(1p. 175-177).

LXIX

Mercredi, juin 1843.

Votre lettre était si bonne et si aimable, qu’elle a enlevé jusqu’au dernier nuage qui pouvait rester après l’orage de l’autre jour. Mais il me semble que nous ne serons sûrs tous les deux d’avoir oublié que lorsque nous aurons mis d’autres souvenirs entre notre querelle.

Pourquoi ne nous verrions-nous pas vendredi ? Si cela ne vous dérange pas, vous me ferez le plus grand plaisir. J’espère qu’il fera beau temps. Vous me promettez, d’ailleurs, de me dire quelque chose qui doit être trop important pour pouvoir être différé. J’apporterai un livre espagnol et nous lirons, si vous voulez. Vous ne m’avez pas dit si vous me payeriez mes leçons. Le temps qui ne se passe pas à dire ce que vous appelez des folies me semble si mal employé, qu’il faut du moins que j’y gagne quelque chose. En fait d’impossibilités, ne pourrais-je aller vous voir et vous donner des leçons d’espagnol à domicile ? Je m’appellerais don Furlano, etc., et vous serais adressé par madame de P***, comme une victime de la tyrannie d’Espartero. Je commence à trouver un peu dure cette dépendance où nous sommes du soleil et de la pluie. Je voudrais bien aussi faire votre portrait. Vous promettez souvent d’inventer quelque chose. Vous prétendez gouverner, mais en vérité vous vous acquittez assez mal de votre charge. Je ne puis juger que très-imparfaitement de vos possibles et de vos impossibles. Si vous méditiez sur le joli problème de se voir le plus souvent possible, ne feriez-vous pas une bonne action ? J’aurais encore bien des choses à vous dire, mais il faudrait vous reparler de notre querelle et je voudrais en anéantir le souvenir. Je ne veux penser qu’au raccommodement qui s’en est suivi et que vous avez l’air de regretter. Ce serait cruel. Je suis bien assez fâché de devoir à un si mauvais motif tant de bonheur.

Adieu. Pensez à votre statue et animez-la sans la tourmenter d’abord.