Lettre du 1er mars 1676 (Sévigné)





509. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ AU COMTE
DE BUSSY RABUTIN[1].

Deux mois après que j’eus écrit cette lettre (no 490, p. 328), je reçus celle-ci de Mme de Sévigné.

Aux Rochers, ce premier de mars 1676.

Qu’aurez-vous cru de moi, mon cher cousin, d’avoir reçu une si bonne lettre de vous il y a plus de six semaines, et de n’y avoir pas fait réponse ? En voici la raison : c’est qu’il y en a aujourd’hui sept que ma grande santé, que vous connoissez, fut attaquée d’un cruel rhumatisme dont je ne suis pas encore dehors, puisque j’ai les mains enflées, et que je ne saurois écrire. J’ai eu vingt et un jours la fièvre continue. Je me fis lire votre lettre, dont le raisonnement me parut fort juste ; mais il s’est tellement confondu avec les rêveries continuelles de ma fièvre, qu’il me seroit impossible d’y faire réponse. Ce que je sais, c’est que j’ai envoyé votre lettre à ma fille, et que j’ai pensé plusieurs fois à vous depuis que je suis malade. Ce n’est pas peu dans un temps où j’étois si occupée de moi-même. C’est un étrange noviciat pour une créature comme moi, qui avoit passé sa vie dans une parfaite santé. Cette maladie a retardé mon retour à Paris, où j’irai pourtant tout aussitôt que j’aurai repris mes forces.

On m’a mandé de Paris que Monsieur le Prince avoit déclaré au Roi que sa santé ne lui permettoit pas de servir

cette campagne[2]. M. de Lorges a été fait maréchal de France : voilà sur quoi nous pourrions fort bien causer, si l’on causoit avec la main d’un autre. Mais il suffit pour aujourd’hui, mon cher cousin, que je vous aie conté mes douleurs. J’embrasse de tout mon cœur Mme de Coligny : je la prie de ne pas accoucher à huit mois, comme ma fille. Elle s’en porte bien ; mais on y perd un fils[3], et c’est dommage. Adieu, mon très-cher[4].



  1. LETTRE 509. Cette lettre manque dans le manuscrit de l’Institut.
  2. Voyez ci-dessus, p. 367, note 2.
  3. Voyez la lettre du 3 juillet 1677.
  4. On lit à la suite de cette lettre ces mots, écrits d’une autre main que celle de Bussy « Si faut-il (pourtant faut-il) que je vous parle de votre manifeste au Roi il est digne de vous, de votre siècle et de la postérité. »