Lettres à l’Abbé Le Monnier
Lettres à l’Abbé Le Monnier, Texte établi par J. Assézat et M. TourneuxGarnierŒuvres complètes de Diderot, XIX (p. 371).


XIV


Voilà, monsieur et cher abbé, un mémoire que je vous laisse et que vous irez présenter et recommander fortement à M. le premier président de Maupeou. C’est moi qui vous en prie, et ce sont toutes ces dames en corps qui vous l’ordonnent. Elles prennent le plus vif intérêt à M. Evrard, et vous répondent qu’il n’y a pas un mot à rabattre de tout ce qui est avancé dans le mémoire. Lisez-le, car il faut que vous sachiez ce que vous avez à demander ; d’ailleurs, il est court, très-bien fait, et de votre ami Target. On refuse une fille riche à un homme qui n’a que du talent et des vertus ; si vous ne vous y opposez, des parents avides feront déclarer la grand’mère imbécile, renfermeront la petite-fille dans un couvent, la dégoûteront du mariage, lui feront prendre l’habit religieux pour le bien de son âme et s’empareront de sa fortune. Dites bien à M. de Maupeou qu’il n’est pas honnête de permettre les oppositions à de pareils mariages. L’argent en fait tant et tant tous les jours, qu’on peut bien souffrir une fois, sans conséquence, qu’il s’en fasse un par de meilleurs motifs. Bonjour, mon très-cher et très-estimable abbé. Mais songez que ces dames veulent absolument que M. Évrard, leur protégé, couche avec Mlle  Gargau, et que l’affaire se plaide samedi, après-demain ; ainsi point de temps à perdre.