Lettres à sa marraine/10 mai 1918

Gallimard (p. 84-85).


Paris, le 10 mal 1918
ministère
des colonies
Cabinet du Ministre


Ma chère marraine,


Ma longue maladie, puis mon passage de la Censure au ministère des Colonies, mon mariage encore et mille autres occupations m’ont empêché de vous écrire. Je n’ai vraiment pas eu une minute à moi. J’espère que vous avez eu des nouvelles de M. Crouzet. Si non dites-le moi. Je m’efforcerai de faire passer vos vers. Envoyez-m’en quelques-uns. Je les ferai passer dans de petites revues à défaut des grandes.

Je ne suis pas encore bien remis de ma congestion pulmonaire. J’ai, en outre, une sorte de maladie de peau causée par une intoxication alimentaire que l’on me soigne en ce moment. Vous voyez que je n’ai que peu de temps à moi. Joignez à cela que je me lève à 5 heures du matin pour aller au journal l’Information traduire les journaux anglais vous aurez une idée des occupations qui peuvent remplir ma journée.

Je regrette de n’avoir point vu ici Léonard. Si vous l’apercevez, soyez assez bonne pour lui demander de m’écrire. J’ai reçu la photographie. Elle est ressemblante et charmante.

Il a fait longtemps un temps anti-gotha. Mais de nouveau il fait beau. On renaît. D’autre part, les gothas peuvent aussi revenir. Et cela compense-t-il ceci.

On verra bien ; sur quoi je vous envoie mes compliments très amicaux et plus doux encore que n’est la saccharine.

Je vous baise la main.

Guillaume Apollinaire.