Lettre de Jacqueline Pascal à Madame Perier

Texte établi par Léon Brunschvicg et Pierre BoutrouxHachette (p. 37-51).




XV

LETTRE DE JACQUELINE PASCAL
À MADAME PERIER


25 septembre 1647.

Deuxième Recueil Guerrier, f° CLIII, collation Faugère,
Lettres, Opuscules, p. 309.


INTRODUCTION


Au moment où Roberval écrivait cette première lettre a des Noyers, où Pascal rédigeait, pour l’y joindre, un récit abrégé de ses principales expériences, Descartes, qui avait été en Bretagne pour régler des affaires de famille, était de retour à Paris. Il obtenait, par lettres patentes du 6 septembre 1647, une pension de trois mille livres : « Après l’expédition de ces lettres patentes, écrit Baillet, M. Descartes sembloit n’avoir rien de plus pressé que son retour en Hollande, et il se mit en état de partir incessamment avec son hôte et amy l’abbé Picot, qu’il menoit à Egmond, sans se donner le loisir de rendre aucune visite ou d’en recevoir. Il fut pourtant rencontré par M. Pascal le jeune qui, se trouvant pour lors à Paris, fut touché du désir de le voir ; et il eut la satisfaction de l’entretenir aux Minimes, où il avoit eu avis qu’il pourroit le joindre. M. Descartes eut du plaisir à l’entendre sur les expériences du Vuide qu’il avoit faites à Rouen, et dont il faisoit actuellement imprimer le récit, dont il lui envoya un exemplaire en Hollande quelque tems après son retour[1]… » En outre de cet entretien des Minimes, Descartes rendit deux visites à Pascal. Le récit de ces visites, plus exactement de la première d’entre elles, se trouve dans une lettre que Jacqueline Pascal adresse à sa sœur à Rouen. Infiniment curieuse à tous égards, extrêmement significative s’il s’agit de fixer la physionomie intellectuelle de Descartes, de Pascal et de Roberval, la lettre demeure décevante pour la solution du problème que Descartes a soulevé lui-même dès sa lettre du 13 décembre 1647 à Mersenne : qui a eu l’initiative de l’expérience du Puy-de-Dôme ? qui a parlé le premier, soit dans la chambre de Pascal, rue Brisemiche, soit au couvent des Minimes, de transporter sur une haute montagne le tube de Torricelli ? Suivant le témoignage d’Auzoult, qui nous est rapporté par Gassendi, comme suivant le témoignage de Roberval, de Perier et de Pascal eux-mêmes, Pascal est l’inventeur et l’organisateur de l’expérience. Descartes n’aurait-il fait que lui en garantir le succès, malgré le scepticisme de Roberval ? Et Mersenne, par la suite même de ses recherches sur la pesanteur, n’était-il point, antérieurement aux autres savants, ou concurremment avec eux, conduit à tracer le programme d’une semblable expérience[2] ?

Du premier texte intéressant cette controverse historique[3], nous avons surtout à retenir l’impression que Descartes produisit sur Pascal. Sous l’influence peut-être de Roberval, Pascal vit dans Descartes le type du métaphysicien préoccupé de thèses a priori, telles que l’existence de la matière subtile, décidé à soutenir son système à l’aide de principes absolus ou de raisonnements purs, indépendamment et à l’encontre même de l’expérience. Dans ces conditions il semble bien, ou qu’il n’ait pas songé à lui demander, ou qu’il n’ait pas eu conscience d’avoir reçu de lui, un plan déterminé de recherche expérimentale. Les deux génies n’étaient pas nés pour se comprendre : de là le malentendu qui surgit entre eux, mais qui ne paraît pas avoir laissé de traces bien profondes si on en juge par le ton des lettres de Chanut à Perier en 1650[4], et par l’hommage que Pascal rend à Descartes dans un fragment qui paraît être de 1658[5].


LETTRE DE JACQUELINE PASCAL A SA SŒUR,
MADAME PERIER.


A Paris, ce mercredi 25 septembre 1647.

Ma très chere sœur[6],

J’ay différé à t’escrire parce que je voulois te mander tout au long l’entrevëue de Mr Descartes et de mon frere, et je n’eus le loisir hier de te dire que dimanche au soir Mr Habert vint icy accompagné de Mr de Monligny, de Bretagne, qui me venoit dire au deffaut de mon frere qui estoit à l’Eglise, que M. Descartes, son compatriote et intime amy, luy avoit fort tesmoigné avoir envie de voir mon frere, à cause de la grande estime qu’il avoit tousjours ouy faire de M. mon père et de luy, et que pour cet effet il l’avoit prié de venir voir s’il n’incommoderoit point mon frere, par ce qu’il sçavoit qu’il estoit malade, en venant céans le lendemain à neuf heures du matin. Quand Mr de Montigny me proposa cela, je fus assez empeschée de respondre, à cause que je sçavois qu’il a peine à se contraindre et à parler, particulièrement le matin ; neantmoins je ne crus pas à propos de le refuser, si bien que nous arrestasmes qu’il viendroit à 10 heures et demie le lendemain ; ce qu’il fit avec Mr Habert, Mr de Montigny, un jeune homme de soutane, que je ne connois pas, le fils de Mr de Montigny et 2 ou 3 autres petits garçons. Mr de Roberval, que mon frère en avoit averti, s’y trouva ; et là, aprez quelques civilités, il fut parlé de l’instrument[7] qui fut fort admiré, tandis que M. de Roberval le montroit. En suitte on se mit sur le Vuide, et M. Descartes avec un grand sérieux, comme on luy contoit une expérience et qu’on luy demanda ce qu’il croyoit qui fust entré dans la syringue, dit que c’estoit de la matière subtile ; sur quoy mon frère luy respondit ce qu’il put, et Mr de Roberval, croyant que mon frère avoit peine à parler, entreprit avec un peu de chaleur Mr Descartes, avec civilité pourtant[8], qui lui respondit avec un peu d’aigreur qu’il parleroit à mon frère tant que l’on voudroit, parce qu’il parloit avec raison, mais non pas avec luy, qui parloit avec préoccupation ; et là desus, voyant à sa montre qu’il estoit midy il se leva, parce qu’il estoit prié de diner au fauxbourg Saint Germain, et M. de Roberval aussy, si bien que Mr Descartes l’emmena dans un carrosse où ils étaient tous deux seuls, et là ils se chantèrent goguettes, mais un peu plus fort que jeu à ce que nous dit Mr de Roberval qui revint icy l’aprez dinée, où il trouva M. Dalibray[9]. J’avois oublié à te dire que Mr Descartes, fasché d’avoir este si peu céans, promit à mon frère de le venir revoir le lendemain à 8 heures. Mr Dalibray, à qui on l'avoit dit le soir, s’y voulut trouver, et fit ce qu’il put pour y mener Mr le Pailleur, que mon frère avoit prié d’avertir de sa part ; mais il fut trop paresseux pour y venir ; ils dévoient diner, M. Dalibray et luy, assez proche d’icy. Mr Descartes venoit icy en partie pour consulter le mal de mon frère, sur quoy il ne luy dit pourtant pas grand’chose ; seulement il luy conseilla de se tenir tous les jours au lit jusques à ce qu’il fust las d’y estre, et de prendre force bouillons. Ils parlèrent de bien d’autres choses, car il y fut jusques à 11 heures ; mais je ne saurois qu’en dire, car pour hier je n’y estois pas, et je ne le pus savoir, car nous fusmes embarrassez toute la journée à luy faire prendre son premier bain. Il trouva que cela luy faisoit un peu mal à la teste, mais c’est qu’il le prit trop chaud ; et je crois que la saignée au pied de dimanche au soir luy fit du bien, car lundy il parla fort toute la journée, le matin à M. Descartes, et l’aprez-dinée à M. Roberval, contre qui il disputa longtemps touchant beaucoup de choses qui appartiennent autant à la Théologie qu’à la Physique [10] ; et cependant il n’en eut point d’autre mal que de suer beaucoup la nuit et de fort peu dormir ; mais il n’en eut point les maux de teste que

j’attendois aprez cet effort. — Madame Habert[11] se porte bien à cette heure ; je crois qu’elle est hors de danger : elle revomissoit tout ce qu’elle prenoit, jusques aux bouillons…

Dis à Mr Ausoult[12] que, selon sa lettre, mon frère escrivit au P. Mersene l’autre jour pour sçavoir de luy quelles raisons Mr Descartes apportoit contre la colonne d’air, lequel fit response assez mal escrite, à cause qu’il a eu l’artère du bras droit coupée en le saignant, dont il sera peut estre estropié[13]. Je lus pourtant que ce n’estoit pas M. Descartes, car, au contraire, il la croit fort, mais par une raison que mon frère n’approuve pas[14],

mais Mr de Roberval qui estoit contre[15] ; et aussi il luy

tesmoignoit l’envie que Mr Descartes avoit de le voir, et l’instrument aussy. Mais nous prenions tout cela pour civilité….

Dis à M. Duménil[16], si tu le vois, qu’une personne qui n’est plus mathématicien, et d’autres qui ne l’ont jamais esté, baisent les mains à un qui l’est tout de nouveau. M. Ausoult t’expliquera tout cela ; je n’ay ni le temps ni la patience. Adieu, je suis, ma chère sœur, ta très humble et obéissante sœur et servante.

J. Pascal.

A Mademoiselle Perier, au logis de M. Pascal, conseiller du Roy en ses conseils, derrière les murs St Ouen, à Rouen [17].


APPENDICE

FRAGMENT INÉDIT DE ROBERVAL[18]
Bibliothèque Nationale, fonds français, nouv. acq. 5175, f° 47.

L’Évidence, — le fait avéré — la chymere.

Sans la mécanique on ne peut pas entendre la véritable raison de l’eau qui monte. Mais pour cela, [la] rebuter cette raison, et recourir à la chymere, c’est une grande foiblesse. Objections : L’adhibance devroit empescher. — Le tuyau ne tiendroit pas en l’air plus ou moins que dans l’eau. — L’huyle empesche. — Les tuyaux plus gros ou plus minces — plus longs, ou plus courts.

Contre le mouvement de parties du liquide de Descartes. — Contre la colonne d’air. — Il faut considérer le tuyau en l’air, et de l’eau dedans.

Il faut joindre toutes les causes pour la perfection d’un effet.

La raison qui fait l’adhibance dans le tuyau, semble la même que celle qui la fait au dehors et qui cause les gouttes d’eau, sinon [qu’elle] que cette raison est plus [grande] forte dans le tuyau, a cause que l’eau touche plus de superficie, la goutte s’esttendant en longeur.

Touchant les parties de la philosophie — la Logique peut surprendre et estre surprise. — La Morale est changeante, flateuse, et qui veut estre flatee : elle est souvent resmuee et ruinée par ses ennemis. — La Métaphysique est fort chymerique. La Physique est toute véritable ; mais elle est fort cachee : elle ne se descouvre aux hommes que par la vertu de ses effets : elle n’est ni flateuse ni susceptible de flaterie : les chymeres sont aneanties par son seul aspect, avec autant de facilité que [la nuit] les tenebres par la lumiere : elle n’est jamais contraire à elle mesme, quoy qu’elle produise des effets contraires, ou qui nous semblent tels. Par tout, elle est absolument invincible. On ne la peut detruire, non pas même l’alterer en la moindre chose ; quoy que les corps dans lesquels elle se rencontre puissent changer de mouvemens, de figures et d’autres accidens. D’où il s’ensuit que tous les hommes ensemble ne peuvent rien contre elle. Les uns peuvent bien par leurs artifices, la faire croire aux autres toute differente de ce qu’elle est en effet : mais mal gré leur logique captieuse, malgré les chymeres de leur creuse Metaphysique, [elle] la nature demeure tousjours telle [qu’elle est] constante en son estre veritable : et la Morale, avec toute sa flaterie, avec toute l’autorité de ses partisans, quelque nombre de vois qu’elle produise, dont elle mandie les suffrages, ne recevra qu’un affront, si elle entreprent quelque chose [à son prejudice. En fin] au prejudice de la physique. Quoy qu’elle soit aussi ancienne que le monde, elle ne vieillit jamais, car le temps n’est que son vassal : elle est tousjours vieille dans ses principes : elle est tousjours nouvelle dans ses productions, sans se soucier ni des vieilles ni des nouvelles chymeres que les visionnaires ont fait, et font encores tous les jours à son egard.

La Mathematique a toutes les belles prerogatives de la physique en ce qui est d’estre véritable, immuable, et invincible, mais elle n’est pas si cachee aux hommes : elle aime l’evidence, et elle la fait paroitre clairement et distinctement dans son objet propre, qui est la grandeur ou le nombre, pourveu que cet objet soit consideré premierement et simplement dans son estenduë, dans son unité ou dans sa multiplicité comme dans la geometrie et l’arithmetique pure et speculatifve et non dans la composition des choses materielles. Car dans cette composition la mathematique, estant fondée sur les mesmes principes que la Physique, qui sont trop cachez aux hommes, elle prend pour les fondements de son raisonnement des faits qui sont averez par une experience constante de tout temps, et sur ces fondements elle establit la Meschanique, l’Optique, l’Astronomie, la Musique et les autres sciences particulieres meslees de geometrie, d’arithmetique et de physique.


  1. Vie de M Descartes, t. II, p. 227. — Dans la première préface des Reflectiones physico-mathematicæ, septembre 1647 (page citée ci-dessous, p. 151), Descartes, puis les deux Pascal sont nommés, mais à quelques lignes de distance, et comme témoins de deux observations différentes sur les variations de la colonne mercurielle.
  2. Voir l’excellent article de Pierre Duhem, dans la Revue générale des sciences, 30 septembre 1906, p. 809 : le P. Mersenne et l’Expérience du Puy-de-Dôme.
  3. Voir, après Baillet, loc. cit., qui résume la lettre de Descartes à Mersenne et les deux lettres à Carcavi dont on trouvera le texte plus loin, p. 407-409, le Voyage du Monde de Descartes (par le P. Daniel), 1690, p. 273 : « Si cette expérience devoit porter le nom de son Auteur, on eût pu à plus juste titre l’appeler l’Expérience de Descartes.n» Cf. Montucla, Histoire des Mathématiques, t. II, 1802, p. 203 ; Bossut, Discours sur la Vie et les ouvrages de Pascal, dans l’édition de 1779, t. I, p. 23-27. — Au xixe siècle la question a été reprise par Millet, Descartes depuis 1637, 1870, p. 214, Nourrisson, Pascal physicien et philosophe, 2e édit., 1888, p. 72-145 et p. ii-xxvii (Discussion avec Ernest Havet) ; par Ravaisson, la Philosophie de Pascal, apud Revue des Deux Mondes, 15 mars 1887 ; par Joseph Bertrand, Blaise Pascal, 1891, p. 307 sqq., par Paul Tannery, Descartes physicien, Revue de Métaphysique et de Morale, 1896, p. 485-7 ; par Emile Boutroux, Pascal, 1900, p. 38-42, et par le lieutenant Perrier, apud Hatzfeld, Pascal, Paris, 1901, p. 128-134. M. Ch. Adam lui a consacré deux articles de la Revue Philosophique (déc. 1887 et janv. 1888), sous le titre Pascal et Descartes. Nous avons insisté sur ces articles dans notre Introduction ; nous y avons aussi mentionné les articles de M. Mathieu (Pascal et l’expérience du Puy-de-Dôme, Revue de Paris, avril-mai 1907 et mars-avril 1907). Cf. les appréciations fort judicieuses qu’à la suite de ces derniers articles MM. Milhaud (Revue scientifique, 22 juin 1907, p. 749) et Strowski (Histoire de Pascal, ch. VII, p. 173) ont formulées sur l’exacte portée des revendications de Descartes.
  4. Vide infra, p. 413-415 et p. 437-438.
  5. Réflexions sur l’Art de persuader, 4e édit. in-16, Hachette, 1907, p. 193. Ces Réflexions sont contemporaines de la lettre où Meré écrit à Pascal : « Descartes que vous estimez tant… » Œuvres posthumes, t. II, 1712, p. 68.
  6. Suscription et date données par Faugère, Lettres, Opuscules, etc. d’après le second recueil du père Guerrier.
  7. Vide supra, t. I, p. 308 ; cf. 296.
  8. La parenthèse de Jacqueline Pascal paraît une allusion à la crainte qu’on avait de l’humeur de Roberval, et de son hostilité à l’égard de la physique cartésienne. Crainte justifiée ce jour même, par la discussion qui se poursuivit jusque dans le carrosse de Descartes, mais qui le sera davantage encore, l’année suivante. Vide infra, p. 303-305. — Dans sa Défense de la bulle d’Alexandre VII, écrite contre Pascal, à propos de la signature du Formulaire, Arnauld fait allusion d’une façon piquante à ce trait caractéristique de Roberval, en commentant le prétendu jugement, « Le plus grand géomètre de Paris est l’homme du monde le plus désagréable dans la conversation. » Œuvres, Lausanne, 1773, tome XXII, p. 770, cité apud Jovy, Pascal inédit. 1908, p. 265.
  9. Charles-Vion Dalibray dont il a été déjà question à plusieurs reprises. Vide t. I, p. 120. On trouve dans ses Vers héroïques, p, 82, à la suite du sonnet : A monsieur Pascal le fils sur son instrument pour l’arithmétique (supra, t. I, p. 295) la pièce suivante, qui est une transposition de la paraphrase fameuse que Malherbe avait faite du Psaume CXLV (voir Michaut, Revue Latine, 25 septembre 1906).

    Au mesme sur le Vuide.
    STANCES

    Ne vivons plus, Pascal, ainsi que des Esclaves ;
    Des dépoüilles d’autruy ne faisons point les braves ;
    Escrivons, puis qu’on veut qu’enfin nous escrivions,
    Mais fuyons le sçavoir où le Pédant aspire :

    C’est un plus juste Empire
    Qu’il faut que nous suivions.


    En vain pour estre creus d’excellents personnages,
    Nous croirons les Autheurs que le commun des Sages
    Par une antique erreur fait gloire d’accueillir :
    Ce qu’ils disent n’est rien : Ils sont comme nous sommes

    Véritablement hommes,
    Et sujets à faillir.


    A t’on recours aux sens ? Ce n’est plus qu’imposture
    Que cette authorité dont la grandeur obscure
    Dans un muet respect retenoit les mortels,
    Et ces Temples percez d’une vive lumière

    N’ont qu’ordure et poussière
    Sur leurs plus saincts Autels.


    Lors se perdent ces noms, de Maistres adorables,
    De Démons du sçavoir, d’Esprits incomparables ;
    Comme on est en plein jour, on connoist leurs défauts,
    Et changent de discours tous ceux de qui la plume

    Leur donnoit par coustume
    Des Eloges trop hauts.

    De cette vérité tu nous rends une preuve,
    Ta claire expérience où le vuide se treuve,
    Nous convainc, cher Pascal, par des moyens puissans,
    Et nous fait dire à tous : Insensé qui se fie

    A la Philosophie
    Sans le secours des sens.

  10. Au rapport de Baillet, ce sera précisément pour des motifs de religion que Pascal, vers 1649, se montrera beaucoup moins empressé à l’égard de Roberval. Vie de M. Descartes, t. II, p. 381. Cf. Cousin, Roberval philosophe. Fragments de philosophie cartésienne, 1852, p. 240.
  11. Il s’agit sans doute de la mère de M. Habert. Voir pour Habert et pour les Montigny, l'Appendice du présent volume.
  12. Vide supra, t. I, p. 370.
  13. Voir la fin de la première Préface aux Reflectiones physico-mathematicæ : « Caetera vero in secundam Præfationem rejiciamus, donec Deus Opt. Max. brachii dexteri arterotomiam, quà laboro, sua benignitate curaverit. » Cf. Baillet, Vie de Descartes, II, 325 : « Ils [Descartes et l’abbé Picot] retournèrent à Paris vers le commencement de septembre ; mais, à leur arrivée, ils trouvèrent bien du désordre dans les amitiez de M. Descartes. Le Père Mersenne étoit tombé malade sur la fin du mois d’août, et son état étoit devenu encore pire par la maladresse du chirurgien qui luy avoit coupé l’artère en le saignant. »
  14. Dès 1631 Descartes avait exprimé ses opinions dans un texte aujourd’hui classique : « Pour résoudre vos difficultez, imaginez l’air comme de la laine, et l’æther qui est dans ses pores comme des tourbillons de vent qui se meuvent çà et là dans cette laine ; et pensez que ce vent, qui se joue de tous costez entre les petits fils de cette laine, empesche qu’ils ne se pressent si fort l’un contre l’autre, comme ils pourroient faire sans cela. Car ils sont tous pesans, et se pressent les uns les autres, autant que l’agitation de ce vent leur peut permettre, si bien que la laine qui est contre la terre est pressée de toute celle qui est au dessus, jusques au delà des nues, ce qui fait une grande pesanteur… Mais dans l’exemple que vous apportez du tuyau DR, fermé par le bout D par où il est attaché au plancher AB, le vif-argent que vous supposez estre dedans ne peut commencer à descendre tout à la fois, que la laine qui est vers R n’aille vers O, et celle qui est vers O n’aille vers P et vers Q, et ainsi qu’il n’enlève toute cette laine qui est en la ligne OPQ [ligne verticale menée de bas en haut], laquelle prise toute ensemble est fort pesante. Car le tuyau estant fermé par le haut, il n’y peut entrer de laine, je veux dire d’air, en la place du vif-argent, lorsqu’il descend… Et afin que vous ne vous trompiez pas, il ne faut pas croire que ce vif-argent ne puisse estre séparé du plancher par aucune force, mais seulement qu’il y faut autant de force qu’il en est besoin pour enlever tout l’air qui est de puis là jusqu’au-dessus des nuës. » (Lettre du 2 juin 1631. Ed. Adam et Tannery, t, I, p. 205.) — La lettre à Mersenne du 11 octobre 1638 (Ibid., t. II, p. 382), sur les Dialogues de Galilée est l’occasion de nouvelles explications : « P. 12. Il donne deux causes de ce que les parties d’un cors continu s’entretienent : l’une est la crainte du vuide, l’autre certaine cole ou liaison qui les tient, ce qu’il explique encore après par le vuide ; et je les croy toutes deux très fausses. Ce qu’il attribue au vuide (pag. 13) ne se doit point attribuer qu’à la pesanteur de l’air… Et (p. 17) l’observation que les pompes ne tirent point l’eau à plus de 18 brasses de hauteur ne se doit point rapporter au vuide, mais ou à la matière des pompes ou à celle de l’eau mesme qui s’escoule entre la pompe et le tuyau, plutost que de s’eslever plus haut. » Descartes complète enfin sa pensée quelques semaines plus tard : « L’eau ne demeure pas dans ces vaisseaux percez, dont on use pour arroser les jardins, crainte du vuide (car, comme vous dittes fort bien, la Matière subtile pourroit aisément entrer en sa place), mais à cause de la pesanteur de l’air : car si elle sortoit, et qu’il ne rentrast que de la Matière subtile en sa place dans le vaze, il faudroit qu’elle fist hausser tout le cors de l’air jusques à sa plus haute superficie » (Lettre à Mersenne de décembre 1638, ibid., t. II p. 465). Ces textes montrent à merveille que Descartes s’était fait l’idée la plus nette de la pression atmosphérique ; mais en même temps qu’il liait indissolublement celte idée à la notion métaphysique de la matière subtile. Voir un passage très curieux de la lettre à Mersenne, du 31 janvier 1648, infra, p. 300-300.
  15. « Il y a des causes naturelles qui s’empeschent les unes les autres ; mais les effects se font suivant la plus forte et la plus importante, comme l’eau ne monte point parce qu’elle est plus pesante que l’air ; mais, estant attirée dans une pompe, elle monte ou par la crainte du vuide ou par l’attraction, ou en general par quelque autre cause plus forte que sa pesanteur. » Les principes du debvoir et des cognoissances humaines, § 25. Manuscrit de Roberval, publié par Cousin, apud Fragments de philosophie cartésienne, 1852, p. 249. Le manuscrit est actuellement à la Bibliothèque Nationale, Nouv. acq. franc., n° 5 175 ; voir le f° 50. Dans le même recueil se trouve un fragment de notes qui exprime les mêmes idées, et que nous reproduisons en Appendice.
  16. Hallé de Monflaines, vide supra, t. I, p. 370.
  17. La maison des Pascal à Rouen se trouvait donc où est aujourd’hui la place de l’Hôtel de Ville.
  18. Comme le dit M. Mathieu (Revue de Paris, 15 avril 1906, p. 777), cette note de Roberval paraît être « le résumé de sa thèse du 23 septembre, ou l’esquisse d’une conférence dirigée contre les théories cartésiennes ».