Lettres de Marie-Antoinette/Tome II/Lettre CCXXXV
Lettres de Marie-Antoinette, Texte établi par Maxime de La Rocheterie [1837-1917], Alphonse Picard et Fils, , Tome II (p. 131).
CCVXXXV.
À la duchesse de Polignac.
[1789, 16 juillet.]
Adieu, la plus tendre des amies. Ce moi est affreux, mais il le faut. Voilà l’ordre pour les chevaux ; je n’ai que la force de vous embrasser[1].
(Autographe, chez le duc de Polignac. Éd. (avec variantes) Diane de Polignac, Mémoires sur la vie et le caractère de Mme la duchesse de Polignac, p. 28 ; Feuillet de Conches, l. c., III, 180. Cf. notre introduction, p. xxv.)
- ↑ Le 14 juillet, la Bastille avait été prise. L’effervescence était grande à Paris, et l’on parlait tout haut de massacres, dont le meurtre de de Launay et de Flesselles n’était que le prélude. Parmi les plus menacés étaient les Polignac. Le 16 au soir, la Reine les fit venir et les conjura de partir. Ils s’y refusèrent longtemps. La Reine, « frémissant de chaque instant qui suspendait leur départ, » dit à son amie, en versant un torrent de larmes : « Je crains tout ; au nom de notre amitié, partez. Il est encore temps de vous soustraire à la fureur de mes ennemis ; en vous attaquant, c’est bien plus à moi qu’on en veut qu’à vous-mêmes ; ne soyez pas la victime de votre attachement et de mon amitié. » Le Roi vint joindre ses instances à celles de sa femme, et les Polignac se décidèrent à quitter la France pour la Suisse. A minuit, la Reine adressa encore à la duchesse le billet ci-dessus. On peut consulter sur cette scène poignante les Mémoires sur la vie et le caractère de la duchesse de Polignac, par la comtesse Diane de Polignac.