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CLIII

L’Escurial, 5 octobre 1853.

Je vous envoie une petite fleur que j’ai trouvée dans la montagne, derrière ce vilain couvent de l’Escurial. Je ne l’avais pas rencontrée depuis la Corse ; là, cela s’appelle mucchiallo ; ici, personne n’en sait le nom. Le soir, lorsque le vent passe dessus, cela a une odeur qui me semble délicieuse. J’ai retrouvé l’Escurial aussi triste que je l’avais laissé il y a quelque vingt ans, mais la civilisation y a pénétré : on y trouve des lits en fer et des côtelettes, plus du tout de punaises ni de moines. Le dernier article me manque beaucoup et rend encore plus ridicule la lourde architecture d’Herrera. Je vais aller dîner à Madrid ce soir, car je ne supporterai pas un jour de plus de ce séjour-ci. Selon toute apparence, je resterai à Madrid jusqu’au 15 de ce mois, et puis j’irai à Valladolid, Toro, Zamora et Léon, si le temps, qui jusqu’à présent a été magnifique, ne se met pas tout d’un coup au laid, chose improbable. Je suis allé à Tolède et ici. J’irai à Ségovie, par quoi j’évite des bals qui m’ennuient fort. J’ai vu l’autre soir l’ouverture du grand Opéra. C’était pitoyable, sauf la salle très-belle et très-commode et remplie de femmes très-jolies. Les acteurs sont d’un médiocre assommant. Si vous étiez ici, vous verriez la plus belle collection de fruits qu’on puisse rencontrer. Il y a une foire à Madrid, et il vient des fruits de fort loin dont la plupart vous sont inconnus. Il est fâcheux que cela ne puisse s’envoyer. S’il y avait ici quelque chose qui vous fût agréable, vous n’avez qu’à parler.