(1p. 257-259).

CX

Paris, 10 juin 1846.

En ouvrant le paquet de livres, j’ai eu la bêtise de croire que je trouverais un mot de vous, et que le beau soleil vous aurait inspirée. Pas une ligne ! Je me suis mis à relire votre lettre de ce matin, que j’ai trouvée un peu bien sèche à la seconde lecture. Ce n’est pas d’aujourd’hui que je remarque l’espèce de bascule très-impartiale de votre correspondance et, en général, de toute votre conduite à mon égard. Vous n’êtes jamais plus près de me faire quelque méchanceté que lorsque vous venez d’être bonne et gracieuse pour moi. Vous m’aviez promis de me donner un jour bientôt. Mais, si j’attendais l’exécution de vos promesses, la patience que le ciel m’a départie ne suffirait pas. L’autre jour, vous étiez aussi insouciante en me disant adieu qu’en me disant bonjour. Ce n’était pas cela l’avant-dernière fois. C’est un phénomène très-curieux que l’eau qui a bouilli se gèle plus facilement que l’eau froide. Vous illustrez cette chimie-là. En me quittant, vous aviez votre air de bouderie ; aussi je m’attends que vous serez charmante mercredi. Il faudra revoir nos jolies promenades sablées pour nous. Vous me ferez grand plaisir en acceptant. Mais c’est ce qui ne vous touche que médiocrement. Si vous avez quelque curiosité, elle sera récompensée par un monument d’auld lang syne que je vous montrerai. Et puis je vous donnerai quelque chose. Du moins, j’ai eu envie de vous donner quelque chose, mais vous avez été si mal pour moi, d’abord en m’écrivant votre lettre de ce matin, puis en n’écrivant rien avec les livres, que je ne sais trop si je vous offrirai ce présent projeté. Pourtant, si vous le demandez, il est probable que je céderai.

Je suis devenu, comme vous savez, grand observateur du temps. Le vent est magnifique au nord-est. Cela nous promet quelques beaux jours. Je voudrais que vous fissiez autant que moi attention au soleil et à la pluie.