Lettre de Chapelle à la duchesse de Bouillon

Lettre à la duchesse de Bouillon
Chapelle


LETTRE À MADAME LA DUCHESSE DE BOUILLON
En lui envoyant la pièce suivante.

Vous m’accusez obligeamment,
En tout très parfaite duchesse,
Que tard et bien négligemment
Je m’acquitte de ma promesse ;
Sur quoi, si vous demandez qu’est-ce
Qui cause ce retardement,
Il faudra bien qu’ingénument
Je vous avoue et vous confesse
Écrire faire mon tourment,
Paresse être mon élément,
Et cela sans nulle finesse :
Puisqu’à vous parler franchement,
Autre chose est, belle princesse,
Paresse, mot de compliment,
Autre chose, fine paresse,
Qui n’écrit point ou rarement,
Telle qu’a trop vu Votre Altesse
Être la mienne absolument.

Quand j’ai relu cette tirade d’adverbes en ment, j’ai trouvé qu’elle tenoit fort des commandements qu’on récite à l’église, et j’allois tout effacer, quand un meilleur génie m’a inspiré que M. de Jussac, bien loin de s’en dégoûter, ne m’en suivroit que plus volontiers. Je lui veux donc laisser la plume pour faire à Votre Altesse une dédicace en belle prose d’avant-propos de tout ce que nous avons fait depuis que nous sommes ensemble, et dont non seulement pars magna fuit, sed maxima.

Quant à moi, pour vous marquer autant que je puis, Madame, l’extrême désir que j’ai de contribuer à la réjouir par ces bagatelles de Parnasse, je ne laisserai pas, malgré ce que j’en pense, d’y joindre un méchant Hiver burlesque, que j’adressois à M. l’abbé de Chaulieu. Je croyois le lui envoyer devant qu’il fût de retour ; mais je n’ai pu trouver d’occasion, et ce sera lui-même qui en sera le porteur. Au reste Votre Altesse sait trop bien tous les beaux endroits de l’auteur1 dont j’ai pris le commencement, pour oser lui marquer. Je la prierai seulement de le vouloir lire avec toute l’indulgence que demande cette façon d’écrire.


1. Horace.