Lettres à Falconet
Lettres à Falconet, Texte établi par J. Assézat et M. TourneuxGarnierXVIII (p. 315-316).


XXIV


Recevez, mon ami, mon très-sincère compliment sur le retour du prince de Galitzin. Vous avez donc à présent à côté de vous quelqu’un avec qui causer, ouvrir votre âme, et vivre doucement. Je pense avec plaisir que je serai, de temps en temps, au milieu de vous. Où en êtes-vous ? La statue avance-t-elle ? Êtes-vous content de vous-même ? Je ne cesserai jamais de vous réiter le conseil de Fontaine. C’est de ne pas abandonner la fonte de ce monument à un homme sans expérience. Le plus habile ne l’est pas trop pour un pareil monument. Je vous écris à la hâte. Le jeune homme qui vous remettra cette lettre vint me voir hier. Je lui dis : Voulez-vous aller à Pétersbourg ? Pourquoi non ? me répondit-il ; et il part demain. Il a de la douceur, de la modestie, de la jeunesse et des connaissances. Je n’ai pas voulu différer de dire à Mlle Collot des nouvelles de son frère. Je l’ai vu ce matin. J’ai vu aussi le chef de l’imprimerie. Celui-ci est tout à fait content de son élève, et l’élève tout à fait content de son état. Il a déjà mérité par ses soins, ses attentions et ses progrès, qu’on lui fît un petit pécule hebdomadaire. Ainsi, bonne amie, soyez tranquille sur son sort. Continuez à faire de belles choses. Le Moyne, à qui j’ai parlé du dessein que vous avez, ou plutôt des ordres que vous aviez reçus de Sa Majesté Impériale, de m’exécuter en marbre, m’a promis un masque qu’il exécutera dans le courant de septembre et que je vous enverrai avec un plâtre qu’on prendra sur la terre cuite de Grimm. Vous choisirez ; car je serais trop fâché si je n’étais plus assez présent à votre imagination pour que vous fussiez incertaine auquel des deux modèles vous donneriez la préférence. Vous savez que les morceaux que vous m’avez adressés ont été perdus par l’humidité ; malgré les injures qu’ils ont reçues, les grands maîtres, qui savent lire à travers les vestiges, ont rendu justice au talent. Le Moyne m’a enlevé le Falconet et le Henri IV. Naigeon m’a pris aussi quelque chose. Bonjour, mes amis. Je vous salue et vous embrasse de tout mon cœur. Vous avez à présent sous les yeux les tableaux de nos artistes. Je souhaite beaucoup qu’on en soit satisfait. Aimez-vous bien pour être heureux. Tenez-nous pour n’être pas ingrats.


Ce 6 août 1769.