Lettre de Behanzin à M. Carnot

Texte établi par Letouzey et Ané, Letouzey et Ané (p. 79-81).

Cana-Gouméé, 12 mai 1890.
Béhanzin Anhi Jeré à M. Carnot.

« Le roi Béhanzin Anhi Jeré le salue ! Les blancs sont pour le commerce, s’ils font la guerre, ce n’est pas bon ; qu’ils fassent la paix, qu’ils gardent bien la France et ne se laissent pas tromper.

« Quand on veut parler avec roi Dahomey envoyer un officier propre de sa maison. Ils sont amis depuis longtemps et le roi Dahomey a toujours très bien traité les blancs et Jean Bayol, comme il a fait, a fait mal.

« Kotonou lui appartient ; c’est Dieu qui le lui a donné et il ne peut pas laisser le territoire pour un autre, car cela lui ferait du mal : le donner l’écrasera et voilà pourquoi il ne veut pas donner son terrain.

« Ce sont les Français qui font le commerce sur toute la côte (Whydah, Godomé, Abomé-Kalavi, Kotonou), et ce sont eux qui font la guerre. Ce n’est pas juste.

« Arrangez la paix et laissez la question de terrain. À Kotonou, ils ont (les Français) la liberté de faire tout ce qu’ils veulent ; il l’a dit à M. Jean Bayol, mais c’est Toffa[1] qui est en cause et non M. Bayol.

« Jean Bayol ici a été très malade et le Roi l’a guéri.

« Il (le Roi) a donné beaucoup de cadeaux pour M. Carnot et les offre par M. Bayol ; Carnot a-t-il reçu ?

« M. Bayol ici, le roi père malade ; le roi mort, celui-ci a fait prévenir à Kotonou, et M. Jean Bayol a profité pour bombarder Kotonou et massacrer les femmes, les enfants, les petits enfants ; a fait jeter à la mer les femmes enceintes. C’est pourquoi le Dahomey a tiré le fusil, mais il s’est défendu et n’a pas attaqué.

« C’est lui qui a mis Toffa sur le trône. Quefin a été soumis par le Dat qui a rendu à Toffa ses gens prisonniers à Gouffée ; mais Toffa, furieux, a fait massacrer les Dahoméens, résidant à Porto-Novo.

« Comme Toffa a fait tuer les Dahoméens, c’est pour cela que le père du roi a envoyé pour prendre Jibé ; Toffa, voyant que son père est mort, est très content et voilà pourquoi il a envoyé des gens pour couper tous les palmiers, et les soldats blancs ont tiré contre les Dahoméens, et les Dahoméens ne les attaquent pas.

« Maintenant encore, des beaucoup soldats dans les chemins de Porto-Novo pour couper les palmiers. Si l’on rend les otages, il fera retirer ses troupes ; sinon, il continuera à couper les palmiers.

« Rendez les otages à Kotonou qui appartiennent au roi du Dahomey et celui-ci ne dira plus rien ; j’attends, pour prendre l’amitié du roi avec la France et la maison Fabre et Régis, que M. Carnot fasse tous ses efforts pour finir cette question et amener la paix.

« Le terrain qui appartient aux Européens, le roi de Dahomey ne veut pas le prendre ; de même il ne cède pas le sien. »

  1. Roi de Porto-Novo.