Lettre de Paul, évêque de Saïda, à un Musulman

Collectif
Lettre de Paul, évêque de Saïda, à un Musulman
Traduction par Louis Buffat, S.J..
volume 8 (p. 388-412).
Traduction d’un manuscrit de la Bibliothèque orientale de l’Université Saint-Joseph, Beyrouth (Syrie).


I


NOTICE HISTORIQUE.


Bibliographie. — Cf. Al-Machriq, année 1898, p. 840 sqq. ; année 1901, p. 860 sqq. et p. 1022 sqq. — Le Quien, O. P., Oriens christianus, t. II, p. 814. — D’Herbelot, Bibliothèque orientale, t. I, p. 181 sqq. — Steinschneider, Polemische und apologetische Literatur in arabischer Sprache, Leipzig, 1877, p. 60 sqq.


Nous ne savons que peu de chose sur la vie de Boulos ar-Ràheb. Assemani le place au xve siècle ; mais c’est là une erreur. Ainsi que nous le verrons bientôt, un écrit de Ibn Taimiah prouve que notre auteur vivait vers la fin du xiiie siècle.

Le surnom d’Al-Anthaki, sous lequel il est connu, nous apprend qu’il était originaire d’Antioche. Il est cité aussi sous les noms de Paul d’Antioche ou Paul de Saïda, ar-Ràheb ou Ibn Ràheb, qu’il ne faut pas confondre avec un écrivain de même nom : ce dernier était égyptien et copte.

Nous savons encore par le titre de ses ouvrages que Boulos ar-Ràheb était évêque de Saïda, du rite grec-melkite. C’était, à en juger par ses écrits, un pasteur zélé et savant. Il lutta contre les Nestoriens, les Jacobites, les Monothélites et autres hérétiques de son temps ; en particulier il défendit les dogmes catholiques de la sainte Trinité et de l’Incarnation contre les Juifs et les Musulmans. Un discours prononcé à l’occasion de la conversion de quelques enfants d’Israël, nous montre que Dieu rendit son apostolat fécond.

Les ouvrages d’ar-Ràheb dénotent une érudition peu ordinaire. On voit qu’il a étudié et possède à fond la philosophie et la théologie scolastique ; ses traités sur la Trinité et l’Incarnation sont de la plus parfaite exactitude, et son voyage à Rome pourrait au besoin témoigner en faveur de son attachement au siège de Pierre et au centre de l’unité catholique.

La lettre dont nous donnons la traduction contient une courte apologie de la religion chrétienne. Écrite, ainsi que nous l’apprend le début, après un voyage au pays des Grecs et des Latins, elle est dédiée à un musulman de ses amis demeurant à Saïda. Ce personnage, dont nous ignorons le nom, l’avait instamment prié de le renseigner sur certains points de la religion chrétienne, en particulier sur les mystères de la sainte Trinité et de l’Incarnation, et de lui dire aussi en toute franchise ce que Grecs et Latins pensaient de Mohammad et de son Coran. Plus tard un autre musulman, nommé Takieddin Ahmad ben Abdalhalim ben Taimiah, publia contre ar-Ràheb un écrit intitulé : « Réponse véritable et sincère à celui qui a entrepris de prouver la vérité de la religion chrétienne », et prétendait évidemment renverser tous les arguments de son adversaire. Or ce Takieddin ben Taimiah mourut en 728 de l’hégire, soit l’an 1327 de notre ère. C’est donc là une preuve évidente que Boulos ar-Ràheb vivait non au xve siècle, mais au xiiie et au commencement du xive.

Il existe plusieurs manuscrits de la présente lettre. Celui de notre Bibliothèque orientale, que nous traduisons aujourd’hui, a été copié en 1807 par le moine Antoine Zakhour, ainsi que l’indique la note finale. La famille Aoura, de Beyrouth, possède un exemplaire plus ancien et qui offre quelques variantes avec le nôtre.

Plusieurs exemplaires de cet ouvrage se trouvent à la Bibliothèque vaticane, etc. (cf. Steinschneider, p. 62).

Quant aux autres ouvrages de Boulos ar-Ràheb, parvenus jusqu’à nous, voici la liste des principaux :

1o  Abrégé de la Théologie dogmatique, où l’auteur expose la croyance des chrétiens touchant l’unité de Dieu et démontre qu’ils ne sont pas polythéistes. Vingt-deux chapitres, dont Assemani (Bibl. or., II, p. 511) donne le sommaire.

La revue Al-Machriq (année 1901) a publié cet ouvrage.

2o  Opuscule dans lequel Paul d’Antioche parle des diverses sectes chrétiennes (Melkites, Nestoriens, Jacobites, Maronites) qui existaient de son temps.

Bibl. vatic.

Bibl. or. Univ. Saint-Joseph : deux manuscrits, dont l’un est une copie de celui de Rome. L’autre date de 1776 et a été copié sur un manuscrit de 1650 par Ibrahim ben Mikaïl Ibrahim al-Aoura.

3o  Abrégé de la doctrine chrétienne sur la Trinité et l’Incarnation, composé sur la demande du cheikh Abou’l Srour de Tinnis.

Le Machriq (année 1898) en a donné le texte. Cet abrégé offre quelques ressemblances avec l’opuscule que nous traduisons. Ce cheikh Abou’l Srour serait-il le même que le musulman dont parle notre lettre ?

4o  Profession de foi, rédigée par Paul d’Antioche, afin d’être opposée à toutes les professions de foi hérétiques (Bibl. nat. de Paris, n. 258, etc.).

5o  Chapitre sur la réalité du voyage des mages à Bethléem (Bibl. nat., n. 258).

6o  Traité de Paul d’Antioche sur la ligne de conduite que les hommes croient être agréable à Dieu et qui en réalité provoque sa colère.

N. B. Presque tous ces ouvrages se trouvent à la Bibliothèque nationale (fonds arabe, n. 165 et n. 258). Pour les autres indications, v. Steinschneider et autres catalogues.

7o  Pauli Sidonensis episcopi oratio pronunciata occasione ludaeorum quorumdam qui religionem christianam amplexi sunt.

(V. Steinschneider, p. 63, n. 18.)


II


TRADUCTION.


Bibliographie. — Cf. Ludovicus Marracci, Refutatio Al Corani, Patavii, 1698. — Gustav Flügel, Corani textus et Concordantiae.
N. B. Dans les renvois, les chiffres romains indiquent la sourate (ou le chapitre), et les chiffres arabes le verset. — Le Coran est cité d’après le texte de Flügel.


Au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit, Dieu unique en trois personnes.


LETTRE DE PAUL, ÉVÊQUE DE SAÏDA,


moine d’antioche, à un musulman de ses amis demeurant à saïda.



Cher ami,


Que Dieu nous accorde à tous la grâce de juger sainement des choses, afin de discerner avec sûreté les œuvres qui doivent nous conduire au paradis et nous éloigner des flammes de l’enfer.

Ainsi donc, ami plein de tendresse et de bienveillance, frère bien-aimé (que Dieu prolonge tes jours dans le plus parfait bonheur, qu’il te garde contre les maux de cette vie et dirige tes pas !), je t’ai déjà parlé de mon voyage au pays des Grecs, à Constantinople, en Moldavie, dans plusieurs régions franques et à Rome ; je t’ai dit que grâce à la dignité épiscopale dont je suis honoré, je me suis mis en relation avec les principaux personnages et les chefs de ces pays, et que j’ai eu des entretiens avec les plus distingués d’entre eux par le rang et par la science. Tu m’as prié alors de t’exposer clairement ce que pensent de votre prophète Mohammad ceux que j’ai vus et entretenus. En considération de notre amitié et de la profonde affection qui nous lie, je réponds donc aujourd’hui à ta demande.

(Or telle a été la première déclaration des gens en question.)

— À la nouvelle qu’un homme, appelé Mohammad, se disant l’envoyé de Dieu, avait paru parmi les Arabes, leur apportant un livre qui, disait-il, lui avait été révélé du ciel, nous sommes parvenus à nous procurer cet écrit.

— Pourquoi donc, leur dis-je alors, ayant entendu parler de cet envoyé et ayant eu soin de vous procurer son livre, pourquoi ne vous êtes-vous point faits ses disciples ? On lit en effet dans le Coran : « Quiconque suit une religion autre que l’islam, ne peut voir son culte agréé de Dieu, et il sera dans l’autre monde du nombre des réprouvés[1] »

— Diverses raisons, me répondirent-ils, justifient notre conduite.

— Lesquelles ? demandai-je.

— L’une d’elles est que le Coran est écrit en arabe, et non en notre langue. On y lit en effet : « Nous (Dieu) avons fait descendre du ciel le Coran en langue arabe[2] » ; et encore : « Tous nos apôtres parlent la langue du peuple auquel ils sont envoyés[3] » ; et ailleurs : « C’est Lui (Dieu) qui a suscité du milieu des hommes illettrés un apôtre pris parmi eux, pour leur redire les miracles du Seigneur, les purifier, et leur enseigner le livre et la sagesse, à eux qui étaient naguère dans un égarement manifeste[4] ». — « (C’est par l’effet de la miséricorde de ton Seigneur que) tu prêches un peuple qui n’a pas eu d’apôtre avant toi : peut-être marchera-t-il dans le droit chemin[5] ». — « Nous t’avons révélé le Coran en arabe, afin que tu avertisses la mère des cités (La Mecque) et les peuplades d’alentour, afin que tu les avertisses du jour inévitable de la réunion[6] (jugement dernier) ». « Afin que tu avertisses ceux qui n’ont pas encore été avertis et qui vivent dans l’insouciance[7] » ; et enfin : « Prêche tes plus proches parents[8] ».

Ainsi donc, d’après ces témoignages tirés du Coran même, nous avons reconnu que cet apôtre (Mohammad) n’était point destiné à nous, mais seulement aux Arabes de l’idolâtrie[9]. Le Coran dit en effet que nul prédicateur ne leur a été envoyé avant Mohammad ; nous ne sommes donc nullement obligés de suivre celui-ci, car d’autres apôtres sont venus chez nous avant lui ; ils nous ont parlé en notre langue, nous ont donné le Pentateuque et l’Évangile en notre langue. Ce qui montre clairement que le Coran n’est destiné qu’aux Arabes de l’idolâtrie, c’est cette parole déjà citée : « Quiconque suit une religion autre que l’Islam, ne peut voir son culte agréé de Dieu, et dans l’autre monde il sera du nombre des réprouvés ». En stricte logique, il ne s’agit ici que de ceux à qui Mohammad s’est adressé en leur propre langue, et non pas des autres, ainsi que le porte le livre.

Autre raison, continuent mes interlocuteurs : nous trouvons dans le Coran des louanges à l’adresse de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de sa mère, par exemple que Dieu a donné cette Vierge comme une merveille aux hommes. Voici les propres paroles du Coran : « Celle qui a conservé sa virginité, en qui nous avons soufflé de notre esprit, nous l’avons constituée avec son fils, un signe pour l’univers[10] » ; et ailleurs : « Les anges dirent : Dieu, ô Marie, t’a choisie parmi toutes les femmes de l’univers et t’a rendue exempte de toute souillure[11] ».

Le Coran témoigne aussi en faveur de Notre-Seigneur en rapportant ses miracles. « Sa conception, opérée sans l’intervention d’aucun homme, fut annoncée à sa mère par l’ange de Dieu ; il parla dès le berceau ; il ressuscita les morts, guérit l’aveugle de naissance, purifia les lépreux ; avec de la boue il forma la figure d’un oiseau sur lequel il souffla, et, par la permission de Dieu, l’oiseau se mit à voler. Il était l’Esprit de Dieu et son Verbe[12] ». Ainsi parle le Coran, ainsi pensons-nous et croyons fermement.

Le Coran dit encore que Dieu a attiré à lui le Christ, qu’il a placé ses disciples au-dessus de ceux qui ont refusé de le suivre, jusqu’au jour de la résurrection. Nous lisons en effet dans ce livre : « Dieu dit : Ô Jésus, fils de Marie, oui, assurément, c’est moi qui te fais subir la mort, qui t’élève vers moi, qui te délivre des infidèles, qui place ceux qui te suivront au-dessus de ceux qui refuseront de croire, jusqu’au jour de la résurrection[13] » ; et ailleurs : « Nous avons envoyé (sur les traces de Noé et d’Abraham) Jésus, fils de Marie ; nous lui avons donné l’Évangile, et nous avons mis dans les cœurs de ses disciples la compassion et la miséricorde[14] ».

Troisième raison que nous trouvons encore dans le Coran. Ce livre fait l’éloge de notre Évangile ; avant les mosquées, il nomme nos monastères et nos églises, dans lesquelles, d’après son propre aveu, on invoque souvent le nom d’Allah. « Si Dieu, écrit Mohammad, n’eût repoussé une partie des hommes par les autres, les monastères et les églises, les oratoires et les mosquées, où l’on invoque sans cesse le nom d’Allah, auraient subi la destruction[15] ».

Voilà ce que dit le Coran, et il renferme bien d’autres choses encore, qui sont pour nous autant de raisons de rester attachés à notre religion, de ne pas abandonner nos croyances, de ne pas rejeter ce que nous tenons, et de ne pas suivre un autre que le Christ, le Verbe de Dieu, ainsi que ses apôtres qu’il a envoyés pour nous prêcher, les Apôtres dont le Coran fait l’éloge et qu’il exalte en ces termes : « Nous (Dieu) avons envoyé les Apôtres accompagnés de signes évidents ; nous leur avons donné le Lire (Évangile) afin que les hommes observent l’équité[16] ».

Les envoyés dont il est ici question ne sont autres que les apôtres du Christ ; car s’il s’agissait d’Abraham, de David, de Moïse et de Mohammad, le texte porterait : « Nous leur avons donné les livres », et non le livre, lequel ne peut être que l’Évangile. Nous lisons encore dans le Coran : « Un homme accouru de la partie la plus éloignée de la ville, leur criait : Mes concitoyens, suivez ces envoyés ; suivez ceux qui ne vous demandent aucune récompense : voilà ceux que Dieu dirige[17] ». Ici encore il s’agit, non de Mohammad, mais des Apôtres (du Christ) ; sinon on lirait : l’envoyé.

Ce même livre, en un autre endroit, appelle les apôtres les aides de Dieu. « Qui m’assistera dans la cause de Dieu ? demande Jésus, fils de Marie. — Nous, répondent les apôtres, nous serons les aides de Dieu… C’est ainsi qu’une partie des enfants d’Israël a cru, et que l’autre a été infidèle. Mais nous avons donné aux Croyants la force contre leur ennemi, et ils ont remporté la victoire[18] ».

Le Coran fait aussi en ces termes l’éloge de notre Évangile et de nos livres sacrés : « Nous avons fait descendre le livre (Évangile) qui contient la direction et la lumière : il confirme les livres qu’ils (les (Chrétiens) ont déjà, le Pentateuque[19] » ; et encore : « Si tu es dans le doute sur ce qui t’a été envoyé d’en-haut (dit Dieu à Mohammad), interroge ceux qui lisent le livre révélé avant toi[20] ».

Ainsi donc le Coran confirme les livres que nous possédons. Oui, Mohammad éloigne de notre Évangile et de nos livres saints tout soupçon de falsification et de changement et il croit à leur authenticité.

— Et si quelqu’un disait, objectai-je, qu’un changement a pu survenir dans la suite des temps ? — Non, me répondirent-ils, personne ne peut dire cela. Six cents ans environ[21] se sont écoulés depuis l’apparition de nos livres (Saints Évangiles) ; dès lors ils ont passé dans toutes les mains, tout le monde les lit, ils sont traduits en différentes langues et répandus dans tous les pays. Comment donc aurait-on pu les falsifier ou y changer quoi que ce soit ?

Or l’Évangile contient « la direction pour ceux qui craignent Dieu[22] ». C’est ce que dit le Coran : « A. L. M. — Voici le livre sur lequel il n’y a point de doute : c’est la direction de ceux qui craignent Dieu[23] » ; les lettres Alef, làm, mim renferment un serment et désignent le nom du Christ (en arabe : arabe), dont vous avez retranché les trois autres lettres : le sîn, le yé, le hé ; et le livre en question n’est autre que l’Évangile, ainsi que le montre ce texte du Coran : « S’ils te traitent d’imposteur (ô Mohammad), sache que les envoyés qui t’ont précédé ont été traités de même, bien qu’ils eussent opéré des miracles et apporté la religion et le livre qui éclaire[24] », c’est-à-dire l’Évangile ; c’est ce livre qui a été envoyé précédé de ses preuves. Voilà pourquoi il est dit : Ce livre-là, arabe = l’Évangile) par opposition à celui-ci (arabe = le Coran). De plus, s’il s’agissait du Coran et de Mohammad, il faudrait lire : « Nous avons envoyé notre apôtre ». Votre prophète aurait dit encore : « A. L. M. Il n’y a point de doute sur ce livre-ci (le Coran) » ; tandis qu’il écrit : Ce livre-là, c’est-à-dire le livre qui a précédé celui-ci (le Coran), c’est-à-dire enfin l’Évangile.

Dans d’autres textes du Coran nous trouvons une preuve plus forte encore que les précédentes, par exemple : « Je (Mohammad) crois au livre que Dieu a révélé : j’ai reçu l’ordre de prononcer entre vous en toute justice. Dieu est mon Seigneur et le vôtre ; à nous nos œuvres, à vous les vôtres. Dieu nous réunira tous, car il est le terme de toutes choses[25] ».

Quant à ceux qui ne reconnaissent pas le Coran[26], voici comment Mohammad en parle : « Dis : ô infidèles, je n’adorerai point ce que vous adorez, et vous n’adorerez pas ce que j’adore. Je n’adore pas ce que vous adorez, et vous n’adorez pas ce que j’adore ; à vous votre religion, à moi la mienne[27] ». Il dit encore à ses adeptes : « N’engagez des controverses avec les hommes des Écritures que de la manière la plus honnête, à moins que ce ne soient des hommes méchants. Dites : Nous croyons au livre (Coran) qui nous a été envoyé, ainsi qu’à ceux qui vous ont été révélés (Pentateuque et Évangiles). Notre Dieu et le vôtre, c’est le même Dieu, et nous nous résignons pleinement à sa volonté[28] ». Il est à noter que Mohammad ne dit point : « Résignez-vous[29] à lui ». Quant aux « hommes méchants », il s’agit évidemment des Juifs, qui adorèrent la tête de veau, renièrent le vrai Dieu, massacrèrent ses prophètes et ses envoyés, adorèrent les idoles, immolèrent leurs fils et leurs filles aux démons, — non seulement, dis-je, des animaux sans raison, mais leurs fils et leurs filles, — crime que Dieu leur a reproché par la bouche du prophète David : « Ils ont immolé leurs fils et leurs filles au démon, ils ont répandu le sang innocent, le sang de leurs enfants, ils les ont offerts en sacrifice aux idoles de Kana’an, et la terre a été souillée de leurs œuvres[30] ».

Or, nous autres chrétiens, nous n’avons rien fait de semblable. Aussi le Coran dit-il à notre sujet : « Tu trouveras que les plus violents ennemis des croyants sont les juifs et les polythéistes ; ceux au contraire qui professent le Christianisme sont les plus portés d’affection à notre égard, et cela parce qu’ils ont des prêtres et des moines et ne sont point orgueilleux[31] ». Mohammad mentionne ici les prêtres et les moines pour bien montrer qu’il ne s’agit que de nous ; et il fait en même temps l’éloge de nos actes et de nos intentions. Cela est certain : et il éloigne de nous l’accusation de polythéisme, quand il dit : Les Juifs et les polythéistes sont les ennemis les plus acharnés des croyants ; les Chrétiens, au contraire, sont les mieux disposés à l’égard des musulmans.

Ce qui rend cette assertion plus manifeste encore, ce sont ces autres paroles : « Dieu prononcera, selon la différence de leurs religions, entre les croyants, les Juifs, les Sabéens, les Chrétiens et les polythéistes[32] ».

Non seulement Mohammad ne nous appelle point polythéistes, mais il déclare en outre que les autres hommes ne nous sont point supérieurs. « Certes, dit-il, les croyants, les Juifs, les Chrétiens et les Sabéens, quiconque croit en Dieu et qui, au jour dernier, aura fait le bien : tous ceux-là recevront une récompense de leur Seigneur ; la crainte ne s’abattra point sur eux et ils ne seront point affligés[33] ».

Ainsi donc, d’après ces paroles, il y a égalité parfaite entre tous les hommes, qu’ils soient musulmans ou non. Une autre preuve de ceci se trouve encore dans ce texte : « Ô hommes, nous vous avons créés ; (vous venez tous) d’un homme et d’une femme. Nous vous avons partagés en familles et en tribus…, afin que vous sachiez que le plus digne devant Dieu est celui qui le craint le plus[34] ».

Mohammad loue ensuite notre sacrifice (eucharistique) et nous menace, si jamais nous venions à abandonner ce que nous possédons et à répudier la révélation qui nous a été faite, du plus terrible châtiment que Dieu ait jamais infligé. « Ô Jésus, fils de Marie, demandaient les apôtres, ton Seigneur peut-il nous faire descendre des cieux une table toute servie ? — Craignez Dieu, leur répondit Jésus, si vous êtes fidèles. — Nous désirons, dirent-ils, nous asseoir et manger à cette table ; alors nos cœurs seront rassurés, nous saurons que tu nous as prêché la vérité, et nous rendrons témoignage en ta faveur. — Ô Dieu, notre Seigneur, s’écria alors Jésus, fils de Marie, fais-nous descendre une table du ciel ; qu’elle soit un festin pour le premier et le dernier d’entre nous, et un signe de ta puissance. Nourris-nous, car tu es le meilleur nourrisseur. — Et Dieu dit : Je vous la ferai descendre, cette table ; quant à celui qui désormais sera incrédule, je lui réserve un châtiment tel que je n’en ai infligé encore de pareil à aucune créature[35] ».

Or cette table, c’est le sacrifice que nous offrons à chaque messe. Pour la raison donnée plus haut et parce qu’il ne convient pas à des hommes de cœur de mépriser l’esprit de Dieu et son Verbe, auquel le Coran a donné son témoignage et ses éloges en ces termes : « Il n’y aura pas un seul homme parmi ceux qui ont eu foi dans les Écritures (Juifs et Chrétiens) qui ne croie en lui (Jésus) avant sa mort ; au jour de la résurrection, Jésus témoignera contre eux[36] » ; comment suivrions-nous celui qui ne nous a pas été envoyé ? Mohammad dit en effet : « Ou moi ou vous sommes dans le droit chemin ou dans l’erreur manifeste[37] ». Il avait dit cependant au commencement de son livre : « Dirige-nous dans le droit sentier, dans le sentier de ceux que tu as comblés de tes bienfaits, et non de ceux qui ont encouru ta colère ni de ceux qui s’égarent[38] ». Ceux que Dieu a comblés de ses bienfaits, c’est nous, les chrétiens ; ceux qui ont encouru sa colère, ce sont les Juifs et les Sabéens qui adorent les idoles ; le sentier, c’est le chemin qui conduit à la croyance (foi). Nous savons que Dieu est juste ; or il n’est pas conforme à son équité d’exiger que les hommes d’une nation suivent un envoyé qui ne leur est point destiné ; auxquels personne, ni Dieu ni son apôtre, ne donne un livre écrit en leur propre langue.

Pour ces raisons, conclurent mes interlocuteurs, nous ne pouvons suivre cet envoyé (Mohammad) ni abandonner notre religion.

Je leur dis alors : Savez-vous que les Musulmans rejettent les dénominations de Père, de Fils et d’Esprit-Saint ?

— Il n’en serait point ainsi, répondirent ces gens, si les Musulmans connaissaient que par ces noms nous voulons dire simplement que Dieu est un être vivant et intelligent. Nous savons en effet, nous autres Chrétiens, que toutes choses ont été produites par un être distinct des autres ; car il répugne qu’aucune créature puisse se donner à elle-même l’existence. Nous avons donc inféré de là qu’il existe un être parfaitement distinct des créatures, qui a tout créé et qui n’a pas été créé lui-même.

Nous voyons ensuite que les êtres se divisent en deux classes : les êtres vivants et les êtres inanimés ; et donnant à Dieu le plus noble de ces deux attributs, nous avons dit : Dieu est un être vivant ; nous affirmons ainsi son immortalité.

Nous remarquons en outre que les créatures vivantes sont de deux sortes : celles qui possèdent à la fois la vie et l’intelligence, et celles qui ont la vie sans l’intelligence. Donnant à Dieu les qualités de la plus noble de ces deux classes, nous disons : Dieu est un être intelligent ; et ainsi nous excluons de Lui toute ignorance.

Quant à la triple appellation (de Père, Fils et Saint-Esprit), elle ne désigne qu’un Dieu unique, éternel et éternellement vivant et intelligent. Le Père, selon nous, représente le principe, le Fils l’intelligence, et le Saint-Esprit la vie. Le Coran ne dit-il pas : « Il n’y a d’autre Dieu que Dieu, le vivant, l’Immuable[39] ».

Or ces trois noms, ce n’est pas nous, Chrétiens, qui les avons donnés à Dieu ; mais c’est Dieu lui-même qui a ainsi appelé sa divinité. Voici en effet comment il s’exprime par la bouche de Moïse en s’adressant aux fils d’Israël : « N’est-ce pas là ce Père qui t’a fait, qui t’a créé et possédé[40] ? »

Et ailleurs toujours par la bouche de Moïse : « Et l’Esprit de Dieu s’élevait sur les eaux[41] » ; — et dans le prophète David : « C’est par la parole de Dieu que les cieux ont été affermis, et c’est le souffle de sa bouche qui a produit toutes leurs vertus[42] » ; — et encore par le même prophète : « Ne m’enlevez pas votre Esprit Saint[43] ». Dieu met ces autres paroles sur les lèvres de Job le juste : « L’Esprit m’a créé et il me connaît[44] » ; et dans Isaïe : « L’astragale se desséchera et l’herbe se fanera ; mais la parole de Dieu demeure éternellement[45] » ; — et enfin la parole de Notre-Seigneur Jésus-Christ à ses disciples dans son saint Évangile : « Allez vers toutes les nations, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et apprenez-leur à garder tous les commandements que je vous ai donnés[46] ».

Que lisons-nous dans le Coran lui-même ? — « C’est Dieu qui donne la vie et la mort[47] ». — Quand il a résolu quelque chose, il lui suffit de cette parole : « Sois, et la chose est[48] ». — « Nous avons donné notre parole à nos pieux serviteurs[49] ».

Et en d’autres endroits : « Dieu dira : Ô Jésus, fils de Marie, souviens-toi des bienfaits que j’ai répandus sur toi et sur ta mère, lorsque je t’ai fortifié par l’Esprit de sainteté[50] ». — « Dieu a réellement adressé la parole à Moïse[51] ». — « Et Marie, fille d’Imran, qui a conservé sa virginité intacte, nous avons soufflé en elle de notre esprit. Elle crut aux paroles de son Seigneur et à ses livres (Saintes Écritures) ; elle était du nombre des personnes pieuses[52] ».

Tous les Musulmans disent : Le Coran est la parole de Dieu. Or toute parole en appartient à un être vivant et intelligent ; ce sont là des qualités essentielles, des attributs personnels qui diffèrent les uns des autres, tandis que Dieu est unique, en Lui tout est simple et indivisible.

Le Coran commence par ces mots : « Au nom du Dieu clément et miséricordieux ». Pour nous, Chrétiens, nous résumons les attributs de Dieu en ces trois mots : Père, Fils et Saint-Esprit ; par là nous désignons un être vivant et intelligent, parce que parmi les attributs de Dieu, il n’en est aucun qui ne renferme en lui l’idée de vie et d’intelligence. Nous lisons dans le Coran : « Invoquez Dieu ou invoquez le miséricordieux : de quelque nom que vous l’invoquiez, les plus beaux noms lui appartiennent[53] ».

Quand nous disons que le Christ est Fils de Dieu, qu’il est engendré par lui de toute éternité, nous voulons signifier par là que Jésus est de toute éternité Fils ou Verbe, et que le Père est de toute éternité Père ou intelligence. Quand vint la fin des temps, c’est-à-dire le temps de l’apostasie et de l’impiété, Dieu envoya sa parole ou son Verbe, tout en restant uni à son Fils. De même qu’un homme envoie, sans le quitter[54], son verbe à ses auditeurs, ainsi le Verbe de Dieu s’incarna et devint un homme parfait par l’opération du Saint-Esprit dans le sein de la Vierge Marie. Il naquit de cette Vierge selon la nature humaine, et non selon la nature divine, qui ne peut recevoir aucun accident.

Marie le mit au monde en gardant intacte sa virginité, ainsi qu’elle l’avait conçu sans la coopération d’aucun homme. Sa virginité fut conservée comme le buisson qu’aperçut Moïse et qui brûlait sans être consumé par les flammes. Quand nous disons que le Christ est Fils de Dieu, qu’on n’aille donc pas nous soupçonner de lui attribuer une filiation toute humaine ; nous ne voulons pas dire non plus que le Père existe avant le Fils, ou qu’il a eu un fils né d’une compagne ; le Coran lui-même nous justifie de toute accusation semblable, quand il dit : « Créateur du ciel et de la terre, comment aurait-il des fils, lui qui n’a point de compagne[55] ? » Et Mohammad confirme la parole du Fils disant : Je suis le Verbe. (Voici en effet le texte du Coran) : « Dis : Je ne jurerai point par ce pays-ci, le territoire que tu es venu habiter, ni par le Père ni par le Fils[56] ».

Quant à l’Incarnation du Verbe de Dieu qui s’est véritablement fait homme, Mohammad en donne la raison suivante. — Dieu, dit-il, n’a jamais parlé à aucun des prophètes, si ce n’est à travers un voile, ainsi qu’il est écrit dans le Coran : « Il n’est point donné à l’homme que Dieu lui adresse la parole ; s’il le fait, c’est par la révélation ou à travers un voile ». — Et comme les choses immatérielles ne deviennent sensibles que par le moyen des choses corporelles, le verbe de Dieu qui a créé les êtres spirituels, ne se manifestera pas autrement. Aussi ce verbe est-il apparu en Jésus, fils de Marie ; l’homme étant la plus noble[57] créature sortie des mains de Dieu. Ce Verbe se fit entendre aux êtres créés, qui le contemplèrent en Jésus, comme jadis il s’était fait entendre à Moïse de l’intérieur du buisson. Il opéra des merveilles par sa divinité et parut plein de faiblesse dans son humanité. Ces deux attributs (puissance et faiblesse) n’appartiennent qu’au Seigneur Jésus. On dit de même : « Zéid est encore vivant, il n’est point mort et n’a point disparu », et : « Zéid dépérit, est mort et trépassé ». Ces deux propositions se disent absolument de Zéid seul.

Nous disons dans le même sens : « Le Christ a été crucifié, en tant qu’homme, bien entendu, et non en tant que Dieu ». Aussi le Coran porte-t-il : « Ils (les Juifs) ne le crucifièrent pas ; mais il leur sembla (qu’ils l’avaient crucifié)[58] ».

Ne voyons-nous pas le forgeron prendre un morceau de fer, le chauffer jusqu’à ce qu’il soit tout enflammé, le battre et le couper pendant qu’il est presque entièrement changé en feu ? Le coup qui sépare ainsi les deux morceaux n’atteint cependant que le fer : le feu reste intact et n’en continue pas moins à exercer son action propre, à savoir la chaleur et l’éclat. Et néanmoins le morceau de fer renferme à lui seul les deux natures.

Ainsi en va-t-il des deux natures dans le Christ : elles sont unies en une seule personne. Nous trouvons dans le Coran des expressions qui cadrent avec cette explication : le Christ y est appelé l’Esprit de Dieu et son Verbe, et Jésus y est nommé fils de Marie : « Le Christ Jésus, fils de Marie, est réellement l’envoyé de Dieu, et son Verbe incarné dans le sein de Marie[59] ; il est esprit procédant de Dieu ». Et dans un autre endroit : « C’est la parole de vérité ; vous en doutez cependant ».

Ainsi donc le Coran dans ces passages affirme l’unicité de Dieu. Quant aux paroles citées plus haut, que Dieu, par la bouche de Moïse, adresse aux enfants d’Israël : « Ce Père, n’est-ce pas lui qui t’a créé et possédé ? » et ces autres du prophète David : « Ne m’enlevez pas votre Esprit Saint » ; et encore : « C’est par la parole du Seigneur que les cieux ont été affermis, et c’est le souffle de sa bouche qui a produit toutes leurs vertus » ; ces paroles, dis-je, n’indiquent point trois créateurs, mais un seul, le Père, ainsi que son Esprit ou sa vie, et sa parole ou son Verbe. Nous disons pareillement : le tailleur a cousu l’habit, et : la main du tailleur a cousu l’habit ; ou bien : le menuisier a fait la chaise, et : la main du menuisier a fait la chaise ; et ainsi de suite. Le tailleur et sa main ne font cependant pas deux tailleurs, non plus que le menuisier et sa main deux menuisiers, mais bien un seul tailleur et un seul menuisier. De même le Père, son Verbe et son Esprit, ne font qu’un seul Dieu. Nous ne voulons pas dire autre chose quand nous prononçons ces trois noms ; nous savons que cette appellation n’importe pas nécessairement l’adoration de trois dieux ; de même que nous ne désignons pas nécessairement trois hommes quand nous disons : l’intelligence de l’homme, sa parole et son souffle[60] ; pas plus que lorsqu’on dit : la flamme du feu, sa lumière, sa chaleur, on ne désigne trois feux ; pareillement le disque du soleil, son éclat et sa chaleur n’indiquent point trois soleils.

Telle est la signification que nous donnons aux expressions analogues se rapportant à Dieu (dont le nom soit sanctifié et les bienfaits exaltés !)

On ne peut donc nous blâmer ni nous accuser, alors que nous ne voulons pas abandonner ce que nous avons reçu ni rejeter le dépôt qui nous a été confié et transmis. Comment en effet pourrions-nous embrasser une autre religion, quand, en faveur de la nôtre, il y a tant de témoignages, de preuves, et des démonstrations si évidentes tirées du livre même du prophète ?

— Très bien ! m’écriai-je alors ; mais si nous tirons nos preuves du Coran, les Musulmans nous diront : Puisque vous argumentez d’une partie de notre livre, acceptez-le donc en entier !

— Point du tout ! répondirent-ils ; il n’en va point de la sorte. Je suppose en effet qu’un homme ait à la charge d’un autre un billet où est consignée une dette de cent deniers, et que le billet porte en même temps l’attestation du paiement effectué par le débiteur. Que le créancier vienne ensuite montrer ce billet et réclamer les cent deniers au débiteur qui prouve son acquit par la teneur du billet même ; le créancier pourra-t-il lui dire : « Comme tu reconnais l’attestation du paiement, reconnais de même la charge des cent deniers et paie-moi » ? Non, évidemment ; mais il doit le tenir quitte des cent deniers inscrits sur le billet, puisque à côté de la dette se trouve aussi mentionné le paiement.

Ainsi, quoi qu’on dise sur notre compte, quelles que soient les preuves tirées du Coran, que l’on apporte contre nous, nous les réfutons par d’autres en notre faveur, puisées dans ce même livre.

Aussi a-t-on dit que les meilleurs arguments sont les nôtres ; c’est ce qu’atteste le livre du prophète — selon son propre témoignage, Dieu nous a placés au-dessus des infidèles jusqu’au jour de la résurrection, parce que précisément nous suivons le Seigneur Jésus-Christ, Esprit et Verbe de Dieu. — D’après lui encore, nous sommes les plus portés d’affection à l’égard des croyants, et Dieu a mis dans nos cœurs la miséricorde et la compassion — Mohammad exalte notre Évangile et nos livres sacrés, nos monastères et nos églises ; d’après lui enfin les hommes des autres religions ne nous sont nullement supérieurs. Quelle peut être la raison d’une pareille estime, sinon notre propre excellence et nos bonnes actions ?

Nous serait-il donc permis, serait-il convenable d’abandonner ce que nous possédons, cette table que Dieu nous a envoyée et qu’il a placée comme un festin pour le premier et le dernier d’entre nous, et comme un signe de sa puissance, surtout quand il nous menace, si jamais nous étions infidèles, du plus terrible châtiment qu’il ait jamais infligé à aucun des mortels ? Pourrions-nous suivre l’apôtre destiné à d’autres que nous ? C’est ce que le Coran montre d’une manière évidente, et à ses arguments répondent les preuves de la raison qui est comme la pierre de touche et la mesure des choses.

— Je dis alors : Autre objection des Musulmans. Puis donc que vous croyez que Dieu est unique, d’où vient que vous lui donnez trois personnes ; et pourquoi les appelez-vous l’une Père, l’autre Fils et la troisième Esprit, laissant ainsi à supposer par ceux qui vous entendent que vous admettez un Dieu composé de trois individus distincts, c’est-à-dire trois dieux ou trois parties en Dieu ? Car lorsque vous dites que Dieu a un Fils, celui qui est étranger à votre foi pense qu’il s’agit d’un fils né d’un commerce charnel et par voie de génération, et vous vous attirez ainsi une accusation que vous ne méritez point.

— Et les Musulmans eux-mêmes, me fut-il répondu, ne croient-ils pas que Dieu Tout-Puissant n’a ni corps, ni organes[61], ni membres, et qu’il est sans limites ? Pourquoi alors disent-ils qu’il a des yeux par lesquels il voit, des mains qu’il étend, des jambes[62] qu’il découvre, un côté et un visage qu’il dirige dans toutes les directions ; qu’il vient à l’ombre des nuages ? Ces expressions ne font-elles pas supposer que le Très-Haut a réellement un corps pourvu de membres et d’organes, qu’il se transporte d’un lieu à un autre à l’ombre des nuages ? Ceux qui entendent ces mêmes expressions, sans connaître la vraie croyance des Musulmans, penseront donc qu’ils donnent à Dieu un corps véritable ; et de fait il y a une secte musulmane qui croit cela comme un article de leur doctrine. Et ainsi ceux qui ne savent pas exactement ce que croient les Musulmans orthodoxes les accuseront gratuitement.

— Je répliquai : Mais ce n’est pas sans raison, vous répondent les Musulmans, que nous attribuons à Dieu des yeux, des mains, un visage, des jambes, un côté et la marche à l’ombre des nuages. Le Coran en effet dans toutes ces expressions ne prend pas les mots dans leur signification propre. Quiconque, disent-ils, donne à ces mots leur sens propre et croit que Dieu a en réalité des yeux, des mains, un visage, un côté, des jambes, des organes et des membres, qu’il se transporte réellement d’un lieu à un autre, qu’il possède les autres propriétés des corps, et choses semblables, celui-là nous le maudissons et le déclarons infidèle. Que si donc nous portons un tel jugement de celui qui pense de la sorte, comment nos détracteurs peuvent-ils mettre sur notre compte des erreurs que nous ne soutenons pas ?

— Précisément pour le même motif, me répondit-on, nous-disons qu’il y a en Dieu trois Personnes, le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Tel est le langage de l’Évangile. Or, par personnes nous entendons non des individus composés comme nous, ni des parties distinctes, ni quoi que ce soit renfermant l’idée d’association ou de multiplication. Et quand nous parlons du Père et du Fils, nous rejetons toute paternité ou filiation venant du mariage, par voie de génération ou d’union charnelle. Ainsi, d’après nous, quiconque croit que les trois Personnes sont trois dieux différents ou associés, trois corps d’éléments divers, trois parties distinctes ou encore individus composés de puissances et d’accidents, ou autre chose causée par association[63], distinction ou assimilation ; que par les noms de Père et de Fils, nous entendons une paternité et une filiation basée sur le mariage, par voie de génération ou d’union charnelle ; ou enfin une naissance, résultant de l’alliance de deux corps, de deux anges ou de deux créatures ; celui-là nous le maudissons, l’anathématisons et le déclarons infidèle.

Si donc nous retranchons de notre religion ceux qui professent cette croyance ou autre semblable, conduisant au polythéisme et à des erreurs de même genre, nos adversaires n’ont pas le droit de nous attribuer ce qu’en réalité nous ne croyons point. Et s’ils nous reprochent de donner à Dieu des associés et des semblables, parce que nous disons que Dieu, unique en substance, est triple en personnes, à savoir le Père, le Fils et le Saint-Esprit ; s’ils disent que ces mots dans leur sens propre important multiplication et assimilation, nous attribuons nécessairement à ces personnes un corps et des sens, nous leur répondrons : Et vous-mêmes, ne dites-vous pas que Dieu a des yeux, des mains, un visage, des jambes, un côté, qu’il s’assied sur son trône après l’avoir quitté, et autres expressions dont la signification propre importe un corps et des sens ?

— J’ajoutai : Les Musulmans nous reprochent encore de dire que Dieu est une substance.

— Ils répondirent : Les Musulmans, à ce qu’on nous dit, sont gens de mérite, de lettres et de science. Or de tels hommes, qui ont lu les ouvrages des philosophes et connaissent la logique, ne peuvent rejeter cette dénomination.

Rien en effet n’existe qui ne soit ou substance ou accident ; car quelle que soit la chose que nous considérions, nous trouvons ou qu’elle subsiste par elle-même, sans avoir besoin d’un autre être qui la tire du néant, et c’est la substance ; ou au contraire que n’ayant pas de subsistance par elle-même, elle existe par le secours d’un autre être, et nous avons l’accident.

En dehors de ces deux espèces d’êtres, il ne peut s’en trouver une troisième. Or l’être le plus noble est celui qui subsiste par lui-même sans le besoin d’aucun autre, c’est-à-dire la substance. Et comme Dieu (dont le nom soit sanctifié !) est ce qu’il y a de plus noble, puisqu’il est cause suprême, il est donc nécessairement ce qu’il y a de plus sublime dans les êtres, c’est-à-dire substance. Voilà pourquoi nous l’appelons substance, non toutefois de la même manière que les substances créées. De même aussi nous disons qu’il n’est pas un être comme les êtres créés ; sinon il devrait subsister par le moyen d’un autre être qui le maintiendrait dans l’existence : or que peut-on dire de plus indigne de Dieu ?

— Mais, leur dis-je, les Musulmans nous répondent : Nous refusons de donner à Dieu le nom de substance, parce que la substance est ce qui reçoit l’accident et occupe une place. Voilà pourquoi jamais il n’a été dit que la substance est Dieu.

— Ils me répondirent : Ce qui reçoit l’accident et occupe une place, c’est la substance matérielle. — Quant à la substance immatérielle, ni elle ne reçoit d’accident[64] ni elle n’occupe de place. Telles sont la substance de l’âme, la substance de l’intelligence, la substance de la lumière, et autres de même nature. Or si la substance immatérielle créée ne reçoit pas d’accident et n’occupe pas de place, le créateur des substances tant immatérielles que matérielles, peut-il recevoir des accidents et occuper une place ? Évidemment non.

Nous sommes étonnés, ajoutèrent-ils, de voir comment les Musulmans, malgré toute leur science et leur mérite, ignorent qu’il n’existe que deux lois : la loi de justice et la loi de grâce. Et en effet puisque Dieu est à la fois justice et bonté, il a fallu qu’il manifestât à l’égard des créatures le premier de ces attributs ; voilà pourquoi il envoya le prophète Moïse aux enfants d’Israël, pour leur faire connaître cette loi de justice et leur ordonner de l’observer fidèlement et de la fixer dans leurs cœurs. Comme d’autre part la perfection ou la loi de grâce ne peut être réalisée que par celui qui est infiniment parfait, il a fallu que Dieu lui-même (que son nom soit sanctifié et sa divinité glorifiée !) la mît en pratique, lui qui surpasse tous les êtres en perfection.

Puisque de plus Dieu est la bonté par excellence, il a fallu que cette bonté se manifestât dans le plus excellent des êtres. Or parmi les êtres le meilleur est Son Verbe, dont la bonté est au-dessus de tout ce qu’il y a de bon, et sa bonté a apparu dans ce qu’il y a de meilleur.

Ainsi donc le Verbe a dû prendre une nature sensible, afin de manifester la puissance et la bonté divines ; et parmi les êtres l’homme étant le plus noble, il s’est revêtu de la nature humaine, en naissant de Notre-Dame, la bienheureuse et très pure Marie, choisie entre toutes les femmes.

Après cette loi de perfection, il n’y a de place pour nulle autre, car tout ce qui l’a précédée ne faisait que la rendre nécessaire, et ce qui suit n’a besoin d’aucun complément ; et en effet tout ce qui vient après la perfection ou est parfait lui-même ou pour le moins est au-dessous et fait partie de cette perfection ; or la partie de ce qui est parfait est parfaite elle-même et n’a besoin de rien.

Mais il suffit ! La paix à celui qui suit le droit sentier !


Voilà ce que j’ai appris des gens que j’ai vus et entretenus ; tels sont les arguments qu’ils donnent en faveur de leur religion. — Si ce qu’ils m’ont rapporté est vrai, à Dieu gloire et actions de grâces ! puisqu’il a fait concorder les avis et fait cesser toute contestation entre ses serviteurs, les chrétiens, et les Musulmans. Que Dieu les garde tous !

S’il en était autrement (que ce que j’ai dit), que notre frère vénéré et très cher ami (que Dieu lui accorde vie longue et heureuse et l’ait toujours en sa garde !) veuille bien me le montrer, afin que je puisse l’apprendre aux gens que j’ai visités et voir ce qu’ils disent sur cette question, car ils m’ont interrogé à ce sujet et m’ont établi leur délégué.


Fin.

Gloire à Dieu seul !

Le manuscrit se termine par la note suivante :


La transcription de cette lettre s’est achevée, avec l’aide du Dieu généreux et libéral, par la main du prêtre Raphaël Zakhour, moine, professeur de langue arabe en la célèbre ville de Paris. Ce samedi 11 juillet 1807 de l’ère chrétienne.




  1. Sour. iiie, v. 79. Le texte du Coran porte arabe (désire) au lieu de arabe (suit) qu’emploie le manuscrit.
  2. xii, 2.
  3. xiv, 15. — « Des hommes illetrés » = des Arabes. — Par « le livre et la sagesse » Mohammed désigne le Coran et ses sages prescriptions.
  4. lxii, 2.
  5. xxviii, 46. Texte du Coran :
    arabe arabe
    C’est par l’effet de la miséricorde de ton Seigneur que tu prêches un peuple qui n’a point eu d’apôtres avant toi : tu es chargé de l’appeler à réfléchir.

    Le ms. de Ràheb porte : arabe Nous prêchons… peut-être marchera-t-il dans le droit chemin.

  6. xlii, 25.
  7. xxxvi, 5. Texte du Coran : arabe = Ceux dont les pères n’ont pas été avertis.
  8. xxvi, 214.
  9. arabe = Aux Arabes de l’idolâtrie. Cf. Kasimirski, Trad. du Coran, sourate iiie, vv. 69 et 55, note.
  10. xxi, 91.
  11. iii, 37.
  12. Cf. iii, 41 et 43. Mohammad dans le Coran mêle la légende à l’Évangile.
  13. iii, 48. L’expression arabe signifie proprement : « Je te fais mourir » : « Defungi te facio ». Cependant dans la sourate ive, v. 156, Mohammad affirme que de fait les Juifs ne crucifièrent point Notre-Seigneur, mais un homme qui lui ressemblait. Les auteurs musulmans, pour expliquer et faire concorder ces passages du Coran, inventent toutes sortes de fables. D’après eux, Jésus-Christ aurait été enlevé miraculeusement au ciel, d’où il doit revenir à la fin des temps pour régner glorieusement sur la terre entière, et puis subir une heureuse mort. (Cf. Marracci, t. II. p. 113 sqq. et p. 173 sqq.)
  14. lvii. 27. Le manuscrit porte arabe (nous avons payé) et le Coran arabe (nous avons envoyé sur les traces…).
  15. xxii, 41. Les monastères et les églises appartiennent aux Chrétiens, les oratoires aux Juifs, les mosquées aux Musulmans. — En condamnant la destruction des églises chrétiennes, des synagogues, aussi bien que celle des mosquées, Mohammad approuve la religion du Christ et la loi judaïque. Si, en effet, les chrétiens étaient dans l’erreur, il faudrait détruire leurs monastères et leurs temples, puisque la prière faite en ces lieux ne saurait être agréable à Dieu. Mais Mohammad et la logique ne vont pas toujours ensemble. (Cf. Marracci, II. p. 467. Refutationes, ad. ii.)
  16. lvii, 25.
  17. xxxvi, 19. Vrai texte : arabe — au lieu de
    arabe arabe
  18. lxi, 14. — Quels seront mes aides pour propager la religion que je prêche ? — Contre leur ennemi, c’est-à-dire contre ceux qui ne croiront pas.

    Selon l’exposition des commentateurs musulmans, Mohammad voudrait dire ici qu’après la disparition de Notre-Seigneur, ses disciples se seraient divisés en deux camps : ceux qui croyaient en sa divinité et les incrédules. La victoire serait enfin restée aux premiers.

    Encore un échantillon de fables inventées par le prophète. S’il avait ouvert le livre des Actes, il y aurait lu (c. iv, 32) : « Multitudinis autem credentium erat cor unum et anima una ».

    (Cf. Marracci, II, p. 720). Cf. aussi la démonstration de la divinité de Jésus-Christ contre les musulmans, ibid., p. 196, p. 218.

  19. v, 50. — Ici encore le texte du manuscrit ne concorde pas entièrement avec celui du Coran, dont voici la traduction donnée par Kasimirski : « Sur les pas des autres prophètes nous avons envoyé Jésus, fils de Marie, pour confirmer le Pentateuque. Nous lui avons donné l’Évangile qui contient la direction et la lumière : il confirme le Pentateuque ; l’Évangile contient aussi la direction et l’avertissement pour ceux qui craignent Dieu ».
  20. x, 94. Recommandation bien inutile, puisque aussitôt après (même verset) Dieu défend à Mohammad de douter : d’après la tradition, le prophète ne doutait jamais. (Cf. Marracci, II, in h. 1.)
  21. C’est aujourd’hui un fait certain que dès l’an 150, cinquante ans seulement après la composition du dernier Évangile, nos quatre Évangiles étaient reconnus comme authentiques dans toutes les églises chrétiennes de l’univers. Les 600 ans font allusion au temps écoulé depuis l’apparition des Évangiles jusqu’à Mohammad.
  22. v, 50.
  23. ii, 1. Quel est le sens de ces trois lettres (et d’autres semblables qu’on trouve au commencement de certaines sourates) ? Les commentateurs donnent différentes explications ; celle de Ràheb est au moins vraisemblable.
  24. iii, 181.
  25. xlii, 14. Ce livre que Dieu a révélé, ce sont les Saintes Écritures.
    Dieu vous réunira tous, i. e. pour le jugement dernier, que Mohammad appelle : arabe
  26. C’est-à-dire les Juifs et les Chrétiens, que Mohammad appelle « hommes des Écritures ». Vg. sour. xxixe, v. 45.
  27. cix.
  28. xxix, 45. Cf. Marracci, II, in h. I.

    — « De la manière la plus honnête », i. e. par des paroles pleines de douceur, les exhortant à embrasser notre religion.

    — « À moins que ce ne soient des hommes méchants » ; c’est-à-dire ceux qui vous auront fait du mal en quoi que ce soit : avec ceux-ci il faut employer non la parole, mais le glaive. — L’interprétation de Ràheb, qui restreint l’application du mot « méchants » aux Juifs, est bénigne.

  29. Résignez-vous… d’après le sens du mot Musulmans (arabe) = ceux qui s’abandonnent à la volonté d’Allah, selon ce qui a été écrit par rapport à chacun des hommes.
  30. Ps. cv, 37.
  31. v, 85. Ces paroles montrent que les Juifs haïssaient profondément les Musulmans ; que les Chrétiens, au contraire, mettant en pratique le précepte de Notre-Seigneur, les aimaient d’une véritable charité. (Cf. Marracci, t. II, p. 233.)

    Quoi qu’il en soit des éloges que Mohammad donne aux chrétiens, en particulier aux moines et aux prêtres, il n’est pas vrai que les chrétiens « pleurent de dévotion en entendant le Coran », ainsi qu’il est dit dans la même sourate, v. 86.

  32. xxii, 17. arabe (ce en quoi ils diffèrent) ne se trouve pas dans le Coran. À noter ici une des nombreuses fautes grammaticales de copiste arabe, le khabar de arabe au raf’ au lieu du nasb arabe

    arabe = les polythéistes ; m. à m. : ceux qui associent (plusieurs dieux).

    — Les Sabéens (Soubbas) ou Chrétiens de Saint Jean (arabe) étaient une secte qui parut, dès le premier siècle de l’Église, sur les bords du Jourdain ; on en trouve encore des traces aux environs de Bassora. Ils nient la divinité de Jésus-Christ, dont ils vénèrent cependant la croix ; font grand cas du baptême de Jean-Baptiste, qu’ils regardent comme le plus grand de tous les saints, et ont en horreur la circoncision et les circoncis. Ils donnent à Dieu un corps matériel, et un fils, nommé Gabriel, qui créa le monde avec l’aide de 50.000 anges ; ils ont des évêques et des apôtres, renouvellent le Baptême tous les ans, admettent la polygamie, mais non le divorce. — La Revue du Machriq a publié plusieurs articles fort intéressants sur les Soubbas, par le R. P. Anastase de Saint-Élie, missionnaire apostolique Carme à Bagdad.

    (Cf. Marracci, II, p. 33. Refut., v.)

  33. ii, 59. Cf. aussi Sourate v, v. 73.

    Le Coran affirme clairement que tous, Musulmans, Chrétiens, Juifs et Sabéens, peuvent se sauver pourvu qu’ils croient en Dieu, au jour du jugement, et fassent de bonnes œuvres. — Ce verset, un des plus importants du livre du prophète, embarrasse fort les commentateurs musulmans ; les plus sages d’entre eux ne pouvant nier la vérité, se tirent d’affaire en disant que ce passage est un de ceux qui, par l’ordre de Dieu, ont été abrogés par d’autres versets ayant un sens absolument opposé. L’expédient n’est pas très habile et ne sauve pas l’honneur du prophète.

    (Cf. Marracci, II, p. 33. Refut., v.)

  34. xlix, 13.
  35. v, 112. Que penser de cette table merveilleuse ? Il semble que Mohammad ait voulu parler de la sainte Eucharistie, qu’il connaissait au moins d’une manière confuse par ses rapports avec les chrétiens. Les paroles mêmes du Coran indiquent clairement cette conclusion. Cependant les commentateurs musulmans, ne voulant pas reconnaître dans le livre de leur prophète la confirmation d’un des principaux mystères de notre foi, donnent libre cours à leur imagination et inventent toutes sortes d’explications fabuleuses. (Voir un exemple dans le commentaire de Thalabiensis cité par Marracci, t. Il, p. 238.)

    Pour décrire cette table, ils réunissent et mélangent sans ordre en un seul récit des faits absolument distincts tirés de nos Évangiles. Ils confondent ainsi, sans aucun scrupule historique, la dernière cène que Notre-Seigneur célébra avec ses apôtres, le miracle de la multiplication des cinq pains et des deux poissons, la parabole des invités au festin, le miracle opéré sur les bords du lac de Tibériade, quand Notre-Seigneur apparaissant aux apôtres, après sa résurrection, leur offrit un poisson grillé, etc., etc.

    (Cf. Marracci, II, p. 241. Refut., vii.)

  36. iv, 157. Texte entier (auquel correspond notre traduction) :
    arabe arabe
    « avant sa mort » (arabe) est amphibologique, arabe à cause du pronom arabe dans arabe. Double sens possible, d’après les commentateurs musulmans : avant la mort de celui qui croit en Jésus, ou avant la mort de Jésus, qui doit revenir à la fin des temps. La première explication est préférable.

    (V. Marracci, II, p. 172 — et Kasimirski in h. 1.)

  37. xxxiv, 23. Vrai texte (d’après Flügel) : arabe = ou nous ou vous… Texte du ms. : arabe = ou moi ou vous…
  38. i, 6. — D’après les savants musulmans, ceux que Dieu « a comblés de ses bienfaits » sont évidemment les disciples de Mohammad ; ceux « qui s’égarent », les Chrétiens ; et ceux « qui ont encouru la colère divine », les Juifs. L’expression du Coran contre les fils d’Israël ressemble fort à celle de saint Paul, I Thess., c. iii, v. 16 : « Pervenit enim ira Dei super illos usque in finem ». — arabe = le droit sentier ; ces mots dans le Coran désignent l’islamisme.

    Le commentaire de Ràheb ne concorde donc pas avec l’explication communément admise. Pour le culte des idoles attribué aux Sabéens ou Soubbas, voir les articles du R. P. Anastase dans le Machriq.

  39. ii, 256.
  40. Deutér., xxxii, 6.
  41. Gen., i, 2.
  42. Ps. xxxii, 6.
  43. Ps. l, 13.
  44. xxxiii, 4.
  45. xl, 8.
  46. Matth., xxviii, 19.
  47. ii, 260.
  48. ii, 111.
  49. xxxvii, 171.
  50. v, 109.
  51. iv, 162.
  52. lxvi, 12. On sait que Mohammad confond la Très Sainte Vierge Marie, mère de Dieu, fille de Joachim, avec Marie, fille d’Imran et sœur de Moïse et d’Aaron.
  53. xvii, 110.
  54. Ces paroles rappellent celles de saint Fulgence (ad Monimum, iii, 7) : « Sic est Verbum apud Deum sicut est in mente verbum… Sicut de tota mente nascitur verbum, sic intra totam permanet natum » (V. Patrolog. de Migne, t. LXV, p. 204). De même, saint Cyrille d’Alexandrie (Dialog. 2 de Trin., Migne, t. LXV, p. 767 sq.) : « Verbum manet in mente generante et mentem generantem habet totaliter in se… et oportet simul existere cum Patre Filium et vicissim Patrem cum Filio… »

    Les Pères se servent souvent de cette comparaison du Fils avec le verbe de l’esprit humain pour expliquer la compénétration mutuelle des Personnes divines, appelée par les Grecs περιχώρησις ou ἐνύπαρξις et par les Latins circumincessio.

  55. vi, 101. Mohammad, on le voit, prend les termes de Père et de Fils au sens matériel et humain. Rien d’étonnant qu’il ne puisse comprendre la signification du mystère de la Très Sainte Trinité. (Cf. Marracci, II, p. 53. Refut., ii.)
  56. xc, 1-3. « Je » = Dieu. « Par ce pays-ci », i. e. La Mecque, « ni par le Père ni par le Fils ». Ràheb entend par là Dieu le Père et Dieu le Fils. Mais les commentateurs musulmans ne sont pas de cet avis. Ainsi Gélal applique ces mots à Adam et à sa postérité. (V. Marracci, II, p. 802.)
  57. Pas absolument, car l’ange est bien supérieur comme pur esprit et comme intelligence. Ràheb ne parle évidemment que des êtres terrestres.
  58. iv, 156. Cf. supra.
  59. iv, 169.
  60. Cette comparaison rappelle celle qu’emploie saint Augustin (lib. IX de Trin. in line) : « Est quaedam imago Trinitatis ipsa mens et notitia ejus, quae est proles ejus ac de se ipsa verbum ejus, et amor tertius, et haec tria num atque una substantia ».
  61. Le mot arabe (sing. arabe), employé par le manuscrit, désigne spécialement les membres opérateurs, les pieds et les mains.
  62. Cette expression est prise dans le sens métaphorique et fait allusion à l’usage des Arabes qui retroussent et relèvent leurs longs habits quand ils veulent courir.
  63. Le mot association est pris dans le sens que lui donne Mohammad, i. e. polythéisme.
  64. Ceci n’est pas exact. L’âme humaine et l’ange sont des substances spirituelles, capables de recevoir des accidents.