Lettres à la princesse/Lettre162
CLXII
Je me surprends aujourd’hui à m’apercevoir qu’il n’y a plus de cours et que cette visite du matin nous fait défaut. Ce cours de Zeller avait la douceur d’une habitude. — J’ai vu hier M. Giraud fort triste, garde-malade, et qui va se voir obligé, me disait-il, de renoncer à Saint-James. — Gavarni, autre blessé, a dû vous écrire, Princesse, pour vous prier d’appuyer de votre bienveillance une demande qui est faite pour les enfants d’un brave homme, Morère, qui lui était dévoué comme personne et qui laisse sept enfants sans rien au monde, six filles et un garçon. Morère, qui, en dernier lieu, était l’un des rédacteurs en chef du journal l’Illustration, avait été le lieutenant, le fidèle, le bras droit de Gavarni de tout temps, et je crois qu’il s’était abîmé avec lui et à cause de lui dans les spéculations artistiques qui ont pesé sur toute la vie de Gavarni. Morère s’était identifié en Gavarni, il s’était donné à lui. Aussi Gavarni, en le recommandant à la Princesse, acquitte une dette étroite. J’ai connu ce Morère quand j’ai eu à écrire sur son ami : il était spirituel, fin, modeste, fuyant, ayant peur qu’on ne prononçât même son nom : c’était comme l’ombre d’un homme qui avait vécu.
Princesse, je ne manquerai pas demain soir d’avoir l’honneur de vous saluer — et je prendrai votre jour pour la fin de la semaine si vous le voulez bien.
— Agréez, Princesse, l’assurance de mon respectueux et tendre attachement.
Cette lettre était commencée, lorsque je reçois le message.