Général Humbert
Lettres d’un chef à ses fils
Revue des Deux Mondes7e période, tome 11 (p. 113-139).
LETTRES D’UN CHEF
À SES FILS

II [1]
A LA 3e ARMÉE EN ARGONNE


20 août 1915 [2].


... Je tiens, je crois, le secteur le plus chaud et le plus ingrat, mais dans l’intérêt d’autres « théâtres, » il faut que je me débrouille avec ce que j’ai. Enfin, à Dieu vat ! on fera de son mieux.


1er octobre 1915.

Les attaques du 25 septembre ont été admirablement montées et exécutées par ici. Sans le mauvais temps qui a bouché complètement l’horizon, les Boches étaient sûrement crevés sur un front de 20 kilomètres. Nous avons eu une guigne noire [3].

A l’Ouest de l’Argonne, ma première division a enlevé d’un bond toute la première position de l’ennemi. Or, les Allemands, qui avaient senti le danger, avaient préparé une contre-attaque sur la gauche. Lorsque celle-ci s’est déclenchée, une pluie très forte, un nuage opaque, masquait complètement nos vagues d’assaut ; lorsque les unités de contre-attaque ennemies ont été distinguées, on les a prises, dans ce nuage, pour des amis, et quand on s’est rendu compte de l’erreur, il était trop tard.

Par une autre guigne, un régiment qui était disposé en arrière de la gauche pour suivre notre attaque a été retardé à sa sortie des boyaux par les blessés qui en encombraient les issues et est arrivé trop tard.

Sans ces deux malchances, sur ce point les Allemands eussent été également défoncés. Au lieu de ce succès, les troupes d’assaut se sont repliées sur leur position avec de fortes pertes.

Néanmoins, cette bataille de Champagne a été un brillant fait d’armes. Elle a mis en valeur la bravoure de nos troupes, la savante préparation du commandement ; les résultats matériels sont énormes ; on n’a pas encore inventorié toutes les prises, qui sont immenses. Dans le secteur d’attaque du seul 7e CA, on a compté 71 canons. Les officiers allemands sont stupéfaits ; ils se croyaient intangibles. Un officier d’artillerie boche disait tantôt qu’au moment où l’infanterie française est entrée dans sa batterie, il était si loin de s’attendre à cet événement qu’il venait d’allonger son tir, convaincu que nous étions repoussés.

Que va-t-on faire maintenant ? Va-t-on pousser encore ? Nous avons atteint la dernière ligne de la deuxième position ennemie. Si nous ne sommes pas à même de poursuivre, il va falloir passer l’hiver à s’organiser, et, au printemps, ce n’est pas une bande de 5 kilomètres de profondeur, mais peut-être de 10 qu’il faudra enfoncer.

La grosse affaire pour mon armée a été de résister à la diversion exécutée par le Kronprinz sur l’Argonne. Il a fait rage pendant trois jours pour crever de ce côté. Il semble maté pour l’instant.


7 octobre 1915.

L’offensive du 25 septembre, bien qu’elle n’ait pas réalisé toutes nos espérances, n’en est pas moins un succès dont les résultats ne sont pas à dédaigner. Effet moral énorme, en Allemagne et à l’étranger, en France aussi ; la constatation s’en trouve dans les journaux, dans les comptes rendus de nos agents, etc. ; — effet matériel également sérieux, comportant pour l’ennemi pertes d’hommes, de matériel, de positions importantes ; — effet stratégique dont les conséquences peuvent être immenses. Les Russes repartent, les Allemands ayant ramené par ici de nombreuses forces ; l’attaque sur la Serbie en est également affectée. Si le succès avait été complet, ces trois effets auraient été évidemment plus accentués, mais il n’est pas prouvé que tout aurait été fini pour cela.

Donc, pas de tristesse ; les sacrifices n’ont pas été inutiles : Ils ont versé de la gloire sur nos armes, ils ont amené un pas en avant vers la victoire finale. Il faut d’autant moins regretter l’effort valeureusement consenti que, si, par ici, la percée n’a pas été réalisée, c’est incontestablement à la malchance au sujet des circonstances atmosphériques qu’on le doit. Exploiter la panique, c’est en effet le secret de la victoire ; c’est bien ce qui a eu lieu, mais incomplètement à cause des dites circonstances.

Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’on ne réussit pas du premier coup : voir Sébastopol, voir Essling, voir Saragosse, etc. Il n’y a pas d’effort inutile ; cette victoire incomplète n’en a pas moins diminué la confiance des Allemands en eux-mêmes et hâté la fin. Il y a eu peut-être illusion à concevoir une percée immédiate. Pourtant, nous en avons été à doux doigts, et, je le répète, c’est la guigne seule qui l’a empêchée.

Elle deviendra plus difficile, c’est incontestable ; impossible ? que non pas ; et quand même, il y aura, à un certain degré, surprise. Malgré le bombardement préalable de trois jours, n’a-t-on pas cueilli des officiers allemands au lit ?

La future opération sera forcément de plus vaste envergure, exigera une préparation plus longue, une exécution en plusieurs temps, mais il faudra la faire.

« Tenir et se tourner les pouces, » c’est vite dit, mais il faut que celui d’en face y consente ; si on le laisse prendre l’initiative, son moral y gagnera et le nôtre s’écroulera : que dirait-on, en France, si les Boches nous faisaient un beau jour 23 000 prisonniers ? Or, si nous n’avions pas attaqué, c’est eux qui l’auraient fait, ils ne s’en cachent pas, et c’est nous qui aurions peut-être subi la défaite. Leurs portes vont vraisemblablement les en empêcher.

Quant à ne pas chercher en même temps autre chose, c’est différent ; je crois qu’une armée donnant la main aux Russes, en Roumanie, serait une fructueuse opération. Qui sait ? la félonie bulgare nous y conduit peut-être. Mais il faut de l’habileté.

Donc, pas de découragement. Une armée qui prend l’initiative de l’attaque est une armée forte ; si son succès n’est pas complet, il n’en est pas moins glorieux et profitable. Au point où en sont les Allemands dont la démoralisation (je ne parle pas encore des soldats) s’accentue rapidement, la victoire a été considérable : il n’y a qu’à lire leurs longs communiqués, mensongers d’ailleurs, pour s’en rendre compte. La déconfiture de l’Allemagne, partant la gloire de la France, est assurée.


13 octobre 1913.

... Organisations on profondeur formant centres de résistance. En 1re ligne, des guetteurs et des mitrailleuses, sous abris à l’épreuve les uns et les autres. En 2e ligne, des ouvrages solides, fermés, points d’appui des contre-attaques. C’est sur ce type, conformément aux instructions du Grand Quartier Général, que j’ai monté la défense de l’Argonne.

Résultat : les petites attaques ennemies sont en général enrayées sur la première ligne ; les grosses attaques réussissent il occuper la première ligne quand elle a été écrasée par un bombardement intense ; elles ne peuvent aller au delà Les blessures et les morts ont diminué des deux tiers au moins. Les soldats sont les premiers à le proclamer.

Tout l’intérêt est maintenant dans les Balkans ; si l’on marche comme il faut de ce côté, cela pourrait bien amener des événements décisifs.


13 octobre 1915.

Il faut se dire que l’espèce humaine est loin d’être parfaite ; les hommes de caractère sont extrêmement rares. Il en a toujours été ainsi. Les faiblesses, les écrivains de valeur les ont stigmatisées : Napoléon, Vigny, Tolstoï... C’est comme cela ; c’est avec cette matière imparfaite qu’il faut travailler et réussir. « Ces bougres-là disait Napoléon, si on ne leur répétait chaque jour qu’ils sont des braves, ils f... le camp comme des lapins »... et tant d’autres.

Il faut se garder avec soin de tomber dans le pessimisme. A cet effet avoir une Foi supérieure. Foi en Dieu, en la France, en la victoire, en soi-même.

Ne pas oublier que les hommes sont sujets partout aux mêmes faiblesses. Les mêmes plaintes s’entendent et s’écrivent chez les Allemands. « On voit ses peines, dit encore Napoléon. On ne voit pas celles de l’ennemi, qui sont pires ! »

Il faut s’élever au-dessus de tout cela.

Quant à l’obéissance, voici ce que dit le Maître :

«  Un général en chef n’est pas à couvert par un ordre d’un ministre ou d’un prince éloigné du champ d’opérations et connaissant mal ou pas du tout le dernier état des choses.

« Tout général en chef qui se charge d’exécuter un plan qu’il trouve mauvais et désastreux est criminel.

« Tout général en chef qui, en conséquence d’ordres supérieurs, livre une bataille avec la certitude de la perdre est criminel.

« Un général en chef reçoit des instructions qui ne sont jamais des ordres militaires et n’exigent pas une obéissance passive.

« Un ordre militaire n’exige une obéissance passive que lorsqu’il est donné par un supérieur présent au moment où il le donne. »

Voilà la loi.

Le problème angoissant, à l’heure qu’il est, c’est la Serbie : ils sont 300 000 contre 300 000 Austro-Boches, plus 300 000 Bulgares, plus 200 000 Tures. Il faudrait donc envoyer là-bas au moins 600 000 hommes. Pour cela, il faudrait deux mois ! Or, il n’y a qu’une ligne de ravitaillement ; or, dans deux mois, le terrain sera à peu près impraticable... Grave problème ! Nous voilà obligés d’improviser l’entrée en action de 600 000 hommes appartenant à deux ou trois nations différentes... La situation, de ce côté, est vraiment pénible.

Il faut avoir confiance, malgré tout ; il n’est pas possible que l’orgueil, la barbarie, la trahison soient victorieux.


18 octobre 1915.

La guerre de tranchées exige une méthode exacte, des prévisions rigoureuses, un montage soigné, mathématique. Ces conditions ne peuvent être réalisées que si les exécutants y mettent la conscience et la compétence voulues : artillerie réglant au millimètre, infanterie audacieuse et convaincue, celle-ci d’ailleurs ne pouvant avoir ces qualités qu’autant que l’artillerie lui a donné confiance. C’est aux chefs exécutants (divisionnaires et au-dessous) qu’il appartient d’assurer la réalisation des conditions nécessaires à l’attaque.

Il est également indispensable de recharger les piles en retirant du front les unités dépensées, usées, en les mettant pour une longue période au repos, puis à l’instruction. Il faut laisser venir l’oubli et revenir la foi. Par la force des choses, les éléments, la matière première, ont perdu de leurs qualités. C’est ainsi : inutile de récriminer. Pourtant c’est avec ces éléments qu’il faut vaincre. Donc en faire l’éducation… Ad majorem patriæ gloriam.

Il y a aussi les Balkans ; je suis de ceux qui estiment important d’infliger là-bas un échec aux Boches. Ce qu’ils cherchent, ce n’est pas tant un ravitaillement matériel et humain qu’un ravitaillement en moral, car le doute, la lassitude, le découragement envahissent le Bocheland.

Fait-on le nécessaire ? Je crains que non.

Mais je crois que la force des choses mettra tout au point. Je vois un grand chef, commandant aux troupes réunies de la coalition : cette organisation de notre force amènera l’entrée en jeu de la Roumanie et de la Grèce... Alors...


30 octobre 1915.

Dans la bataille, quelle qu’elle soit, rase campagne ou guerre de siège, quand l’attaque réussit-elle ? Elle réussit quand le moral de l’ennemi est détruit, quand il n’y a plus d’espoir.

En Champagne, comme d’ailleurs antérieurement, notre assaut a trouvé des gens qui se cramponnaient à tout parce qu’ils étaient convaincus que leur résistance avait un effet utile, qu’elle nous arrêterait, qu’ils étaient les plus forts, que « Gott mil uns, » etc. En sera-t-il toujours de même ? Non. Tout est en bais. se dans les sentiments en Allemagne. C’est bien plus d’illusions que d’hommes ou de pain qu’ils essaient de ravitailler leur nation dans cette offensive en Serbie. Si la prochaine offensive coïncide avec une dépression convenable du moral, au lieu de la tenace résistance qui a conjuré la défaite, nous trouverons l’écrasement. Quoi qu’il arrive, la décision ne sera pas dans les Balkans ; le succès là-bas sera le signal de la ruée générale par ici, de la curée.


1er novembre 1915.

Préparer des cadres et des soldats pour les futures victoires, c’est « mériter » tout autant que de combattre.

Ce n’est pas d’aujourd’hui d’ailleurs que la guerre a imposé de telles nécessités : en 1805, après Austerlitz, en 1806-1807, pendant l’hiver, pour ne citer que ces deux exemples, la guerre a pris une allure lente, suspensive et on a fait de l’instruction. C’est une nécessité de métier.

C’est à ce prix que nous aurons au printemps l’armée de la victoire décisive. Il faut réagir en effet contre cette opinion aussi déprimante que fausse, que la victoire n’est pas possible par ici. C’est un crime de propager pareilles absurdités qui prouvent que ceux qui les émettent ne comprennent rien de la guerre. La guerre est affaire de moral. Quand les Boches auront perdu leur dernière illusion, qui consiste à croire que la paix sortira d’une poussée vers Constantinople, leur moral ira rapidement decrescendo. Le tout est de faire coïncider notre effort prochain avec une dépression assez profonde dudit moral pour que tout croule dans le désespoir de retenir la fatalité. Cette régression a commencé incontestablement et le mécontentement prendra en Bocheland des proportions de plus en plus grandes.

J’en suis convaincu, nous aurons ici la victoire écrasante, décisive. Du ministère je ne dis rien, ne connaissant rien en pareille matière. Qu’il continue à maintenir l’excellent moral de l’intérieur, qu’il fabrique des hommes, des canons, des muni- lions, c’est tout ce qu’on lui demande. Quant à Hervé, je n’ai pas lu ses articles, je n’en suis pas curieux d’ailleurs ; il n’est pas difficile de critiquer, de démolir ; quelle est l’œuvre humaine parfaite, sans erreur ni défaut ? Il s’agit uniquement d’avoir la Foi, malgré tout, et de faire pour le mieux. La victoire sera le prix de cette volonté confiante et tenace.


15 novembre 1915.

Je viens de lire le rapport de mon deuxième bureau sur le contrôle de la correspondance. Je suis enchanté du moral des troupes ; nos soldats sont superbes et ils ont un bon sens qui les guide admirablement : « Les Boches en ont assez, nous sommes plus forts qu’eux ; quand on reprendra la poussée, ils seront plus mûrs et alors... mais qu’on ne fasse pas de bêtises dans les Balkans ! » Tout cela est bien jugé. Les correspondances de l’intérieur, celles en provenance de l’étranger sont également excellentes.

Donc, hardi ! Au printemps, les Russes se renforceront, l’armée française sera recomplétée et instruite, les munitions seront kolossales ; d’ici là travaillons le moral boche : blocus rigoureux, difficultés dans les Balkans, attitude de forte confiance dans notre presse, notre gouvernement.


19 novembre 1915

Le bonheur n’est pas de supprimer les désirs et les regrets : ceci ne mène qu’à l’indifférence. Le bonheur, c’est de remplir sa tâche avec foi. Foi totale, en soi, dans sa tâche, en ses chefs, en Dieu. Jésus est le Maître.


9 décembre 1915,

Je rentre d’une inspection à des centres d’instruction de candidats officiers et de futurs commandants de compagnie.

Je suis enchanté, impressionné.

Tout ce monde donne à fond, instructeurs et élèves. Quelle bonne volonté ! Quel sentiment du devoir, de la nécessité de se préparer, de s’instruire pour vaincre !

Quand, en outre, je constate le moral sublime des soldats, de ceux qui déjà s’embourbent dans les tranchées, de ces jeunes gens aussi, de la classe 16, qui s’instruisent en arrière du front, je suis ému et ravi. La victoire, sûrement, couronnera toute cette beauté morale.


22 janvier 1916.

La philosophie (sagesse) consiste à faire son devoir dans la conviction que rien n’arrive sans la Volonté Souveraine et en une Foi parfaite en sa bonté (livre III de l’Imitation).


17 mars 1916[4].

Mes pensées sont sans cesse vers vous. Je vous soutiens de mes vœux, de mes prières.

Tantôt, par cette radieuse journée, je voyais du haut de Sivry[5] les éclatements énormes qui empanachaient la région où vous vous trouvez, et le grondement du canon donnait au spectacle un aspect grandiose et terrifiant. Je pensais bien à vous ! Dieu vous garde !


18 avril 1916.

A Verdun, il semble que les Allemands s’essoufflent ; le coup parait manqué. C’est maintenant la lutte pied à pied, peu rémunératrice des forts sacrifices imposés à l’offensive ; nous avons connu cette phase en Champagne. L’offensive décisive ne réussit définitivement que contre un adversaire à bas moralement et physiquement ; nous n’en sommes pas là et tout fait espérer qu’ils y seront avant nous.


23 avril 1916.

Les souffrances des troupes sont grandes et plus grandes encore les vertus de ces hommes, inspirées par la conscience du devoir envers la patrie et l’humanité. Mais l’épreuve aura sa récompense. La conscience universelle semble se réveiller et Wilson en a formulé les révoltes dans un langage et un appareil qui impressionnent les peuples.

Je crois l’effort allemand brisé sous Verdun. Le monstre ne fait plus peur : il a faim et s’affaiblit. Il rage et se convulsionne encore, mais il est perdu. Son agonie, toutefois, peut durer encore longtemps. Or donc, courage, ayons l’âme haute : nous allons assister à l’un des moments les plus sensationnels de l’histoire du monde.


2 mai 1916.

C’est un fait d’expérience qu’il n’y a pas de succès, de talent, de supériorité sans la contre-partie d’un sentiment d’envie.

Ces constatations font toujours souffrir ; elles froissent le cœur. Elles ne doivent produire qu’un résultat : stimuler l’énergie, la fierté, la volonté de tenir le coup, de s’imposer. Conserver le sourire et le calme ; faire simplement ce que l’on doit.

J’ai reçu un « garde à vous » en vue d’une échéance peut-être immédiate [6].


EN PICARDIE


26 juin 1916.

Me voilà en train de m’installer, mais j’ai une certaine déception ; pour le moment, ma consigne est de ronfler ; si cela va bien, dans un mois, par exemple, ça changera peut-être ?...

J’ai changé mon cheval borgne contre un aveugle. Mais, comme tu le penses, cela ne m’affecte pas. Il ne faut pas voir les choses subjectivement ; c’est la grosse erreur de ceux qui n’ont pas réfléchi sur la vie, et aussi leur châtiment. Qui vult salvare animam suam, perdet eam. Et puis, un soldat, quel que soit son grade, n’a pas à se vexer de recevoir une consigne, alors qu’il en préférerait une autre. Ce n’est pas pour lui qu’il doit travailler. Enfin, et surtout, l’homme s’agite, et Dieu le mène.

Donc, accomplir sa tâche au mieux, et laisser dire... et courir.


11 juin 1916.

L’officier, comme le religieux, doit être comme un cadavre, devant les ordres qu’il reçoit.


4 juillet 1916.

C’est la vérité humaine, la vérité militaire, la sagesse, de faire son devoir là où un ordre régulier vous place. Certes, il appartient à tout être intelligent de choisir sa voie, d’avoir une préférence ; mais, lorsque la réalisation d’un projet ou d’une espérance ne se produit pas, il faut avoir la force de ne pas se déplier et de savoir attendre.

Les choses paraissent bien aller sur la Somme ; mais, pour moi. c’est encore le supplice de Tantale ; mon action ne se produira que si les événements deviennent importants, c’est-à-dire lorsque l’ennemi sera assez ébranlé pour qu’on fasse quelque chose de général. Pour les Anglais, c’est plus dur. Le Boche met, je crois, un point d’honneur particulier à n’être pas battu par eux ; mais ils sont résolus, ils persistent et, comme ils ont d’énormes moyens, j’ai bon espoir.


8 juillet 1916.

Le plaisir que m’a causé cette lettre a été suivi, hélas ! par une peine amère que m’apportait celle d’un soldat du 340e, cousin de l’ordonnance de mon pauvre Marcel [7].

Avec un tact surprenant de la part d’un homme dont l’instruction est peu développée, il m’annonce, en termes prévenants, que notre famille compte une gloire et une victime de plus.

Marcel est tombé le 27 juin sous Verdun, en menant son bataillon à l’assaut, d’une balle de mitrailleuse à la tête qui l’a tué sur le coup. Il était, dit son soldat, très calme et énergique en donnant ses derniers ordres.

Je ressens cruellement cette perte, car mon pauvre frère avait un cœur extrêmement sincère et affectueux. Il nous aimait beaucoup. Il m’est dur de penser que, lors de la réunion qui suivra la guerre, il ne viendra pas avec sa chère Suzanne nous égayer de son entrain.

Mais je m’incline devant la volonté de Dieu, tout en plaignant profondément sa femme. Écrivez-lui, vous aussi. Annonce en effet à ton frère ce glorieux malheur.


15 juillet 1916.

Les renseignements complémentaires qui m’étaient annoncés touchant la mort de notre pauvre Marcel viennent de m’arriver.

Il est tombé dans la gloire d’un assaut victorieux, en entraînant la deuxième vague de son bataillon à la reprise de l’ouvrage de Thiaumont. Le terrain reconquis a été conservé, mais le corps de Marcel n’a pu être retrouvé.

Son ordonnance, qui a montré un dévouement remarquable, avait recueilli sur son cadavre tout ce qu’il avait pu trouver de souvenirs et avait marqué l’emplacement où il gisait avec un fût de fusil ; mais en rapportant ces reliques à l’arrière, il a été bousculé par un obus ; sa musette, où il les avait renfermées, a disparu : il n’a pu sauver que ce qu’il avait dans ses poches.

Lorsque les brancardiers sont venus pour enlever le corps, ils ont bien retrouvé le fût de fusil, mais le sol bouleversé par les obus avait enseveli le cadavre, qu’on n’a pu encore découvrir à cause du bombardement incessant. Pourra-t-on jamais le retrouver, maintenant qu’une autre unité s’est établie dans ce secteur ?

A côté de cette amertume, il y a la compensation. Marcel est mort noblement en plein devoir, en pleine gloire ; il a illustré sa famille et son pays.

Inclinons-nous sous les décrets de Dieu ; nous sommes trop infimes pour les discuter.

... Je vois que la méthode adoptée pour l’offensive donne quelque déception aux mal avertis. Elle est en effet toute différente des précédentes : sagesse, préparation, reconnaissance des résultats, progression assurée. Au lieu de la rupture violente, c’est une pression continue et de longue durée.

Les Allemands le sentent et font tous leurs efforts pour nous obliger à combattre à Verdun et à y dépenser tout ce que nous destinons à agir par ici. Ils n’y réussissent que trop, de sorte que je jouis, pour ainsi dire, d’une villégiature de luxe dans un pays merveilleux.

Pourtant, il faut espérer que les efforts simultanés de tous nos alliés vont finir par absorber toutes les disponibilités de l’ennemi, et alors la balance basculera.


6 août 1916.

Pour moi, même situation, trop heureuse... Drôle de guerre, dans laquelle une armée de 2 millions d’hommes en arrive à combattre sur une largeur d’une vingtaine de kilomètres au total !

Mais, plus ses moyens sont perfectionnés, plus il est difficile à l’homme de se battre. Entre deux sauvages, c’est plus facile.


10 août 1916.

La victoire ! peut-être, pour l’acheter, faudra-t-il passer encore de dures journées ; mais, désormais, on peut la considérer comme virtuellement réalisée. Il ne me parait pas possible que l’Autriche se renfloue et que les Boches puissent relâcher l’étreinte qui les meurtrit de plus en plus sûrement.

On est toujours très satisfait, bien que, sur la Somme, la lutte soit âpre, sans résultat autre qu’une usure qui paraît énorme chez l’ennemi. Mais je suis toujours dans la même situation. Quoi qu’on fasse par ici avec le canon, le Boche ne bouge ni ne fait de bruit. Les promenades dans les postes d’écoute deviennent des distractions de désœuvrés ; enfin, ça changera, attendons.


27 octobre 1916.

Je reçois ta lettre du 24 qui me fait présager pour toi la traversée de moments difficiles, pleins de danger, mais pleins d’honneur. Les sentiments que tu exprimes à cette occasion sont ceux d’un noble officier ; ils me rendent fier de toi. Que Dieu t’assiste, te garde à notre affection, qu’il soutienne et couronne des lauriers de la victoire tes chasseurs.

Je le prie avec confiance, tant sa bonté est grande, et j’en espère la joie de notre réunion à tous, dans la fierté du devoir bien accompli. J’ai hâte d’avoir de tes nouvelles, me faisant connaître que l’affaire s’est heureusement terminée pour ton bataillon et pour toi. Je suppose qu’après cette secousse, ta division sera ramenée en arrière ? Combien il sera agréable de s’embrasser après cette épreuve ! En attendant, où es-tu à cette heure ? Ma pensée te cherche, anxieuse, mon affection t’environne ; qu’elle te couvre contre le danger ! Mes prières s’élèvent, plus ardentes vers le Maître de la vie, afin qu’il te sauve, cette fois encore.

Je t’embrasse, longuement, de tout mon cœur [8].


14 décembre 1916.

Nous traversons une crise grave. Je crains qu’elle ne mène à l’anarchie. J’espère que Lyautey mettra tout en ordre, car, vraisemblablement, l’expression « ministre de la guerre, » avec lui, va changer de sens.


AVANT ET APRÈS L’OFFENSIVE DE 1917


31 janvier 1917.

Le victoire transformera la France. J’ai bon espoir qu’elle ne tardera pas. On travaille ferme ; les troupes sont en bonne santé morale. L’ennemi paraît vraiment aux abois.


10 février 1917.

Visez haut : c’est l’honneur et le bonheur de la vie.

Tout va bien. Je suis prêt. Quand on voudra [9].


11 avril 1917.

Le problème est délicat et singulièrement compliqué du fait de l’atmosphère [10].

A l’heure qu’il est, je ne suis pas encore fixé sur l’importance des résultats de notre préparation. Déjà deux fois j’ai dû retarder ma décision.

Je viens de fixer le 13, vendredi 13, — la veine !

Mais je compte surtout sur l’assistance de Dieu : qu’il daigne m’inspirer et soutenir mes troupes ! Saint-Quentin sera à nous.


14 avril 1917.

Ça n’a pas marché comme je l’espérais. La ligne Hindenburg est très solide et renferme des organisations bétonnées pour lesquelles les calibres dont je dispose sont insuffisants.

On a trop dit aussi que « l’artillerie conquiert le terrain et que l’infanterie l’occupe. »

Je reprends ma préparation, car, bien que mon appareil d’artillerie ne soit pas à même de bouleverser les organisations ennemies comme sur la Somme, il est suffisant, pour peu qu’il travaille bien, pour produire des brèches permettant une attaque brusquée. Or, j’estime que cette opération aurait grandes chances de succès, si elle se produisait en concordance avec d’autres événements plus importants.


19 avril 1911.

Je crains fort qu’on ne renouvelle les écoles passées,... mais je ne suis pas documenté suffisamment pour conclure. Il y a le facteur moral qui m’échappe : quand il s’est produit une fêlure de ce côté, la moindre secousse peut amener l’effondrement.

Pour ce qui me concerne, il y avait par ici un défaut de la cuirasse ; il s’est quelque peu consolidé ; si l’on attend, on y trouvera également un bec.

Tel quel, pour y crever la panse boche, il me faudrait quelques gros moyens supplémentaires. Mais comprend-on l’intérêt de la chose ? J’en écris à l’instant même à qui de droit...

Soyons quand même pleins d’espoir. Il y a une justice.


24 avril 1917.

Je suis toujours très optimiste. La victoire est inéluctable. Quelle sera sa date, la 3e armée y aura-t-elle un rôle important ? C’est le secret de Dieu et c’est une considération secondaire ; mais, quoi qu’il arrive, nous vivrons des heures solennelles.

Mon bonheur serait immense si le Dieu des armées me réservait de mener mon armée à l’assaut final.


7 mai 1917.

Les événements commencent à se dessiner. Mais où s’arrêtera l’évolution commencée dans le haut personnel ? Mystère.

Quant aux Anglais, leur intention est toujours aussi ferme : ils continuent, — et, maintenant, ce sont eux qui nous stimulent ! !

Qu’est-ce qui va sortir du cerveau de la nouvelle direction ?

Je ne m’en doute pas, mais un point fâcheux, c’est la Russie. Va-t-elle se ressaisir et continuer son rôle militaire dans toute l’amplitude désirable ? En tout cas, les Boches ont ramené déjà quelques divisions de là-bas.


5 juin 1917 [11].

C’est un vilain moment, mais j’espère que la fermeté du gouvernement au sujet de Stockholm et des buts de guerre aura une heureuse répercussion. Mais il est grand temps d’ouvrir l’œil.

D’ailleurs il faut que les Boches soient bien bas pour ne pas exécuter une offensive de grand style : ils ne le peuvent plus.


12 juin 1917.

Ces tristes événements sont des phénomènes de psychologie générale. C’est affaire gouvernementale de remettre tout cela d’aplomb. Comme sujets de réconfort, j’envisage toutefois :

1° Que nous sommes extrêmement versatiles : il peut se produire des événements heureux ; une offensive boche par exemple ; 2° Lesdits Boches sont, je crois, à ce point de vue aussi, en avance sur nous ; mouvements populaires violents, mutineries, disette, etc. Qui sait s’ils ne sont pas dans une situation encore plus grave ? 3° Je crois que le Gouvernement et Pétain voient clairement le péril ; espérons qu’on prendra des mesures convenables.

Malheureusement, les principes du mal datent de loin ; c’est une répercussion de la déplorable éducation militaire et civile de 1900-1910. Nous souffrirons longtemps encore des erreurs et des fautes de cette époque.


12 août 1917

Le fort sait traverser les vilaines choses sans en être affecté. L’essentiel est d’être net et franc, d’agir suivant sa conscience et conformément à sa fonction. Le reste importe peu.

C’est avec ce dédain que j’ai traité le factum dont tu parles, qui est complètement en désaccord avec les faits et qui n’a été écrit que par un petit esprit de vengeance. Peu importe.

« Je me réserve la vengeance, » dit le Seigneur.

Pour moi, je me contente de me tenir dans la forme réglementaire.


5 décembre 1917.

... Il est évident que nous sommes sous le coup d’une puissante menace : où s’appliquera-t-elle ? Bien des régions peuvent solliciter l’effort ennemi... Il serait bien avantageux pour le Boche de me choisir pour champion...


20 décembre 1917.

... Le temps précieux s’écoule et nous sommes toujours sous la même impression d’attente inquiète. Les projets qui me concernent particulièrement sont toujours valables, mais les moyens de les réaliser se sont trouvés dépensés, ou bien la volonté, la décision de les traduire en actes ne peuvent aboutir [12]. A ta prochaine permission, tu me retrouveras vraisemblablement ici. La vie y est assez agitée pour le moment ; de l’autre côté, la nervosité est assez manifeste...

29 décembre 1917.

... Les Boches viennent de nous déclencher une offensive diplomatique savante. J’espère qu’on saura la repousser vigoureusement. Il est évident que la Russie les tente ; l’occasion ne durera peut-être pas. Ils voudraient bien en finir par ici et avoir les coudées franches ; si nous mollissons, ils arrivent à leurs fins à faibles frais. Je trouve que Pichon a mollement posé la question d’Alsace-Lorraine. Il s’agit bien de symbole ! C’est un bien français volé qu’il faut rendre : on croirait qu’on n’ose plus l’affirmer. Il faut réclamer vigoureusement sa restitution : si les Boches ont vraiment besoin de la paix avec nous, ils céderont.

Je crois que je ne suis plus pour longtemps ici, mais quelle est ma destinée ? Je l’ignore...


4 janvier 1918.

... Tu me souhaites bien gentiment une glorieuse action. Je reconnais là ton désir de me savoir satisfait. Quel que soit mon sort, du moment où Dieu me permettra d’accomplir ma tâche conformément aux vues de mes chefs, je serai pleinement heureux.

Devant l’immensité de ce drame, c’est le cas de paraphraser le cri de l’Islam et de proclamer que la Pairie seule est grande et que le reste n’est rien.

Quoi qu’il en soit, je me prépare pour d’autres et proches destinées, mais dont j’ignore encore le théâtre...

... L’année passée nous a été clémente. Nous devons être dominés par un sentiment de reconnaissance, quand nous envisageons les douleurs d’à côté de nous !

Ce sentiment, il faut savoir le cultiver : aucun n’est plus agréable à Dieu...

P-S. — Vu hier le général Foch : très optimiste. Les Allemands sont fortement gênés ; les Autrichiens flanchent ; les Russes se ressaisissent dans le Sud. Attaquent-ils ? on en doute, car ils savent qu’ils seront ramassés et qu’alors ce sera chez eux la déception dernière. Alors, offensive diplomatique ?... peut-être. Soyons prêts [13].


L’OFFENSIVE ALLEMANDE DE 1918


21 mars 1918.

Depuis l’aube, une violente canonnade gronde dans le lointain. L’attaque que les Anglais attendaient me parait on train. Je n’ai encore reçu aucun avis.

Midi. — C’est bien l’attaque. Les Anglais sont crevés sur un certain front de leurs lignes avancées. Attendons.


23 mars 1918.

Je vais sans doute m’engager bientôt et je vais avoir vraisemblablement une situation délicate et difficile pendant quelques jours. Ce n’est jamais commode de « rabibocher » des affaires quelque peu troublées. Mais j’ai confiance et Dieu m’aidera.

P. S. — J’apprends que la situation s’est fortement aggravée et mon rôle va être bien difficile.


26 mars 1918.

Ce ne sont pas des heures, mais des journées terribles que je passe, dans une bataille prise à mon compte en pleine défaite de nos alliés [14].

Tantôt la situation se rétablit d’un côté, mais cela craque ailleurs ; pendant qu’on répare cette brèche, il s’en forme une autre, et voilà déjà quatre jours que cela dure ! Et ce n’est pas fini !

Des unités nouvelles arrivent, sont consommées, remplacées.

J’espère toujours que nous finirons par briser cette formidable ruée qui va vers son but sans se soucier des pertes colossales subies.

Mais que de pertes, que de ruines, que de souffrances ! Enfin, Dieu aidant, la victoire paiera tout cela.


28 mars 1918.

Bonne journée aujourd’hui. Enfin, je commence à les tenir. Leurs attaques répétées ont trouvé le bec et même nous avons commencé à attaquer. Et on recommencera. Maintenant, je suis sorti de l’angoisse et j’ai la conviction que tout cela tournera mal pour les Boches.


31 mars 1918.

La bataille, aujourd’hui, s’est quelque peu ralentie après notre beau succès d’hier [15].

Je ne sais si je suis trop optimiste, mais il me semble que les Boches ont échoué dans leur entreprise ; si je ne me trompe, cela aura de grandes conséquences.


3 avril 1918.

L’ennemi, devant moi, se fait silencieux et se cache. Qu’est-ce que cela signifie ? A-t-il des difficultés ignorées, est-il à bout de souffle ? En tout cas, cela nous permet de nous renforcer et de préparer notre revanche.

J’ai le sentiment qu’il a perdu la partie. Reste à profiter de cet échec pour lui asséner, à notre tour, un coup magistral. J’ai lieu de penser que c’est à cela que s’emploie le général Foch qui, maintenant, mène les affaires.


6 avril 1918.

On se prépare de part et d’autre pour de gros chocs. Qui sera prêt le premier ? J’ai fort à faire et il y a de la fièvre dans l’air. C’est la grande guerre. Mais le moral et la confiance sont au plus haut, la présence de Foch galvanise les énergies et j’espère bien que des événements heureux et décisifs ne tarderont pas à se produire.

Mais quelle bataille ! Voilà quinze jours que cela dure !


21 mai 1918.

... Le généralissime supérieur, c’est Dieu ; il choisit les hommes pour des desseins à Lui. Il n’y a qu’à se conformer à ses intentions. Chose curieuse : l’autre jour, Clemenceau et moi avons échangé des aphorismes latins sur cette matière, identiquement conformes !

Ici nous nous préparons toujours... mais on voudrait bien que les Boches se décident à attaquer... [16]


9 juin 1918 [17].

Quelle dure journée ! La bataille a commencé à minuit ; il est neuf heures du soir et elle dure toujours. Bien que mon centre ait fléchi, la journée serait bonne si elle se terminait, mais des masses allemandes affluent de toutes parts et mes réserves sont presque toutes dépensées... et la nuit n’arrive pas ! Ces heures sont longues. Demain je m’attends à plus rude besogne encore. Réussirai-je cette fois encore à arrêter l’ennemi ? Cela tient à un fil !

Les Boches consentent à des pertes effroyables ; leurs meilleures divisions sont exterminées, mais il en arrive d’autres...

Espérons, mais que Dieu nous aide !


12 juin 1918.

Bonne journée ! Non seulement le Boche a été contenu partout, mais il a été à son tour fortement bousculé. Le général Mangin qui m’a été envoyé a mené une vigoureuse attaque qui coûta cher à l’ennemi et l’a quelque peu refoulé.

Que sera demain ? Espérons. Mais que de deuil«, que de malheurs à la suite de batailles si acharnées !


L’OFFENSIVE FRANÇAISE


15 juillet 1918.

… Les renseignements parvenus ici sont, dans l’ensemble, satisfaisants. Si les Boches n’ont pas un succès éclatant, ce sera le commencement de la fin.


21 juillet 1918.

… Je m’imagine que, ce matin, le passage de la Marne a dû vous dédommager des déceptions de vos débuts de bataille.

Je suis tout réjoui de cette victoire, car c’en est enfin une. Ses répercussions seront forcément profondes. Elles seront d’autant plus puissantes que nous pourrons durer dans notre offensive ou multiplier d’autres initiatives sans laisser de répit à l’ennemi. Peut-être, alors, mon tour arrivera-t-il de nouveau d’entrer dans la danse. Je préférerais de beaucoup cette mission à l’alternative de recevoir une subite attaque de diversion.


31 juillet 1918.

… Les opérations en cours constituent une victoire considérable et qui renverse la situation. L’essentiel maintenant est de garder l’initiative : espérons qu’on manœuvre serré et habilement à cet effet.

Le Président de la République a été en effet extrêmement bien à mon égard et m’a remercié en termes qui m’ont vraiment touché[18]. En causant en aparté avec moi, ensuite, il m’a manifesté les sentiments et les intentions les plus louables au sujet de la continuation de la guerre : même si les Allemands faisaient les plus larges concessions, Belgique, Alsace-Lorraine, il faut poursuivre la guerre jusqu’à l’anéantissement de la puissance prussienne. Bref, il a parlé en grand Français. M. Wilson est dans les mêmes idées et nous appuie avec énergie. La victoire est désormais certaine.


9 août 1918.

… Il y a du travail par ici, comme tu le vois dans les gazettes. Ce soir, cela va bien ; les Anglais sont à Rosières, Debeney à Hangest, Jacquot[19] qui fait maintenant partie de la 1re armée, vient d’attaquer également au Sud-Est de Montdidier.

Demain matin, à mon tour, je pousse sur Ressons-sur-Matz et Boulogne et, si ça colle, je continue, mais je ne suis pas étoffé pour une attaque générale ; seule ma gauche est en état de progresser. Il est vrai que le Boche peut y mettre du sien, alors...

Je suis ravi de ce que tu me dis du moral de ta division. C’est d’ailleurs à l’unisson du sentiment général : quel renversement de la situation !

Dieu veuille nous aider demain à l’heure H : quatre heures vingt ! 1[20].


31 août 1918.

Les opérations de la 3e armée ont eu cela d’intéressant que leur ampleur a été tout imprévue. Tous les moyens avaient été répartis entre mes voisins de gauche et de droite. Ma mission se bornait à une opération de portée limitée : la crête de Lataule, un gros coup de main. Heureusement, j’avais tout monté pour profiter de l’occasion qui s’est d’ailleurs offerte. Grâce à l’élan des divisions de gauche, l’exploitation éventuelle a porté l’aile de l’armée, le 10 août, à 12 kilomètres de son point de départ, 2 ou 3 000 prisonniers, butin énorme ; ayant ainsi gagné du champ vers le Nord, j’ai pu, dès le lendemain matin, commander : « face à l’Est, en avant partout ! »

Ce sont les divisions de secteur qui ont ainsi mené la bataille, exemple de ce que pourra être la bataille finale, si l’on sait oser et vouloir.

Et voilà comment nous avons été amenés à reconquérir ce dur massif de Thiescourt, le Plessier, Lassigny, etc.

Il y a eu de rudes journées où le Boche, se ressaisissant, se battait désespérément ; la crête Ecouvillon, Attiche, Chéry a été particulièrement dure, et cela continue. L’enlèvement de Noyon, le forcement du canal du Nord, l’escalade du mont Saint-Siméon ont été également des opérations très brillantes et très coûteuses.

Mais les troupes qui se battent depuis le 10 sont harassées ; les effectifs sont fortement diminués : entre 2 et 3 000 hommes de pertes par division. Aujourd’hui, nous avons à peine progressé et les contre-attaques sont de plus en plus puissantes.

Je vais employer la journée de demain à souffler et à préparer de nouveaux assauts. Si seulement on m’envoyait quelques unités reposées ! Je sens qu’un effort plus vigoureux briserait cette résistance, malgré la force des organisations défensives où elle se cramponne. Enfin, il faut croire que les disponibilités sont plus utiles ailleurs...

Bref, je suis très satisfait de ce que nous avons fait et qui a quelque peu étonné, parce qu’on ne s’y attendait pas, mais je voudrais bien avoir les moyens d’exploiter plus vigoureusement ces succès. Mais il faut s’élever au-dessus de son propre horizon, voir les ensembles. Quel changement depuis six semaines ! La victoire est en train...

... Les Anglais se sont enfin déclenchés ; les Américains piaffent et sont toujours aussi généreux : la bataille continuera donc...


8 septembre 1918.

... L’affaire si coûteuse du Chemin des Dames ne peut avoir d’autre conséquence que de faire ventouse ; résultat efficace d’ailleurs, qui a sûrement facilité l’opération anglaise et l’offensive des 1re et 3e armées. Pour nous, nous arrivons vannés sur la ligne Hindenburg et, tout comme en mars 1917, on nous enlève notre artillerie pour la porter ailleurs. Nous allons donc stopper, à moins que la bataille américaine n’amène un décrochage général du Boche.

Je n’ai d’ailleurs pas de regrets acrimonieux ; j’ai ma manière de voir, mais, ainsi que je le disais à Clemenceau tantôt, je m’en remets avec sérénité à celui qui voit l’ensemble et qui d’ailleurs mérite toute notre confiance. Il ne faut jamais essayer de substituer aux idées des chefs son propre projet.

J’ai promené, ce matin, Clemenceau à Noyon et Chauny. Les ruines de Noyon sont impressionnantes, mais le Président est rayonnant, enchanté de la situation partout, plein de confiance. Au sujet de l’emploi des Américains, il est de mon avis ; mais il n’y a qu’à s’incliner devant certaines exigences dont la réalisation peut d’ailleurs avoir de grands effets. Nous verrons cela d’ici peu. Pendant que ces affaires se dérouleront, nous soufflerons, pour repartir d’un pied léger, si cela va bien.


12 septembre 1918.

... Je me faisais des réflexions identiques aux tiennes quelque peu inquiètes, lorsque, je reçois ce message du maréchal Foch : Thiaucourt est pris !

C’est splendide. Voilà la poche de Saint-Mihiel vidée d’un coup et nous allons avoir une bonne base pour agir contre Metz et le bassin de Briey. Décidément, Dieu est avec nous.

En prévision (parait-il) des succès à exploiter, je suis mis en réserve à la date de demain. Il n’y avait plus place, en effet, pour deux, par ici, et je suis depuis plusieurs jours déjà à la barrière qui m’était assignée comme limite de ma course [21]...

... Où irai-je ? c’est l’inconnu : toutes les cervelles sont aux champs...


6 octobre 1918.

... Le récit de ton voyage à travers les Flandres m’a vivement intéressé. Je suis heureux de savoir que ces coins si jolis de la pauvre Belgique qui se voient autour de Furnes ont conservé leur physionomie si particulière. Tu évoques avec vérité l’aspect des lieux, le caractère général du pays dans sa mélancolique lumière. J’ai revu avec exactitude Hochstædt, Hondschoote, Nordwleteren, Wœsten... la Lovie.

Ce que tu me dis de l’armée belge est extrêmement intéressant. Qu’il est heureux pour sa renommée que ce soit sur une rentrée en action de ces braves gens que les Boches se mettent à genoux !

Pour ce noble petit pays, quelles glorieuses pages de son histoire que le premier et le dernier jour de la guerre !

Car c’est la fin. En demandant l’armistice, le Boche avoue sa défaite. Ou il acceptera nos conditions qui, je l’espère, seront les exigeantes sanctions que nous sommes en droit d’imposer, — ou, les trouvant trop lourdes, il tentera un coup de désespoir. Dans ce dernier cas, ce sera Iéna, car il n’est pas d’armée qui puisse croire à la victoire après un pareil aveu.

Je croirais plutôt que le Boche ne voudra pas compromettre le prestige de ses armes. Et puis il aura besoin de son armée pour maintenir ses institutions. Oui, j’ai grand peur que nous n’ayons pas la joie de la victoire écrasante, après laquelle le vaincu est en complète agonie.

Vraisemblablement, quels que soient les événements, tu es là-bas bien placé pour voir des choses intéressantes : poursuite de l’ennemi affolé ou, tout au moins, traversée de la Belgique délivrée, acclamant ses libérateurs.

Quel va être mon rôle dans cette nouvelle phase ? Pour le moment, je suis comme celui que ses camarades de jeu ont exclu de la partie. Je passe mon temps à cheval ou en excursion. Hier, j’ai fait aux officiers une conférence sur le terrain, à Mondement et environs. Aujourd’hui j’ai visité Reims dont la désolation crie éloquemment vengeance. Mais ça ne peut pas durer [22].

Le maréchal Foch m’a dit l’autre jour qu’il ne m’oublie pas ; espérons qu’il donnera au Grand Quartier Général quelque instruction pour mon emploi. Si l’on entame une poursuite, certains fronts d’armée sont en effet trop larges... . Enfin, patientons toujours, et puis il faut s’en remettre à Celui qui mène tout cela...


15 octobre 1918.

Je suppose que la valeureuse 77e DI est de celles qui viennent de si bien bousculer le Boche vers Roulers ! Je suis de cœur avec toi.

Pour moi, coup imprévu :

Je reçois à l’instant l’ordre de prendre le commandement de la 7e armée à Lure. Le général de Boissoudy [23] est envoyé commander la 6e armée pour permettre au général Degoutte de se consacrer à son rôle auprès du roi des Belges. Il paraît que là-bas on aurait récusé ma personne, d’abord mise en avant, — trop ancien peut-être ?. .

Quoi qu’il en soit, à Dieu vat !

D’ailleurs, je suis quand même heureux de faire autre chose que de « croquer le marmot. » En outre, le major général m’affirme que si la 3e armée reprenait un rôle actif, on me la rendrait, que tout cela n’est que provisoire. Donc, allons gaiement où la Providence nous mène.


Q. G. A. , Lœuilly, 28 octobre 1918 [24].

... Maintenant, je passe à mes avatars. Oui, ma déception a été amère quand j’ai dû faire mes adieux à mon E. M. A. 3 que j’avais façonné à ma mesure, depuis trois ans, mais, à ce moment, toute issue paraissait bouchée, pour la 3e armée, et tout me semblait préférable à la mortelle inaction de Montmort. Je partis donc assez consolé pour Lure. Pendant les huit jours de mon séjour là-bas, que de belles courses j’ai faites, par un temps merveilleux ! Ce pays est vraiment séduisant.

Quant à l’état-major, j’y ai trouvé des hommes remarquables et connaissant admirablement leur affaire. Les lésineries, les lenteurs, les exigences que l’on subit sur ce front ne sont pas de leur faute : la pénurie des moyens leur impose une manière dont ils sont les premiers désolés. Pourtant, il y aurait quelque chose à faire et j’aurais essayé d’améliorer la situation...

... Le coup de téléphone qui m’a ramené à ma maison a donc été le bienvenu. Et maintenant, je suis à la place de Mangin et j’attaque demain.

A quoi rime cette substitution ? Mangin, comme on le dit officiellement, va-t-il exécuter ailleurs une attaque capitale ?... Mystère. Pour moi, je suis à la bataille, peut-être à la dernière bataille, c’est l’essentiel...


6 novembre 1918.

... Le Boche est en pleine retraite ; il s’en va si vite qu’il n’y a pour ainsi dire aucun plaisir à le poursuivre. Tout semble faire croire qu’il ne s’exposera plus dans une bataille ; d’aucuns se prétendant bien informés avancent que déjà les conditions de l’armistice sont acceptées par deux diplomates boches camouflés qui seraient à Versailles...


9 novembre 1918.

... C’est la fin ; je crains fortement que le temps manque pour finir la guerre par un coup de tonnerre. Enfin, en attendant, nous refoulons des arrière-gardes et délivrons des civils exultant de bonheur.

Le général de Lagarenne m’a envoyé pour toi un touchant mémento du pauvre François [25] Quelle tristesse pour d’aucuns de ne pouvoir se réjouir, sans mélange d’amertume, de la glorieuse victoire qui consacrera la revanche !


APRÈS L’ARMISTICE


31 mars 1919.

Le bonheur, on le porte en soi ; il est l’œuvre de la volonté, comme tout ce qui est beau et grand. Il faut vouloir être heureux. Il faut vouloir, pour écarter les espérances exagérées, les mirages de l’imagination, pour démolir les châteaux en Espagne. Il faut vouloir, pour tuer dans l’œuf les aspirations malsaines. Il faut vouloir, pour remplir malgré tout sa tâche professionnelle. Il faut vouloir, pour ne rien laisser sans être apprécié, goûté, admiré, de ce qui est beau et bon autour de soi, chaque jour : le temps, la nature, la lecture, les événements, les cœurs...

Oui, il faut vouloir être heureux, chaque jour, même quand le but visé n’est pas encore atteint. Il ne faut pas remettre à plus tard pour savourer la vie. Certes cette philosophie n’écartera pas toute peine, toute déception ; c’est la règle, ici-bas, de rencontrer sans cesse une épreuve à surmonter ; il faut l’accepter, et l’accepter vaillamment, comme celle d’un combat. Et ne pas se rendre malheureux soi-même en subordonnant sa satisfaction à des conditions arbitrairement fixées.


22 juillet 1919.

... Quant à l’intérêt de la vie militaire de demain, il reste toujours élevé. Je reste convaincu que vous revivrez les émotions de ces années dernières, si ce n’est sur la frontière de France, ce qu’à Dieu ne plaise, du moins pour le compte d’un peuple asservi. La profession des armes, dans le sens d’autrefois, sera pour longtemps la plus belle et la plus glorieuse.


30 juillet 1919.

La doctrine de l’Imitation ne vise qu’un but, la maîtrise de soi dans l’abnégation. Elle ne recommande pas le fatalisme, mais, dans l’action, dans la poursuite d’une œuvre, la patience, le calme, l’acceptation de la volonté de Dieu qui réalise le succès ou l’échec.

De même, la fameuse formule Carpe diem n’a pas de signification restrictive, ce n’est pas le conseil unique de se borner à goûter la joie du jour, cela veut dire profiter pleinement du jour qui vous est offert. Comme le conseil de l’Imitation, elle peut se traduire par Age quod agis, avec tous tes-moyens, dans le calme et l’espérance.


EN ALSACE


22 octobre 1919.

Me voici installé dans le Palais des gouverneurs de Strasbourg ; j’occupe le bureau du général Ducrot encore orné du portrait en pied de Napoléon III, grande toile de Winterhalter.

Aurais-je jamais pu rêver semblable fortune, alors que, modeste enfant de troupe, comme tout jeune homme, j’espérais pourtant beaucoup de l’avenir ? Dieu m’a tellement comblé en toutes façons que l’amplitude de ma dette à son égard m’effraierait, si je ne le savais immensément bon et indulgent.

Strasbourg m’a fait un accueil cordial et flatteur. M. Millerand avait estimé qu’il convenait, pour affirmer mon prestige, de reprendre le cérémonial d’autrefois. Toute la garnison était donc dehors. Nombreuses maisons étaient pavoisées, les gens acclamaient, les cloches sonnaient... Oui, vraiment c’était comme un rêve... Les visites officielles ont été échangées dans un esprit de cordialité touchant. Ces cœurs alsaciens sont vibrants et accueillants. Des paroles impressionnantes ont été prononcées ; quel souvenir !

Le commissaire général me marque une confiance entière. Bref, les débuts de mon règne, avec la gaieté d’un temps merveilleux, sont favorisés de tous les sourires.


Général HUMBERT.

  1. Voyez la Revue du 15 août.
  2. Le 22 juillet 1915. le général Humbert avait été nommé au commandement de la 3e armée en Argonne.
  3. Au cours des opérations de Champagne, la 3e armée avait eu mission d’attaquer par sa gauche sur la rive droite de l’Aisne en liaison avec la grande offensive des 2e et 4e armées.
  4. Lettre écrite au cours de la bataille de Verdun.
  5. Sivry-la-Perche, NE de Verdun.
  6. En mai 1916, l’État-major de la 3e armée fut retiré du front d’Argonne et mis en réserve à Breteuil (Oise) en vue de l’offensive prévue par le général Joffre en Picardie et dans la Somme. Les circonstances ayant imposé une réduction du front d’attaque, la IIIe armée qui devait s’engager dans la région de Roye ne participa pas à l’offensive du 1er juillet sur la Somme. Destinée à être intercalée entre les 6e et 10e armée (Fayolle et Micheler) dès que leurs succès le permettraient, elle reçut la mission de tenir provisoirement le front de Roye-Lassigny-Vic-sur-Aisne.
  7. Commandant Marcel Humbert, du 340e d’infanterie, frère du général. Son second frère, le commandant Henri Humbert, du 136e d’infanterie, avait été tué à la tête de son bataillon à la bataille de Charleroi.
  8. Cette lettre n’a pas rejoint son destinataire, blessé et fait prisonnier sur la Somme, dans l’affaire à laquelle elle fait allusion.
  9. La 3e armée établie devant Roye devait prendre part à l’offensive générale prévue par le général Nivelle dans les deux directions de Saint-Quentin et de Laon. La retraite volontaire de l’adversaire en mars 1917 vint faire échouer ce plan en ce qui concernait les armées au Nord de l’Oise (1e et 3e) qui eurent à poursuivre l’ennemi jusqu’à la position Hindenburg devant Saint-Quentin en libérant Noyon.
  10. La 3e armée, installée, à la fin de la poursuite, au contact de la position Hindenburg, reçut l’ordre, à la veille de la grande offensive du 16 avril, d’opérer une diversion sur la ville de Saint-Quentin.
  11. Lettre écrite, comme la suivante, au moment de la crise morale de 1917.
  12. Allusion à des projets d’attaque antérieurs sur le front tenu par la 3e armée (Saint Quentin).
  13. En janvier 1918, la 3e armée fut relevée par les Anglais devant Saint-Quentin. Son état-major fut mis en réserve à Clermont d’Oise avec mission de préparer l’intervention des forces françaises disponibles dans l’hypothèse d’une offensive allemande sur le front britannique, — hypothèse qui se réalisa le 21 mars.
  14. Le 22 mars, au lendemain de la rupture du front britannique, le général Humbert avait reçu l’ordre de prendre le commandement des troupes alliées comprises entre l’Oise et la région de Nesle et la mission d’arrêter la progression de l’ennemi en direction de Compiègne et Paris.
  15. Le 30 mars, une attaque d’ensemble de la XVIII» armée (von Hutier) avait été brisée sur tout le front de l’armée avec de lourdes pertes. Le succès, marqué par les faits d’armes restés célèbres du Piémont et du Plessis de Roye, brisa définitivement l’offensive allemande sur Paris.
  16. A cette époque, le général Foch avait prescrit à la 3e armée de se préparer à passer à la contre-offensive en direction de Roye, sur le flanc de la « poche » de Montdidier.
  17. Le 9 juin 1918, la XVIIIe armée allemande (von Hutier) passa de nouveau à l’offensive sur tout le front de l’armée Humbert. Compiègne lui avait été fixé comme premier objectif. Après deux jours de bataille, l’attaque fut définitivement brisée. La contre-offensive fameuse du général Mangin, le 11, affirma la victoire de nos armes.
  18. Le 30 juillet 1918, le Président de la République s’était rendu au Quartier Général de la 3e armée à Clermont, afin de remettre au général Humbert la Plaque de grand officier de la Légion d’Honneur.
  19. Commandant le 35e corps d’armée.
  20. Le 10 août, la 3e armée passe à son tour à l’offensive, progresse de 12 kilomètres, enlève 3 000 prisonniers et 46 canons, ouvrant ainsi la série d’opérations qui devait la mener à nouveau jusqu’aux abords de Saint-Quentin.
  21. Ligne Hindenburg, devant Saint-Quentin.
  22. L’état-major de la 3e armée était en ce moment en réserve à Montmort près d’Épernay, en prévision de son entrée en action sur le front de Champagne.
  23. Commandant la 7e armée.
  24. Après huit jours de commandement de la 7e armée, le général Humbert était rappelé au commandement de la 3e et engagé devant la « Hunding Stellung » en direction de Vervins et Rocroy.
  25. Capitaine François de Lagarenne. officier d’ordonnance du général en 1916 et 1917, capitaine au 3e hussard», glorieusement tombé à la tête de son escadron le 29 avril 1918.