Lettres à la princesse/Lettre230

Lettres à la princesse, Texte établi par Jules TroubatMichel Lévy frères, éditeurs (p. 315-317).

CCXXX

Ce vendredi 29.
Princesse,

Il y a eu erreur dans la conjecture. Ma lettre a vite atteint M. T… : il est venu me voir à la minute. Il ne connaissait pas M. Catulle Mendès et n’en savait rien que ce que je lui ai moi-même appris.

Le cousin (et non neveu) de lui, dont il a été question, ne désirait que permuter une place qu’il a au Crédit foncier, pour une place (fût-elle moindre d’appointements) à la maison de l’empereur, et ce cousin n’est nullement concurrent de M. Mendès pour la place en question. M. T…, à qui j’ai dit ma note pour le maréchal[1], l’a trouvée juste et a ajouté qu’il la signerait.

Mais que de misères et de mystères pour une simple bonne action que votre bonté vous a suggérée, et que ces corridors et ces entre-sols de ministères renferment donc de méchantes allées et venues et d’intrigues

Il m’est impossible pourtant d’imaginer que vous ne réussirez pas.

Daignez agréer, Princesse, l’hommage de mon tendre et inviolable attachement.


  1. Le maréchal Vaillant, à qui M. Sainte-Beuve avait adressé la note suivante :

    « J’apprends avec peine que M. Catulle Mendès est près d’être exclu de la bienveillance du maréchal pour un fait de jeunesse, remontant à six ans passés. Ce n’est point un fait de mœurs, c’est un fait de presse. Ce jeune homme a publié quelques vers trop libres, il a eu tort, mais est-ce un crime irrémissible et qui doive entacher sa vie ? Le maréchal, qui sait si bien son Horace, peut-il juger sévèrement et inexorablement un délit qui consiste à avoir fait une ode trop légère à vingt ans ? Lorsque M. Catulle Mendès fut condamné, je ne sais qui a dit : « Voilà ce que c’est que de s’appeler Catulle ! » Quoi ! ce maréchal si lettré n’aurait pas donné à Piron une place dans ses bureaux à cause de cette fameuse ode, péché de jeunesse ! Or, M. Mendès n’a rien fait de si grossier.

    « Je voudrais qu’il y eût en France un grand honnête homme