Lettres à M. et Mme Cheuvreux/Lettre 5

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Mugron, 14 juillet 1850.


… Vous êtes bien bon, mon cher Monsieur, de m’encourager à reprendre ces insaisissables Harmonies. Je sens aussi que j’ai le devoir de les terminer, et je tâcherai de prendre sur moi d’y consacrer ces vacances. Le champ est si vaste qu’il m’effraye. En disant que les lois de l’économie politique sont harmoniques, je n’ai pu entendre seulement qu’elles sont harmoniques entre elles, mais encore avec les lois de la politique, de la morale et même de la religion (en faisant abstraction des formes particulières à chaque culte). S’il n’en était pas ainsi, à quoi servirait qu’un ensemble d’idées présentât de l’harmonie, s’il était en discordance avec des groupes d’idées non moins essentielles ? — Je ne sais si je me fais illusion, mais il me semble que c’est par là, et par là seulement, que renaîtront au sein de l’humanité ces vives et fécondes croyances dont M… déplore la perte. — Les croyances éteintes ne se ranimeront plus, et les efforts qu’on fait, dans un moment de frayeur et de danger, pour donner cette ancre à la société, sont plus méritoires qu’efficaces. Je crois qu’une épreuve inévitable attend le catholicisme. Un acquiescement de pure apparence, que chacun exige des autres et dont chacun se dispense pour lui-même, ce ne peut être un état permanent.

Le plan que j’avais conçu exigeait que l’économie politique d’abord fût ramenée à la certitude rigoureuse, puisque c’est la base. Cette certitude, il paraît que je l’ai mal établie, puisqu’elle n’a frappé personne, pas même les économistes de profession. Peut-être le second volume donnera-t-il plus de consistance au premier…