Lettres à la princesse/Lettre032

Lettres à la princesse, Texte établi par Jules TroubatMichel Lévy frères, éditeurs (p. 43-44).

XXXII


Ce lundi, 9 mars.
Princesse,

Je ne saurais me pardonner de publier des livres sans me donner l’honneur de vous les offrir, et cependant je voudrais bien éviter de le faire. Si vous vouliez bien me dire un merci tout court et ne pas m’en parler autrement, Votre Altesse me ferait bien plaisir : il y a tant de choses, surtout dans ces livres de vers si anciens, qui ne sont plus moi, que je suis toujours embarrassé quand j’ai à répondre là-dessus[1]. Veuillez donc, Princesse, y voir seulement une carte de visite respectueuse. — J’ai été souffrant ces jours-ci et privé de l’honneur de vous voir, — ce qui est la bonne et seule vive manière de se communiquer les pensées de prime-saut et coûte que coûte. — J’ai rencontré hier M. Patin, qui était de la présentation aux Tuileries du prince Albert de Broglie. L’empereur a été parfait de bon goût et de politesse : charmé de voir l’Académie se recruter d’hommes distingués, rappelant au fils la visite du père en pareil cas, il y a quelques années ; lui rappelant aussi qu’autrefois en Espagne l’impératrice l’avait vu (chez la comtesse de Montijo probablement) : enfin causant avec M. Villemain des travaux qui se font à l’Institut. Pas un mot de mécontentement, ni rien de piquant. Heureux les forts ! ils peuvent être doux !

Je mets à vos pieds, Princesse, mes hommages de respectueux dévouement.

  1. M. Sainte-Beuve venait de publier l’édition complète de ses Poésies en deux volumes (chez Michel Lévy).