Lettres à la princesse/Lettre118

Lettres à la princesse, Texte établi par Jules TroubatMichel Lévy frères, éditeurs (p. 164-165).


CXVIII


Ce 6 août.
Princesse,

Le discours est simple et parfait. Il n’y a que deux points où je voudrais une retouche.

L’expression ternissent la vie, est belle et juste, mais le mot d’écueils qui suit immédiatement n’y a pas de rapport ni d’analogie. Il y a aussi des règles pour l’art du style. Deux images disparates ne sauraient se rapprocher, fussent-elles justes chacune à part ; je propose donc le mot d’ennuis au lieu d’écueils, et je mettrais plus loin l’idée d’écueils, sous la forme moins physique de périls. Ainsi le mot ternir, qui est beau et vrai, a tout son effet, et rien ensuite ne vient le contrarier et le déjouer.

— Un autre point : les lauriers sont un peu brusques et ne sont pas amenés suffisamment. J’aime assez ces lauriers, puisqu’il s’agit de filles de la Légion d’honneur[1] ; mais je propose de les amener et d’ajouter une ligne qui serait comme un degré d’escalier par où l’on arriverait en haut sans avoir trop à enjamber d’un seul coup. — Vous voyez, Princesse, comme je fais le pédant et le maître à écrire dès qu’on me met à même ; j’étais né pour être professeur de rhétorique, et j’ai manqué véritablement ma carrière en me dissipant. — Vous, vous avez la simplicité des esprits justes et qui sied à la race des grands. Aussi vous demandai-je pardon d’avoir intercalé de mon écriture sur ce papier, et je voudrais que vous ne prissiez mes indications que comme un avertissement pour y mettre du vôtre.

Je vous prie de recevoir, Princesse, l’expression de mon respectueux attachement.

  1. Le discours devait être prononcé à la maison d’Écouen.