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XC

Paris, 13 décembre 1843.

Nous nous sommes quittés sur un mouvement de colère ; mais, ce soir, en réfléchissant avec calme, je ne regrette rien de ce que j’ai dit, si ce n’est peut-être la vivacité de quelques mots dont je vous demande pardon. Oui, nous sommes de grands fous. Nous aurions dû le sentir plus tôt. Nous aurions dû voir plus tôt combien nos idées, nos sentiments étaient contraires en tout et sur tout. Les concessions que nous nous faisions l’un à l’autre n’avaient d’autre résultat que de nous rendre plus malheureux. Plus clairvoyant que vous, j’ai sur ce point de grands reproches à me faire. Je vous ai fait beaucoup souffrir pour prolonger une illusion que je n’aurais pas dû concevoir.

Pardonnez-moi, je vous en prie, car j’en ai souffert comme vous. Je voudrais vous laisser de meilleurs souvenirs de moi. J’espère que vous attribuerez à la force des choses le chagrin que j’ai pu vous occasionner. Jamais je n’ai été avec vous tel que j’aurais voulu être, ou plutôt tel que l’avais le projet de paraître à vos yeux. J’ai eu trop de confiance en moi. J’ai cherché dans mon cœur à combattre ce que ma raison me démontrait. À tout prendre, peut-être vous en viendrez à ne voir dans notre folie que son beau côté, à ne vous rappeler que des moments heureux que nous avons trouvés l’un auprès de l’autre. Quant à moi, je n’ai pas le moindre reproche à vous faire. Vous avez voulu concilier deux choses incompatibles et vous n’avez pas réussi. Ne dois-je pas vous savoir gré d’avoir essayé pour moi l’impossible ?