les promettre[3]. Adieu.


  1. D’autres sacerdoces. De Sacy a traduit comme s’il y avait omnia au lieu de alia.
  2. Julius Frontinus. Il avait composé plusieurs ouvrages sur l’art militaire et d’autres sciences. Pline l’appelle principem virum : il méritait ce titre par ses lumières, par l’éclat de ses dignités, et surtout par ses belles actions. Il fut consul, gouverna la Grande-Bretagne sous Domitien, et réduisit, par les armes, la belliqueuse nation des Silures. Tacite le nomme vir magnus (Vie d’Agric., 17)
  3. Mais les grâces dont les hommes disposent, etc. J’ai admis et au lieu de ea et ; adipisci au lieu de apisci ; nisi a diis non au lieu de nonnisi a diis. Ces légers changemens sont empruntés à l’édition de Schæfer.