Lettres de Louis Veuillot à Madame Léontine Fay-Volnys

Lettres de Louis Veuillot à Madame Léontine Fay-Volnys
Revue des Deux Mondes6e période, tome 17 (p. 46-76).
LETTRES DE LOUIS VEUILLOT
λ
MADAME LEONTINE FAY-VOLNYS[1]


Paris, 21 juin 1874.

Ma bonne chère amie, je voulais vous écrire de la Bretagne et je ne l’ai pas fait. Je suis resté à ne rien faire du tout par ordonnance du médecin. Mais ce n’est pas au médecin que j’ai obéi, je suis, Dieu merci, incapable de cette bassesse. J’ai obéi à la maladie tout simplement. Le médecin m’aurait ordonné d’écrire que je n’aurais pas obéi davantage. La tête me manque : je suis horriblement fatigué. J’ai regardé la mer, les arbres, et surtout les Petites Sœurs des pauvres chez qui j’étais et qui sont vraiment célestes. J’avais avec moi ma fille, autour de moi des amis anciens, vénérables et chers ; j’avais le moyen par cette chère et obligeante poste de n’être pas loin de vous. Je ne me figure pas le paradis beaucoup plus beau, et au milieu de tout cela, bien portant d’ailleurs comme animal, j’ai passé quinze jours à sentir et à considérer mes ruines. Dès que je voulais écrire, je n’étais plus ruiné, j’étais mort. Plus de pensée, plus d’expressions, plus de souvenirs, plus rien qu’un mal de tête sourd et assommant. Je n’ai pas même entrepris d’écrire à la Visitandine. Quel état piteux et combien il me fait expier mes anciens vacarmes. Enfin cela passe un peu, et hier, après beaucoup de sueurs et d’embarras, j’ai pu vaille que vaille bâtir un bout d’article qui est loin de valoir ce qu’il m’a coûtée. On me dit d’être prudent. Hélas ! je n’ai pas le moyen de faire une imprudence : n, i, ni, ma très chère, c’est fini. J’ai donné sans le savoir ma représentation d’adieu. A présent, je ne parlerai plus guère et vous n’entendrez guère parler de moi ; mais vous savez bien que je vous aime beaucoup et moi je sais bien que je ne suis pas mort dans votre souvenir. Voilà, le régal, c’est plus qu’assez, et vive Jésus éternel ; tout est bien éternel en lui. J’aime Léontine, j’aime Violette, j’aime Bleuet, j’aime Alexis[2].


La bonne Mère générale des Petites Sœurs des pauvres a un petit jardin particulier où elle cultive des pommes de terre, des choux, des oignons, des carottes, d’autres légumes et point de fleurs. Je lui demandai pourquoi ? Elle me dit : Mes enfants ne mangent point de fleurs. Cependant je découvrais un beau pied de soucis. Et cela ? dis-je. — Cela, c’est bon dans la soupe. — Mais pourtant, ma bonne mère, pour les pauvres malades ? — Est-ce que nous n’avons pas le sourire et le nom du bon Dieu qui reste quand la saison des fleurs est passée ?


Dimanche, 13 juillet 1874.

Je suis étonné comme vous des belles choses que j’écris.. Seulement je ne les trouve pas belles ; c’est la dernière lueur de mon bon sens. J’ai la tête vide et embarrassée, je prends la plume, il me vient des mots, et on approuve. Que voulez-vous que j’y fasse ? Ce n’est pas ma faute, mais ne nous occupons plus de cela. Je pars demain pour Evian avec ma pauvre Agnès. C’est une charmante fille, sérieuse, ingénue, pleine de cœur, qui me réjouit par sa joie de voir des montagnes et de les voir avec moi. Elle est très veuillotiste, défaut qui lui est permis et que je loue. Nous parlerons de notre Visitandine, du Pape, de vous ; nous ne manquerons pas de sujets d’entretien, et nous boirons de l’eau pure. Prenons toujours cela, nous verrons venir le reste. Nous devons passer quinze jours dans ces délices, et ne rien faire autre chose que d’en jouir. Je pense bien que je ne passerai pas quinze jours à être heureux sans vous en dire un mot.

Je vous remercie de m’avoir envoyé la lettre de cette Rosalie[3]. Sans doute ma modestie en souffre. Mais c’est égal ; comme je peux dissimuler ma gêne, je trouve que la Rosalie va bien. Voilà une personne qui sait rendre justice au mérite. Il est plaisant de penser que je pourrais la rencontrer et, ne connaissant ni son nom, ni sa figure, la saluer en grande cérémonie sans lui dire un traître mot, et elle de son côté me remarquer tout simplement comme un gros monsieur fort grêlé. Cependant, si on venait à parler du Seigneur et Maître Jésus, ou même tout simplement de la sœur Dominique[4], quels regards, et de fil en aiguille, quelle reconnaissance ! Tableau ! Dites-lui toujours que je l’aime bien, et que tant plus elle aimera le bon Dieu, tant plus elle voudra l’aimer, et tant plus elle sera éloquente pour le faire aimer. Après cela, il n’y a plus rien à lui souhaiter, parce que tout devient beauté, bonheur, espérance, amour.

Ce n’est pas une suite logique du présent discours, mais je vous envoie deux exemplaires d’une photographie que j’ai fait faire à l’occasion de mes amis de Savoie. Je suis forcé de distribuer des portraits à l’instar des têtes couronnées. Ils me coûtent bien dans les dix francs la douzaine et je trouve que c’est un peu cher. Il le faut ! Vous en garderez un ; l’autre sera pour Rosalie.

Tenez-moi dans vos prières, chère et incomparable amie. Je crois que les neuvaines du nid à violettes sont pour beaucoup dans l’essor que semble reprendre ma tête fatiguée. Souvenir au fils Alexis et au doux Bleuet. Tout à vous.


Paris, 27 août 1874.

Ma chère amie, je vous plains, je vous aime et je gémis de mon inutilité. Que voudrais-je faire cependant ? Toute croix est bonne de la part de Dieu. Si les hommes pouvaient nous les ôter, ils nous raviraient des trésors. Mieux vaut ne pouvoir que prier. La prière éloigne la mauvaise médecine et attire le seul vrai médecin. Connaissez-vous l’histoire du livre de Salomon, qui révélait la vertu médicinale de toutes les plantes ? Assurés d’y trouver un remède à toutes leurs maladies, suites de leurs péchés, les possesseurs de ce livre oubliaient de s’adresser à Dieu et péchaient davantage. Ils allaient aux recettes de Salomon, guérissaient mal, et mouraient séparés de Dieu. Salomon, qui avait été sage, lorsqu’il fit ce livre était savant et fou. Il s’était marié plus que ne le permet la vertu des fines herbes qu’il connaissait si bien. Le bon roi Ezéchias fit chercher tous les exemplaires du livre de son prédécesseur et les brûla jusqu’au dernier. Notre bon Jésus a remplacé le pernicieux ouvrage par un autre livre, infiniment plus savant et plus vainqueur et qui se résume en un seul mot afin que tout le monde le puisse savoir toujours : prenez ma croix. Voilà la vraie science, la vraie lumière, le remède de la vie et de la mort. Je prends ma part de vos peines pour en avoir mon profit, et je prie Jésus de vous guérir en récompense de votre sagesse qui est de souffrir. Vous le savez, vous le voulez, vous avez la patience et vous serez guérie. Puisse votre grande et chère prisonnière le savoir et le vouloir de plus en plus ! Alors elle triomphera, et ses chères étoiles viendront à son front, comme l’a prédit cette mourante, et elle en sera couronnée éternellement. Cette prédiction est très belle et j’y crois. Mais il faut le concours actif de la volonté. Les mourans, lorsqu’ils ont les yeux sur le crucifix catholique, voient très loin. Ce crucifix met l’homme à sa vraie place d’homme, c’est-à-dire de pécheur. Alors l’homme n’est plus roi, n’est plus parent, n’est plus rien qui puisse inspirer la terreur ni l’espérance. Il excite seulement la pitié et la charité, et l’on fait tout ce que Dieu veut en désobéissant tranquillement au pécheur pour sauver l’homme. Que de chrétiens ont versé leur sang pour sauver aussi le pécheur qui leur demandait follement de ne pas écouter Dieu, et par cette action généreuse ont racheté leur bourreau ! Dieu se rendra obéissant à ceux qui le craignent. Je pense qu’on ne manque pas d’en instruire la belle âme dont vous me parlez ; c’est à nous de prier pour qu’elle entende. Quelle gloire dans le ciel et même dans le monde, au cœur héroïque qui, par le temps de scélératesse insensée où nous vivons, saura témoigner ainsi de sa foi et de son amour, et que pourra refuser Dieu à l’humble créature qui aura ainsi fortifié et illuminé ses frères ! Dieu donne un monde à qui lui donne une âme : refusera-t-il une âme à qui lui donne un monde ? Il faut laisser tout conseil humain, toute prudence, abandonner d’avance tout ce que l’on n’emporte pas dans la tombe. Tout ce que nous pouvons ici-bas rêver de biens et de gloire véritable est de l’autre côté. Nous passons ici-bas pour les gagner ou pour les perdre. Que faire devant Dieu des haillons et des ignominies qui revêtent la royauté terrestre ? Ceux qui les possèdent ne sont heureux que par le pouvoir qu’ils ont de les mépriser. Une princesse qui s’en irait mendier et mourir nue sur le chemin de la vérité, c’est là le spectacle de grandeur qu’attendent le ciel et la terre. Il y a longtemps que les anges ne l’ont vu, et le monde s’en va parce qu’il ne lui est plus donné.

Je vous renvoie les papiers. Gardez-les précieusement, ne permettez pas qu’ils périssent. Que la postérité les puisse lire pour savoir au moins quelle belle espérance a passé sous nos yeux. Rien de complètement neuf n’arrive en ce temps-ci. Mais je crois que nous sommes à l’aurore d’un jour qui réjouira l’humanité.

Ma Visitandine est en retraite, et avant peu, probablement, elle prendra l’habit. A partir de ce moment prochain, au bout d’un an et un jour, elle fera ses vœux. Je vois et j’apprends d’elle des choses qui me ravissent et je désire vivre jusque-là. J’aurai cependant un dur moment à passer. Mais dans ce moment-là, déchiré par la pointe du glaive, des yeux de mon âme, qui verseront du sang, je verrai le ciel.

Merci de la lettre de notre chère Rosalie, et des vôtres. Quelle ardeur, quelle jeunesse, ô Jésus amant des âmes immortelles ! C’est vous qui remplissez de ce feu le nid de Violette et tous les alentours. Embrassez le bon Alexis.


P.-S. — Hélas ! ce paquet pourrait être à la poste depuis un jour et serait déjà en vos mains ; mais j’ai tant de besognes et ma tête est si traversée que j’ai négligé l’heure. Tout ce que vous m’avez envoyé s’y trouve. Mais vous me parlez d’un récit que je n’ai point reçu, et que sans doute vous n’avez pas envoyé. J’espère bien qu’il n’arrivera pas de malheur et que vous trouverez ce que vous cherchez. Rassurez-moi.


Paris, 26 novembre 1874.

Voilà que je ressuscite ou à peu près[5]. On me dit qu’après deux semaines de maladie et quatre de convalescence, je vais recommencer à avoir l’air de vivre et que dans un mois ou deux ce sera presque fini. Je veux vous en donner une première preuve. Je rouvre pour vous mon encrier plein de bourbe, je reprends ma plume qui ne sait plus son chemin sur le papier. Je trébuche en écrivant comme en marchant, mais je n’écrirais pas deux heures comme j’ai marché hier. Je n’en puis plus. Voilà bien, au fond, quatorze ou quinze mois que je suis malade. Enfin vous savez que je vous aime. C’est l’essentiel. On me défend d’aller plus loin. Je vous embrasse, très chère amie.


Nos papiers sont arrivés. Nous pensons que notre mariage se fera la semaine prochaine[6]. Vous serez avertie du jour.

Bonjour, Alexis : si je n’avais pas oublié ma main, je vous écrirais.


Paris, 9 mars 1875.

Ma chère amie, il me semble qu’enfin je commence vraiment à sortir de ma prison. Je suis encore fort boiteux, un peu bègue, assez manchot, mais enfin j’ai à peu près la liberté de l’écriture et l’on me dit que le soleil va faire fondre le reste de la névrose qui me tient depuis cinq mois. Je jette de l’encre le plus que je peux, Dieu sait si l’on m’en demande. Cinq mois de retards. Je n’ai pas besoin de vous dire combien quelques-uns de ces retards m’ont été durs. Je n’ai souffert d’ailleurs que par ce côté-là. Il me suffisait de vouloir ne rien faire pour ne rien sentir de mon mal imbécile, pas de mal de tête, pas de douleurs, pas de dégoût, pas d’insomnie. Je pouvais lire aisément, manger assez, dormir bien, marcher pendant deux heures à la seule condition de traîner et de boiter ; je ne pouvais ni parler, ni écrire. C’était là ma seule croix, mais j’avoue qu’elle suffisait à mes forces. Une croix d’ennui sous laquelle je ne remuais pas. Quand je dis l’ennui c’est une façon de parler, car, hélas ! l’esprit n’agissait que trop. J’étais muet et j’avais tant de choses à dire. J’ai fait bien des fois en pensée le chemin qui mène aux Violettes, je vous ai beaucoup écrit, mais sans plume ni papier, et cette illusion ne durait guère, et je me perdais dans un océan de tristesse. Enfin me voilà délivré des grandes eaux. J’ai pied. Bonjour, ma très chère amie. Vive Jésus ! Je vous aime ; hâtez-vous de me dire que vous avez de l’amitié pour moi, quoique je le sache bien.

Je vous remercie de m’avoir envoyé ces copies de lettres. La grande de la grande âme est une merveille. Non certes, je ne veux pas les brûler malgré vos ordres. C’est un portrait vivant de Jésus que je ne peux détruire. Je vous la renverrai si vous le voulez, mais je ne jetterai pas au feu une lettre dictée pour la consolation de ceux qui savent reconnaître le style de l’Esprit-Saint. Je crois que ces paroles enflammées doivent, à un moment que Dieu connaît, arriver à la postérité.

Elles sont des rayons de feu qui fondront des enveloppes de glace et de pierre et délivreront des âmes.

Adieu, fleur de la croix bienheureuse, vos yeux et votre cœur versent des larmes de sang, mais vous verrez un jour quels diamans deviennent ces gouttes et comment vous formez un trésor immortel. Je vous honore et je vous chéris.


Paris, 13 mars 1875.

Ma bien chère amie, je vous assure que je n’ai pas le temps, je vous jure qu’il ne m’est pas possible de vous écrire. Vous dites que vous êtes ma vieille amoureuse ; je suis encore plus votre vieil amoureux, et c’est moi qui ai commencé. Une fois j’ai fait un vers que je trouvais beau et qui est resté solitaire :


Les vieux époux sont beaux, les vieux amans sont drôles.


Je l’avais fait à Rome en voyant deux Anglais, le mâle et la femelle, qui brûlaient passé l’âge. Mais c’était avant Nice, où j’ai appris une façon de flamber sans rôtir des pièces de soixante ans et plus sans la moindre drôlerie. Ce serait une recette à porter au marché comme l’eau Laferrière, éternelle jeunesse, éternel amour, toujours ardent, toujours flambant, ne craignant ni la fumée, ni l’eau, ni le vent, ni la boue, et parfaitement garanti contre le ridicule. Mais les badauds croiraient que cet amour n’existe pas. Le farceur qui mit en vente sur le Pont-Neuf des pièces de cinq francs à cinquante centimes la pièce, n’en vendit pas une. Ainsi notre amour plus que véritable serait dédaigné. Si nous disions qu’on peut l’envoyer par la poste sans frais, ils ne voudraient pas le recevoir. Un amour garanti contre la boue, diraient les plus francs, ce n’est pas votre affaire. Laissons-les, ma bien chère, et continuons notre roman éternel qui est la plus belle réalité du monde. C’est donc pour vous dire que je vous aime, et je vous l’écris sans la moindre nécessité, mais je ne peux pas me dispenser de vous l’écrire. Vos nouvelles sont charmantes. Envoyez-m’en d’autres : envoyez-m’en toujours. Ce sont des nouvelles de Jésus, elles accroissent l’amour. Avouez que nous serions bien bêtes si Jésus nous manquait, bêtes absolument, bêtes comme tout le monde. Donc voilà ce pauvre Carpeaux en bonne voie[7]. J’espère qu’il mourra. Dans les dispositions où il est, son affaire est bien plus sûre. S’il meurt, sa statue de saint Joseph sera bien plus belle, étant faite avec son intention. S’il revit, il restera sculpteur, et risque de ne faire rien qui vaille... Et que peut faire de mieux Carpeaux que de devenir amoureux de Jésus-Christ. J’aime bien aussi la lettre de la Plessy. Celle-ci du moins s’est mise à la vraie tâche. Il faut admirer Dieu, le bénir et le prier.

Je continue d’aller bien, quoique toujours fléchissant et embarrassé. Je suis devenu d’un vieux effroyable et chaque instant il me meurt quelque ami précieux, mais je les vois tous aller au Ciel et je suis tranquille. Je ne crois plus à la mort, Jésus n’a fait que la vie et ceux qui l’aiment ne sont faits que pour jouir de la vie.

Bien à vous.


A Monsieur Alexis Fay, à Nice.


Paris, 5 mai 1875.

Très cher Alexis, quand j’ai reçu votre lettre, si bonne, si affectueuse, en un mot, si Léontine, j’ai juré de vous répondre tout de suite, ou le jour même, ou le lendemain, ou tout au moins dans la semaine, ou enfin dans le mois ! à moins que je ne fusse mort. Voilà que le mois va passer, je ne suis pas assez en train de mourir, et je ne veux pas que mes infirmités et mes besognes me fassent encore manquer de parole à moi-même. Cependant, il est vrai que je n’ai pas eu le temps, et que je n’en ai pas. Faites-moi crédit. Je suis toujours malade et cette enragée névrose me laisse à peine trois heures par jour, qu’il faut donner à mon métier. Après ces trois heures de travail, je ne vaux plus rien pour rien. J’ai mal aux jambes, aux reins, à la main et à l’esprit, tout est lié, je traîne et chancelle ! Le beau temps que j’attendais, avec impatience, n’y fait rien. Jusqu’à la fin d’avril j’ai eu froid. Mai commence, et j’ai déjà trop chaud. On délibère de m’envoyer à quelques eaux ! Je n’ai pas de mal, sinon que je ne puis aller ! Je languis, je me traîne, et l’impatience me gruge en petit morceaux. Je suis dans une glu invincible et indissoluble. Si ma dignité le permettait, je dirais que c’est embêtant, et que je suis embêté ! Plaignez-moi ; dites-lui que je l’aime bien, et qu’elle m’écrive ; mes beaux jours sont ceux où je reçois une lettre d’elle ! Alors je me sens délié, ce n’est qu’un moment, mais il est bon !

Mille complimens à Mme Bleuet. Quant à elle, ce que j’ai à lui dire, je ne puis le dire qu’à elle, et elle seule peut l’entendre ! Ce sera pour demain. Je vous embrasse et me sauve au métier.


A Madame Léontine Fay-Volnys, à Nice.


Le 1er juillet 1875.

Ma chère amie, c’est cette chienne de névrose, qui continue de n’en finir pas, et qui me mène, je suis forcé d’en convenir, à un certain dégoût de la vie. Il est fâcheux de trébucher quand on marche, quand on parle, quand on écrit et l’on arrive à perdre tout désir de se montrer, quelque beau que l’on se sente en soi. Je me regarde, je me touche et je me dis : Je suis un fantôme ; je vais tout à l’heure me dissiper. Mais d’un autre côté, je me sens si vivant dans mon cœur que je suis perpétuellement tenté de céder à l’illusion : ma foi, marche ! dis au moins à cette pauvre Yelva[8] que tu n’es pas sourd, que tu sens avec délices qu’elle est là, que tu l’aimes plus que jamais. Si tu tombes en chemin, elle te relèvera.

Ma bonne Léontine, ma chère retrouvée, c’est la vérité pure que je vous dis. Votre cœur charmant, votre charmant esprit, votre courage et votre allégresse à tout bien me persuadent que je vis encore, dans cette sorte de mort où je me trouve depuis neuf mois. Il faut que je sois devenu bien infirme pour que cette étincelle électrique ne me rende pas toute ma vie. Dans le moment que je vous lis, mille idées me reviennent, mille éclairs traversent mes langueurs et mes ténèbres et je vous écris en esprit les lettres les plus vivantes. J’ai quelque chose à vous dire sur les insectes, sur les malades, sur les morveux, sur le passé, le présent et l’avenir. Mais le moment passe, et dès que je tiens la plume, il est passé. L’atonie revient, il n’y a plus que de l’encre, ou plutôt qu’une bourbe très épaisse dans mon encrier. J’y voyais tant de perles, tant de diamans, tant de feux. Rien, rien ; ma main est lourde, ma tête s’alourdit et tout ce que j’en peux tirer est un pesant article de journal. Je n’ai plus d’idées qu’à condition de n’en rien faire. On me dit toujours qu’on me tirera de là. Je le veux bien, mais je ne l’espère presque plus. Heureusement qu’il me reste le bon Dieu et vous que le bon Dieu m’envoie, et je ne sens point de diminution dans mon amour. C’est une grande consolation, une consolation qui suffit.

J’ai aussi la consolation de mes filles, également puissante, car elles sont également heureuses, chacune à sa façon, l’une bonne épouse de Dieu, l’autre bonne épouse du diable, mais du meilleur diable qui soit au monde, puisque c’est un diable qui aime sa femme et le bon Dieu. J’étais à la Visitation le jour du Sacré-Cœur, ma fille auprès de moi, mais la grille entre nous, c’est-à-dire l’océan. On disait la Messe. Je pensais que nous étions chacun dans notre tombeau. J’étais heureux ; seulement ce bonheur est un peu fort pour un névrosé. Je ne le souhaiterais pas à tous ceux qui ont des nerfs un peu faibles. On est coupé. C’est un bonheur pourtant. On se sent mourir. Je pensais ce que j’ai pensé souvent dans le même endroit : « Ce parfum est pour ma sépulture ; » il sera une onction qui effacera quelques péchés. Oh ! que c’est doux ; oh ! que cela brise et déchire ! Mais je ne suis pas assez pur pour être si grand. Chère amie, aidez-moi à remercier Dieu.

De retour à la maison, j’ai trouvé de belles groseilles que m’envoyait ma commandante ; des groseilles à grappes fraîches, saines et acides, d’un rouge transparent et foncé, semblables à de grosses gouttes d’un sang vermeil. En les voyant, quelques bêtes de larmes que j’avais pu retenir ont jailli de mes yeux. J’avais dans le cœur je ne sais quoi qui ressemblait à ces groseilles. Elle est très bien, ma commandante. Elle m’annonçait que vous lui aviez écrit. C’est un trait digne de vous. Il est digne de vous aussi de m’avoir donné le plaisir de lire sa réponse. Comme vous êtes la nature même, on voyait cela dans votre jeu et c’est pourquoi je vous connaissais si bien quand je ne vous connaissais pas. A présent que je vous connais, je devine ce qui me charmait dès l’an mil et je suis encore plus charmé. Vous avez bien raison d’aimer Agnès et vous dites bien que c’est une âme fraîche.

Quant au malade Carpeaux, oui, il est malade, et j’ajoute qu’il n’est pas frais. En passant sur le boulevard, j’ai vu une boutique pleine de ses produits et de ses inspirations. Hélas !

Je ferai ce que me demande Alexis[9]. J’admire l’insecte[10]. Je lui souhaite tout ce qu’il désire, j’espère peu. Grande âme, mais âme de Bébé. Il a dit le mot. Les bébés dans ces situations-là demandent volontiers à boire, même de l’eau du puits ; mais ils ne boivent pas, l’eau n’est pas assez sucrée. Parlez-moi de la Samaritaine !

Quant au monsieur des nouvelles, oh ! ma chère amie, que me demande-t-il et que me demandez-vous ? Je le plains parce qu’il est prosateur, poète et Belge et économiste en plus, mais franchement qu’est-ce que cela nous fait ? Franchement, dans l’état où je suis, il n’est pas juste que je lise ses nouvelles passées, et que je lui adresse mon avis motivé sur les Jugemens de Saint-Pierre rendus par lui. Je les lirai, parce que vous me les adressez. Plus ne me sera guère possible. Songez donc que je ne vous écris pas, à vous ! Malheureusement, je crains qu’il ne se fâche ; sa lettre fait voir le caractère le plus ombrageux et le plus facile à blesser. Vous aurez de la peine à trouver un emplâtre pour cette peau délicate. Et je vous soutiens, moi, que mes vers sont fort bons ! Vous savez le rôle. Il soutiendra que je n’ai pas la foi et vous serez obligée de faire le tribunal des maréchaux. Adieu, chère amie ; ma main ne va plus et votre pauvre amoureux est forcé d’interrompre son discours. Je vous aime, je vous aime, je vous aime.

LE GARÇON À MÈRE FRANÇOIS.

Je m’amuse à faire un tas de volumes d’un tas de vieux articles. Bien entendu vous aurez cela[11].


Aux Roches, près Clermont-Ferrand, 21 août 1875.

Très chère amie, on me répète que je suis guéri ou peu s’en faut. J’ai des raisons de ne le pas croire ; mais ça leur fait tant de plaisir que je ne dis pas non. J’ai d’ailleurs des raisons aussi de ne pas me croire tout à fait mort. Je sens mon cœur qui bat, j’aime, je me souviens agréablement çà et là de la vie passée, je me fais de plus belles idées de la vie future. Boitant, bégayant, me traînant, ça roulotte. En somme, je suis à la dernière station avant la grande gare d’arrivée. Six minutes d’arrêt ! Buffet, confessionnal, dispositions suprêmes et puis en route pour le bel endroit où l’on commencera de chanter le bon Dieu sans fausses notes. Quand vous n’auriez dit que ce mot, vous m’auriez prouvé que vous êtes une maîtresse femme et que vous connaissez le secret de la vie. On la connaît lorsque l’on sait ce que l’on peut gagner à en sortir. Aimer et chanter Dieu sans faire de fausses notes et sans éprouver la moindre préoccupation de faire admirer sa voix, c’est la faim de l’âme qui n’a pas vécu en vain. Je sens que mon instrument a été défectueux, je sens que j’en changerai et je vois tranquillement arriver le moment de laisser tout mon bagage. Je porte en moi tout ce que je veux garder éternellement. Vous êtes dans ce petit paquet intime ; tout est pour le mieux.

Je suis venu passer quinze jours auprès de ma fille Agnès. Ce sera fini mardi. J’ai trouvé cette chère enfant, au physique et au moral, telle que je le désirais. C’est un oranger bien portant, vert, rond, chargé de fruits et de fleurs. La belle chose qu’une femme plantée en bonne terre, à l’abri du grand soleil et du grand vent, fille innocente et mère heureuse, aimant son mari dont elle est fière et qui est fier d’elle, et vierge encore dans son âme lorsqu’elle est près d’accoucher. C’est un mélange charmant d’ingénuité, de ferveur et d’allégresse. Son mari lui a fait un nid de fleurs des champs qui est charmant à voir et qu’il ne dépare pas du tout. Elle et lui sont parfaitement honnêtes et parfaitement heureux, à cent lieues de tout ce que le grand vulgaire regarde comme nécessaire au bonheur. Il fait avec conscience et joie son métier militaire, elle fait avec conscience et joie son métier de femme de bien, et ni l’un ni l’autre ne demande davantage à la fortune ni à la société. Je regarde ce spectacle avec délices. Le jour de l’Assomption, nous avons été ensemble à la Sainte Table, et, songeant à ma religieuse, j’ai trouvé que mes deux filles étaient très bien placées. Cela aide puissamment à porter la névrose et ses suites. En ce moment une habitude de ma pensée, qui ne se sépare jamais, de vous, m’a fait souvenir du malade Carpeaux, qui vient d’être nommé officier de la Légion d’honneur. Hélas ! le pauvre diable ! J’ai lu pourtant qu’il avait communié. Dieu le veuille ! Ainsi il n’aurait pas perdu vos peines ; pour vous, chère amie, quoi qu’il arrive, vous en aurez le prix.

Avant de partir de Paris, j’ai envoyé au curé votre offrande et celle de la chère Rosalie ; j’y ai joint la mienne pour être avec vous. Je lui ai bien marqué cela, parce que j’y tiens. J’ai un peu tardé, parce que c’est une horrible chose pour moi qu’une lettre à écrire. Dites-le à Rosalie, en attendant que je me donne le plaisir de lui écrire moi-même, mais il me faut du temps. Je ne suis pas souvent dérouillé.

Adieu, ma très chère. Je vous aime et je vous embrasse. Il n’y a point de fausses notes ici. ;


A M. Alexis Fay.


Paris, le 31 août 1875.

Très cher ami, le plus grand de mes mérites dont vous ne parlez jamais, est très certainement d’exercer votre patience par la négligence de mes réponses ; mais vous savez que c’est un mérite un peu forcé. J’ai beaucoup à faire pour un homme souvent impotent. Cette névrose dure toujours, et j’ai bien peur qu’elle ne finisse pas. Cela va bien à peu près pendant un jour ou deux, et après, tout recommence. Il faut m’aimer tout de même et d’autant plus, et demander à Dieu que je corresponde davantage aux prières que l’on fait pour moi. Intérieurement, je sens mieux votre charité, et j’en suis reconnaissant, elle est ingénieuse et charmante ! il y a de la Léontine et du Bleuet dans ce bouquet toujours plein de fraîcheur !

Des Roches, près de Clermont, où je suis allé voir ma fille mariée et où je l’ai trouvée heureuse, j’ai écrit à votre mère. Mais je suis sûr de n’avoir pas eu le temps de lui dire combien je l’aime toujours et de plus en plus ! Réparez mon oubli et que le Bleuet dise un mot… Je cherche tout ce qui sait aimer sans fausses notes, pour dire à Léontine que je l’aime. Quelle virtuose ! Quand je pense qu’elle m’a fait aimer Scribe ! Monsieur Scribe ! et qu’elle m’aurait fait aimer M. Carpeaux ! c’est cela qui est fort !

Je me dis que j’irai peut-être à Rome cet hiver et qu’en ce cas, je passerai par le plus long, c’est-à-dire par Nice ! On a besoin de revoir le Pape et de lui dire adieu. Mais si c’est le pur amour du Pape qui me fera prendre le plus long, voilà de quoi je ne suis pas sûr. O Alpes Maritimes, que vous avez d’attrait ! ! ! Mais que j’ai peur que tout cela ne soit un beau rêve de malade !

Jusqu’à présent, la névrose s’est contentée de me lier ; s’il lui prend fantaisie de me clouer, il faudra bien rester cloué ! il me restera toujours l’espoir que c’est le Purgatoire qui commence.

Adieu, Alexis ; adieu, Bleuet ; Léontine, adieu. Quelle douce Miséricorde de vous avoir connus !


A Madame Léontine Fay-Volnys,


Paris, 2 septembre 1S75.

Ma très chère amie, je vous ai écrit de Clermont, il y a déjà plus de huit jours. Précisément, je vous parlais du pauvre Carpeaux. Je vous demandais si vous saviez qu’il eût communié et si c’était vrai. Je ne l’ai point lu dans le Figaro, que je ne fréquentais pas chez ma fille, et je n’en sais pas plus long. Ici je n’ai rien appris, les nouvelles ne passent guère nos ponts. Je doute de celle-ci, puisque vous ne l’avez pas sue directement. Si l’homme avait fait cela, sa joie et sa reconnaissance vous en auraient informée. Il serait devenu un Carpeaux neuf, qui rendrait grâce à Dieu et à vous.

Ma lettre ne vous serait donc pas arrivée ? C’était une longue lettre d’amoureux, écrite un jour que je me sentais heureux et bien portant. Je ne vous disais rien, mais il y avait bien quatre ou cinq pages. Je vous parlais de ma fille et de vous. Sujets où je ne pouvais être court. Je l’ai donnée à ma fille, qui l’a donnée à son ordonnance, pour la poste. Quelque cabaret se serait-il mis entre nous ? Faites voir à la poste. Je peux avoir mal mis l’adresse ; j’y suis, hélas ! très exposé. Mais je me vois encore écrivant Léontine et Nice. Il me semble bien avoir dit cela à Alexis hier ou avant-hier.

Adieu, ma bonne et très chère amie. J’ai regret du papier blanc que je laisse. Mais je me porte bien ce matin et j’ai affaire quelque chose de gros. Envoyez à Rosalie quelques petites raclures de mon cœur. C’est le curé de Barages qui est content !


Septembre 1875.

Ma chère amie, je viens d’écrire au charmant Ours de Maynoac[12], mais j’ai oublié dans quelle Pyrénée cela se trouve. Est-ce la haute, la basse ou l’orientale ? Il y a vraiment beaucoup de Pyrénées. Si je ne peux pas mettre la main sur celle qu’il me faut, je vous enverrai la lettre. Cette chère Rosalie, carmélite de cœur, mérite bien qu’on la cherche un peu.

Hélas ! je vois avancer la saison et s’éloigner mon voyage de Rome. Mes jambes ne peuvent plus chausser les bottes de sept lieues. Un petit mieux m’avait donné cette idée de Rome. Une rechute la chasse. Je reboite de plus belle sous l’influence d’un chien de lumbago ; il m’a fait crier pendant huit jours et, depuis huit autres jours, il dure encore. En même temps ma main me fait d’affreuses farces. Peu s’en faut qu’elle ne me refuse le service. Elle me fait l’effet d’un valet de chambre que j’ai gardé un an sans pouvoir le dégoiser, et qui m’a tant versé d’assiettes sur le dos, que j’ai dû le renvoyer ; mais je ne peux pas renvoyer ma main.

Ma fille Luce vient d’obtenir un nouveau grade dans son couvent. Malgré sa modestie et la mienne, je vous en fais part. On l’a mise au nettoyage des cabinets. Et elle n’est encore que novice ! où n’ira-t-elle pas, cette chère enfant ? Elle m’assure qu’elle s’y trouve fort bien et que le parfum de l’obéissance offre quelque chose là qui se sent plus qu’ailleurs. Qui m’eût dit que je saurais ma fille à ce poste, qu’elle m’y semblerait aussi belle et que je n’en serais pas moins fier ! Cependant, je ne me sentais pas la moindre pente pour cette vocation.

Vous avez vu ce grand et sublime Garcia Moreno. Je vois ici un de ses neveux qui me raconte sa vie. D’un bout à l’autre, c’est une merveille. Je n’en ai pas tiré parti, comme je l’aurais souhaité. Après Pie IX, il y avait un homme dans le monde, c’était lui. J’ai oublié de dire dans mon article qu’il était beau, grand, fort, éloquent, que toute bonne œuvre le trouvait prêt comme tout péril, qu’il allait soigner les malades, qu’à Paris il passait du temps à promener un enfant qu’on lui avait confié. Ses gens qui l’ont toujours connu ne se souviennent pas de l’avoir vu trembler pour lui-même, et il pleurait avec les affligés. On l’a tué. Oh ! qu’il fera bon s’en aller !

Adieu, chère amie, tendresses à Alexis.


A Madame Rosalie,


27 septembre 1875.

Chère Madame, c’est peu bien, bien guère de vous dire bonjour une ou deux fois par an. Il est vrai pourtant que nos sentimens ont de la sérieuse ardeur, mais il est vrai aussi que nous sommes considérablement ours. Quand on a tant vécu, c’est le vœu de la nature et le conseil de la sagesse. On reste dans les solitudes, dans les déserts, pour conserver un reste de jeunesse à montrer de loin à ceux qu’on aima. Depuis longtemps je sens le besoin de faire cette sortie. Dans mon désert de Paris, il y a trop de chevaux, trop d’hommes et pas assez de montagnes. Me voici. Que Maynoac est charmant et que vous êtes belle ! Je ne puis pas m’élever jusqu’à vous, mais je vous aperçois sur votre montagne. Nous sommes vieux, mais remarquez pourtant comme notre vue est perçante et comme nous ne sommes pas des gens de peu, grâce au signe de notre Jésus que nous portons l’un et l’autre. Vous me découvrez sur les bords du ruisseau de la rue du Bac et je vous vois resplendir sur les hauteurs des Pyrénées. Bonjour, Madame, que je n’ai jamais rencontrée et que probablement je ne rencontrerai jamais, bonjour ; chère amie, que le cœur de Jésus m’a fait reconnaître ; bonjour ma Rosalie. C’est moi le garçon à la mère François. Il est vraiment dommage que nous ne puissions pas nous trouver avec Léontine dans un coin quelconque de Paris ou des départemens. Malgré les étouffemens, les rhumatismes et les névroses, nous ne laisserions pas de tailler une bonne bavette.

Je vous envoie la lettre du bon curé de Béroges (?) à qui vous avez voulu donner une église. Léontine s’étant mise de la partie, j’ai voulu aussi en être et nos trois pierres seront de compagnie dans la construction ; les vôtres feront accepter la mienne. Le bon curé avait profité de l’occasion pour m’envoyer des pommes. J’aurais bien songé à vous envoyer votre part ; mais comme les paniers ne voyagent pas avec la même facilité que les âmes, j’ai tout gardé et tout mangé. Elles étaient bonnes. Adieu, ma Rosalie, serrons-nous la main et embrassons-nous. Notre bon Jésus fera en sorte que nous trouvions là-haut notre petit coin... Votre ami.


A Madame Léontine Fay-Volnys,


15 octobre 1875.

Très chère amie, c’est l’abbé Flouel ou Nouet. L’abbé de Girardin n’étant plus en ce moment près de moi, je ne puis préciser, mais vous n’en avez plus besoin. Carpeaux a été enterré hier, sitôt pris sitôt pendu. Le bon Dieu n’attendait que d’avoir pu lui donner son billet de Paradis. On a beau le connaître, il a de ces complaisances qui surprennent. Voyez-vous, ma Léontine, il n’y a pas tant de chrétiens, mais le petit nombre suffit et sauve le grand. Dans l’immense océan du monde, ceux que Jésus a faits pêcheurs d’homme (il y a beaucoup de femmes parmi eux, depuis l’invention de la grande Marie, la grande raccommodeuse de filets) pèchent du fretin, des carpillons, des carpeaux ; ils vont jusque dans les vases ramasser jusqu’à des crabes, des moules et autres monstres ténébreux. Ils portent au bon Dieu tout cela ; le Bon Dieu prend tout cela, parce que ce sont ses chers chrétiens qui l’ont pris. Le bon Dieu ne refuse rien de ses chers chrétiens, il ne rejette rien de ce qu’ils ont pris dans les filets raccommodés par sa raccommodeuse. Il y a tant d’imbéciles qui nient ces mystères. C’est qu’ils ne comprennent rien à l’amour des hommes pour Dieu et à l’amour de Dieu pour les hommes. Rien n’est plus facile à comprendre pourtant. Ne voit-on pas tous les jours des mamans très sages et des papas très graves accepter des coquillages cassés, des fleurs fanées que leurs petits enfans ont ramassés comme des trésors pour leur plaire croyant leur offrir des merveilles, et ce sont des merveilles en effet. La merveille est l’amour qui s’attache à l’infime objet donné et reçu et qui le transfigure. Un jour la mère François qui ne se piquait pas d’être tendre et le père François qui n’a jamais su lire et qui n’était pas sentimental reçurent avec joie une couronne de feuilles de céleri qui était le premier prix de mes efforts à l’école mutuelle et qui les valait bien. Leur garçon, aidé dans ses bons sentimens par une fessée importante, leur avait promis de travailler et la couronne prouvait qu’il avait travaillé. La mère François pleura, le père François fut tout chose, et la précieuse couronne resta suspendue au manteau de la cheminée, honneur qui n’avait jamais été fait à une branche de céleri. Elle attestait le travail, la victoire et l’amour du garçon que Rosalie, un demi-siècle après, devait trouver beau comme le jour, d’accord en cela avec la prophétique mère François. De la fessée, digne pourtant de mémoire, il n’en était plus question. Tout était pour la vertu du gas. C’est alors qu’on cessa de voir qu’il avait été ravagé par la grêle, et depuis ce temps ce fut un crime de s’apercevoir qu’il avait été grêlé. La couronne serait encore là, et attesterait encore que le garçon de la mère François, devenu beau comme le jour, était déjà beau comme l’aurore, si la maison n’avait pas été démolie. Mais la maison où le bon Dieu veut garder nos couronnes de céleri est éternelle ; et nos couronnes y resteront toujours. Voilà pourquoi, mignonne, le ciel sera plein non pas de ceux qui ont aimé Jésus seulement, mais des œuvres de ceux qui l’ont aimé. Peu d’élus peut-être, mais beaucoup de sauvés par les élus, c’est-à-dire par ceux qui auront eu assez d’amour et de foi pour jeter toujours le filet dans la mer profonde et pour dire à Jésus : Mon Jésus qui m’avez commandé de jeter le filet, par votre sang, par votre amour et par mes sueurs et mes larmes, prenez encore cela. Quant à moi, ma très chère, j’espère bien entrer au ciel parce que je me serai attaché comme une poussière aux pieds de quelque martyr passant. Il m’emportera jusque devant Dieu, et Dieu ne me rejettera pas parce que, au contact des pieds de son martyr, la poussière aura été changée en or.

Mais que voulais-je vous dire ? En poursuivant le fil de mes idées, j’ai perdu toutes sortes de choses dont je voulais remplir une demi-page et me sauver à mes besognes. Vous êtes une grande mangeuse de temps, mais comment se défendre de la joie d’avoir reçu une lettre et du plaisir de vous dire qu’on vous aime. Pour l’amour de Dieu et des carpeaux et des moules qui restent dans la vase, soignez-vous, vivez, ne faites pas d’imprudence. Ne dites pas que vous travaillerez au ciel aussi bien qu’ici-bas et écoutez Dieu qui vous dit d’obéir au médecin. Je suis bien content d’Alexis et de Bleuet qui veillent sur vous avec tendresse. Faites savoir à Alexis qu’on est en train d’organiser une grande Messe à Notre-Dame ou à Saint-Sulpice pour Garcia Moreno. Saint-Sulpice était sa paroisse. Je m’arrange aussi pour faire venir une photographie de Quito ; je n’en ai qu’une, mais fort imparfaite. Il était grand et beau ; il avait sa figure. Vous la verrez. J’ai reçu la lettre de Rosalie. Elle me ferait certainement tourner la tête si vous ne m’aviez fixé le cœur. Néanmoins je suis émerveillé de mes succès près des femmes. Je ne me connaissais pas ce genre d’aptitudes. J’ai lu dernièrement dans un journal que mes constantes fureurs venaient d’un secret dépit de n’avoir jamais été aimé. Voyez-vous cela ? Il y a eu pourtant la mère François et il y a encore Léontine et Rosalie. Mais êtes-vous des femmes ? Cet imbécile qui est capable de me croire grêlé, dirait que vous n’êtes que des cléricales. Je le dédaigne. J’ai du feu en portefeuille et ce qui m’étonne, c’est que le portefeuille ne brûle pas. Adieu, je n’en puis plus ! et ma main qui fait des siennes. Elle ne sait plus l’orthographe. Il n’y a plus qu’un mot que je puisse tracer couramment : Je vous aime.


Il y a juste un an que je jouis de cette charmante névrose. Elle m’agace ; mais je sens tout de même d’où elle vient et je la garderai volontiers tant qu’elle aura quelque chose à faire.


Paris, 25 octobre 1875.

Ma très chère amie, moi aussi j’aime les moules, les crabes, les huîtres et autres monstres ténébreux. Il y a quelque chose là, dedans, il y a même des perles. Le bon Dieu le sait. Il voit des beautés et des qualités que nous ignorons. Il permet qu’on lui offre tout ce qui tombe dans le filet jeté pour lui par ses enfans ; il ne permet pas que le filet ramasse rien d’absolument mauvais. Ce qui est absolument mauvais n’existe pas à ses yeux et les nôtres ne l’aperçoivent pas. Il y a des laideurs et des difformités absolues qui aveuglent la miséricorde. Si elles ne faisaient que l’épouvanter, elle se baisserait, s’entêterait et les ramasserait ; et Dieu les prendrait, obéissant à ceux qui l’aiment. Dieu se laisse ensorceler par l’amour qui lui découvre la beauté des monstres. Il dit au monstre : Tu es bien laid, bien sale, bien bête, mais tu n’es pas rien. Il y a quelque chose en toi que j’y avais mis et que tu n’as pas détruit. Je t’enverrai un de mes enfans qui par un excès d’amour ou d’ignorance te dira un mot auquel tu ne t’attends pas et qui fera tomber sur toi le nom et le sang de Jésus-Christ : et tu seras assez lavé et tu verras assez clair pour que je puisse ne plus détourner les yeux. C’est bien étrange sans doute, mais Dieu connaît les mystères de son amour. Usons-en et donnons la chance à tout ce que nous voyons. Du moment que nous le voyons, c’est une grâce que Dieu lui fait ; il y a quelque chose là... Mon Dieu ! il y a là un bandit pour qui Jésus-Christ est mort et pour qui je voudrais mourir. — Tu crois !... Jette le filet, et s’il le faut, harponne 1

Je causais hier avec une petite sœur des pauvres, une bonne grosse paysanne comme la mère François, qui dit : j’allons, j’irons je verrons. Par son cœur ou par son génie, elle a fondé 20 sur 30 maisons de son ordre en Irlande, en Angleterre, en Espagne, en Amérique ; elle est en train d’en mourir. Elle me dit : Je n’ai pas vu ce Carpeaux-là, mais j’en ai vu bien d’autres. Impossible d’imaginer ce que le bon Dieu fait et fera. On dirait qu’il ne pense qu’à cela. Et je vous assure, ma chère, que la mère Conception sait ce qu’elle dit.

Or, je m’en vais demain en Belgique, dans un poêle que j’ai par là. Les premiers froids me font sauter et je tremble au coin de mon feu. Au château de Gesves par Asse... province de Namur : c’est là que le cher Alexis m’enverra des nouvelles. J’y resterai jusqu’au 9 novembre. Je dois (être) à Paris le 10 pour assister à un service funèbre en mémoire de Garcia Moreno. Je vous enverrai le portrait du grand président dès que je l’aurai.

Notre Visitandine à qui j’ai conté vos relations avec Carpeaux, vous loue extrêmement d’entreprendre les tailleurs de pierres et veut que je la recommande à vos prières. Elle dit que ceux et celles qui veulent tailler leur âme font une besogne infiniment plus rebelle et plus difficile. Elle est présentement sous-vachère. Quand je vois cette belle fille qui prend une noblesse de figure et d’attitude inimaginable, si contente et si paisible dans cette position, cela me donne une joie qui passe toute expression. Elle a une politesse, une grâce, un éclat de santé et de majesté que je voudrais que vous puissiez voir, vous qui croyez peut-être avoir vu des princesses et des reines. Vous verriez véritablement une fiancée de Jésus-Christ. Je vous assure que c’est beau.

Adieu, très chère amie.


27 décembre 1875.

Ma chère Léontine, j’ai le cœur bien serré pour votre pauvre ami. Ces terribles menaces sont déjà des coups accablans. Je pense à Job à qui l’on disait : Maudis Dieu et meurs ! Mais il a autour de lui des chrétiennes résignées pour elles-mêmes qui lui parlent mieux : Bénis Dieu, pauvre frère et tu vivras. Il répondra : fiat ; il n’a pas autre chose à dire. La vie est un mauvais moment qui enfante l’heureuse éternité... Que Z... se tienne bien au pied de la croix. C’est ce que je ne cesse de demander pour lui... Se tenir à la croix vaut mieux que tout. Demanderons-nous grâce pour la terre qu’on déchire avec le soc de la charrue ? Il faut qu’elle soit déchirée pour être ensemencée. Mais qu’elle y consente ; que Dieu ne permette pas qu’elle refuse la douleur et perde le grain. C’est ainsi que je m’efforce de prier pour vous ; n’oubliez pas de prier ainsi pour moi. Je vous dois des nouvelles de moi. C’est toujours la même chose ; pas de souffrances, un insurmontable alanguissement. Je suis détraqué des membres, de la voix, un peu de la tête. Mon cœur seul vivant est empêtré dans cette ruine qui souvent me semble consommée. Je vis pour faire semblant de vivre et pour gagner ma vie qui ne m’intéresse plus et qui ne demande que le repos. J’aimerais bien de faire le mort, en attendant de l’être tout à fait. Mais le plaisir de faire le mort m’est interdit. Il faut travailler sans appétit et sans nécessité pour soi-même parce que d’autres en vivent très réellement. Ce travail pour d’autres, plus que désintéressé et plus que fatigant, serait plus méritoire si on voulait en avoir le mérite. Ce ne serait plus le mérite du laboureur, ce serait le mérite du blé : « le blé voulait être mangé. » Non, c’est Dieu qui veut que le blé soit mangé et qui en a le mérite. Ce diable de blé n’est ni heureux, ni fier de sa vertu. Il se dit sans cesse : A quoi m’est bon qu’on me mange, j’aurais plus de plaisir à n’être pas ? Véritablement on est surpris de toutes les bêtises que l’égoïsme nous suggère. C’est lui en définitive qui nous fait désirer la mort. Le plaisir de n’être pas pour être enfin débarrassé du déplaisir de faire du bien ! A ce simple trait on voit bien que ce n’est pas l’homme qui a inventé Dieu. Car Dieu a conçu de toute éternité la pensée d’être éternellement le blé qui nourrit le monde, et il s’est maintenu dans cette pensée après avoir très longtemps expérimenté l’égoïste humanité.

On me dit parfois que je ressuscite. Mon écriture vous dit ce qu’il en est. J’écris assez vite, mais je ne suis pas maître de former mes lettres comme je veux, ni d’écrire gros, ni d’écrire fin, ni d’observer ce que j’ai conservé d’orthographe. C’est bien pire pour la voix. Je bégaye, j’ânonne, j’oublie des mots. Il me manque partout des rouages et tous mes rouages manquent de quelques dents. Je prends souvent le plaisir de me taire. Il est médiocre ; plus médiocre encore est le plaisir de ne point voyager. Que j’ai désiré d’aller à Nice ! Un moment je l’ai espéré. Il a fallu défaire ma malle, j’ai dû me résigner à être parrain de ma petite-fille par procuration. Je suis rivé à Paris. J’en ai un signe. Le journal m’a poussé une voiture sous le derrière.

Je n’avais jamais souhaité une voiture ; la voilà tout de même. Cela me fait l’effet d’un corbillard. La première fois que je me suis promené dans ma voiture, j’ai appris qu’on ne se promène qu’à pied.

J’ai reçu hier votre chère lettre. Je venais de voir ma Visitandine après la longue abstinence de l’Avent. Tout ce temps-là, les parens jeûnent de visites. Ma fille est présentement frotteuse. J’ai un robuste domestique qui se plaint beaucoup de la fatigue que lui donne le frottage ; ma fille est moins forte, frotte davantage et se réjouit de frotter. Cela lui tient chaud, dit-elle. On avait allumé à cause de moi une flambée dans le parloir. Elle regardait le feu à travers la grille. — Comme c’est beau, dit-elle, un feu. Il y a longtemps que je n’en avais vu. Voyez, papa, au couvent tout est plaisir. On aime à rencontrer par hasard du feu ; on est content de pouvoir s’en passer. — Est-ce que tu as froid ! — Ah ! papa ! avec le feu que j’ai dans le cœur ! — On ne peut rien imaginer de bon, de beau, de fort, de gai et de tranquille comme cet enfant !

Adieu, chère amie, votre lettre est pleine du parfum de la bonne mort. Mais cela ne me console pas.

Nous ne sommes plus sur la terre que pour nous consoler d’en partir, nous ne perdons rien. Jésus nous attend dans sa maison. Nous irons ; nous y serons bien. Quand la poussière de la route sera époussetée, nous paraîtrons devant le Roi. Attendons patiemment, regardons en face. Ce n’est pas un huissier qui viendra nous prendre pour nous faire payer nos dettes, mais un ambassadeur qui acquittera tout. Mourir, cela s’appelle, en chrétien, recevoir le baiser du Seigneur.

Recevez le mien, mon baiser de frère, très heureux et très fier d’avoir une sœur comme vous. Priez pour moi et tirez-moi. Allons chanter, sans fausses notes, au milieu de la canaille reconnaissante et transfigurée. J’espère que Poquelin y sera avec ses poquelineaux et ses poquelinettes. Pour canaille, il l’était certainement, le beau génie. Mais il disait en parlant des siens : Je les fais vivre, je ne peux pas les abandonner ; et il est mort à la peine. Il raisonnait mal, mais enfin il donnait un verre de sueur, c’est plus qu’un verre d’eau. Dites cela à celui qui donne à bon escient des verres de larmes. Espérons, espérons un Dieu de miséricorde.


Dimanche, 23 janvier 1876.

Quand je vous dis qu’il vous aime, me croirez-vous enfin ? En réponse à votre histoire qui me ravit et qui m’enivre, écoutez-en une autre, juste la même, mais un peu plus ancienne, car ce n’est pas d’aujourd’hui qu’il avoue cette passion. Vous avez entendu parler de la femme qui vint le trouver sur les frontières de Chanaan. Qu’allait-Il faire là, en ce pays étranger ? On ne le savait pas, rien en apparence ne l’y appelait. Il ne l’a pas dit, mais on l’a deviné. Il allait à un rendez-vous d’amour. Cette femme vint ; elle lui dit : Seigneur, ayez pitié de moi ; ma fille est cruellement tourmentée d’un démon. Il ne parut pas la voir. Ses apôtres, bonnes gens néanmoins, la reçurent mal. Elle leur semblait une importune, une coureuse, une comédienne peut-être, et peut-être pis, s’il y a pis. Tout ce pays de Chanaan était mal famé. Comme elle insistait, ils craignirent qu’elle ne compromît le maître. Déjà ils n’avaient pas paru très contens de la Samaritaine qui, à vrai dire, n’était pas grand’chose. lis dirent à Notre-Seigneur : Renvoyez-la. Notre Seigneur fit semblant d’entrer dans leurs vues. Son accueil fut très rude. Il l’appela à peu près une chienne. On ne doit pas donner aux chiens le pain des enfans, lui dit-il. Notez cependant qu’il était venu pour elle. Avertie et instruite par l’amour, elle ne se démonta pas et ne se fâcha pas. — C’est vrai ; mais on laisse les petits chiens se nourrir des miettes qui tombent de la table où mangent les enfans. Quelle confiance, quel amour, quel besoin ! — quelles paroles à faire pleurer les pierres ! Et lui : femme ! grande est ta foi. Qu’il soit fait comme tu désires. Elle se retira contente, sa fille était guérie. Il se retira content, ce qu’il voulait faire était fait. Il reprit son chemin de la croix. Croyez-vous que dans le ciel, auprès de lui, nous ne re verrons pas cette Chananéenne avec la Samaritaine, avec Madeleine et le bon larron et les autres. Ces amours-là ne sont pas d’un instant. Il veut qu’ils durent et les fait éternels.

Avant-hier, je lisais cette divine histoire dans un grand saint qu’elle a ravi avant nous et qui l’a contée avec tant de joie et de larmes, il y a près de quinze cents ans, que Dieu a voulu ne pas laisser périr son récit. C’est saint Jean Chrysostome, évêque de Constantinople, admirable entre tous. En la lisant je songeais à vous. Je voulais vous en écrire, parce que Saint-Jean Chrysostome est un des nôtres, et parce que votre foi est grande. Je voulais vous dire : Sachez de quel trésor Dieu vous a pourvue, sachez ce que vous pouvez faire, sachez combien il vous aime. Il est venu pour vous, pour vous seule au pays de Chanaan. Il est venu vous dire non plus de manger les miettes qui tombent sous la table, mais de mordre à même le pain. Dans le moment que je pensais cela, voilà qu’il renouvelait le miracle. Il le faisait pour vous, pour Violette, pour Bleuet, pour vous tous, et tout le ciel tombait avec lui dans votre petit coin. La table est mise, mes enfans, mangez, c’est moi qui paie. Viens aussi, toi, prodigue pour qui l’on a pleuré en m’invoquant et qui pleures.

O mon Roi, ô mon Dieu, ô mon Jésus ! Réjouissez-vous, chers amis ! ne craignez pas. Cela durera. Si le mal recommence, si le démon revient, vous recommencerez et il reviendra en Chanaan, celui qui chasse le démon.

Il reviendra parce que vous l’appellerez encore, et parce qu’il est celui qui a ordonné de pardonner septante fois sept fois. S’il ne pardonne pas à l’enfant, il pardonnera à vous qui avez trouvé grâce pour lui. Il aime ceux qui veulent être justes pour pardonner au coupable.

Adieu. Lisez-moi comme vous pourrez. Ma main est mauvaise tant qu’elle peut, mais je suis très heureux parce que je vois luire dans le ciel la main divine du pardon. Je vous aime tous.

Merci, merci de cette adorable matinée,


21 février 1876.

Ma chère amie, l’autre jour, j’ai vu paraître chez moi l’ancien Duprez de l’Opéra, avec quelques musiques de sa façon, qu’il veut offrir au Saint-Père. J’étais à cent lieues de penser à lui, que je n’ai vu qu’une fois il y a des milliers d’années, en sorte que son nom ne m’a pas fait tomber à la renverse. Mais le brouillard s’est dissipé et nous avons échangé les complimens et les extases que se doivent des gens d’esprit. Vous m’avez dit un jour que vous me trouviez bon comédien, ce qui ne m’a pas surpris, sachant déjà par la Bible que tout homme est menteur. Je me suis surpassé, et lui se surpassant m’a trouvé « beau comme le jour, » ce qui ne m’a d’ailleurs nullement empêché de croire à la sincérité de notre Rosalie. Ce Duprez en retraite a de la vie tant qu’il en peut porter, de la graisse un peu plus et de la religion tout juste, mais assez cependant (selon lui) pour son âge, pour sa graisse et pour sa belle renommée. Somme toute il m’a semblé bonhomme, quoique trop attaché à la bagatelle.

Vous pensez bien que la conversation n’a guère tardé à rouler sur vous. C’est moi qui l’avais amenée là. Vous êtes ma gloire. Je me pare de vous devant les illustres pour leur montrer que je ne suis pas rien, ni un monstre. Il est parti en anecdotes. Un jour vous lui avez dit : Ah ! ça, tu sais : j’ai une religion, moi, la vraie, la bonne, et je la pratique, tandis que toi... Et là-dessus, vous lui fîtes un pied de nez, avec la révérence. Ce sermon n’est pas de saint Jean Chrysostome, ni même de Bourdaloue. Il est bon néanmoins et très suffisant pour l’auditoire. Duprez n’a pas laissé de s’en souvenir. Je m’en souviens aussi. Je l’ai fait plus d’une fois. Il est dans notre destinée de nous rencontrer. Seulement, votre pied de nez devait avoir plus de grâce que le mien. Je veux que cette anecdote vous amuse comme elle m’a amusé.

Votre petite dernière m’a charmé par toutes sortes de raisons. J’ai admiré la liberté de votre esprit et celle de votre écriture. Tous deux volent. Quant à l’écriture, je n’en suis pas là. Mais ne vous épouvantez pas. Un médicament que j’ai pris ce matin me met à l’envers. Je tremble comme un candidat, ou plutôt je tremblais, car cela passe un peu. Au fond, je crois que je vais mieux. Je n’ai reçu de cette longue épreuve que du bien. Je me trouve moins impatient, moins sur ma bouche, je dis mieux les Ave Maria. Ora pro nobis peccatoribus, nunc et in hora mortis nostræ ! Oh ! que cela est beau et fait penser aux amis ! Adieu, très chère et très chers. — Vous me consolez d’être électeur.


Paris, 28 février 1876.

Quelle bonne idée, très chère amie, de m’envoyer cette prière du P. Croiset ! Je ne la connaissais pas ; elle est admirable et pleine d’actualité. Je vais l’apprendre par cœur, et tout me porte à croire que je la dirai au moins une fois par jour. J’en sais une autre très bonne aussi que je débite par lots de cinquante ou cent dans les vingt-quatre heures : Ora pro nobis peccatoribus, nunc et in hora mortis nostræ. Mais cela est pour tout le monde ; la vôtre entre mieux dans mes cas particuliers qui sont nombreux. Elle exprime la réalité et le pourquoi de la mort. Et puis elle vient de vous.

J’ai vu le P. Marie-Gabriel de Lérins, avec la lettre de Z... Il m’a fait entrevoir que l’enfant prodigue reprendrait la mer. J’en gémis pour lui, pour son père et pour vous. Puisque le diable s’obstine, il faut s’obstiner, Dieu ne cesse pas de vous aimer et ne cessera pas de vous obéir. Il fait la volonté de ceux qui le craignent. C’est lui qui l’a dit et qui l’a fait écrire pour que nous ne l’ignorions pas. Espérez contre l’espérance. Ce bon ours nous a écrit une belle lettre. Je vous remercie de me l’avoir communiquée. Les étoiles chantent Dieu, même celles du théâtre. Mais celle-là est un orchestre plutôt qu’une étoile et n’a jamais été aussi étoile qu’à présent. Depuis longtemps je lui dois une lettre, elle l’aura, mais je suis paresseux à cause de ma main et de mes besognes toujours grandissantes.

Votre lettre est venue très à propos pour me désassoupir. Elle m’a fait l’effet d’une bonne grosse réjouie, très vaillante, très enlevée et très enlevante. Si j’avais pu me jeter tout de suite sur ma plume, je vous aurais assommée de grosse écriture au gros sel. Ce pauvre faiseur de musique sacrée me semblait si drôle dans ce moment-là. Mais j’ai dû entendre la messe, lire les journaux et recevoir la pluie. Adieu l’humeur joviale ! Je me retrouvais électeur français et bon à noyer dans mes splendides égouts parisiens. Sur ce, je vous cache, madame, un objet odieux qui n’a plus rien d’aimable et qui n’est qu’amoureux.


29 mars 1876.

Hélas ! je n’ai pas du tout ronflé, ma très chère amie, au contraire. En plein jour, dans mon lit, j’ai geint. Il me semblait avoir dans la jambe quelque mauvais diable qui faisait joujou avec mes nerfs. Qu’est-ce que cela ? Quelle plaisanterie originale, mais détestable ? Je n’ai jamais éprouvé rien de pareil ! J’ai fini par m’informer. C’était la goutte. Je n’y pouvais croire. Comment, la goutte ? Je suis vieux, c’est vrai. Mais je ne suis ni vieux soldat, ni vieux riche, ni vieux gourmand, ni vieil ivrogne. C’était la goutte pourtant. On m’a dit qu’elle prend même les vieux sobres, même les vieux pauvres, même les vieux platoniques, et qu’enfin elle m’avait pris. — Mais, docteur, vous voulez rire. Il y a à peine cinquante ans que je faisais queue à la porte du théâtre Madame, pendant des heures, pour voir Yelva. Je m’en souviens comme d’hier. J’avais diné d’un pain de deux sous et d’une pomme, je ne pouvais pas même ajouter à cet ordinaire un verre de coco. Où voulez-vous que la goutte ait pu me prendre ? Jamais personne ne s’est tenu plus loin d’elle. — Toujours est-il que vous l’avez ; mais elle est bénigne, très bénigne, et j’espère qu’elle vous fera du bien. — Il est vrai qu’elle m’a presque laissé après huit jours de caresses, dont les trois premiers seulement ont inquiété mon ignorance. Après cela, elle est partie lentement. Seulement, elle semble me dire : Je reviendrai ; et me voilà goutteux. Je me suis vu le pied voilé d’une prodigieuse pantoufle, la jambe étendue sur une chaise, comme dans les gravures anglaises. Je voulais fermer le poing et lâcher quelque honnête juron anglais, pour compléter la ressemblance. Quelle situation pour un amoureux d’Yelva ! II me semble qu’un amoureux d’Yelva peut tout au plus être affaissé dans un fauteuil, avec le bras en écharpe, et que la goutte cachée sous cette monstrueuse pantoufle n’a nullement la poésie dont Scribe revêt ses belles inspirations. Néanmoins, je pensais tout de même à Yelva, et je la voyais avec quelque plaisir, m’apportant une prière pour la bonne mort. Ainsi je rétablissais le tableau plus sérieux et plus touchant que Scribe ne l’avait tracé. C’est le gros Duprez qui devrait avoir la goutte.

Voilà mes nouvelles. Elles ne sont pas mauvaises, puisque, sans être morts, nous ne manquons pas de bonnes intentions de bien mourir. J’ai profité de ma goutte pour réciter beaucoup d’Ave Maria, en union avec vous et la guerroyante et charmante Rosalie ; car au bout du compte nous ne laissons pas d’être guerroyans et charmans. Qu’importent les maladies et les années ! Ces aventures regardent des carcasses et des guenilles qui ne sont pas nous. Nous, nous sommes jeunes, brillans ; nous avons des habits de plus en plus blancs, de plus en plus neufs, et, suivant les pas de notre Christ, nous avançons en chantant vers l’éternelle vie. Qu’il est doux de prier, de pleurer, d’espérer, de sentir que déjà tant d’orages sont passés pour jamais ; que nous ne ferons plus queue à la porte de M. Scribe, que les quinquets ne fumeront plus, que nous ne chanterons plus faux, que tant de vaines attentes sont passées, que nous ne serons plus les jouets de ces néans ! Plus de faux plaisirs, plus de fausses larmes ; nous marchons enfin vers quelque chose que nous ne manquerons pas, que nous ne regretterons pas, que nous ne perdrons pas. Tout ce que Dieu voudra, quand il voudra, comme il voudra. Amen, amen ! et après, l’Alléluia qui ne finira plus. Pensez-vous, chère amie, à ce que nous avons pu désirer de plus beau dans notre ignorance ancienne ? Ce n’était jamais que du Scribe à perpétuité. Grand Dieu, si nous avions été pris au mot, comme déjà nous nous trouverions bêtes ! Le seul souvenir en serait insupportable dans le ciel, il empoisonnerait la béatitude. Mais Dieu a la puissance d’oublier, et il nous communiquera ce privilège. Avec la vie de ce monde, les pardonnes laisseront tout souvenir de la vie. Aussitôt purifiés, nous serons nés de nouveau, nous nous sentirons absolument neufs, absolument purs, nous ne nous souviendrons pas d’avoir rougi. Une joue qui n’aura point porté de fard, des doigts qui n’auront point été tachés d’encre, des lèvres qui n’auront chanté que des paroles de Dieu ! Violette et Luce ne sauront pas que nous avons senti mauvais, et nous non plus, nous ne le saurons pas, et Jésus et Marie eux-mêmes ne le sauront pas.

Ma chère Luce ! je ne l’ai pas vue et je ne la verrai pas de tout le Carême. Hier, j’ai passé auprès de sa porte, j’ai vu le dôme de la chapelle. Rien qu’à cette ombre, je sentais un air plus chaud et plus pur. Il ne faut pas dire que c’est une imagination. Positivement l’air est meilleur là, on s’y porte mieux. Ces maisons où le nom de Jésus se prononce plus et mieux qu’ailleurs, sont de grands ventilateurs qui assainissent l’atmosphère. Si ces maisons tombaient, comme le veulent les imbéciles méchans qui règnent dans Paris, nous aurions la peste et ils en crèveraient.

Ma colonelle Agnès est dans sa garnison d’Auxerre, toujours contente de son bon soldat qui lui a appris à l’appeler son « vieux rig. » Elle prend du chic, mais sans rien perdre de sa délicieuse fraîcheur. C’est une étoffe solide et de bon teint. Agnès, troupière finie, arrivera au ciel avec une odeur de corps de garde où Jeanne d’Arc ne blâmera rien.

Adieu, chère amie. Il est temps que j’aille au journal et que je vous débarrasse. Parce que je vous aime extrêmement, ce n’est pas une raison pour que je vous ennuie démesurément. Ni la goutte, ni la tendresse n’ont le droit d’assommer les palpitations de cœur et la vertu. Me trouvez-vous assez coquet ? J’ai toujours été comme cela. Il y a une cinquantaine d’années, mon ami Perrin, directeur du Théâtre-Français (mon ami d’enfance, s’il vous plaît), m’appelait un gros grêlé, mais gracieux. La mère François qui l’aimait bien et qui lui donnait volontiers à dîner, l’appelait : mon ami le calorgne, parce qu’il louchonnait d’un œil.


16 mai 1876.

Mon amie intime, que n’étiez-vous ici samedi en chair et en os ! J’ai assisté à la profession de Marie-Luce. La voilà religieuse définitivement. Je le savais bien, c’est fini. Tout jusque-là n’avait été que la maladie. A présent, c’est la mort. J’en suis bien aise. C’est beau, c’est bon, c’est heureux, c’est saint ; mais que c’est amer à travers tout cela ! Il y a plusieurs cérémonies très belles et d’un grand sens. Je les ai suivies. Il n’y a pas à dire, elles sont dures pour un pauvre bourgeois. L’agonie a duré huit jours. Elle a commencé par faire son testament. Avec quelle hâte et quelle plénitude elle s’est débarrassée de tout ! Quels dons charmans et pleins de cœur elle s’est hâtée de faire ! Tous mes serviteurs anciens et nouveaux, tous les siens, même ceux qui ne l’avaient pas connue et ceux qui l’avaient oubliée ont été l’objet de son souvenir. Je veux, disait-elle, qu’on se réjouisse dans la maison de mon père. Elle a voulu que je fusse son héritier. J’ai accepté, mais j’ai fait comme elle et je n’ai pas gardé un liard. En un clin d’œil elle a jeté par la fenêtre plus de 200 000 francs, ne réservant pour elle que sa stricte dot.

Cela fait, elle s’est préparée à mourir avec une grande joie. Elle a fait ses vœux. Elle a chanté en connaissance de cause quelques phrases sublimes qui peignent la vie qu’elle a choisie, et l’évêque lui a dit : Vous êtes morte au monde et à vous même. Ensuite on l’a couchée sous le drap mortuaire, on a fait les prières des morts, on a jeté l’eau bénite et ç’a été fini. À présent je puis prendre le deuil, ma fille n’est plus : cette aimable Luce, si bonne, si intelligente, si aimable, cette lumière de mes yeux, cette joie de mon cœur. Quand je vois le tombeau, il ne me reste qu’à dire Amen ! Je l’ai dit. Ahl que j’étais sous le pressoir ! Mais je voyais ce vin très pur s’échapper de la pauvre grappe foulée, et je savais bien que je devais rendre grâce. Je sens que j’y viendrai, que Dieu est bon, que je serai content. Seulement il n’y a encore que deux jours. Je ne suis encore qu’un marc humide de pleurs et il me semble que ces pleurs sont du sang.

Adieu, ma chère amie. Vraiment, je n’en puis plus et je n’aurais pas dû vous écrire aujourd’hui.


28 mai 1876.

Mon amie Léontine très chère, Alexis bien-aimé et vous Bleuet très bleu de ciel, salut en Notre-Seigneur.

J’ai reçu votre lettre en deux volumes. Je suis fâché de vous coûter tant de timbres, mais je ne m’en plains pas et je ne vous plains pas. Le plaisir de m’écrire et le plaisir de vous lire valent bien 50 centimes et même plus, et je trouve que la République, qui ne tient pas à faire plaisir aux honnêtes gens, devrait leur faire payer celui-là plus cher car il est vraiment exquis. Selon moi, nous formons un tripot de pauvres diables affligés de divers rhumes et rhumatismes, infiniment plus heureux qu’on ne devrait l’être en ce temps-ci. Certes, je ne changerais pas avec tous ces présidens, ministres et rois qui s’imaginent gouverner le monde. C’est bien vrai qu’ils nous font aller, mais ils ne nous gouvernent pas. Toutes sortes d’autres choses nous font aller ; mais c’est nous-mêmes qui nous gouvernons avec la sagesse très haute, très fine et très forte que le bon Jésus nous donne, de telle manière que ces gens et ces choses qui nous font aller nous mènent au ciel où ils ne veulent pas que nous allions. Voilà un excellent tour et tout est infiniment plus bête que nous. Car le ciel étant bon, le chemin du ciel est agréable et doux. — Oui, disent les hommes et les choses, tu le crois ; mais tu tousses, mais tu geins, mais tu t’embêtes. — Imbéciles, je geins et je tousse ; mais si je m’en arrange ? Je m’embête, c’est-à-dire vous voulez m’embêter et vous y parvenez quelquefois, parce que je ne puis toujours m’empêcher de vous voir, mais enfin ça m’est égal, et si enfin je suis content d’avoir de nouvelles raisons de fuir dans un pays où vous ne viendrez pas ? Là-dessus ils ne savent que dire et les voilà quinauds. Donc, mes amis, vive la joie ! Tout ce qui nous fait aller ne nous empêchera pas de nous en aller. Nous vivons de cette espérance, et nous rencontrons encore bien des petites fleurettes comme vous moi et moi vous, qui ne laissent pas d’avoir leur prix. C’est un fameux plaisir de se dire bonjour et de se donner la main en passant, de se montrer quelque présent qu’on a reçu de Jésus, de savoir certainement qu’on en recevra de plus beaux, qu’on se retrouvera, qu’on renaîtra, d’entrevoir ce que sera le ciel par ce premier aperçu des gens qui l’habiteront. Ah ! grand Dieu ! des gens qui dès ce monde ont de l’esprit et du cœur, qui commencent à concevoir Jésus et à l’aimer, et qui en conséquence supportent les rhumes et les gouvernemens. Je vous dis que nous sommes des coquins trop heureux, et je vous embrasse encore en attendant de vous embrasser toujours dans le cœur large de Jésus. :


P. -S. — Chère Léontine, ma sœur Marie-Luce a reçu votre souvenir, votre désir et vos prières. Vos prières seront dans son livre, si elle obtient la permission de les loger là, comme c’est bien supposable. Elles y resteront un an. Après, pour ne pas rompre le vœu de pauvreté et pratiquer le détachement du monde, tout s’en ira du livre et passera à un autre. Cela vous donne une petite vue du métier. Une visitandine n’a rien à elle, que Jésus, mais elle a Jésus tout entier.


LOUIS VEUILLOT.

  1. Voyez la Revue du 15 août.
  2. Sous le nom de Violette, on évoquait le souvenir de Mathilde, première fille de Mme Volnys, décédée toute jeune après avoir épousé son cousin, Alexis Fays. Bien que celui-ci se fût remarié, — c’est sa femme qu’on désigne sous le nom de Bleuet. — Mme Volnys continuait à le garder près d’elle et à l’aimer comme un fils.
  3. Jeune amie de Mme Volnys, et fervente admiratrice de Louis Veuillot, qui voulait entrer au Carmel.
  4. Nom que portait Mme Volnys, comme tertiaire dominicaine.
  5. Louis Veuillot, dont la santé était déjà chancelante, avait été frappé d’une attaque, six semaines auparavant.
  6. Le mariage d’Agnès Veuillot avec le commandant Pierron, — mort général, il y a quelques années, après avoir fait partie du conseil supérieur de la guerre.
  7. Le fameux statuaire, très malade, était en voie de faire une fin chrétienne. Il mourut, en effet, quelques mois après, confessé et communié.
  8. Personnage que Léontine Fay avait si merveilleusement incarné, vers 1830, que le nom lui en était resté.
  9. Une protestation contre des blasphèmes publics dont les catholiques de Nice étaient indignés.
  10. Surnom donné à un ami écervelé, dont on s’inquiétait.
  11. La troisième série des Mélanges.
  12. Rosalie, alors retraitée dans un village de montagne.