Lettres à Herzen et Ogareff/À Ogareff (20-05-1870)

Lettres à Herzen et Ogareff
Lettre de Bakounine à Ogareff - 20 mai 1870



LETTRE DE BAKOUNINE À OGAREFF


20 mai 1870. Locarno.


Aga, salut de Locarno !


Ah ! mon vieux, que c’est bon de vivre ici ! C’est tranquille, c’est paisible, on laisse le cours libre à sa pensée, on a la liberté d’action. En outre, on n’est pas assommé par les insinuations malpropres d’Outine, ni par l’éloquence de Metchnikoff, ni la philosophie de G., ni la sagacité de E., ni la légèreté de J. C’est vrai, qu’on ne vous a pas non plus, mes chers amis. Mais comment faire ! On ne peut jamais réunir tout ce qu’on aime et cette tranquillité raisonnable, sans vous, est encore préférable à un milieu boueux à Genève, avec vous.

J’espère que mon épître de Berne vous est parvenue. Je l’ai envoyée à l’adresse de notre ami Sachenka et de sa femme. Je ne doute pas que vous ayez rempli ponctuellement et avec la promptitude désirable tout ce que je vous ai recommandé sur l’avis de nos amis de Berne et ce que de ma part je vous ai prié de faire. Je relève de ma lettre les points suivants :

1). Adolphe Vogt nous prête tout son concours et se charge de constituer un bureau en vue de l’affaire (Nétchaïeff).

2). Il faut lui envoyer une vingtaine d’exemplaires de mes « ours ».

3). Notre adresse approuvée à l’unanimité par nos amis de Berne, doit être couverte de vos signatures le plus vite possible et envoyée au Conseil Fédéral. Sur l’avis de Vogt elle ne devra être publiée que quelques jours après.

3). L’un de vous, préférablement Jouk, dans le cas où il ne se serait pas retiré de cette affaire et ne se serait pas définitivement refusé à signer l’adresse, ou alors toi, mon vieil Aga, tu devras entrer immédiatement en correspondance suivie et régulière avec Adolphe Vogt. Spitalgasse, 178, Bern. Ce serait mieux, si Ogareff voulait se charger de cette correspondance en y apportant une exactitude circonstanciée et en s’abstenant de boire ; il devrait observer de ne pas expédier ses lettres avant quelles ne soient contrôlées dans une réunion pléniaire : Adolphe Vogt t’aime et t’estime beaucoup.

4). Il faut envoyer à Vogt, en vingt exemplaires, tout ce que vous aurez publié sur l’affaire de S. et de N. dans différents journaux ou brochures.

5). Il faudra m’envoyer ici tous ces imprimés en cinq exemplaires, au moins, et, si possible, davantage, et m’écrire immédiatement et en détail tout ce qui se serait passé chez vous.

6). Vous aurez à prendre des mesures pour la propagande rapide de ma brochure en Suisse (Bern, Zürich, Basel, Solothurn, Lucerne, Fribourg, Neuchâtel, Lausanne, Bellinzona), et l’annoncer dans le « Journal de Genève ».

7). Il faut que vous vous occupiez de la publication du récit naïf de S. dans le « Journal de Genève ».

J’attends des lettres de vous tous. De toi, Aga, de O. et de notre littérateur improvisé S.

8). J’attends des nouvelles de notre ami, si lâchement persécuté, et des lettres écrites par lui personnellement.

9). Enfin, j’attends la réponse de notre Comité, qui devra déterminer mon action ultérieure. Toutefois, je vous préviens que je serai très ferme dans mon ultimatum, et que je n’irai pas m’établir à Genève sans avoir la conviction de trouver auprès de vous une situation acceptable et solide, par rapport à la cause elle-même, et aussi en vue des ressources pécuniaires, nécessaires à mon existence.

Ich bin zu alt um nur zu spielen.

10). Aga, prie de ma part Marie d’acheter de suite une livre de thé (à 4 francs) et de me l’envoyer par la poste contre remboursement. Ne l’oublie pas, je t’en prie.


Ton M. B.