Lettres à la princesse/Lettre014

Lettres à la princesse, Texte établi par Jules TroubatMichel Lévy frères, éditeurs (p. 23-24).
Lettre XV  ►

XIV


Ce 12 novembre.

Voici, Princesse, cette brochure qui contient le récit complet du banquet de Bruxelles[1]. Faites-vous-la lire ; ne vous rebutez pas de quelques emphases et expressions ridicules : pour moi, je suis frappé de cette démonstration d’un Coblentz menaçant et triomphant. On ne se doute pas de cela à Compiègne, dans cette atmosphère isolée et dorée. Eh bien, la jeunesse qui lit ces choses, et qu’on n’a pas pris soin de rallier, s’en enflamme ; elle accepte tous ces grands mots a moitié vides, mais si sonores ; des hommes graves s’y prêtent et y ajoutent de l’autorité. Sont-ce donc là nos envahisseurs de demain, nos prochains émigrés rentrants ? Tel est ridicule aujourd’hui qui ne l’est pas demain. Vous m’allez trouver bien noir et bien pessimiste ; mais, Princesse, je suis de ceux qui regardent tous les matins la couleur du temps.

Daignez agréer, Princesse, l’expression de mes respects et de mon dévouement.

  1. Le banquet en l’honneur des Misérables.