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XCVIII

Paris, 10 août 1844.
 

Il est tout à fait décidé que je partirai pour l’Algérie du 8 au 10 du mois prochain. Je resterai ou plutôt je courrai çà et là, jusqu’à ce que la fièvre ou les pluies viennent m’interrompre. De toute façon, je ne vous reverrai qu’en janvier. Vous auriez dû songer à cela avant de partir. Quand je dis que vous ne me reverrez que l’année prochaine, cela dépend de vous. Pendant que vous apprenez le grec, j’étudie l’arabe. Mais cela me semble une langue diabolique, et jamais je ne pourrai en savoir deux mots. À propos de Syra, cette chaîne que vous aimez est allée en Grèce et dans bien d’autres lieux. Je l’ai choisie parce qu’elle est d’un ancien travail antivulgaire. J’ai supposé qu’elle vous plairait. Vous rappelle-t-elle nos promenades et nos causeries sans fin ? Je suis allé dimanche dîner chez le général Narvaez, qui donnait son raout et pour la fête de sa femme. Il n’y avait guère que des Espagnoles. On m’en a montré une qui a voulu se laisser mourir de faim par amour, et qui s’éteint tout doucement. Ce genre de mort doit vous sembler bien cruel. Il y en avait une autre, mademoiselle de ***, que le général Serrano a plantée là pour Sa grosse Majesté Catholique ; mais elle n’en est pas morte, et a même l’air de se porter très-bien. Il y avait encore madame Gonzalez Bravo, sœur de l’acteur Romea et belle-sœur de la même Majesté, qui, à ce qu’on dit, se fait un grand nombre de belles-sœurs. Celle-ci est très-jolie et très-spirituelle. Adieu........