Lettres. — II (1883-1887)
Texte établi par G. Jean-Aubry, Mercure de France (Œuvres complètes de Jules Laforgue. Tome Vp. 191-192).
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CXLI

À CHARLES EPHRUSSI

8, rue de Commaille.
Lundi juin 1887.
Cher Monsieur Ephrussi,

J’espère que vous n’aurez pas mal interprété le manque absolu de mes visites. D’abord l’heure où l’on peut vous trouver est si vague. Et puis, je ne sais pas si vous le savez, je suis entre les mains du docteur Robin et toute sortie m’est interdite tant que le temps n’aura pas radicalement changé. Depuis le 1er mai je n’ai pas mis les pieds dehors, sauf pour aller chez le médecin. Tout le reste du temps je reste calfeutré dans ma chambre, heureux quand l’opium que contiennent mes pilules ne m’engourdit pas assez pour m’empêcher de travailler.

J’attends toujours (et je vous fais attendre avec mon article du Figaro). Marcade[1], interpellé depuis des semaines, m’a répondu : « Attendez donc. Nous ne pouvons pas publier tous nos articles à sensation coup sur coup. »

Quant à mon livre sur Berlin, j’ai un éditeur. On me l’a trouvé. Je ne l’ai jamais vu. La chose est conclue, seulement mon manuscrit est encore assez loin d’être prêt à être remis.

J’attends chaque jour un lendemain tolérable où je puisse arriver chez vous assez calme et non pas capable uniquement de répondre à votre conversation par des quintes de toux inextinguibles, ce qui est triste et parfois même pas beau.

Inutile de dire que je n’ai été ni au Salon, ni à Millet, ni à l’Exposition Internationale. C’est un peu avant midi, n’est-ce pas et non plus à 11 h., qu’on a chance de vous trouver ?

Souhaitez-moi un jour un peu tiède et même une série indéfinie.

Au revoir.

Votre tant reconnaissant,

Jules Laforgue.

  1. Qui s’occupait du supplément littéraire du Figaro.