Lettre 841, 1680 (Sévigné)

1680

841. — DU COMTE DE BUSSY RABUTIN À MADAME DE SÉVIGNÉ.

Pendant cinq mois[1] que je fus encore à Paris, je fus tellement occupé des affaires de ma fille et des miennes, que je n’écrivis point à Mme de Sévigné, et je ne recommençai le commerce qu’à mon retour en Bourgogne.
À Bussy, ce 12e août 1680.

Je suis parti le 10e juillet de Paris, et je ne suis arrivé ici que le 2e de ce mois[2], parce que j’ai été voir ma fille de Rabutin[3] à Laon ; j’ai été à Notre-Dame-de-Liesse avec elle, et je l’ai laissée à Selles chez notre cousin de Rabutin, auprès de Reims, pour achever de faire faire l’estimation des biens de Manicamp, que le lieutenant général de Reims doit faire avec d’autres experts.

En arrivant ici avec ma fille de Coligny, elle reçut nouvelles que son fils étoit fort malade à Autun : nous y courûmes, et nous venons de le ramener en bonne santé.

Voilà, ma chère cousine, un compte exact que je vous rends de notre conduite, comme à ma bonne amie[4]. Ma fille de Coligny ne retournera à Paris qu’après Pâques pour le jugement de son affaire. Mandez-moi quand vous y retournerez, et quelles nouvelles vous avez de Mme de Grignan. Je ne vous fais point de compliment sur la prison de Monsieur votre fils[5] ; cela est si général que ce n’est pas une peine. Le marquis de Bussy[6] est à la cour. Pour moi[7], je ne sens plus mes maux : la longueur de ma disgrâce m’a rendu indifférent sur tout ce qui regarde ma fortune, et je ne songe plus qu’à bien vivre et me réjouir. Je fais travailler ici : c’est à des commodités qui manquent à ma maison, qui est d’ailleurs assez belle. Puisque Dieu l’a voulu, j’aime autant la vie douce et tranquille que je mène depuis quelques années, qu’une plus agitée : j’ai assez fait de bruit autrefois ; les uns en font au commencement, les autres à la fin de leur vie ; les uns n’en font jamais, les autres en font toujours. Tout cela est égal à la mort. Mais je m’aperçois que voici bien des moralités : qu’importe, pourvu qu’il y ait du bon sens ?

  1. Lettre 841. — 1. Cinq mois est une fausse date, qui est la conséquence nécessaire des erreurs que nous avons signalées au tome VI, p. 184, note 25, et p. 470, note 1.
  2. 2. Dans le manuscrit de la Bibliothèque impériale, on lit : « 2e août, » au lieu de « 2e de ce mois ; » à la ligne suivante : « à Liesse, » pour : « à Notre-Dame-de-Liesse. » — Bussy n’est pas d’accord avec lui-même. Dans la note 2 de la p. 508 du tome VI, extraite d’un de ses manuscrits autographes, il est dit qu’il revint à Bussy le 21 juillet.
  3. 3. Voyez tome VI, p. 517. — Notre-Dame-de-Liesse et Manicamp sont tous deux dans l’arrondissement de Laon.
  4. 4. Le manuscrit de la Bibliothèque impériale a seul la phrase suivante : « Ma fille de Coligny, etc. »
  5. 5. Voyez la fin de la lettre du 28 août suivant, p. 46.
  6. 6. Le fils aîné de Bussy.
  7. 7. La fin de la lettre, à partir d’ici, manque dans le manuscrit de la Bibliothèque impériale : la feuille où elle était écrite a été coupée.