Lettres de Madame Roland de 1780 à 1793/Appendices/K

Imprimerie nationale (p. 666-687).

Appendice K.



BOSC D’ANTIC (1759-1828).

La vie de cet homme de bien, de ce savant distingué, de cet ami fidèle des Roland et, pour mieux dire, de ce vaillant Girondin, devrait être écrite. Nous l’avons entreprise et nous espérons bien la mener à bonne fin[1]. Mais elle ne saurait trouver place ici, où nous n’avons à donner que ce qui peut éclairer la Correspondance. Nous allons donc nous borner à en extraire la partie qui va jusqu’à 1793, en la resserrant d’ailleurs le plus possible. Quant aux trente-cinq années pendant lesquelles Bosc survécut aux Roland, nous n’y toucherons que pour raconter, plus brièvement encore, avec quelle piété il servit leur mémoire.


§ 1er. La famille Bosc.

Son père, Paul Bosc, était né, le 8 juillet 1726, au hameau de Pierre-Ségade, aujourd’hui chef-lieu de la commune de Viane, canton de La Caune, arrondissement de Castres. Il était fils de Pierre Bosc, maître chirurgien de Pierre-Ségade. Bien que de famille calviniste (Pierre-Ségade était un foyer de religionnaires, où se tint une des premières assemblées protestantes qui eurent lieu après la Saint-Barthélemy), il fut baptisé catholique[2], condition alors nécessaire pour avoir un état-civil.

Le fils du chirurgien cévennol se destina à la médecine. Mais il dut, comme protestant, aller prendre ses grades à l’étranger, à l’Université de Hardenwyck, en Gueldre. Laborieux, instruit, d’esprit curieux, il parvint, malgré les difficultés de ses débuts[3], à percer dans le monde. Suivant un usage courant au xXVIIIe siècle, il allongea son nom et se fit appeler Bosc d’Antic, apposition dont nous n’avons pu trouver l’origine. Il épousa une femme aussi pauvre que lui[4], mais appartenant à une illustre famille protestante du Laonuais (voir Haag, France protestante). Marie-Angélique Lamy d’Hangest était fille et sœur de deux officiers généraux d’artillerie. Nous connaissons surtout le second, Louis-Auguste Lamy d’Hangest (1731-1819), lieutenant général du 7 septembre 1792, au moment où il avait l’honneur, entre le départ de Lafayette et l’arrivée de Dumouriez, de commander en chef sur la frontière.

De ce premier mariage naquirent une fille et un fils. La fille épousa un M. de Boinville, dont nous ne savons à peu près rien. Le fils, né à Paris le 29 janvier 1759, est Louis-Augtutin-Guillaume, auquel cette notice est consacrée. La jeune mère mourut peu de temps après.

En 1763, Paul Bosc était déjà remarié et, tourné vers l’industrie par ses recherches scientifiques[5], allait prendre la direction de la verrerie de Serviu, au village d’Aprey, dans le voisinage de Langres. C’est là que lui naquirent deux enfants, Joseph-Antoine, né le 20 septembre 1764, et Sophie, devenue plus tard Mme Dehérain.

La manufacture de Servin paraît avoir prospéré, puisque on voit plus tard les enfants de Paul Bosc conserver des attaches et des intérêts dans ce pays. Toutefois le verrier, d’humeur inquiète, la quitta en 1769 pour aller fonder une autre manufacture « près de Saint-Flour, dans la Margeride ». Il y passa sept ou huit ans et finit par s’y ruiner[6]. Il se détermina alors à venir à Paris exercer la médecine. Mais il ne put le faire, — toujours cause de religion, — qu’en achetant, avec les débris de son avoir, une charge de « médecin du Roi par quartier ». C’est en 1776 qu’il faut placer ce retour à Paris, car Bosc d’Antic ne figure à l’Almanach royal qu’à partir de 1777.

il vécut là encore huit années, recherché pour son savoir et l’agrément de son commerce. En 1776, nous trouvons son nom sur la liste des souscripteurs à la traduction de Shakespeare par Letourneur. En 1780, il publia le recueil de ses mémoires, sur les recherches dont il s’était occupé toute sa vie[7]. En 1782, il fut nommé membre correspondant de l’Académie des Sciences. Il recevait chez lui, rue Meslé jusqu’en 1781, rue du Jardinet-Saint-André ensuite, « d’illustres savants ; Rouelle, Parmentier, Buffon, Daubenton, Thonin, Brisson, Adansons », etc. (Silvestre, Èloge.)

Il mourut le 4 avril 1784 (lettre de Lanthenas à Roland, ms. 6241, fol. 264). En sentant venir sa fin, il avait fait venir un confesseur (Correspondance, lettre 105). Ce huguenot peu opiniâtre crut bon de sortir de ce monde comme il y était entré. Sa seconde femme devait être morte ou vivre séparée de lui (Correspondance, lettre 103) : sa fille aînée était mariée et son fils Joseph était déjà employé aux forges du Creusot, ce qui explique que la Correspondance de 1784 ne les mentionne nulle part. Il n’avait donc à son lit de mort que Louis et Sophie, qui tenait la maison (lettre 98).

Il ne laissait d’ailleurs aucune fortune, puisqu’il fallut vendre sa charge et même, probablement par suite de formalités judiciaires exigée par Mme de Boinville, « ses effets » (lettres 127 et 134). L’amour de l’étude, le désintéressement, l’insouciance voilà cd que Louis Bosc trouva dans l’héritage paternel.


§ 2. Son enfance.

Il avait perdu sa mère peu après sa naissance. Il passa les cinq premières années de sa vie (1759-1764) auprès de son aïeule maternelle, Mme d’Hangest, à la campagne, aux environ de Laon (Silvestre, Éloge), probablement vers Vissibnicourt[8], car c’est de ce village que sont datées les lettres écrites à Bosc, en 1795, par son oncle, le général d’Hangest, retraité au pays natal[9]. Lorsque son père alla s’installer à Servin, il y fit venir l’enfant, qui vécut là cinq autres années (1764-1769), au milieu des grandes forêts du Bassigny. Cette vie libre dans les champs contribua assurément, non moins que l’exemple de son père, à faire de lui un naturaliste. Mais lorsque le verrier quitta Servin pour la Margeride, l’enfant dut entrer au collège des Godrans[10], à Dijon. On le destinait à l’artillerie, où la protection des d’Hangest lui promettait de l’avancement. Durant les huit années qu’il passa dans cette maison (1769-1777 ), il y eut pour condisciples et amis les deux fils d’un médecin naturaliste alors célébre dans sa ville, Hugues Maret, et qui devinrent plus tard, l’un, Jean-Philibert, préfet et conseiller d’État de Napoléon[11], l’autre, Bernard, le duc de Bassano. Nous croyons aussi qu’il y connut le conventionnel Masuyer. Il ne semble pas d’ailleurs avoir été un brillant écolier. Dans les trois palmarès (1770, 1776, 1777) du collège Godran qui subsistaient pour cette période, nous rencontrons bien les noms des deux Maret, mais non celui de Bosc[12]. Le dégoût dut croître lorsqu’il lui fallut, après ses humanités, suivre les cours de mathématiques. Heureusement qu’il obtint, dans les deux dernières années, la permission d’aller suivre les cours de botanique que professait depuis 1778, sous les auspices de l’Académie de Dijon, le médecin Durande, « qui avait alors à Dijon quelque célébrité », dit Cuvier. On peut voir, dans la Correspondance (lettre 163), que Bosc, après sa sortie du collège, resta en relations non seulement avec Durande, mais aussi avec deux des autres savants qui professaient à côté de lui, Guyton de Morveau et Hugues Maret[13], le père de ses amis.

Quand le docteur Bosc d’Antic fut rentré à Paris et y eut acheté sa charge de médecin du Roi, il rappela auprès de lui son fils Louis et, renonçant à le faire entrer dans l’artillerie, lui obtint un petit emploi d’abord dans les bureaux du contrôleur général (1777), puis dans ceux de la Poste (1778).

§ 3. Sa jeunesse.

Quel emploi, ou plutôt quels emplois Louis Bosc d’Antic[14] occupa-t-il successivement, de 1778 à 1792, dans l’administration royale des Postes ?. Le mieux renseigné de ses biographes, Cuvier, dit que l’Intendant des Postes, M. d’Ogny, « le trouva si exact et si intelligent, qu’après quelques années il l’éleva à l’emploi de secrétaire de l’Intendance, ce que maintenant l’on décorerait du titre de secrétaire général, et lui promit la place encore mieux rétribuée de premier commis ». Et c’est en effet « à M. d’Antic, secrétaire de l’Intendance des Postes », que sont adressées, dès 1782, les lettres de Roland et de Madame Roland (Papiers Roland, passim). Plusieurs allusions de la Correspondance indiquent d’ailleurs que, de 1780 à 1792, la situation de Bosc fut plus d’une fois modifiée par suite des remaniements incessants de son administration.

Le jeune Louis Bosc, assuré d’un gagne-pain, « de quelque aisance », dit Cuvier, eut toutes facilités pour se livrer à son goût pour l’Histoire naturelle. Nous avons nommé les savants qu’il rencontrait chez son père, Silvestre nous apprend qu’il étudia la chimie avec Sage, qui depuis 1778 professait la chimie expérimentale à la Monnaie (il aurait pu mieux choisir), et la minéralogie avec Romé de l’Isle, dont les cours publics avaient un succès mérité ; que Broussonet, revenu d’Angleterre, lui fit connaître les ouvrages de Fabricius, puis Linné. Cuvier ajoute un détail curieux, à savoir, que la franchise des postes, dont il jouissait pour sa correspondance, lui facilita beaucoup ses relations avec le monde savant. On va voir combien les Roland la mirent à profit. Ces libertés avec la Poste étaient dans les mœurs du temps[15].

Bosc n’avait pas seulement des amis d’étude. Maintes allusions des lettres de Madame Roland et divers traits des lettres inédites de la collection Beljame laissent entendre qu’il avait aussi des compagnons de plaisir et qu’il vécut quelque temps dans une société assez dissipé.


§ 4. Sa liaison avec les Roland.

C’est au Jardin du Roi, en 1780, au cours de botanique d’Antoine-Laurent de Jussieu, que Bosc se lia avec Roland et sa femme (Barrière, II. 141 : Faugère, II. 145). L’inspecteur qui allait entreprendre son Dictionnaire, avait tout profit à pratiquer ce jeune savant, qui connaissait tant de monde et tant de choses ; Bosc, de son côté, avec la sensibilité de ses vingt et un ans, se prit au charme de cette jeune femme, si instruite, si intelligente, si habile à gouverner ses amis. Aussi, lorsque les Roland furent retournés à Amiens, demeura-t-il avec eux en correspondance suivie, « presque journalière », nous dit-il lui-même[16]. C’est d’abord Roland qui demande sans cesse des renseignements ; souvent sa femme écrit pour lui. Puis les lettres prennent bien vite un tour personnel, affiectueux, d’une entière confiance. Il nous en reste un très grand nombre : d’abord celles de Madame Roland que nous publions ici, puis celles de Roland et les réponses de Bosc, dispersées tant dans les deux grands recueils des Papiers Roland que possède la Bibliothèque nationale (N. A. fr., ms. 6238-6243 et 9532-9534) que dans la collection Morrison, où nous avons pu les consulter, sans parler de celles qui figurent aux catalogues de ventes d’autographes. Mais ce ne sont évidemment que les débris d’une correspondance ininterrompue de treize années.

La première lettre que nous ayons est de Roland à Bosc, du 20 mai 1782 (ms. 6240, fol. 97), mais elle fait allusion à des lettres antérieures et c’est déjà une lettre d’ami. Vient ensuite une lettre de Madame Roland du 23 août, qui dénote une entière communauté d’idées et une confiance absolue (lettre 58). Mais la preuve que l’intimité date de la première heure, c’est que, dès 1781, presque toutes les lettres échangées entre la femme et le mari sont envoyées sous le couvert de Bosc (nous avons dit pourquoi), non pas sous double enveloppe close, mais tout ouvertes, même quand elles sont singulièrement confidentielles. On prend seulement la précaution d’indiquer au haut de la lettre, dans un coin, le véritable destinataire (« Mme de Lap. [Laplatière] », 1er avril 1784, ms.6240, fol. 170 ; « Mme de Laplatière », 20 mai 1783, ms. 6238, fol. 245). Puis, à chaque instant, ce sont des post-scriptum, tantôt de Roland pour Bosc (21 mai 1784, ms. 6240, fol. 152), tantôt de Bosc pour Roland (31 janvier 1783, ms. 6238, fol. 139). D’autre fois, Bosc joint aux lettres qu’il transmet des billets distincts. Les manuscrits en referment un assez grand nombre, que nous avons donnés en note lorsqu’ils avaient quelque intérêt.


§ 5. Naissance de son fils et mort de son père.

Nous avons dit que l’histoire naturelle et l’amitié ne remplissaient pas seules l’âme du jeune homme. Lorsque plus tard, en 1796, il partit pour les États-Unis, son passeport (ms. 6241, fol. 311) dit « avec son fils, âgé de quatorze ans ». Ce fils naturel était donc né vers 1782. Nous nous sommes demandé si la mère ne serait pas Mlle Beson, sœur de cet abbé, « petit bossu plein d’esprit », auteur d’une Histoire de Lorraine et un des collaborateurs anonymes de Buffon, chanoine et chantre de la Sainte-Chapelle ; que Madame Roland avait connu en 1778 chez sa cousine Trude, où il logeait, et chez qui Bosc fréquentait assidûment. Un passage des Mémoires (II, 210-211), rapproché des lettres où Madame Roland taquine Bosc au sujet de Mlle Bexon (3 février, 23 avril, 1er mai, 5 mai 1783), pourrait prêter à cette conjecture. Le pauvre abbé Bexon mourut le 13 février 1784, et nous ne savons ce que devint sa « grande sœur aux yeux noirs et aux belles épaules ».

Le roman (si roman il y eut) se dénoua sans doute comme tant d’autres. Peut-être, cependant, durait-il encore en 1786 (voir lettre 243). Sans l’approfondir davantage, disons que Bosc éleva de son mieux ce fils, appelé Louis comme lui, dont nous avons pu suivre la carrière, et qui mourut inspecteur de la marine à Cherbourg, à un âge assez avancé.

Cette jeunesse insouciante de Bosc eut bientôt à compter avec de cruels soucis. La mort de son père (4 avril 1784) laissait sa jeune sœur, Sophie, la seule dont il eut à s’occuper, sans autres ressources que le produit de la vente de la charge paternelle. « Bientôt la demoiselle, écrivait Madame Roland le 27 mars, a quelques différences près, sera comme Mlle Bexon (cf. lettre 112). L’embarras était d’autant plus grand que la sœur aînée, Mme de Boinville intervenait aigrement pour réclamer sa part de la pauvre succession. Finalement, Bosc paraît avoir amené ses deux sœurs et son frère à renoncer à un héritage onéreux, mais en prenant pour lui la plus grosse part des sacrifices : « Je devrais, je crois, plutôt me plaindre que toi, écrivait-il à Mme de Boinville le 20 décembre 1784, puisque tu as une existence assurée et que je n’ai qu’un hôpital pour ressource, si je viens a perdre mes mains ou ma tête » (Coll. Beljame.)

Il ne s’en considéra pas moins, dès le premier jour, comme le tuteur de Sophie. Sa première idée fut de la placer dans un de ces couvents ou s’abritaient des personnes du monde peu aisées, et nous voyons Madame Roland l’aider dans cette recherche (lettres 112 et 113). Mais il eût mieux aimé la marier, et il demandait à son amie de s’entremettre (lettre 138). Sophie d’Antic reparaît encore de loin en loin dans la Correspondance (lettres 165,178). En 1787, elle était à Dijon, auprès de son frère Joseph, qui avait quitté le Creusot pour un emploi dans l’administration des mines et manufactures de la province (Biogr. Rabbe). Elle se maria en 1794, à Langres, avec M. Dehérain, et Bosc, alors réduit à se cacher comme suspect, écrivait à son nouveau beau-frère (coll. Beljame) :


Paris, 27 messidor an ii (15 juillet 1794).

Je pourrais, citoyen… répondre longuement à votre gracieuse lettre. Le sujet prête beaucoup au sentiment. Je préfère cependant d’en remettre l’expression au moment où il me sera permis de vous embrasser. La bonne opinion que j’ai de ma sœur suffit pour m’en donner une avantageuse des moyens que vous avez pour la rendre heureuse. Je me borne donc à faire des vœux pour qu’aucune cause étrangère ne nuise à votre prospérité commune et à désirer d’être, le plus promptement possible, témoin des douceurs de votre union.

Je vous salue et vous embrasse fraternellement. B


§ 6. Madame Roland à Paris, mars-mai 1784.

C’est au milieu des malheurs domestiques de Bosc que Madame Roland arriva à Paris, vers le milieu de mars 1784, pour y suivre elle-même l’affaire des lettres de noblesse que sollicitait son mari. Durant ce long séjour, qui se prolongea jusqu’à la fin de mai. Bosc, après les premiers jours donnés à son deuil, se mit tout entier au service de la jeune femme ; il l’accompagne dans ses courses d’affaire, la conduit chez Romé de l’Isle, le mène promener au Jardin du Roi, au bois de Boulogne, où ils vont avec Lanthenas manger des œufs frais et « chanter les bonnes gens » ; à Chaillot, pour voir la pompe à feu, la nouveauté du jour  ; à Vincennes, chez le chanoine Bimont, oncle de Madame Roland ; à Alfort, chez les savants professeurs de l’École vétérinaire, etc… Nous ne pouvons que renvoyer à la Correspondance pour qu’on voie Bosc dans tous les détails de ce rôle de cavalier servant, qu’il partage avec Lanthenas et dont Roland plaisante lui-même avec autant de lourdeur que de sécurité. Singuliers rapports, que nos mœurs contemporaines suspecteraient ou ne comprendraient pas, mais dont ces âmes simples s’accommodaient sans embarras. C’est, chez Madame Roland, une amitié franche, sans coquetterie, mais non sans libre allure ; chez Bosc, un mélange amusant d’affection loyale, d’amour qui n’ose, de familiarités, de bouderies ; tel il apparaît à ce moment, tel il restera jusqu’au bout. Il se sentait enchaîné, n’espérait rien, et, à travers quelques accès d’humeur, se résignait.

Il y avait cependant quelques petites crises. Nous en devinons une (voir lettre 148), à propos d’une excursion à Ermenonville où Bosc aurait voulu entraîner Madame Roland, et qu’elle finit par faire sans lui, avec son mari qui vint la chercher malade à Paris et la ramena à Amiens à petites journées. Une autre crise plus sérieuse éclata en septembre. Roland, nommé à l’inspection des manufactures de Lyon, quitte Amiens ; on s’arrête longtemps à Paris, on y revoit Bosc assidûment. Mais Madame Roland a la malencontreuse idée d’aller consulter, pour la santé de son mari, le médecin Alphonse Le Roy, alors très en vue dans le monde scientifique. Soit que Bosc détestât Alphonse Le Roy, soit que sa piété filiale s’irritât de voir Madame Roland ne plus avoir foi dans le régime que son père avait prescrit les années précédentes à l’inspecteur valétudinaire, soit plus simplement qu’il s’offusquât du mystère de la démarche, il fit à ses amis une véritable scène ; à Longpont, chez le curé Pierre Roland, où il les avait accompagnés sur le chemin de Lyon, à les quitta brusquement, en pleurant, sans vouloir leur dire adieu (voir lettre du 23 septembre) ; il fallut plusieurs lettres de Roland et de sa femme pour le ramener, et cela ne prit fin qu’au commencement de 1785.


§ 7. 1785-1789.

De 1785 à 1789, entre les Roland, établis en Beaujolais, et Bosc, de plus en plus répandu dans le monde savant, la correspondance se poursuit, amicale, enjouée, régulière. Peu d’incidents dans la vie de Bosc ; en 1785, nous le voyons sur le point de s’embarquer avec l’expédition de Lapérouse (voir lettre 193). Ses amis, le naturaliste Jean-André Mongez, et le chevalier de Lamanon, dont l’exemple le tentait, n’eurent pas, comme lui, le bonheur de se raviser. On peut suivre aussi, dans la Correspondance, mais d’une façon assez obscure, les diverses phases de sa carrière administrative ; il semble d’abord qu’il ait eu un avancement assez sérieux (lettre du 17 avril 1783) ; puis vinrent les contre-coups des remaniements essayés par la royauté en ce temps de continuelles réformes, — de l’édit de décembre 1785 (lettre du 24 janvier 1786), — de l’édit d’août 1787 (lettres des 18 novembre 1787 et 2 juin 1788). À travers tous ces « remaniements des postes », comme dit Madame Roland, il semble que la situation de Bosc, en définitive, soit allée se consolidant et s’améliorant.

Bosc tient ses amis au courant des nouvelles de Paris ; mais surtout il envoie à Roland notes sur notes (histoire naturelle, matières premières, etc.) pour le Dictionnaire, Madame Rotand stimule son zèle, lui raconte la vie paisible du logis et l’entretient, avec une insistance enjouée, de sa fille Eudora.

L’enfant était née en 1781, à Amiens, et Bosc, même avant de l’avoir vue, reportait sur elle en sollicitude l’attachement qu’il avait pour ses parents ; on voit à chaque instant, dans la Correspondance, qu’il tremble pour sa santé, qu’il se réjouit de ses progrès, Madame Roland part de là pour lui insinuer plaisamment que, puisqu’il ne doit pas songer à la mère, il pourra un jour aimer la fille ; que c’est une épouse qu’elle lui prépare. Ce badinage maternel devait un jour être pris au sérieux par l’excellent Bosc. Ce fut là fe grand drame de sa vie.

§ 8. Les amis de Bosc.

La Correspondance, complétée par nos documents, nous fait connaître les amis particuliers de Bosc. Remarquons dès à présent que presque tous entrèrent avec lui dans la Révolution. Unis par le goût de l’étude, par les mêmes idées philosophiques, ils se préparaient dès lors au grand combat.

C’est d’abord Lanthenas, le jeune ami des Roland. Dès 1780, nous le voyons installé à Paris, étudiant la médecine, logé à l’hôtel de Lyon, rue Saint-Jacques, là même où descendaient les Roland lorsqu’ils venaient dans la capitale. Il fut donc bien vite lié avec Bosc. Madame Roland l’appelait « mon frère » ; pour Bosc aussi, il fut un frère, jusqu’au jour où, devenu député à la Convention, il se sépara de ses malheureux amis. Il y a, dans al collection Morrison, toute une série de lettres inédites de Lanthenas à Bosc, de 1784 à 1790, qui attestent combien l’intimité était grande.

Puis nous rencontrons un bon vieillard, Parraud, rêveur swedenborgien, qui vivait en traduisant les livres du maître et en élevant des jeunes gens, et que Lanthenas avait probablement introduit dans le cercle. Son nom revient sans cesse dans la correspondance des amis (voir lettre 98). Roland, en 1792, emploiera sa plume au service de la Révolution.

Nous avons déjà mentionné Romé de L’Isle (1736-1790), qui venait de publier sa Cristallographe (1783, 4 vol. in-8o), et dont Bosc, fils du verrier de Servin et de Saint-Flour, s’était fait l’élève et l’admirateur. Il lui conduit Madame Roland (voir lettre 132). Le 6 mars 1790, il écrivait à Faujas de Saint-Fond : « J’ai l’âme navrée. Notre ami de L’Isle est à la mort. J’ai passé la nuit dernière au pied de son lit et je crains que la prochaine soit la dernière de sa vie » (ms. 9533, fol. 118-119). Romé de L’Isle mourut en effet le lendemain, el un article très ému du Patriote français, du 16 mars, semble bien être de Bosc, devenu un des collaborateurs habituels de Brissot.

Le géologue Faujas de Saint-Fond, auquel cette lettre est adressée, était déjà en 1784 en relations d’amitié avec Bosc (voir lettre 98). Cette lettre de 1790 citée plus haut, par laquelle Bosc recommande Lanthenas « à Monsieur Faujas de Saint-Fond, inspecteur des milices nationales à Montélimart », montre que cette amitié avait duré et s’affermissait dans leur adhésion commune à la Révolution.

Un autre ami, Broussonet, était déjà dans tout l’éclat de sa jeune gloire. Après un séjour de trois années à Londres (1779-1782), où il avait été nommé membre de la Société royale, il venait d’être choisi par Daubenton pour le suppléer au Collège de France (histoire naturelle, 1783), puis à l’École d’Alfort (économie rurale, 1784). Bosc lui conduit aussi Madame Roland, à Alfort, en mai 1784. Ce jeune savant, — il n’avait alors que 23 ans, et était de deux années le cadet de Bosc, — fut peut-être son plus cher ami ; ensemble ils entrèrent à la Société des Jacobins en 1790, ensemble ils luttèrent contre la Terreur et furent persécutés par elle. En mars 1796, Broussonet sera un de ceux auxquels Bosc confiera les secrets de son cœur.

Nous avons déjà parlé (Appendice H) des deux naturalistes provençaux, les frères de Lamanon, qui avaient été probablement pour lui des compagnons de jeunesse et qui restérent des correspondants de recherches scientifiques.

D’autres amis, que Bosc devait aux Roland, sont M. et Mme d’Eu et M. de Vin, d’Amiens, dont nous avons parlé avec détail à l’Appendice E. C’est le 17 avril 1783 que Madame Roland lui adresse M. de Vin. La lettre du 21 mars 1784 nous le montre déjà en correspondance réglée avec M. d’Eu, sur des questions d’histoire naturelle. Mais la liaison aboutit bientôt à une intimité dont Madame Roland sourit quelque peu ; il semble que Bosc ait été, lui aussi, pendant les fréquents et longs séjours que Mme d’Eu faisait à Paris, un des cavaliers servants de la dame. Nous avons signalé, dans cet Appendice E, l’intéressante correspondance échangée, du 9 juillet 1785 au 27 décembre 1789, entre Bosc et le amiénois.

N’oublions pas l’astronome Dezach, que Broussonet, qui l’avait connu en Angleterre, mit en rapports avec Bosc et, par celui-ci, avec les Roland. Ces honnêtes gens ne se lassaient pas de faire échange de leurs amis.

Mais les amis les plus particuliers de Bosc paraissent avoir été Creuzé-Latouche, Bancal des Issarts et Garran de Coulon, trois futurs conventionnels, comme Lanthenas.

Creusé de Latouche (1749-1800), originaire de Châtellerault, était depuis 1774 avocat à Paris et demeurait rue des Lavandières-Sainte-Opportune ; Bosc logeait rue des Prouvaires, tout à côté de l’Hôtel des Postes, où il avait son bureau. Nous verrions volontiers dans ce voisinage, en un temps où les difficultés de la circulation dans Paris y faisaient de chaque quartier comme une petite ville, l’origine de leur liaison, qui existait peut-être déjà en 1783 (lettre 82). En tout cas, elle est bien établie en 1784 (lettres 134-139). Ce n’est que plus tard que l’avocat poitevin quitta Paris pour retourner acheter à Châtellerault la charge de lieutenant général de la sénéchaussée, en attendant que la Révolution le ramenât, d’abord à la Constituante, puis à la Convention. Toujours ami de Bosc, entraîné par lui dans le parti de Roland (voir au ms. 9532, fol. 225-226, une lettre qu’il adresse le 18 juin 1792 au ministre congédié), Creuzé-Latouche resta fidèle au malheur. C’est chez lui que Bosc, le 1er juin 1793, alors que Roland était en fuite et que sa femme venait d’être conduite à l’Abbaye, conduisit leur fille Eudora, dont il devînt alors, et pour plusieurs années, un dévoué protecteur.

Bancal des Issarts (1750-1826), auquel nous consacrerons l’Appendice Q, était notaire à Paris depuis le 11 septembre 1783 et habitait alors rue du Four, près Saint-Eustache ; il était donc, lui aussi, voisin de Bosc. Il avait étudié le droit à l’Université d’Orléans, et c’était là qu’il s’était lié avec Garran de Coulon (1749-1816), originaire de cette ville, avocat à Paris depuis 1775.

Dès 1787, cette société d’amis, Bosc, Creuzé, Bancal et Garran, était étroitement unie, car Paul de Lamanon écrit à Bosc, de Salon, le 13 mars 1787 (coll. Beljame) : « Je vous prie de me rappeler dans le souvenir de M. de Coulon et de son épouse, et de MM. Desissart et Creuzet… ». Toutefois la première lettre que nous ayons de Bosc à Bancal est du 20 décembre 1788 (ms. 9533, fol. 112-113).

Il y avait entre eux tous un lien charmant, le goût de la botanique, l’étude chères à Rousseau. On partait le dimanche, jour de liberté pour le secrétaire des Postes, et on allait herboriser à pied dans les environs de Paris, surtout dans la forêt de Montmorency, agitant en chemin ces problèmes de philosophie et de politique pour lesquels on allait faire une révolution. Lorsque, en 1798, Bancal converti publiera un ouvrage tout imprégné de démocratie religieuse, Bosc lui écrira[17] : « J’ai lu ton livre et j’y ai reconnu ton ardent amour pour la République, mais non les principes que nous discutions jadis dans nos promenades philosophiques des dimanches ». — « Dites-moi quelque chose, écrit à Bosc Paul de Lamanon en avril 1788, de votre santé et de celle des personnes de la société promeneuse, à laquelle je me recommande… » (coll. Beljame). Cuvier raconte que ces excursions botaniques, faites en troupe, inquiétaient les paysans. Le savant et aimable historiographe de Saint-Prix, M. Auguste Rey[18], nous apprend qu’une de ces herborisations avait pour but Saint-Gralien et Saint-Prix. Bosc se familiarisait ainsi de bonne heure avec les abords de cette forêt qui devait l’abriter pendantl a Terreur.


§ 9. Les débuts de la Révolution.

C’est dans ce milieu de savants et de légistes que Bosc assista à l’explosion de 1789. Mais, alors même qu’il n’eût pas été entraîné par eux, l’impulsion des Roland aurait suffi. Toutes les lettres qu’il reçoit de Madame Roland sont pressantes, impératives, enflammées ; celles du mari (collection Morrison) respirent la même fièvre. Par eux et par Lanthenas, il se lie avec Brissot, collabore au Patriote français, et, lorsqu’il a reçu de son impétueuse amie quelqu’une de ces lettres où frémit le génie de la Révolution, il la porte au journaliste, qui l’arrange et l’insère. Tout semble d’ailleurs commun entra Lanthenas, Bancal et lui. Ils sont, comme les appelle à chaque instant Madame Roland, « le triumvirat ».

C’est à ce moment que naquit, entre eux et les Roland, un projet où se reconnaît bien l’esprit du temps, et que nous exposerons avec détail dans les Appendices réservés à Lanthenas et à Bancal. Il s’agissait d’acheter en commun quelqu’un de ces domaines ecclésiastiques que la nation venait de mettre en vente et d’y aller vivre tous ensemble dans une philosophique retraite. Ce projet d’un grand établissement, pris, abandonné et repris pendant plus d’une année, finit par tomber.

Mis en rapports par Lanthenas avec Gilbert Romme, qui venait de fonder (10 janvier 1790), avec Théroigne de Méricourt, le Club des Amis de la loi, Bosc fut un des premiers adhérents de ce groupe qui se réunissait chez Théroigne, à l’hôtel de Grenoble, rue du Bouloi. M. Marcellin Pellet[19] possède et signale une feuille d’émargement, du 10 mars, où figure son nom. Dès le 18 février (lettre 341), Madame Roland taquine son ami sur ses relations avec « l’étrangère ». Le 20 juin, le club alla célébrer l’anniversaire du serment du Jeu de paume à Versailles et la fête se termina par un dîner au Ranelagh du bois de Boulogne (voir au Patriote français du 23 juin le compte rendu de Lanthenas ; cf. Correspondance, lettre 355, et ms. 9534, fol. 237 et 241). On voit par là que Lanthenas était du groupe ; Bernard Maret également. (Marc. Pellet. loc. cit.)

C’était l’heure souriante de la Révolution. On associait dans un même culte la Liberté et la Nature. Sur la liste des souscripteurs pour l’érection d’une statue à Rousseau (Révolutions de Paris, n° 54, juillet 1790), nous trouvons réunis les noms de « M. Bosc, secrétaire de l’Intendance des Postes, 3 livres ; M. Rolland, inspecteur général des manufactures à Lyon, et Madame son épouse, 6 livres ». Le 23 août, Bosc, nommé président de la Société des naturalistes français, inaugure le buste de Linné au Jardin des Plantes, sous le cèdre planté un demi-siècle auparavant par le naturaliste suédois. Un mois après, le 25 septembre, à la tête de la Société des Amis de la Constitution de Montmorency, autre inauguration, à l’entrée de sa chère forêt, d’un buste de Jean-Jacques Rousseau ; la fête où Daunou et lui prononcèrent des discours, où l’on vit défiler un chœur de jeunes femmes, des mères de famille portant le buste de Rousseau, des vieillards portant une pierre de la Bastille, et qui se termina par des danses et une illumination dans les arbres[20], eut l’honneur d’une relation dans le Patriote français du 28, ainsi que dans les Révolutions de Paris (n° 116).


§ 10. Sophie Grandchamp.

À ce moment-là, nous trouvons Bosc lié avec une femme d’un rare mérite, Sophie Grandchamp, dont il semble avoir fait la connaissance dans la société de Brissot (voir lettre 458). Y avait-il entre eux plus que de l’amitié ? En tout cas, cette amitié avait ses orages, ses brouilles irritées, ses tendres réconciliations. Les souvenirs de Sophie Grandchamp, que nous avons publiés dans la Révolution française (juillet-août 1899), rapprochés de diverses lettres de la Correspondance (septembre 1791, mars-avril 1792), nous apprennent comment Bosc, en août 1791, présenta Sophie Grandchamp à Madame Roland, comment les deux femmes se lièrent au point de faire ensemble, le mois suivant, le voyage du Beaujolais et combien Bosc fut froissé de n’en avoir été prévenu qu’à la dernière heure. Ces lettres nous montrent aussi que la rupture durait encore à la fin de mars 1792, à moins qu’il n’y eût eu réconciliation, puis rupture nouvelle, et comment Madame Roland, même au milieu des embarras de son installation au ministère, s’entremettait activement pour réconcilier Bosc avec son amie. Nous sommes forcés, pour abréger, de supprimer tous les détails de cette histoire et de renvoyer le lecteur à nos articles de la Révolution française. Disons seulement que, en 1793, il n’y a plus trace d’intimité entre Bosc et Sophie Grandchamp. Elle habitait alors avec Grandpré, l’inspecteur des prisons, l’homme de bien que les Mémoires nous font connaître. Mais on n’avait pas cessé de se voir : c’est en allant chez son ancienne amie que Bosc apprit, le 8 novembre, l’exécution de Madame Roland, qui venait d’avoir lieu.


§ 11. Bosc aux Jacobins.

Engagé, comme il l’était, parmi les « patriotes », Bosc ne pouvait pas ne pas faire partie, dès la première heure, de la Société des Jacobins. Sur la liste des membres de la Société au 21 décembre 1790 qu’a publiée M. Aulard (Jacobins, t. I, Introduction, p. xxxviii), son nom figure déjà : « Bosc rue des Prouvaires, n° 52 [lisez 32] »[21]. Bancal des Issarts et Broussonet sont aussi sur la liste.

Pendant toute l’année 1791, Bosc prend une part active aux travaux de la Société, où dominait alors l’influence de Brissot et des hommes que les événements allaient grouper, sous le nom de Girondins, dans une communauté de luttes et d’infortune. Le 31 août 1791, il est nommé, — avec Fabre d’Églantine, — membre du comité de correspondance (Aulard, III, 109. Là aussi à y à Boze, mais l’Index rectifie). Le 7 octobre (ibid., III, 172), nous le trouvons encore, avec son nom bien orthographié cette fois, — et à côté de celui de Lanthenas, — parmi les membres du comité de correspondance. — De même le 16 novembre (ibid., III, 253). Le 30 décembre (ibid., 303), il est nommé commissaire de la Société, avec Tournon, le journaliste lyonnais qui avait passé des Révolutions de Paris au Mercure universel, Bancal et Lanthenas, pour organiser, dans la salle des Jacobins, des lectures et conférences patriotiques, idée chère à Lanthenas et à tous les idéalistes de la Révolution. Louvet nous dit, dans ses Mémoires (éd. Aulard, I, 30) : « J’avais pour collaborateurs assidus [au comité de correspondance des Jacobins, vers la fin de 1791 ou le commencement de 1792] le bon Bosc, bien digne de l’amitié que lui portait Roland, — Lanthenas qui paraissait la mériter alors[22]… ».

Les Roland venaient de rentrer définitivement à Paris (15 décembre 1791). Bosc introduit aussitôt Roland aux Jacobins. Le 15 février 1792, Roland, Lanthenas et Bosc sont du comité de correspondance, et Bosc en est secrétaire (Aulard, III, 381). Le 20 février (ibid., 408), Bosc et Roland sont secrétaires ensemble. — Même situation le 27 février et le 2 mars (ibid., 417, 422). — Le 14 mars (ibid., 434), le nom de Roland a disparu, mais Bosc est toujours secrétaire.

Le moment approchait où les Girondins allaient s’emparer du ministère et porter Roland à l’Intérieur (23 mars). On voit que Bosc était aux premiers rangs de l’assaut.

§ 12. Bosc, administrateur des Postes.

Il ne s’en trouvait pas moins alors dans une très grande gêne pécuniaire. Cette Révolution, qu’il servait avec une ardeur si désintéressée, avait commencé par le ruiner. « À la réorganisation des Postes, dit Cuvier. M. d’Ogny avait été éloigné et on avait fait redescendre Bosc. » Autrement dit, l’Intendance des Postes avait été supprimée comme toutes les autres et, dans la nouvelle organisation, qui devait fonctionner à partir du 1er janvier 1792[23], Bosc n’avait pu se maintenir qu’en prenant un emploi inférieur et moins rétribué. Le bon naturaliste, avec son insouciance de cigale, se trouvait donc fort au dépourvu quand la fortune de ses amis vint lui faire espérer un autre sort.

Mais, ainsi que nous l’avons expliqué dans l’Avertissement de l’année 1792, les nouveaux ministres ne purent agir tout de suite. Aussi les billets écrits alors à Bosc par Madame Roland sont-ils fort curieux. Après ceux de la fin de mars, où elle cherche à le réconcilier avec Sophie Grandchamp, vient, en avril et aux premiers jours de mai, une suite de petites lettres, amicales, pressantes, où elle se plaint de son silence, de son éloignement. On devine que Bosc, soit qu’il se croie laissé de côté, soit plutôt qu’il ait la pudeur des hommes malheureux et fiers, se tient à distance. Enfin, le 10 mai, arrive un mot bref et significatif : « Quelle heure qu’il soit quand vous recevrez ce billet, venez me voir aujourd’hui ». Ce que Madame Roland avait hâte d’annoncer au plus fidèle de ses amis, c’est que Clavière avait enfin obtenu du Roi les changements réclamés dans la Direction des Postes et qu’il était au nombre des quatre nouveaux administrateurs, au traitement de 15,000 livres, avec le logement dans l’hôtel de l’administration.

Cuvier dit que Bosc fut nommé à cet emploi le 11 mars 1792. C’est un lapsus évident. Il faut lire 11 mai. À la date du 11 mars. Roland n’était pas encore ministre et n’aurait rien pu pour son ami[24]. Voici, du reste, ce que Bosc écrivait à Bancal trois jours après[25].


Paris, 14 Mai 1792.

Vous avez appris, mon cher, l’aventure qui m’est arrivée. Il s’agit actuellement d’en profiter pour le plus grand bien de la nation et des particuliers qui la composent. Il s’agit de désaristocratiser la poste et de lui rendre la confiance dont elle doit jouir.

Nous travaillerons, nous nous priverons de tout plaisir pour parvenir à notre but, et certes le diable s’en mêlera si nous n’y parvenons pas.

… J’ai oublié de vous acheter les travaux de Mirabeau. Je réparerai cet oubli aussitôt que j’aurai de l’argent. J’ai été fait administrateur lorsque j’avais pour toute fortune 60 livres en assignats. Il faut que j’emprunte quelques écus pour attendre la fin du mois… Bosc eut pour collègue, comme administrateur des Postes, un autre vieil ami des Roland, — et aussi de Pache, — Gibert, bien des fois mentionné dans les Mémoires (II, 210-213) et dans la Correspondance (passim, et surtout dans les Lettres Cannet.) Ils furent là, dans un service qui avait une si grande importance, à ce moment-là surtout, — à cause de la correspondance patriotique avec les départements que Roland se hâtait d’organiser, — les hommes de confiance du ministre. On peut voir au ms. 6243, fol. 145, 146, 151-152, 156, 157, quelques spécimens des notes que Roland leur faisait passer dans les moments d’urgence. C’est d’ailleurs au sein de leur simple et franche amitié que le ministre et sa femme allaient se reposer, dans les courts répits que leur laissait la fièvre des affaires. Il y a dans Barrière (II, 11), qui écrivait en 1820 avec les souvenirs de Bosc, une jolie anecdote sur un dîner offert par lui, au bois de Boulogne, à Roland et à sa femme (six convives en tout, dont trois ministres), et qui coûta quinze francs ! De même, c’est chez Gibert, dans sa rustique maison de Monceau, que nous voyons Madame Roland, à la fin de septembre 1792[26], aller chercher quelques moments de paix, après ces massacres qui lui avaient arraché, dans ses lettres à Bancal, de si nobles cris d’indignation et de pitié.


§ 13. Sainte-Radegonde.

Nous avons déjà parlé du projet agité en 1790 et 1791, entre Bancal, Lanthenas, Bosc et les Roland, pour acheter ensemble un domaine ecclésiastique vendu comme bien national et aller y vivre en commun. Plus d’un de leurs amis parla d’y participer : Champagneux, à Lyon, devait en être ; un Anglais, quaker et « pythagoricien », qui voyageait alors en France, Robert Pigott, parlait d’y mettre des fonds considérables ; Brissot, qui songeait à y entrer, avait préparé les statuts (voir Appendice L). Bizot lui-même, lorsqu’il se lia avec les Roland en 1791, parut s’y intéresser. Mais où s’établir ? Le Beaujolais ou le Lyonnais, où on chercha d’abord, furent finalement écartés ; Bancal penchait naturellement pour l’Auvergne. Lanthenas avait en vue la riche abbaye de Mortemer, en Normandie. Au bout du compte, chacun s’arrangea de son côté. Dès juillet 1791, Bancal avait acheté le domaine de Bonneval, en Auvergne ; Roland acquit (en mars 1793 !) un domaine à Villeron, au district de Gonesse. Mais Bosc avait réussi à faire acheter par Bancal, — en dehors du grand projet, — le modeste prieuré de Notre-Dame-du-Bois-Saint-Père, dit Sainte-Radegonde, dans sa chère forêt de Montmorency[27]. L’acquisition, entamée dès le mois d’août 1791, ne fut définitivement conclue que le 14 février 1792, au prix de 8,150 livres. Bancal étant alors en Auvergne, par l’intermédiaire de Bosc. Dès lors, on le voit administrer le petit domaine pour le compte de son ami, y aller en toute occasion. Il n’est pas certain, dit M. Auguste Rey, que le vrai maître (Bancal) y ait fait plus d’une visite pendant toute sa vie : « C’est à croire qu’il avait acheté ce coin de forêt pour la seule joie du botaniste ».

Bosc, qui avait passé sa première enfance dans les forêts de Bassigny, trouvait là de quoi satisfaire ses goûts de naturaliste et son amour de la vie rustique. Une lettre à Bancal du 12 avril 1792 (A. Rey, p. 22) nous le montre faisant des réparations au prieuré. Dans une autre lettre du 14 mai, déjà mentionnée, il dit : « Il faudra bien que je trouve quelques moments pour aller à Sainte-Radegonde, car l’exercice, l’air de la campagne est nécessaire à mon existence » (ibid., p. 24). Puis, le 26 mai (ibid) : « J’étais invité à aller dîner chez Roland pour causer de votre personne, mais ma tête a besoin de repos, et je préfère aller coucher à votre ermitage ».

L’ermitage, situé au cœur de la forêt, dans une clairière, à 600 mètres environ du château de La Chasse, près de la croisée de la route des Fonds avec le chemin qui mène de Saint-Prix à Bouffémont, a été trop bien décrit par M. Auguste Rey pour que nous puissions rien ajouter au tableau. D’ailleurs, une jolie phototypie, dans son livre (p. 32), représente bien l’état actuel. Il n’y manque que la petite chapelle et son clocher, mentionnés dans l’acte de vente ainsi que dans les Mémoires de La Revellière-Lepeaux (I, 166) ; ils ont été démolis en 1842. Une vieille paysanne, logée dans une chambre de la maison, servait de gardienne.

C’est là que Bosc passa les mauvais jours de la Terreur et abrita ses amis proscrits.


§ 14. Les mauvais jours.

Car les temps allaient vite, Roland quittait le ministère le 23 janvier 1793. Désireux d’aller chercher au Clos la retraite et l’oubli, mais ne pouvant quitter Paris sans avoir obtenu l’apurement de ses comptes, il le sollicitait en vain. La Convention avait bien d’autres affaires ! L’ajournement laissait d’ailleurs l’ancien ministre sous sa main, comme en otage. En attendant, les dénonciations, les menaces de mort se succédaient autour de cet humble logis de la rue de la Harpe où il s’était retiré. Déjà, dans les deux derniers mois de son ministère, il avait dû trois fois, avec les siens, aller passer la nuit chez des amis. Il fallut recommencer. Les deux billets suivants[28] nous apprennent que, pendant quelques jours au moins, il conduisit sa femme et sa fille dans quelque village de la banlieue de Paris :

Vous êtes allé à la maison ; votre amitié, vos soins, vos sollicitudes ont continué, et vous ignorez mûrement toute l’étendu des nôtres. Mon ami, nous sommes hors des murs depuis huit ou dix jours ; je vais cependant y rentrer sous peu ; la crainte de la mort deviendrait enfin pire que la mort même, et c’est là le moindre de mes chagrins[29]. Brûlez ce billet. Je vous donnerai avis de ma réintégration dans mon domicile, que j’abandonnerai, ainsi que Paris, le plus tôt que je pourrai.

Obligez-moi de faire passer la lettre ci-jointe à son adresse ; je l’ignore entièrement.

Donnez-nous de vos nouvelles et de celles de la chose publique, ce que vous en voyez, ce que vous en savez, ce que vous en présumez. Remettez ou envoyez votre lettre à notre domicile. Je vous embrasse de tout mon cœur, quoique très tristement.


R.

J’arrive ; je passerai la journée ici ; ne pourriez-vous pas me venir voir ce soir entre 8 et 9 heures ? Nous causerions. Demain matin, je vais chercher la famille et je la ramène dîner ici.

Je vous envoie plusieurs lettres qui ne me regardent en façon quelconque. J’en ai déjà décacheté plusieurs et l’on en viendrait à me ruiner ; faites-moi décharger de ces ports, et, si l’on veut, qu’on garde les lettres[30].

Je vous adresse le plus honnête homme qui ait partagé mon administration. M. Heurtier[31] ; si vous pouvez l’obliger, vous m’obligerez beaucoup. Salut de tout mon cœur.


R.

J’ignore l’adresse de Saint-Aubin[32]. Obligez-moi de lui faire passer tout de suite le billet ci-joint.

Survint le 31 mai, l’insurrection de la Commune de Paris. Dès le matin, Bosc eut une alerte pour son propre compte. « Le 31 mai 1793, dit Cuvier, M. Bosc fut arrêté dans son domicile [rue des ProuvairesJ, et nous le disons avec honte, par un homme qui, sous prétexte d’histoire naturelle, s’était depuis longtemps insinué dans sa familiarité. On le conduisit à la Poste, où on le rendit témoin de la première violation du secret des lettres qui ait eu lieu depuis qu’il en était administrateur. À la vérité, la Convention, non encore subjuguée, le rendit pour lors à ses fonctions, et comme son département personnel n’embrassait que les messageries, il put encore y vaquer sans déshonneur… »

Mais ces inquiétudes personnelles n’étaient pas pour le détourner de veiller sur ses amis. Ce même jour, dans la soirée, des émissaires du Comité insurrectionnel se présentent chez Roland pour l’arrêter. Il parvient à leur échapper, et c’est chez Bosc qu’il va chercher un asile, dit une tradition de famille que M. Rey a recueillie et que les circonstances relatées par Madame Roland dans ses Mémoires (I, 13) rendent fort vraisemblable. Pendant ce temps, Madame Roland était arrêté dans la nuit et conduite, le 1er juin, à 7 heures du matin, à l’Abbaye. À peine écrouée, c’est à Bosc qu’elle songe, et elle lui adresse le billet si souvent publié et cité (no 524 de la Correspondance), qui se termine par ces mots ; « Je vous embrasse cordialement ; à la vie et à la mort, estime et amitié ».

La prisonnière avait raison de compter sur Bosc. Déjà, en apprenant l’arrestation, il était accouru au logis, où la petite Eudora était restée avec les deux domestiques, et l’avait conduite chez les Creuzé-Latouche, qui demeuraient alors à deux pas de là, rue Hautefeuille, no 11, et qui la reçurent au nombre de leurs propres enfants (Mémoires, I, 43). Creuzé avait un rôle assez effacé à la Convention pour n’être pas compromis avec ses amis de la Gironde. Il s’agissait ensuite de faire sortir Roland de Paris. Le 2 juin, — tandis que les canonniers d’Henriot arrachaient à la Convention l’arrestation des vingt-deux, — Bosc fit franchir à son ami la ligne des barrières et le conduisit à Sainte-Radegonde (A. Rey, p. 26). Roland y passa la première quinzaine de juin, et parvint ensuite à gagner Rouen, où ses vieilles amies, les demoiselles Malortie, l’abritèrent jusqu’au jour où il sortit de chez elles pour se tuer (voir Appendice D. § 5). La retraite de Roland à Sainte-Radegonde est attestée par Barrière (Notice, p. xlviii, par La Revellière-Lepeau (I, 163-164), par Cuvier (Notice sur Bosc), et par Bosc lui-même, dans une lettre à Broussonet du 29 mars 1796, citée par M. Rey (p. 26).

Ainsi, vers le milieu de juin, le père et l’enfant étant en sûreté, Bosc n’avait plus à s’occuper que de la mère. Déjà, il l’était allé voir à l’Abbaye (Mémoires, I, 41-43). Après qu’elle eut été, le 24 juin, transférée à Sainte-Pélagie, il resta un de ses visiteurs assidus, lui apportant des fleurs du Jardin des Plantes, dont son ami André Thouin était jardinier en chef (Mémoires, I, 218).

Mais il dut bientôt ralentir ses visites. Madame Roland écrit en août (Mémoires, I, 226) : « J’invite Bosc, qui déjà a donné sa démission, de ne pas courir les risques de la détention en me faisant des visites ; et je le vois une fois par semaine, pour ainsi dire à la dérobée… ».

Selon Cuvier, Bosc n’aurait quitté l’administration des Postes qu’un peu plus tard. « Le 14 septembre 1793 fut le jour de sa destitution. » Il semble que les faits puissent se rétablir ainsi : un décret du 24 juillet 1793 avait prescrit de procéder incessamment à la formation d’une nouvelle administration des postes et messageries, celle que Clavière avait organisée en mai 1792 étant nécessairement suspecte. Le décret décidait (art. 2) qu’il y aurait « neuf administrateurs, élus par la Convention nationale, sur la présentation du Conseil exécutif ». Nous lisons ensuite, dans le Procès-verbal du Conseil exécutif provisoire, séance du 6 août (Aulard, Salut public, V, 487) : « Le Conseil exécutif provisoire, en conformité du décret du 23 et 24 juillet dernier, qui charge le Conseil de désigner à la Convention nationale neuf citoyens pour composer la nouvelle administration des Postes et Messageries… présente les neuf citoyens dont les noms suivent… ». Suit la liste, sur laquelle Bosc ne figure pas. C’est vraisemblablement alors qu’il avait donné sa démission, mais en continuant provisoirement son service. Les nouveaux administrateurs ne furent nommés que les 6 et 10 septembre (voir Procès-verbaux de la Convention), et cela explique qu’il n’ait été définitivement remplacé que le 14.

Il se retira alors à Sainte-Rodegonde, tant pour assurer sa sûreté personnelle que par raison d’économie, puisqu’il perdait, avec sa place, son unique gagne-pain. Aussi, à partir du 5 septembre, n’est-ce plus à lui que Madame Roland fait passer les « cahiers » de ses Mémoires qu’elle rédigeait dans sa prison et dont il avait été jusque-là le dépositaire : c’est au géographe Mentelle, ami de Brissot, mis en relation avec elle par une circonstance fortuite, et moins surveillé que Bosc, qu’elle adresse dès lors ses communications[33]. Mais les visites de Bosc, pour être moins régulières, ne cessèrent pas encore. « Jusqu’au milieu d’octobre, dit-il dons une note rédigée plus tard pour Barrière[34], j’avais pu voir deux ou trois fois par semaine Madame Roland dans sa prison, par la protection de l’excellente Mme Bouchot [Lisez Bouchaud], femme du concierge, mais alors on mit un espion dans le guichet et il me devint impossible de pénétrer dorénavant jusqu’à elle… »

Le baron de Silvestre nous apprend comment Bosc, suspect et signalé, s’introduisait dans Paris : « Il osait, sous divers déguisements, entrer dans la ville, pénétrer dans les prisons, consoler les malheureux prisonniers ; habillé souvent en paysan, il portait sur son dos, dans une hotte, les provisions qu’il avait pu se procurer ».

C’est ainsi qu’il visita Servan, le ministre de la Guerre de 1792, non pas à la Conciergerie, comme le dit Cuvier, mais à l’Abbaye, où Servan, après avoir été destitué en juillet 1793 de son commandement de l’armée des Pyrénées orientales, avait été incarcéré et fut heureusement oublié.

Une des lettres les plus intéressantes de la Collection Beljame nous le montre aussi assistant de son amitié la famille de Brissot, pendant que l’infortuné se débattait devant le tribunal révolutionnaire et marchait au supplice[35]. Le 16 novembre 1795, Mme Dupont, la vaillante belle-mère de Brissot, retirée dans le Boulonnais, son pays, et pleine des souvenirs de la catastrophe dont elle venait de franchir le second anniversaire, écrivait à Bosc : … « Je viens de passer des jours pénibles et de compagnie avec vous. Car c’était le sensible, le complaisant Bosc, qui vint partager ma douleur le 30 et le 31 de cet horrible mois d’octobre. Sûrement nos pensées étaient réunies, ces malheureux jours, sur les mêmes objets, Hélas ! hélas !… ».

En même temps, il restait en communication avec la prisonnière de Sainte-Pélagie, par l’intermédiaire de Mme Grandchamp et de Mentelle. Lorsqu’elle forma le dessein de prévenir par le poison l’échafaud auquel elle se savait destinée, c’est à Bosc qu’elle s’adressa. « Elle me demanda, — dit Bosc dans la note dont nous avons donné plus haut les premières lignes, — par une longue lettre motivée, que j’ai trop bien cachée puisqu’il m’a été impossible de la retrouver lors de l’impression de la première édition des Mémoires, une suffisante quantité d’opium pour pouvoir s’empoisonner. Je lui répondis négativement en cherchant a lui prouver qu’il était aussi utile à la cause de la liberté qu’à sa gloire future qu’elle se résolût à monter sur l’échafaud. C’est à cette lettre, la plus pénible que j’aie écrite de ma vie, qu’elle répond par celle du 26 octobre 1793. »

Cette réponse de Madame Roland du 26 [lisez 27] octobre se terminait ainsi : « Je vous embrasse tendrement… Jany [c.à.d. Mentelle] vous dira ce qu’il est possible de tenter un matin ; mais prenez garde à ne pas vous exposer ». Il s’agit évidemment d’une dernière visite que Bosc voulait faire à celle qui allait mourir.

Le 8 novembre, dans l’après-midi, Madame Roland fût conduite au supplice. Quelques heures après, Bosc, arrivant de Sainte-Radegonde, entrait chez Mme Grandchamp, où Mentelle se trouvait déjà. Leurs sanglots lui apprirent la fatale nouvelle. Ce récit de Mme Grandchamp met donc à néant l’anecdote, rapportée par M. Dauban (Étude, p. xci) et souvent reproduite après lui, qui montre Bosc suivant déguisé la fatale charrette.

« Je n’ai jamais eu de bijoux, disait Madame Roland dans ses Dernières pensées, écrites entre le 5 et le 8 octobre ; mais je possède deux bagues de très médiocre valeur qui me viennent de mon père ; je les destine, comme souvenir, l’émeraude au père adoptif de ma fille [Creuzé-Latouche], et l’autre à mon ami Bosc. » (Mém., II, 263.)

Elle lui avait aussi envoyé un autre souvenir. Barrière dit, dans son édition de 1820 (t. I, Notice, p. xl ; cf. t. II, p. 311) : « M. Bosc possède un dessin achevé par Madame Roland douze jours avant sa mort[36]. Le dessin représente une tête de vierge ; en bas, sont écrits ces mots, de la main de Madame Roland : « Je sais que mon ami Bosc sera bien aise d’avoir ce mauvais dessin, crayonné des mains du courage et de l’innocence persécutés. Mon amitié le lui destine. »


§ 15. Épilogue.

Nous devrions terminer ici cet Appendice, au moment où s’arrête la Correspondance. Mais la vie de Bosc a été trop étroitement mêlée à celle des Roland, il a veillé avec trop de sollicitude sur leur fille et de fidélité sur leur mémoire pour que nous puissions le quitter, sans marquer rapidement les traits essentiels des trente-cinq années pendant lesquelles il leur survécut.

Bosc passa à Sainte-Radegonde, caché, vêtu en paysan, se risquant quelquefois dans Paris, toute la période de la Terreur. Il donna asile dans l’ermitage à La Revellière-Lépeaux pendant trois semaines (mars 1794), puis au malheureux Masuyer qui, pour n’avoir pas su y rester, se fit arrêter et fut exécuté le jour même. C’est dans ce logis rustique, « au-dessus de la poutre de la porte charretière » (A. Rey, p. 45), qu’il avait caché les cahiers manuscrits des Mémoires de Madame Roland, tant ceux dont il avait reçu le dépôt direct que ceux qui lui avaient été remis ensuite par Mentelle.

Dans les derniers jours de la vie de Madame Roland, il avait confié Eudora, que les Creuzé-Latouche ne pouvaient plus garder, à une maîtresse de pension, appelée Mme Godefroid. Dès qu’il put, après la Terreur, se montrer et agir, il se fit nommer tuteur de l’enfant (décembre 1794) et commença les procédures pour lui faire rendre héritage de ses parents, en partie confisqué, en partie sous séquestre. En décembre 1795, Eudora Roland se trouvait remise en possession de la maison de Villefranche, du Clos, du domaine de Villeron et de l’héritage de sa cousine Trude, à Vaux, près Meulan. Mais il avait fallu la faire vivre pendant cette longue année de démarches : Bosc publia, chez Louvet, qui s’était établi libraire et éditeur tout en se faisant réintégrer à la Convention, les Mémoires de Madame Roland, sous le titre de Appel à l’impartiale Postérité. L’ouvrage parut en quatre parties, du 9 avril au 8 juin 1795. Il s’en vendit 12,000 exemplaires. D’après le compte de tutelle rendu à Eudora Roland (ms. 9533, fol. 135-138), le produit aurait été de 98,570 francs, mais en assignats ! Aussi les papiers de la collection Beljame nous montrent-ils le tuteur et la pupille manquant presque de pain à l’automne de 1795. Bosc était sans emploi, malgré le triomphe de ses anciens amis et bon vouloir de La Revellière-Lépeaux, devenu membre du Directoire. Il avait refusé de redevenir administrateur des Postes, parce qu’il aurait eu pour collègue un de ceux qui l’avaient fait destituer deux ans auparavant.

En même temps, son âme était étrangement troublée : il venait de découvrir qu’il aimait sa pupille et il songeait à l’épouser ! Il avait près de 37 ans et elle venait d’en avoir 14 ! Était-ce la mère qu’il continuait à aimer dans la fille ? Sans nous arrêter à ce problème de psychologie, constatons qu’il fit aussitôt son devoir d’honnête homme. Eudora Roland ne pouvait plus demeurer auprès de lui ; Mlle Aimée Malortie, mandée par lui, arriva de Rouen à la fin de novembre 1795 et emmena la jeune fille dans cette maison qui avait déjà servi d’asile à son père proscrit. Bosc prenait ainsi le temps d’aviser.

Au début de 1796, il se croyait payé de retour (lettre à Brousonnet, du 29 mars, citée par M. A. Rey, p. 96 et 47). Mais deux mois après il était détrompé et demandait à La Revellière-Lépeaux de le faire nommer consul aux États-Unis, pour s’éloigner de la cause de ses tourments. On lui promit le premier consulat qui viendrait à y vaquer, et il se mit en route, laissant sa pupille à la garde de Creuzé-Latouche et de Champagneux. Son passeport (ms. 6242, fol. 311) est du 3 juillet. Il emmenait avec lui son fils Louis. Ils firent à pied le trajet de Paris à Bordeaux, « faute de moyens de voyager autrement », dit Cuvier. Arrivé à Bordeaux vers le 18 juillet, Bosc mit à la voile exactement un mois après, et débarqua à Charleston le 14 octobre. Son ami, le naturaliste André Michaux, qu’il croyait y trouver, venait d’en partir. Bosc s’installa dans son jardin botanique, fit de nombreuses recherches d’histoire naturelle, correspondit avec ses amis de France (nous avons vu des lettres de lui à Brongniart, à Bancal, à Mme Louvet), et s’apaisa peu à peu. Le mariage d’Eudora Roland avec un des fils de Champagneux, le 13 décembre 1796, mettait d’ailleurs fin à son rêve.

Nommé vice-consul à Wilmington le 6 juillet 1797, puis consul à New-York le 30 juin 1798, mais ne pouvant obtenir l’exequatur à cause des graves difficultés alors pendantes entre les États-Unis et la France, il se décida à revenir. Le 25 septembre, il débarquait à la Corogne, le 18 novembre il arrivait à Bordeaux et le 30 à Paris. Le naturaliste avait fait avec la lenteur d’un curieux le trajet de la Corogne à Bordeaux, mais entre Bordeaux et Paris, il ne s’était arrêté que pour aller voir Mme Guadet à Saint-Émilion, pieux pèlerinage à la recherche des traces de ses infortunés amis, Guadet, Barbaroux. Pétion et Buzot.

C’est là, en effet, un des traits les plus marquants de sa vie, la fidélité, la fidélité aux morts, à leurs veuves et à leurs enfants. Dès le 13 février 1795, nous le trouvons en correspondance avec Mme Guadet ; à Bordeaux, c’est chez Mme Gensonné qu’il a soin de descendre ; de Charleston, il envoie ses consolations à Mme Louvet, désespérée de la mort de son mari ; c’est à lui que la belle-mère, la veuve, les belles-sœurs de Brissot s’adressent dans leurs embarras de tout genre. Recherchant avec persistance, avant son départ pour l’Amérique comme après son retour, les écrits qu’ont pu laisser les Girondins fugitifs et qui ont été saisis dans leurs dépouilles, il obtient la restitution des Mémoires de Barbaroux, et les remet à son fils en 1810, lorsque l’enfant est devenu jeune homme et peut les recevoir. Plus tard, sous le Consulat, il use du peu de crédit qui lui reste pour faire accorder des bourses dans les lycées à ce même fils de Barbaroux et au fils de Guadet. Il s’occupe du fils de Louvet. La collection Beljame, les Papiers Roland (ms. 9532-9534) contiennent de nombreuses marques de cette incessante activité ou service des familles de ses illustres amis, et complètent les renseignements divers recueillis déjà par M. Vatel et dispersés dans le livre si curieux, mais si confus que cet érudit a publié sur Charlotte de Corday et les Girondins.

Rentré à Paris, Bosc liquida un passé douloureux en faisant remettre à Eudora Roland, devenue Mme Pierre-Léon Champagneux, le manuscrit des Mémoires de sa mère, puis se maria avec sa cousine Suzanne Bosc, de Pierre-Ségade, le 9 avril 1799. D’autre part, après avoir vécu quelques années de modestes et obscurs emplois administratifs, la protection de Cuvier et de Chaptal le fit nommer inspecteur des pépinières, situation qui lui permit, avec l’appoint, longtemps nécessaire, de divers travaux de librairie, d’élever honorablement sa nombreuse famille (il eut six enfants). Alors commença pour lui une vie paisible, tout entière consacrée à son intérieur, à ses fonctions, à son labeur scientifique que couronna, le 11 août 1806, son élection à l’institut. Sur ce fond tranquille et monotone, nous ne voyons se détacher que deux incidents :

« En 1814, dit la Biographie Rabbe, pendant le séjour des souverains alliés à Paris, l’empereur Alexandre voulut entretenir un homme dont la vie avait été consacrée à l’étude d’une science qui, en fécondant les terres, enrichit les États. Il passa une soirée entière chez M. Bosc. L’empereur d’Autriche, François II, eut à la même époque une conversation de plusieurs heures avec lui sur les sciences naturelles et désira lui laisser un honorable témoignage de son estime. » Si le savant ne put refuser l’honneur embarrassant de ces visites, que dut penser, en remontant dans ses lointains souvenirs, le Jacobin enthousiaste de 1791, le collaborateur de Brissot ?

Quatre ans après, Monge, radié de l’Institut par la seconde Restauration, mourait le 28 juillet 1818. Une autorité ombrageuse avait refusé toute pompe officielle à ses obsèques ; mais deux membres de l’Académie des sciences, Hasard et Bosc, « feignirent d’oublier que Monge avait été destitué, qu’il n’était plus leur confrère, et se joignirent an Cortège en costume de membre de l’Institut » (Arago, Biographie de Monge, p. 151). Le ministère Decazes n’en tint pas rigueur au courageux savant, puisque précisément l’année suivante il le décora et le fit inspecteur général. Mais Bosc avait prouvé qu’il ne reniait rien de son passé.

Quelques lettres de la collection Beljame nous le montrent resté en correspondance avec Bancal, Dulaure, La Revellière, et le ton d’affectueuse confiance qui règne dans ces lettres fait assez voir qu’entre ces hommes qui avaient été soulevés par les mêmes espérances, mis à l’épreuve des mêmes périls, subsistait la religion des souvenirs. Parmi ces souvenirs, les plus chers au cœur de Bosc c’étaient l’ermitage de Sainte-Radegonde et la mémoire de Madame Roland. Lorsqu’il perdit en 1801 son premier enfant, il voulut que Bancal lui vendit deux arpents de son coin de forêt pour y déposer ses restes, et il y a là un funèbre enclos qui est encore le cimetière de la famille. Quand Barrière entreprit, en 1820, de donner une édition des Mémoires de Madame Roland, c’est auprès de Bosc qu’il alla se documenter. Bosc lui confia les fragments des cahiers de Madame Roland qu’il n’avait pas cru devoir faire entrer dans son édition de 1795, notamment les portraits de Chénier, Mercier et Dussaulx, et les deux cahiers intitulés Brissot et Danton, que Barrière d’ailleurs ne publia pas et qui sont entrés en 1892 à la Bibliothèque nationale (n. A. fr., ms. 4697). Il y joignit seize des lettres que Madame Roland lui avait adressées, y compris le billet du 1er juin 1793 et, en outre, les cinq lettres à Jany (Mentelle), tout en ne l’autorisant à en publier que deux (celles des 28 septembre et 8 octobre 1793), à cause des révélations sur Buzot que contenaient les autres. Mais il garda par-devers lui (peut-être en donna-t-il quelques courts extraits) les cahiers des confessions intimes, « le dernier Supplément adressé nommément à Jany » (voir lettre 553), qu’il tenait de Mentelle, et qu’il n’avait voulu ni publier en 1795, ni insérer au manuscrit rendu depuis à Mme Champagneux. Ces cahiers ne se retrouvent plus. Il retint aussi un nombre considérable des lettres de Madame Roland, dont il n’avait publié qu’une partie en 1795 (avec des coupures). Dix-huit de ces autographes sont revenus ensuite à Mme Champagneux et figurent aujourd’hui aux Papiers Roland, 1er série (ms. 6238-6243), de la Bibliothèque nationale ; deux autres, recueillis par M. Faugère, sont dans la 2e série (ms. 9532-9534). Un bien plus grand nombre (80) est parvenu, nous ne saurions dire comment, après la mort de Bosc, à M. Jules Desnoyers, bibliothécaire du Muséum, et a passé de là dans la collection Alfred Morrison. Quelques autres, donnés par Bosc à des amis, ont circulé ensuite dans les ventes d’autographes.

Bosc mourut le 10 juillet 1828 et fut inhumé à Sainte-Radegonde.

  1. M. Auguste Rey, dans deux opuscules d’un vif intérêt, Le naturaliste Bosc et les Girondins à Saint-Prix (1882), Le naturaliste Bosc, un Girondin herborisant (1901), a étudié cette belle figure. Nous lui avons communiqué, pour son second travail, ainsi qu’il le déclare avec une parfaite bonne grâce, un assez grand nombre de renseignements. Nous allons, à notre tour, le mettre plus d’une fois à contribution.
  2. Extraits des registres paroissiaux, communiqué par M. Séguier, instituteur de Viane. Le nom de Bosc est encore fréquent dans la commune.

    Éloge historique de M. Bosc, par Cuvier (Mémoires de l’Académie des Sciences, t. X. 1831).

    Notice biographique sur M. Bosc, par le baron se Silvestre, Paris, 1829.

  3. « Mon père est sorti de son village sans le sol », écrivait Louis Bosc le 21 décembre 1784. (Collection Beljame.)

    Les plus nombreux et les plus intéressants des documents utilisés ici nous viennent de cette collection, mis obligeamment à notre disposition par le petit-fils de Louis Bosc, M. Alexandre Beljame, professeur à l’Université de Paris.

  4. « Elle ne lui avait pas apporté un sol en mariage » (Bosc, même lettre.)
  5. L’Académie des Sciences avait couronné, en 1760, un mémoire de lui sur les verreries, qui parut en 1786. (Quérard, France litt..)
  6. Lettre citée plus haut.
  7. Œuvrres de Bosc d’Antic, contenant plusieurs mémoires sur l’art de la verrerie, sur la faïencerie, la poterie, la minéralogie, l’électricité et la médecine. Paris, 1780, 2 vol. in-12.
  8. Canton d’Anizy-le-Château, à 20 kilomètre de Laon.
  9. Collection Beljame.
  10. ou plus exactement collège Godran (du nom du fondateur), tenu par les jésuites jusqu’en 1763, municipal ensuite.
  11. Il y a, dans la collection Beljame, une très intéressante lettre de Jean-Philibert Maret à Bosc, du 26 messidor an iv.
  12. Renseignements dû à l’obligeance de M. Kleinclausz, professeur à l’Université de Dijon.
  13. Le cours de chimie de Guyton de Morveau et le cours de matière médicale de Huges Maret ne s’étaient ouvert qu’en 1776.
  14. Ou plutôt d’Antic tout court, et même Dantic, jusqu’à la loi du 19 juin 1790.
  15. On sait les services dans ce genre rendus à Voltaire par Damilaville, premier commis des bureaux du vingtième. — Cf. une jolie anecdote de Mémoires de Beubnot, II, 360.
  16. Avertissement de son édition des Mémoires, 1795.
  17. De Charleston, 7 mars 1798, collection Beljame. Lettre déjà publiée en partie par M. Auguste Rey, Le naturaliste Bosc, page 54.
  18. Ibid, p. 13.
  19. Variétés révolutionnaires, troisième série, Alcan, 1890, p. 89.
  20. A. Rey, p. 17-18.
  21. La liste imprimée porte Boze, mais l’Index de M. Aulard a fait la rectification nécessaire. Toutes les lettres de la collection Beljame adressées à Bosc donnent « rue des Prouvaires, n° 32 » (quelques-une disent 31). Les lettres de Madame Roland à Bosc, de 1792, portent également « rue des Prouvaires ». Bosc écrivant à Mme Guadet, le 13 février 1795 (Vatel Girondins, III, 770-771), la prie de répondre « rue des Prouvaires, au magasin de bougies ».
  22. Cf. le Patriote français du 31 mai 1792. Robespierre, qui était alors loin de dominer aux Jacobins, avait, dans la séance du 27 mai, attaqué le comité de correspondance de cette Société. Un des membres de ce comité, Duchosal, dans une lettre du 28 insérée au Patriote du 31, lui répond et ajoute ; « Quand je parle du comité de correspondance, je ne désigne ni M. Panis, qui n’est venu qu’une fois pour le dénoncer, ni M. Camille Desmoulins, qui n’emportait des lettres que pour les perdre. Je parle seulement des travailleurs de ce Comité, tels que MM. Lanthenas, Gaillard, Bosc, Bois-Guyon, Sonthonax, Doppet, Réal, Méchin, et Audouin ».

    Déjà, le 5 avril, le Patriote avait annoncé la fondation d’une Société économique, ayant pour président Hell [ancien Constituant], pour secrétaire Roland-Laplatière [il était ministre de l’intérieur depuis treize jours], et comptant parmi ses membres Audran, Boncerg, Bosc, Descemet, Lanthenas, Lequinio, Marsillac, Reynier, Romme, Thouain, Vandermonde, etc. Bosc nous apparaît bien là au milieu de ses amis. — Voir aussi une annonce plus étendue au Moniteur du 24 avril.

  23. Décrets, du 12 juin 1790, qui résilie la ferme des Postes, du 9 juillet, qui supprime, entre autres dépenses, celles « relatives aux employés et bureaux de l’Intendance » ; du 26 août qui fixe au 1er janvier 1792 l’entrée en fonction de la nouvelle administration. — Cependant les billets écrits à Bosc par Madame Roland en mars 1792 portent encore « à Monsieur Bosc, secrétaire de l’Intendance des Postes ». Là comme ailleurs, en attendant la réorganisation complète, on conservait provisoirement l’ancienne machine.
  24. Cf. D’ailleurs le Patriote du 15 mai et le Moniteur du 23.
  25. Coll. Beljame. Lettre citée par M. A. Rey, p. 23.
  26. Voir le rapport de Brival, en avril 1793, sur les « Papiers trouvés chez Roland ».
  27. Toute cette histoire de Sainte-Radegonde a été, avec beaucoup de charme, par M. Auguste Rey, dans ses études sur Bosc. Nous ne pouvons qu’y renvoyer le lecteur.
  28. Collection Morrison. Le premier de ces deux billets, dont nous avons déjà cité quelques ligne dans l’Avertissement de l’année 1793, a été publié par M. A. Rey (p. 25), à qui M. Ét. Charavay l’avait communiqué. Les deux autographes ne portent ni data ni adresse. Mais leur teneur indique assez qu’ils sont de la période dont nous parlons, et qu’ils sont pour Bosc, puisqu’ils proviennent de ses papiers.
  29. Roland fait évidemment allusion à ses chagrins domestiques, aux cruels aveux de sa femme. Cf. Mém., II, 244.
  30. Ce détail suffirait à prouver que ce billet suit de très peu la sortie du ministère.
  31. Architecte des Tuileries, qui avait assisté avec Roland à l’ouverture de l’Armoire de fer.
  32. Commissaire à la comptabilité, employé à vérifier les comptes de Roland. Cf. Mém., I, 300.
  33. Voir nos recherches là-dessus, dans la Révolution française de janvier 1896 et de mars-avril 1897 « Études critique sur les manuscrits de Madame Roland ».
  34. Elle se trouve en copie au ms. 9533, fol. 342. — Mlle Cl. Bader, qui a eu l’autographe entre les mains, l’a publié dans le Correspondant du 10 juillet 1892.
  35. Brissot, quelques jours avant sa mort, le 23 octobre, écrivait à Mme Dupont (Mém., IV, 431) : « Je connais le brave citoyen qui vous rend d’aussi grand services, son nom se gravera dans mon âme, et je lui voue une éternelle reconnaissance » Le 30 octobre, le matin du jour où il fut condamné, il écrivait à sa femme (ibid, 427) : « Souviens-toi qu’avant ce dernier moment je veux te voir, ainsi que mon ami ». Tout semble indiquer, si l’on rapproche ces deux passages de la lettre que nous allons citer, qu’il s’agit de Bosc.
  36. C’est-à-dire précisément le 27 octobre, jour où elle lui écrit sa dernière lettre. Elle dut lui envoyer le tout en même temps. — Barrière avait publié un fac-similé de ce dessin. Il y en a un exemplaire au ms. 9533, fol. 295. L’original est au château de Rozière, près Bourgoin, chez Mme Eudora Taillet, arrière-petite-fille des Roland.