Lettre d’apprentissage de J.-J. Rousseau

ORIGINAL NOTARIÉ DE LA LETTRE D’APPRENTISSAGE
DE J.-J. ROUSSEAU.

M. Théodore Grenus vient de découvrir à Genève une pièce fort curieuse : c’est l’original notarié de la lettre d’apprentissage de J. J. Rousseau. Cette pièce paraît d’autant plus remarquable, qu’elle peut servir à confirmer certaines parties des Confessions relatives aux premières années de l’auteur d’Émile.

« Du vingt-six avril mil sept cent vingt-cinq, avant midy. Établi en personne sieur Gabriel Bernard citoyen de cette ville, lequel de son bon gré baille et remet pour apprenti Jean-Jacques Rousseau, fils du sieur Isaac Rousseau, son neveu, ici présent et ainsi désirant être fait, au sieur Abel Ducommun, maître graveur, citoyen de cette dite ville, ici présent et acceptant ; et c’est pour le terme de cinq années prochaines et consécutives, à commencer le premier May prochain et à semblable jour devoir finir, pendant lequel temps ledit sieur Ducommun promet d’apprendre audit Rousseau, apprenti, sa dite profession de graveur, circonstances et dépendances dont il se mêle sans lui en rien cacher, ni céler, en tant toutefois que ledit apprenti le pourra comprendre, et demeure aussi chargé de nourrir et coucher ledit apprenti pendant ledit temps et l’élever et instruire en la crainte de Dieu et bonnes mœurs, comme il est convenable à un père de famille. Ce qui a ainsi été convenu moyennant la somme de trois cents livres argent courant de cette ville et deux louis d’or d’épingles payables en trois payemens par ledit sieur Bernard, savoir : cent livres et les deux louis d’or au premier Août prochain ; autres cent livres au premier Août mil sept cent vingt-six, et les dernières cent livres au premier Août mil sept cent vingt-sept, et outre ce, ledit sieur Bernard demeure chargé de vêtir et reblanchir ledit apprenti, de toutes choses à lui nécessaires, et demeure aussi garant de la fidélité dudit apprenti et qu’il n’absentera point le service de son dit maître sans congé et cause légitime, à peine de tous dépens, dommages et intérêts qu’à ce défaut s’en pourraient ensuivre. Ainsi convenu entre les parties qui ont promis par serment d’avoir à gré le présent acte et n’y contrevenir, à l’obligation de leurs biens présens et à venir, submissions à toutes cours, constitutions desdits biens, renonciations à tous droits contraires et autres clauses requises. Fait et prononcé audit Genève dans la maison d’habitation du dit sieur Bernard, etc. »

(Extrait des minutes de M. Jean-Jacques Choisy, notaire à Genève, volume de 1722 à 1725, folios 356 verso à 357 verso).