Lettres. — II (1883-1887)
Texte établi par G. Jean-Aubry, Mercure de France (Œuvres complètes de Jules Laforgue. Tome Vp. 43-45).
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LXXIII

À M. CHARLES HENRY

Coblentz [début d’août 1883).
Mon cher Henry,

Je viens de recevoir votre lettre. — Enchanté que vous soyez à Paris. J’irai tout de suite rue Berthollet. Merci du Salon !! Un ami qui loge à Montmartre m’a trouvé quelque chose du côté de la rue Drouot.

Je devais partir d’ici le 11, mais sous prétexte que je veux me figurer que l’Exposition des Cent chefs-d’œuvre[1] ferme le 10. Je vais intriguer pour partir d’ici le 9 et j’espère réussir[2].

Êtes-vous souvent chez vous ? Guère, je crois, à part le soir, car ne vous tentent ni le cirque ni le théâtre.

J’ai maintenant fermé mes 40 complaintes[3] (préface en vers) et aussi franchement que j’en trouvais d’abord quelques-unes très intéressantes, une dizaine au moins, aussi franchement je déclare que maintenant le tout me paraît petit et éphémère. Ce qui n’est pas éternel est court, et ce qui n’enferme pas tout est bien étroit, mais c’est ce que j’ai fait de mieux. Quant à ma pièce qui n’est point un drame ni une comédie, mais une pièce, un acte : franchement, elle me paraît maintenant un exercice dans ce genre avec une bonne volonté de faire autre chose que ce qu’on fait ordinairement, pas plus.

Vous savez que j’ai été faire le Salon de Berlin, que j’ai visité Dresde, Munich, Cologne. L’an prochain je ferai de semblables visites. Et un jour ou l’autre j’essaierai un volume sur l’art contemporain ou plutôt germanique.

L’illustre Klinger, qui vous plairait beaucoup, est à Paris maintenant. Je vais tâcher à savoir son adresse.

Je crois que la Gazette lui a demandé un cuivre pour mon article.

Avez-vous l’Art moderne de Huysmans ?

Bourget commence un roman, l’Irréparable, dans la Nouvelle Revue.

Nous aurons beaucoup à bavarder dans votre salon, que vous me permettrez d’inspecter avec ma pipe, n’est-ce-pas ?

Au revoir.

Jules Laforgue.

  1. C’étaient, exposés Galerie Georges Petit, à Paris, et provenant des collections parisiennes, plus de cent tableaux de Corot, Courbet, Daubigny, Decamps, Delacroix, Diaz, J. Dupré, Fromentin, Fortuny, Carbet, Géricault, Isabey, Leys, Marilhat, Meissonier, Millet, Rousseau, Ary Scheffer, Troyon, Antonello de Messine, Boucher, Greuze, Franz Hals, Hobbema, Lancret, Metzu, Isaac van Ostade, Pater, Pieter de Hoog, Raibolini, Rembrandt, Rubens, Jacob Ruysdael, Teniers le jeune, Terburg, Isaac van de Velde.
  2. Laforgue, cette année-là, ne quitta Coblentz que le 10 août, passa une semaine en Belgique avant de se rendre à Paris et à Tarbes. (Cf. Agenda 1883, et lettre à Klinger, 15 septembre 1883.)
  3. Le recueil, définitivement, en contint cinquante.