Lettre à Armand et Henri de Pontmartin (1857-1909)/03

Eugène-Melchior de Vogüé
Lettre à Armand et Henri de Pontmartin (1857-1909)
Revue des Deux Mondes7e période, tome 8 (p. 760-793).
LETTRES
À
ARMAND ET HENRI DE PONTMARTIN [1]
(1867-1909)

III [2]


A Henri de Pontmartin


Bobrowo, par Lébédine. Gouvernement de Kharkoff.


3 juillet 1887.

Mon cher ami,

Je n’ai pas trouvé une minute en quittant Paris pour vous aviser de mon changement de résidence. Je veux pourtant que vous sachiez où me prendre cet été. Fourbissez donc vos plus beaux caractères cyrilliques, en voilà vraisemblablement pour trois mois. A l’ombre de mes peupliers de l’Ukraine, je vais faire un Joseph de Maistre promis depuis longtemps pour cette collection Hachette, si spirituellement inaugurée par J. Simon sur le dos de Cousin.

J’espère que je n’ai pas trop scandalisé les bonnes âmes, même dans le Goratat, avec mon étude sur les affaires de Rome [3]. A Paris, elle m’a servi de thermomètre pour constater avec quelle rapidité les idées se transforment ; j’avais pris mon parti d’indisposer bien des gens, j’ai vu avec étonnement un ancien ambassadeur à Rome comme Gabriac, un député breton comme Lanjuinais, venir à moi pour me complimenter et m’avouer que, sauf quelques réserves, ils étaient au fond de mon avis. Nous avons marché, depuis ces beaux jours de notre jeunesse où nos journaux imprimaient « l’Italie » entre guillemets.

Pensez, mon cher ami, que me voici réduit à la condition de Robinson, — non pas le Crusoé, mais le Suisse, car je donne des leçons à trois gamins, — retranché de la société des hommes, et que toutes les nouvelles de France seront les très bien venues, surtout les vôtres. Souvenirs respectueux à votre père et cordiale poignée de main.


Paris, 19 septembre 1887.

Mon cher ami,

Je reviens de Russie avec tout mon petit monde en bonne santé. Voilà bien longtemps que je n’ai pas de vos nouvelles ; ne me les faites pas espérer, comme on dit chez vous. Avez-vous laissé vos maux dans les piscines de Cauterets ? Répondez vite, ou je croirai que vous avez disparu dans les profondeurs bleues du lac de Gaube.

Je trouve ici une épidémie sur les immortels. Je n’ai plus le droit de me dérober aux sollicitations de mes amis. Me voici donc candidat, — avec l’auteur du même [4], — et une bonne douzaine de co-postulants. A la grâce de Dieu !...

Je n’ai pas répondu en son temps, ne sachant pas votre adresse à Cauterets, à une critique qui me tenait à cœur comme toutes celles qui viennent de vous et qui portait à faux, hélas ! Vous m’accusiez d’être injuste pour le Saint-Père si bien disposé pour nous. Malheureusement, mon cher ami, je n’ai fait qu’indiquer discrètement et diplomatiquement un écueil que je savais trop réel. Je tenais de notre ambassadeur, et une lettre de l’abbé Winterer m’avait confirmé, que le concours de la Curie était acquis à l’action germanisatrice en Alsace-Lorraine. C’est en outre sous l’inspiration de notre ami le cardinal Czacky que j’ai écrit tout ce qui a trait aux rapports de Rome avec l’Allemagne. Tout ceci bien entre nous, n’est-ce pas, et pour me laver à vos yeux du reproche de légèreté. Si vous connaissiez l’esprit de Mgr Galimberti, son action à Vienne et son crédit au Vatican, vous trouveriez peut-être que je n’ai pas frappé assez fort.

Adieu, mon cher ami, rassurez-moi sur votre santé ; toujours à vous bien cordialement.


4 décembre 1887.

Mon cher ami,

C’est du 2 qu’il fallait dater, mais l’histoire ne se répétant pas exactement, j’ai attendu la fin de la crise.

J’ai vu tomber le rideau hier soir au théâtre de Versailles. Et maintenant, mettons de côté nos préjugés de parti et avouons que ce pays est sorti à son honneur, sans rien casser, d’une formidable crise morale, où toute monarchie eût sombré inévitablement [5]. Sans doute la province aura cru, sur la foi des journaux, que nous étions livrés à toutes les horreurs des révolutions ; en réalité, les désordres de jeudi et de vendredi n’ont été que des polissonneries de gavroches, quelques poignées de cailloux jetées aux bons cipaux, quelques cris de braillards, quelques badauds contusionnés. Le vrai peuple, j’entends les cent mille ouvriers égarés qui font les révolutions et les communes, n’a pas bougé et n’aurait pas bougé, même si Ferry eût été élu. Je m’en suis enquis ; j’ai assisté dans Belleville aux réunions des possibilistes ; ils ne veulent plus se faire casser les os pour des politiciens ; autant l’un que l’autre à l’estime du parti ouvrier ; il ne descendra du Mont Aventin que si l’on touche à la forme républicaine. Si on lui laisse son fétiche, il prendra tout philosophiquement. C’est la conviction que j’ai rapportée de là...

Mon ami, je regarde en spectateur impartial et je vois l’impuissance adroite chez ces monarchistes, qui n’ont même pas su se compter sur un des leurs, ou compromettre, par un vote unanime, l’un des candidats adverses. Passe encore pour les divisions de 1873 et de 1875 ; ils étaient majorité, alors ; il y avait un gâteau à partager, une entente exigeait des sacrifices. Mais aujourd’hui, pour une manœuvre élémentaire d’opposition, ne pas pouvoir même donner au pays l’illusion de son nombre et de sa force ! La journée d’hier est, de l’aveu de tous, un effondrement pour ce parti. Au contraire, cette fois comme au 16 mai, les républicains ont su faire taire d’inexpiables rancunes, des ambitions féroces, pour donner le spectacle imposant de leur unanimité devant le péril... Quelle souplesse dans le fonctionnement de la machine, quelle aisance à dénouer une crise insoluble, à enterrer, avec quelques individus, des scandales ou des fautes qu’une monarchie paierait au prix d’une révolution ! Et comme ce peuple est redevenu par enchantement tranquille, naïvement satisfait aujourd’hui, comme chacun retourne avec soulagement à ses affaires ou à ses plaisirs ! Tout cela fait bien réfléchir, tout cela prouve que rien d’autre n’est possible aujourd’hui, puisqu’il n’y a même pas de maçon pour édifier un palais qu’il faudrait cimenter avec du sang et fonder sur du sable mouvant, sable qui supporte si bien la tente ! Buvons donc avec une résignation patriotique à la santé de l’élu de la vertu [6]. « Thane de Nolay, tu seras roi. » Qui le lui eût prédit il y a huit jours ?... Hier soir, aux Réservoirs, vainqueurs et vaincus fraternisaient, cherchant de concert le mot drôle qui finit tout en France et tous ragaillardis par un cadre qui les rajeunissait de dix-sept ans. Puis on va se remettre à parler de l’Académie, bien oubliée depuis quinze jours, et dont je vous dirai prochainement des nouvelles.


Samedi 28 janvier 1888.

Mon cher ami.

Je ne vous ai pas télégraphié jeudi, les nouvelles défavorables arrivent toujours assez tôt. Le joyeux Labiche m’a entraîné dans sa tombe. Le soir même de sa mort, un brusque courant a culbuté toutes les pièces de l’échiquier : les cinq ou ou six flottants qui devaient faire l’élection ont déclaré que, devant une place vide, on ne pouvait refuser pour la seconde fois un vieux soldat de soixante-dix-sept ans [7] et qu’il convenait de faire attendre le jeune candidat. En bonne justice, ils ont bien fait. Mes amis me sont restés fidèles avec une ténacité rare en pareil cas. Ma position a été jugée si bonne que depuis deux jours on m’envoie ambassade sur ambassade pour me décider à rester sur les rangs. Je n’ai pas pris de décision. En somme, je ne regrette pas une défaite qui, à mon âge, vaut une victoire.

Je sais toute la part que vous y aurez prise et je vous prie de ne pas vous en affliger pour moi. Je porte très allègrement ma blessure, puissé-je n’en jamais recevoir de plus profonde !

Poignée de main cordiale.


6 mars 1889.

Mon cher ami,

... Depuis des semaines, qui arrivent à faire des mois, je suis brouillé avec la correspondance, d’abord pour cause de soucis domestiques, ensuite pour cause de soucis nisardiens [8]. Des premiers je suis enfin sorti : mes trois scarlatineux ont repris la clef des rues, faute de celle des champs dont ils auraient grand besoin après une longue réclusion. Un quatrième fils Aymon, qui répond au nom de Pierre, est arrivé sur ces entrefaites : la mère et l’enfant se portent suivant la formule, ils ont heureusement échappé à la contagion.

Libéré de ce côté, j’ai été rendu aux affres d’un discours qui devrait être fait et que mon directeur me demande, car la réception aura lieu très probablement le 16 mai, jour néfaste aux entreprises. Cette fois encore, l’opinion dont vous parlez aura raison, car on ne lutte pas avec M. Rousse, passé maître en ces sortes d’exercices. Du moins, si l’on risque d’être enfoncé, on ne craint pas d’être égratigné par ce très galant homme, ce lettré de pure race [9].

Je suis dans le feu de la composition, et avec Nisard c’est dans le froid qu’il faut dire. Aussi l’almanach et la pendule sont des reproches qui marchent sans cesse devant moi ; jusqu’à ce que je les aie apaisés, je ne puis que serrer la main en hâte aux amis, même aux plus vieux.


A Armand de Pontmartin


27 juin 1889.

Mon cher maître,

Je vous dois deux remerciements pour l’accolade amicale donnée dans la Gazette, et pour l’envoi de Péchés de vieillesse. Dans ce volume, je ne trouve à critiquer que le titre. Quand on travaille ainsi à votre âge, c’est Vertus de vieillesse qu’il faudrait mettre au frontispice de ses œuvres et dans le plein sens du mot, virtus. (Pas mal pour un malheureux qu’on accuse de conspuer le latin.) Quant à moi qui n’ai point l’excuse que vous pourriez invoquer pour vous reposer, je suis opprimé, accablé, rompu par une grosse besogne, un collier que la Revue m’a mis au cou pour tout l’été. Je vous écris entre deux feuilles de mise en pages, ce qui vous fera excuser le retard de mes remercîments et la brièveté d’un entretien que j’aimerais tant à prolonger. Je voulais du moins vous dire combien je suis sensible au satisfecit que le cher maître veut bien accorder encore

A son disciple respectueux et dévoué.


A Henri de Pontmartin


Paris, 28 novembre 1889.

Mon cher ami,

Plon envoie aux Angles, suivant la coutume traditionnelle, un volume qu’il publie aujourd’hui [10].

C’est vous qui plaiderez les circonstances atténuantes pour le chapitre final ; je ne me dissimule pas qu’il mérite un bûcher en Avignon. A Paris, il ne fait que dire tout haut ce que presque tous pensent tout bas parmi ceux qui pensent bien (???). J’avais pleine liberté de le dire, ayant toujours réservé ma liberté avec un soin farouche. Si le vrai, le nôtre, celui de Goritz, était de ce monde, le cœur eût fait taire la raison, et rien n’aurait eu le pouvoir de me faire parler contre ses intérêts. Mais les autres ? Vous savez comment j’ai appris à les juger en apprenant à lire dans la bibliothèque de Gourdan. Le sang reste toujours fait du lait qu’on a sucé... Je vois les chances de salut dans la transformation de ce qui existe au profit de nos idées, je crois que cette transformation est possible en luttant pour ces idées sur le terrain de la république, et je le dis avec tous les ménagements qu’exige la courtoisie. Mais je le dis nettement. Comme d’ailleurs je ne suis pas moins net sur la chimère de 89, je m’attends à être fusillé de tous les côtés avec un ensemble touchant. J’en ai pris mon parti en écrivant ; j’ai bon des et la lutte m’amuse. J’ai sur ma table un monceau de lettres, signées par des gens de toutes conditions et de toutes nuances qui me disent : « Reviewer, vous avez raison. » Je suis convaincu qu’avant peu d’années, ces correspondants-là auront fait beaucoup de petits et qu’ils seront un joli morceau du manche à balai. Vedremo. Ceci entre nous et pour éclairer voire vieille amitié, envers laquelle je me sens toujours comptable de mes sentiments et de mes actes.


2 avril 1890.

Mon cher ami,

Je ne vous ai pas écrit avant ce jour, parce que j’avais la plume à la main pour terminer en hâte l’adieu public que je voulais adresser à votre père [11]. Mais ce qu’on dit au public, c’est de la littérature ; il ne veut ni ne peut entrer dans les replis des cœurs. En entr’ouvrant la porte aux souvenirs qui se pressaient depuis trois jours dans ma mémoire, je les ai rapportés à la figure de celui qui avait seul qualité pour occuper des lecteurs inconnus. En réalité, c’est à vous que se rapportaient ces souvenirs et c’est à travers vous que ce deuil me paraît si personnel pour moi. Un écrivain ne peut qu’envier celui qui a fait jusqu’au bout, jusqu’aux extrêmes limites de la force intellectuelle, une tâche comme celle de votre père ; sa vie et son œuvre, si intimement mêlées l’une à l’autre, étaient pleines et magnifiquement achevées. Nous ne pouvons que souhaiter pour nous-mêmes une pareille carrière, avec le repos venant doucement après la dernière heure de travail.

Mais vous ? Comment allez-vous remplir ce grand vide dans votre vie ? Je vous ai toujours soupçonné d’avoir une part discrète dans le travail paternel, d’être dans une certaine mesure le tuteur solide de cette éclatante végétation d’esprit et de poésie. N’en fùt-il rien, votre solitude était du moins peuplée par tous ces livres qui venaient porter chez le critique célèbre les idées vivantes et le mouvement contemporain. Désormais, la maison des Angles va devenir silencieuse ; ce sera comme si la source sous les marronniers tarissait tout d’un coup et cessait de faire de la vie dans le verger. Je ne puis penser sans chagrin à ce que sera cette retraite sévère pour un esprit comme le vôtre. Ne ferez-vous pas quelque effort pour rentrer dans une existence plus appropriée à vos talents en pleine force de l’âge ? Des jours approchent, à mon sens, qui vont bouleverser tout le vieux personnel politique, qui seront particulièrement favorables aux noms vierges, aux hommes de bonne volonté et d’intelligence, ignorés et libres d’attaches jusqu’ici. N’utiliserez-vous pas ce capital d’estime que vous possédez dans votre pays pour y prendre position et ensuite pour venir défendre ses intérêts sur un plus grand théâtre ? J’espère du moins que vous n’avez pas fait le serment d’Annibal contre Paris, que l’on vous y reverra une fois et que je pourrai vous convaincre en causant enfin avec vous. Mais tout cela est prématuré, je le sens bien ; vous êtes encore sous le coup de ce déchirement d’autant plus douloureux qu’il se fait plus tard après une longue association d’existence. Il était inutile de vous dire que je le ressens pour vous, avec vous ; vous en êtes très persuadé, vous sentez bien qu’après le tribut de regrets et d’hommages payé au partant, c’est à vous que ma pensée court avec sollicitude, et vous savez, cher ami, que vous pouvez à toute épreuve compter sur mon inébranlable affection.


Paris, 2 décembre 1890.

Mon cher ami.

Voici de longs mois que je suis sans nouvelles de vous et cela dans le temps même où je voudrais le plus savoir comment votre vie s’est réorganisée, après le grand vide fait par la mort dans la maison des Angles.

Je me demande bien souvent quelle peut être la cause de votre silence, et je n’en trouve qu’une : il faut que quelque chose vous ait déplu dans l’article que j’ai écrit sur votre père au Journal des Débats. Ici, ses amis en avaient été satisfaits, du moins ils m’avaient su gré de ma tentative pour protester contre l’injuste oubli qui enveloppe si vite, dans ce Paris affairé, les plus glorieux absents et les plus regrettables morts. Mais telle nuance d’idées qui échappe à l’attention des amis peut impressionner défavorablement le regard plus sensible d’un fils. Est-ce votre cas ? Pourtant, vous avez l’esprit trop large pour ne vous être point mis à ma place, dans ce premier moment où il convenait de laisser parler le cœur et non de faire acte de critique littéraire. Vous aurez compris tout ce qu’il y avait de malaisé à concilier dans le double besoin que j’éprouvais, d’une part, de donner libre cours à mes sentiments chaleureux pour l’homme, pour tout ce que l’homme représentait à mes yeux, pour vous que je voyais à travers lui, pour les chers souvenirs de notre jeunesse que sa figure dominait ; et, d’autre part, la nécessité pour moi de marquer discrètement une inévitable divergence d’idées : je ne pouvais, sans mensonge, m’approprier celles de mon ancien maître, alors que le temps, la marche des choses et la réflexion m’avaient amené à penser d’une façon toute contraire à la sienne sur la plupart des questions littéraires ou politiques. C’étaient là des conditions si difficiles pour écrire au lendemain de sa mort, que j’eusse peut-être fait plus sagement de m’abstenir ; mais je sentais avant tout le devoir impérieux de payer ma dette à lui et à vous ; je n’admettais pas que je pusse me taire, puisque je tenais une plume. Si elle n’a pas retracé l’image à votre gré, vous auriez dû me le dire franchement ; j’eusse préféré vos reproches à votre silence. Mais peut-être me trompé-je et faut-il simplement attribuer ce silence au détachement croissant où vous vous enfermez dans votre retraite. Ce ne serait certes pas un motif pour vous donner l’absolution.

En tout cas, j’ai voulu tirer le premier, à cette date fatidique où nous avions toujours coutume d’échanger un bonjour. Le 2 décembre ! Il s’enfuit bien loin comme tout le reste de ce qui a passionné notre jeunesse : on ne pense même plus à le saluer d’une bordée d’injures dans les feuilles publiques. Mais si le temps emporte les haines, ce qui est autant de gagné, lui lais- serons-nous emporter aussi facilement les amitiés ? Vous ne voudrez pas qu’il ait raison de la nôtre ? J’en serais bien triste pour ma part, c’est le point fixe dans tout ce qui a croulé de mon passé. Ce que j’ai construit depuis lors tient assez bien ; mes quatre petits garçons sont en bonne santé comme leur mère ; les deux aînés viennent de débuter en septième à Stanislas. Pour moi, j’ai tant d’occupations et d’obligations diverses sur les bras que je n’ai guère le temps de me tâter le pouls et que je trouve à grand’peine le loisir d’écrire une lettre. Je tenais à écrire celle-ci pour qu’elle aille vous souhaiter les bonnes fêtes, les bonnes calendes et vous adjurer de me répondre. Vous savez, mon cher ami, si je serai heureux d’apprendre que votre vie a repris sans trop de mélancolie, heureux de vous voir me rendre la poignée de main de jadis cordialement offerte par

Votre


2 décembre 1891.

Mon cher Henri,

Je ne veux pas laisser passer cette date sans vous adresser un témoignage de souvenir, avec mes remerciements pour le dernier volume de Samedis que la maison G. Lévy m’a fait parvenir. Je me suis tu longtemps parce que votre dernière lettre marquait un ressentiment que j’ai eu peine à comprendre. Hier, en rassemblant des articles littéraires qui vont composer un volume, j’ai relu cette étude sur votre père qui vous avait si fort déplu. Je l’ai relue à froid, après un long intervalle, en essayant de juger impartialement ce qu’il pouvait y avoir d’erreur dans ma première impression ; je n’y puis trouver qu’un témoignage d’affection pour l’homme, et, sur l’écrivain, une opinion que je devrais exprimer aujourd’hui encore sous peine de mentir à ma pensée. Néanmoins, j’ai écarté l’article du recueil que je prépare. Cela m’a un peu coûté : on veut bien me dire que j’avais été heureusement inspiré au point de vue littéraire et que je dois tenir particulièrement à cet article ; des amis fidèles de votre père, Delpit, Biré, n’y voyaient rien que de favorable pour sa mémoire. Peu importe. Puisque cet écrit vous froisse, il restera enseveli dans l’oubli du journal ; je ne le réimprimerai pas, c’est une affaire finie.

Je voudrais savoir que le temps passe sans peser trop lourdement sur les Angles, que vous êtes satisfait de votre santé et de celle de Mme de Pontmartin. Je ne sais rien de vous. Je n’ai rencontré depuis longtemps aucun de nos rares intermédiaires méridionaux ou Vivarois. Cependant j’ai passé l’été dernier deux semaines dans le Vivarais, mais au delà du Coiron, dans la région où notre monde de jadis finissait. Je suis allé boire les eaux de Vals, j’ai enfin vu tous ces sites gravés dans nos imaginations par les tailles-douces de l’Album, et que nous devions toujours parcourir ensemble. Ma pensée vous a bien souvent appelé à Vogué, à Thueyts, à Antraigues, au Pont d’Arc, au Mézenc où j’ai été déçu, car du sommet l’on ne voit pas Gourdan. Toute cette vallée de l’Ardèche est incomparable de pittoresque, d’enseignements historiques, de curiosités naturelles. Je me propose d’y retourner, d’y mener un peu plus tard mes enfants pour les intéresser à ces souvenirs de notre passé. J’en ai déjà trois demi-pensionnaires à Stanislas ; deux en sixième, un en huitième. Ce petit monde pousse en m’infligeant les tracas inévitables, mais jusqu’ici les grosses inquiétudes et les grands chagrins m’ont été épargnés ; de ce côté, je n’ai donc pas droit de me plaindre

Que vous dire de plus ? Je travaille en détail, je projette toujours de travailler en grand : mais ma vie est morcelée, dévorée par les idées, les tâches, les groupements d’hommes qui s’emparent peu à peu de quiconque manifeste quelques velléités d’action. Nous sommes dans un moment d’universelle transformation ; chacun en a le sentiment, ceux-là même qui s’en affligent, et dès qu’on croit voir une bonne volonté en quête du mieux, chacun la requiert de prêter appui à une quantité de choses naissantes. Aussi n’ai-je plus une minute pour cette opération si nécessaire qui est de ne rien faire ; et ma correspondance obligée, pratique, ne me laisse plus aucun loisir pour la correspondance de pur plaisir. Cependant le 2 décembre aurait été trop triste, mon cher Henri, si je ne vous avais pas envoyé la poignée de main toujours fidèle, quand même et quoi qu’il arrive de votre dévoué.


15 janvier 1892.

Mon cher ami,

La Revue vous apportera quelques pages sur Lamartine ; vous y retrouverez un peu de nos communes impressions d’antan. J’ai appris hier, malheureusement trop tard, par mon ami Aynard, député de Lyon et gendre de Marc Seguin, qu’il possédait une correspondance où le père Seguin témoigne que deux hommes seulement comprirent les chemins de fer : Arago et... Lamartine. C’est piquant et le témoignage vient de haut... Seguin fut un des grands esprits scientifiques de noire siècle, avec d’étonnantes intuitions sur tout, en plus de ses découvertes pratiques ; autant et plus qu’un Edison français.

Ce travail, un volume à mettre sur pied, vous le recevrez prochainement, et le courant des obligations venant au travers, tout cela a fait de moi un bien mauvais correspondant pendant la quinzaine où les gens de loisir dépensent une rame de papier à lettre. Mieux vaut tard que jamais : supposez que mes calendriers me viennent de Moscou, ce qui est vrai quelquefois, et recevez mes souhaits affectueux, mon cher ami, avec une poignée de main fidèle.


19 mars 1892.

Mon cher ami.

Je sais que vous m’aurez lu avec intérêt dans la dernière Revue puisque je ramentois, — comme il disait volontiers, — le culte d’une de nos vieilles idoles avec des idées et des sentiments qui plongent par leurs racines au plus profond de notre passé commun[12]. J’espère que ce crayon d’une partie de la figure, à défaut d’un portrait que mon cadre trop exigu ne comportait pas, vous aura paru ressemblant, et point trop indigne du modèle. Je le sens bien ainsi ; et si je me trompe, c’est l’effet de cette déformation inconsciente que nous faisons subir aux très vieux, très proches amis, à force de les attirer à nous ou, si vous préférez, à force de nous substituer à eux dans toutes les dispositions d’âme et les accidents de vie que nous nous figurons avoir partagés avec eux. Peu importe, d’ailleurs ; il me pesait depuis longtemps ; l’occasion s’étant trouvée, je l’ai éructé : Je me sens mieux !

Je vais chercher mon prochain article à Rome Je suis fatigué par mon métier de galérien ; je veux couper cette saison parisienne qui sans cela vous abat son homme entre octobre et août ; je rêve quelques matinées de repos aux thermes de Caracalla, l’article qui vient sans peine, par les yeux, tandis qu’on se vautre là au soleil sous les pariétaires fleuries. Et puis, le Moniteur de Rome me fait de telles et si gracieuses avances, que le moment est bon pour aller causer avec l’homme le plus intéressant de ce temps.

… Je pars après-demain. Je serai de retour pour la réception de Loti. Quel malheur que les Angles ne soient pas sur la route de Modane ! Je vous dirais à bientôt au lieu de vous dire adieu, mon cher ami. Cordiale poignée de mains.


Vais (Ardèche), 10 août 1892.

Mon cher ami,

Le surmenage de ces dernières semaines parisiennes ne m’a pas laissé un instant pour répondre à votre lettre. Vous aurez vu qu’à la Revue et en dehors d’elle, je ne chômais pas ; aussi n’ai-je jamais attendu avec plus d’impatience le momento où la portière du train des vacances se refermerait sur moi : j’ai vraiment besoin d’un repos réparateur. Ce moment a été retardé par la distribution des prix de Stanislas, où j’avais promis de couronner les jeunes élèves préalablement arrosés d’un laïus, et par le mariage de mon neveu Louis de Vogué. Enfin, j’ai pu m’échapper le 5 août, et je suis venu tomber à Vals comme un perdreau très poursuivi, qui se remise au plus lointain, au plus épais du fourré. J’ai amené cette fois toute ma tribu et il est probable que la plus grande partie des vacances se passera ici : je veux que les enfants s’initient aux souvenirs locaux, qu’ils se fassent le jarret et le poumon dans les montagnes, tandis que j’y referai un peu de substance grise, s’il est encore temps.

Vals est, à mon goût, la première de nos stations thermales par la beauté du site, la variété et l’intérêt des excursions dont elle est le centre ; la dernière à coup sûr pour le confort de la vie, si bien qu’une installation en famille y devient le plus ardu des problèmes. En ce moment surtout où toutes les hordes du Midi se sont abattues sur les sources, le petit bourg ne parvient pas à loger et à nourrir la foule grouillante, bruyante et alliacée qui l’envahit... Enfin, avec de la persévérance, il ne faut pas désespérer d’être un jour le Brougham de ce Cannes ou le Morny de ce Deauville, devenu un rendez-vous parisien.

En attendant, nous allons courir les volcans et les ruines. N’avez-vous point quelque prodrome de dyspepsie ? Je ne le maudirais qu’à moitié, s’il vous amenait ici. Même sans ce stimulant, vous seriez un fort honnête homme si vous faisiez un saut jusqu’au Theil et à Vogué où je serais si heureux d’aller vous prendre. Nous monterions au Mézenc, d’où on voit le Ventoux ; et, tandis que mes gamins s’exclameraient de joie, dans l’ivresse de leur première ascension, nous avalerions ensemble cette pilule toujours amère, le transport par le temps des joies et des impressions qui furent nôtres, sur cet autre sommet, à la nouvelle génération qui les retrouve ailleurs. A revoir, cher ami, si le cœur vous en dit, et cordiales poignées de main.


24 novembre 1892.

Mon cher ami,

Je vous remercie de m’avoir fait participer à ces suprêmes reliques ; il m’est doux d’y trouver encore un souvenir à mon adresse. Et vous avez répondu au vœu de beaucoup d’écrivains en faisant dresser la table générale de cette immense encyclopédie. Ce secours m’avait souvent manqué quand je voulais rafraîchir mon souvenir, vérifier une citation, puiser dans ce réservoir où j’ai tant acquis. Hélas ! s’il fallait une preuve décisive pour me faire constater la misérable usure de la mémoire, ce serait le besoin d’une table pour l’œuvre qui s’imprima le mieux dans la cire molle et vierge que je lui offris d’abord. Je pensais hier à votre père en lisant dans le Correspondant le merveilleux morceau d’Alexis de Tocqueville sur le prince-président et les hommes de 48. Comme il aurait joui du volume de Souvenirs que cet extrait nous annonce !

Voici pourtant que la vie, — et surtout la mort. — préparent déjà les matériaux de nos Souvenirs à nous, hommes d’une autre génération. Je suis rentré à Paris pour enterrer Renan, Marmier, Rousset. J’apprends ce matin la triste fin de Guillaume Guizot, ce causeur alerte, éblouissant, avec qui j’ai passé tant de bonnes heures...

Ne vous excusez pas au sujet du jeune Avignonnais dont je suis menacé. Il m’en arrive tant qu’un de plus ou de moins ne fait pas compte. Le cas ne prendrait de la gravité que s’il arrivait avec un manuscrit sous le bras ; car si je reçois tout le monde, je consigne les manuscrits chez le portier, n’ayant plus le temps de les lire. Mais tout visiteur qui se réclamera de votre parrainage sera le très bien reçu.


30 décembre 1892.

Un bonjour, mon cher ami, et des souhaits cordiaux au seuil de cette année 1893 ; elle m’a tout l’air de vouloir préparer des synchronismes qui feront la joie des historiens futurs, sinon la nôtre, à nous, contemporains.

En attendant, l’on vit ici une vie de roman-feuilleton, il semble qu’un prodigieux artiste ait fondu ensemble Nucingen, les Mystères de Paris et l’assassinat de la rue Mourgue. Mais il me revient de divers côtés qu’en province on la trouve moins bonne et que la colère du peuple monte... Je crois que nous n’aurons pas grand’peine à donner le coup de balai définitif ; mais pour quiet pour quoi ? Les locataires sortis il y a quatorze ans de la maison n’ont pas plus de chance d’y rentrer que ceux qui déménagent à cette heure. Vedremo... Les visites, les lettres, les étrennes ne me laissent pas le loisir de philosopher en ce moment. Je ne puis et ne veux que vous serrer la main et vous retourner mes vœux comme toujours ex imo corde.


30 avril 1893.

Mon cher ami,

Vous avez eu tort d’écarter la maladie du nombre de vos hypothèses : c’était la bonne qui fut mauvaise. L’influenza m’a tenu trois semaines entre mon lit et mon fauteuil ; elle m’a réduit à un degré de faiblesse et de néant cérébral que je n’aurais jamais imaginé. Et voilà pourquoi votre Revue fut muette le 15 de ce mois. Je suis remis depuis quelques jours, j’ai repris la plume et j’ai dû m’en servir d’abord pour batailler : vous trouverez dans le numéro du 1er ma réponse à M. Aulard, qui m’a trainé sur la claie à la Ligue démocratique des Ecoles. Il a été au Quartier Latin le héraut de la déclaration de guerre que la franc-maçonnerie et le radicalisme m’ont fait l’honneur de m’adresser ; avec quel atticisme, vous en jugerez, si l’on trouve en Avignon la Revue bleue du 22 avril.

Nous avons enterré hier le pauvre Mazade, qui résista moins bien que moi à la maladie régnante. C’est un gros trou à la Revue où sa succession est fort disputée. Je ne parle pas de l’Académie battue à toutes ses brèches par des légions de candidats.

Je regrette que vous teniez la petite plaquette bleue des mains du libraire et non des miennes [13]. Champion ne m’envoya que cette semaine mes exemplaires personnels et je ne croyais pas, d’après ses dires, que la chose eût été déjà mise en vente...

Je suis persécuté par les bons Vivarois : des volumes de correspondance viennent chaque jour me supplier d’accepter une candidature que l’on dit certaine du succès. Je ne me résous pas à boire le calice ; je remets toujours ma décision, espérant qu’ils se lasseront ou qu’il surgira un libérateur. Vous ne sauriez croire avec quelle douleur je vois venir à moi le maudit honneur que tant d’autres briguent.

Et il faut répondre à toutes ces lettres pleines d’un dévouement qui me touche d’autant plus que rien ne l’a justifié de ma part. Je vous quitte pour cette besogne, mon cher ami, et vous serre la main bien cordialement.


Paris, 17 juin 1893.

Mon cher ami.

Vous êtes peut-être avec moi dans Ravenne, à cette heure, et vous félicitez votre ami d’avoir trouvé quelques jours de vrai repos, un peu de replongement dans les seules choses qu’il aime vraiment. Hélas ! il en faut vite déchanter. Au moment où vous à recevrez cette lettre, vous devrez me chercher à Annonay ! Je ne puis plus reculer devant les paquets de lettres qui s’abattent chaque matin sur ma table, me faisant honte d’abandonner le pays au radical historien de la bulle Unigenitus [14]. Et j’en reçois autant du Bas-Vivarais, où l’on me presse d’aller reformer des comités qui muent, qui essayent de faire éclore le papillon constitutionnel dans la chrysalide monarchique. Il faut au moins aller remercier, serrer tant de mains tendues, porter la parole fraîche de Léon XIII et voir de quel bois est faite la croix qu’on veut charger sur mes épaules. Entre nous, je n’ai plus guère l’espoir de m’y dérober, ils sont trop tenaces dans leur volonté de bœuf à Saint-Agrève.

Je pars demain pour La Faurie, où je trouverai la seule hospitalité qui puisse sauver ce qu’il y a de pénible dans ce retour de l’Enfant prodigue. Vous sentez l’angoisse de cœur avec laquelle je vais affronter les émotions rétrospectives et la cruelle besogne du présent. Et dire qu’il y aura des imbéciles pour croire que l’ambition me fait saisir ce calice !

Je devrai refaire avec les autres voies douloureuses « le petit chemin de La Mûre. « Je ne sais même pas par qui La Mûre est habitée à cette heure. Je n’ai pas besoin de vous dire que vous cheminerez sur cette route à mes côtés. Le sentiment d’un devoir à remplir envers nos gens me soutiendra seul au milieu des épreuves que je vais chercher, alors que je pourrais rester si tranquillement dans l’otium cum dignitate de la coupole parisienne.

Elle est loin, l’oasis d’au delà des monts, et il faut refermer ce Dante que j’ai assez pioché pour rendre des points à Léopold. Je me le remémorerai assez dans la forêt obscure, sauvage, où la droite voie est toujours perdue, et quand il faudra vérifier à Gourdan


Com’è duro calle
Lo scender e l’salir per l’altrui scale.


A revoir, mon cher ami. Je n’ai pas voulu vous laisser ignorer ce nouveau tournant de la route. Vous pouvez me répondre à La Faurie. Dans une semaine je serai fixé.

Toujours bien à vous.

Chambre des Députés.


1er décembre 1894.

Mon cher ami,

Un vieux bonjour du 2 décembre en montant dans le train ; vous le recevrez, tandis que je parlerai demain à Lyon, où l’Alliance française me demande une conférence, et où je vais reprendre des idées exposées à la tribune ; mais h. la tribune on ne reçoit pas de prix d’encouragement, surtout quand on manque d’égards à la sacro-sainte routine administrative du peuple franc. J’ai eu mon jour de bataille, et je n’aurai sans doute que des journées dans ce genre, dans une Chambre où je me sens pierre de scandale. Vous retrouverez ma thèse dans la Revue de ce mois [15]. Tout cela fait beaucoup de choses, beaucoup de travail et de fatigues ; je suis sur les dents comme une bête de meute depuis quinze jours, et la correspondance est bannie du programme de mes plaisirs.

J’ai voulu pourtant vous serrer la main à cette date ; je pense à vous quand je bois du « Camp de César, » devenu l’ordinaire de la maison ; le Rhône que je toucherai demain vous descendra le reste. J’irai passer vingt-quatre heures à Annonay ; puis, à la besogne de nouveau, et au budget !

Cordialement à vous.


Paris, 1er décembre 1896.

Mon cher ami.

Je me reproche depuis longtemps de ne pas solliciter les nouvelles de votre santé que vous ne me donnez point. Accusez le poids de travail que chaque matin ramène et qui me force à procrastiner toute correspondance, sauf cette lèpre des correspondances électorales.

Je veux pourtant me souvenir que ces dates nous mettaient la plume à la main autrefois ; quand la brume dont novembre inonde le ciel bleu était encore bien loin sur notre horizon, quand paraissait encore près ce 2 décembre aujourd’hui oublié, absous, regretté tout bas par plus d’un.

Et j’ai un autre motif pour ne pas remettre. Je dois vous présenter l’enfant qui naît aujourd’hui et vous arrivera demain. Je ne sais si cette tentative vous surprendra ; je m’étais toujours promis d’aborder « le genre » auquel je me croyais le plus appelé par mon tour d’esprit et d’imagination. Les circonstances, les besognes autres et forcées m’ont arrêté longtemps, la vie à différer s’est passée ; j’y viens peut-être trop tard ; j’y viens pourtant avec l’impérieux besoin de créer un organisme vivant, peut-être apte à survivre, et de ne pas disparaître misérablement sous la poussière inutile de cent articles de critique. Puisse le souvenir du Bédouin vous rendre indulgent aux défauts de conformation de Jean d’Agrève ! [16] Je me serais fait un reproche amer si j’eusse pu oublier de le présenter, tout d’abord, au vieux et cher témoin de ma vie, de mes travaux.

Veuillez me rappeler à Mme de Pontmartin. Dites-moi comment se comporte la machine physique dont vous n’étiez guère content, et croyez toujours à la fidèle affection, à défaut de régularité, que je mets dans ma poignée de main.

Votre ami.


Costebelle, Hyères, 30 décembre 1895.

Recevez souvenirs et vœux, mon cher ami. Je suis terré ici dans la solitude pour achever mon travail. J’ai dû renoncer à passer les fêtes près de mes enfants, au moment où tout conspire à Paris contre la liberté du travail ; sous peine de porter à Brunetière le coup qui faillit tuer Buloz quand Sandeau se déclara hors d’état de livrer pour le numéro la partie attendue de la Maison de Penarvan, et qu’il fallut mettre une note ! J’espère éviter cette extrémité, mais vous comprendrez que je me borne à vous serrer les mains avec ma vieille et fidèle affection.

Je rentrerai à Paris le 3 ou le 4 janvier.


1er juillet 1897.

Mon cher ami,

Je suis tout à votre service et n’y ai pas de mérite cette fois, la chose est trop simple. Les concours de 1897 sont terminés, les gagnants à cette loterie du bien classés depuis un mois. Il ne peut donc être fait de propositions que pour 1898. Le dossier de votre servante doit être envoyé directement à Pingard ; il n’est pas d’usage que les membres de l’Académie fassent directement une présentation. Mais je vous prie de m’envoyer une note de quelques lignes résumant les titres d’Emilie Aubert. Le moment venu, c’est-à-dire en mars prochain, j’interviendrai près des commissaires, si je ne suis pas du nombre. Nota bene : il sera bon de me rappeler à ce moment-là Emilie Aubert, car la mémoire est une faculté qui oublie, et les fiches de cette nature, toujours assez nombreuses dans mes tiroirs, sont sujettes à y rester. Donc un mot de rappel en mars 1898, si nous sommes tous deux de ce monde ; toute démarche que je ferais avant cette époque serait parfaitement inutile, oubliée elle aussi par celui ou ceux près de qui je la ferais.

Vous allez donc remplacer la Savoie par les Vosges ? Plombières, je suppose. C’est vrai que nous sommes du temps lointain où Plombières guérissait souverainement. Puissiez-vous y trouver soulagement à vos incommodités ! Pour moi, je m’acheminerai vers les Gauds au 1er août [17]. Serai-je aux fêtes d’Orange ? Je ne sais encore, le réfrigérant officiel me fait hésiter ; et si vous partez prochainement pour les eaux, notre malchance habituelle rendra vaine cette tentative de rapprochement en Avignon.

Fixez-moi d’un mot sur ce point, et croyez, mon cher ami, à la fidélité des vieux sentiments de votre

Chambre des Députés.


15 mars 1898.

Mon cher ami,

Un mot pour vous remercier. Il a tardé et ce n’est qu’un mot parce que je viens seulement aujourd’hui de couper le cordon ombilical de mon Hanotaux [18] : je n’étais pas précisément en avance, comme vous le voyez, puisque l’enfant doit être ondoyé en commission après-demain. Et par là-dessus une liquidation électorale. Oui, j’ai rendu mon tablier. Mon seul regret est de chagriner nos braves paysans. Pour tout le reste, quel soulagement ! L’exercice de ce métier, tel que nos mauvaises mœurs l’ont fait, m’est apparu radicalement incompatible avec celui que je fais depuis vingt-cinq ans, que j’aime, qui m’est nécessaire. Me blâmerez-vous de vouloir encore écrire quelques livres au lieu de solliciter quelques bureaux de tabac ?...

Je voudrais vous savoir mieux portant et que vous me le disiez à un prochain arrêt en Avignon. Ce serait une vraie joie, mon cher ami, de vous serrer la main.


Combourg (Ille-et-Vilaine), 8 août 1898.

Mon cher ami,

Je me reprocherais de quitter ce lieu sans vous adresser un mot de souvenir. Tout ici me reporte à nos enthousiasmes de la vingtième année, et nul ne comprendrait comme vous ce que je ressens à Combourg. Après avoir présidé hier aux très belles et très touchantes cérémonies de Saint-Malo, — vous trouverez dans le Temps de dimanche les paroles dites au Grand-Bé [19], — je suis venu passer vingt-quatre heures chez Mme de Chateaubriand. Les restaurations matérielles n’ont pas fait fuir le genius loci ; le vent souffle comme de son temps dans la tour de l’Ouest, et surtout le triste horizon des bois n’a pas changé. La lune se lève encore ce soir sur il la cime indéterminée des forêts. » A l’intérieur, on a seulement divisé par une cloison la grande salle où la robe de ratine blanche du géniteur disparaissait dans les ténèbres. Il me semble que je me retrouve chez moi, tant chaque détail m’est familier. Ne savions-nous pas par cœur ces chapitres ? Voici le Mail et le grand étang. D’ailleurs, n’eussent-ils pas été touchés par la baguette du magicien, les murs et les tours de Combourg seraient la plus grandiose apparition du monde féodal que je connaisse.

Donnez de vos nouvelles. Je veux espérer que vos maux vous laissent du répit ; et trouvez ici la pensée fidèle

de Votre


15, rue Las Cases, 11 novembre 1899.

Mon cher ami,

Je ne veux pas passer à votre porte, allant, comme jadis, prendre la mer, sans vous jeter le cordial bonjour [20]. Je ne puis m’arrêter, engrené que je suis dans une caravane qui va s’embarquer tout à l’heure ; mais au retour, vers le 2 décembre, avant de remonter, j’espère vous serrer la main. Je devrai alors m’arrêter à Arles, je vous ferai signe, et je serai heureux, croyez-le, de resceller la vieille amitié.


Metz, 23 mars 1900

Mon cher ami,

Une lettre de ma femme m’apprend la mort de M. de Lestrange, trop tard pour que j’aie pu me rendre aux obsèques où un télégramme m’appelait... Voilà donc le vieux seigneur parti, après Alphonse du Peloux ; mon père, je le vois à des signes trop certains, ne tardera pas à suivre ses contemporains. C’est l’arrière-plan de nos vies qui se vide et s’enténèbre. Votre pensée se sera arrêtée avec mélancolie, comme la mienne, sur la tombe du vieux marquis : elles se sont retrouvées là dans un sentiment commun. Il s’inscrit pour moi, à cette heure, dans un deuil plus vaste et plus farouche, celui de la pauvre ville lugubre où chaque pierre sue la tristesse. J’étais allé visiter mon jeune bursch Raymond à Heidelberg, où le futur chartiste suit quelques cours de l’Université et se trempe dans la science allemande. Nous avons fait ensemble une petite tournée aux vieilles villes impériales, Worms et Spire, puis un pèlerinage aux villes captives, Strasbourg et Metz. Strasbourg, riche, vivante, est moins morne que sa sœur lorraine ! Metz est navrante, morte sous les pieds d’innombrables soldats, violée d’hier, semble-t-il. Elle n’a point participé au colossal développement industriel qui éclate aux yeux dans toute la vallée du Rhin ; l’Allemand, si accueillant et si empressé pour le Français partout ailleurs, garde ici sa physionomie de conquérant dur et défiant. Nous allons visiter, chez mes amis Wendel, les grandes usines d’Hayange ; je rentrerai dans quarante-huit heures à Paris.

A revoir, mon cher ami. J’ai voulu vous serrer la main à l’ombre du vieil arbre que nous n’apercevrons plus au fond de la perspective où nous avions coutume de reporter nos regards.

Je le fais bien affectueusement.


1er décembre 1901.

Mon cher ami,

Demain le cinquantenaire de cette date où nous avions coutume de rapprocher nos pensées, alors qu’elle était relativement si proche. Je ne prévoyais pas alors que « l’opération de police[21] » me vaudrait un jour les honneurs du pilori, qu’elle serait mon « Cœur léger » ou mon « Ordre moral. » Demain les Noces d’or, en attendant le centenaire de février prochain, où ce siècle à son tour aura deux ans ! On veut, paraît-il, fêter ce centenaire en ressuscitant les Burgraves ; est-ce pour nous faire souvenir que nous approchons des années de Magnus ? Il n’y a pas d’injure, si ce rappel avertit l’écrivain qu’il doit faire les journées doubles pour achever sa petite pyramide. Mon année de travail a été dure avec les deux colliers mensuels de la Revue et du Gaulois, sans compter les extras. L’an prochain, j’interromprai mes exercices à la Revue pour perpétrer un roman ; Brunetière me le demande et je sens la nécessité de me détendre avec un labeur de plus longue haleine, mais qui n’impose pas cette angoissante recherche du sujet, tourment perpétuel de l’esprit…

Les heures fuient et nous entraînent, comme disait le mélancolieux enfant d’Apolline de Bedée. C’est une raison de les défier au moins sur un des rares pans de mur qui demeurent debout parmi les ruines qu’elles font : sur celui où notre amitié s’accroche. C’est pourquoi je vous serre la main au 2 décembre en vous demandant des nouvelles de votre santé ; bonnes et rassurantes comme le veut l’affection de votre vieux « frère mineur. »


30 décembre 1901.

Mon cher ami,

Les souhaits qu’on fait à nos âges doivent être modérés. Ecoutons le conseil du fabuliste, ne soyons pas de ceux qui souhaitent toujours et perdent en chimères le temps qu’ils feraient mieux de mettre à leurs affaires.

D’autant plus qu’il ne nous reste guère de temps à y mettre ! Je souhaite, du moins, que ce temps vous soit paisible et bon, exempt de fâcheuses incommodités. J’arrive au bout de mon année un peu las, un peu vidé ; un article par mois à la Revue, un articulet au Gaulois, sur des sujets très différents, c’est une gymnastique fatigante ; je ne me sens pas la force de renouveler pendant douze mois cette gageure d’invention et de rédaction, au moins en ce qui concerne la Revue, où les traditions exigent et où nous exigeons de nous-mêmes un travail plus fini. Aussi ai-je promis à Brunetière un roman [22]. Entre une bonne fluxion de poitrine et douze gros rhumes, je choisis le premier mal.

A la fin de janvier, j’irai voir en Camargue s’il y a espoir de récolter dans ce pays autre chose que. des fragments de crucifix brisés. Je compte bien me ménager une relâche de quelques heures aux Angles. Je remets à ce moment des bavardages que m’interdit aujourd’hui l’obligation d’écrire vingt lettres : mais puisque ce plagiaire de jeune siècle, qui ne nous promet pourtant ni Rome, ni Sparte, aura deux ans lui aussi dans deux jours, je veux que vous trouviez ici, pour Mme de Pontmartin et pour vous, le fidèle et affectueux souvenir de votre


Paris, 30 novembre 1902.

Mon cher ami,

Ceci n’est point pour maudire, selon l’ancien rite, l’opération de police du 2 décembre. Nous serions, je le crois bien, les seuls Français qui persistassent dans ce sentiment original. Mais un autre sentiment où je persiste me fait désirer de savoir comment vous traite la vie, et si elle ne vous maltraite pas trop. Il y a vraiment un siècle que j’ignore tout de vous. Je n’ai fait en Camargue qu’une apparition d’un jour entre deux rapides ; la combinaison de trains qui me permettait de regagner le Cher où j’allais chasser, en septembre, ne m’a pas concédé l’arrêt que je m’étais promis à Avignon. Présentement, je suis cloitré, — le dernier moine qu’on aura connu sur le territoire de la République ; — je sue sang et eau pour achever un roman promis à Brunetière fin janvier.

Et vous ? Il y a tout au moins un autre moine aux Angles, me répondrez-vous. Mais je serai renseigné à mon gré, si vous pouvez me donner un bon certificat touchant votre santé et celle de Mme de Pontmartin. Chez moi, les médecins ne s’enrichissent pas, grâce à Dieu...

Je compte un peu sur votre mémoire impeccable pour m’aider à deviner les énigmes que la Revue Bleue propose aux Vivarois. La dite Revue publie depuis un mois d’adorables lettres à Chateaubriand, écrites de 1827 à 1829, par une inconnue passionnée, une Marquise de V. qui rêvait du grand homme dans son ermitage de la vallée de l’Eyrieux, entre Beauchastel et La Voulte. D’après Brunetière, ce serait la Marquise de Vichet (?), mariée à 13 ans à un émigré, inspecteur des douanes à Toulouse sous l’Empire. Ses lettres sont exquises, de tout point supérieures aux réponses de René qui fait montre de sa vieille coquetterie habituelle et cherche une aventure piquante. Si Mme Récamier lit la Revue Bleue, elle doit être défrisée ; elle ne régnait pas seule en 1828 et la Vivaroise avait de l’esprit et du cœur à lui en revendre. Dans une allusion discrète à ses malheurs domestiques, elle les dit tout pareils à ceux de la Marquise de Ganges, « de qui les infortunes sont connues de tout le monde dans le Languedoc. » Et Chateaubriand répond : « La Marquise de Ganges ! Est-il possible ? Je n’ose le croire. » — Votre érudition irait-elle jusqu’à savoir qui fut cette Mme de Ganges, et quels furent ses malheurs, légendaires pour nos grands-pères ? Si vous me débrouillez un peu les histoires de toutes ces dames, vous ferez, une fois de plus, mon admiration. — Mme de Vichet (?) était très liée avec Hyde de Neuville, bien qu’elle ne fût pas allée à Paris depuis 1816.

Mieux vaut parler de cet aimable passé que de se lamenter sur le temps présent. Dans quelle combe roulerons-nous encore l’an qui vient ? Beau thème à vaticiner, si mon travail ne me faisait pas souvenir qu’il faut cultiver son jardin. Adieu, mon cher ami, je souhaite qu’il y ait encore quelques fleurs dans le vôtre, pour vous et pour Mme de Pontmartin.


7 février 1903.

Mon cher ami,

Si j’attendais pour vous remercier d’avoir signé le dernier bon à tirer au Maître de la mer [23], mon remerciement serait bien tardif. Suivant ma déplorable habitude, je me suis laissé gagner par le temps : cette fois encore, j’écrirai mes derniers chapitres quand paraîtront les avant-derniers ; et pourtant je travaille comme un forçat nuit et jour. — Non, je ne veux pas attendre pour vous dire, — avec mon admiration accoutumée devant les prodiges de la plus impeccable mémoire de France, — notre gratitude émue pour votre délicate pensée. Merci, et vœux sincères pour que vous et Mme de Pontmartin fêtiez paisiblement le même anniversaire [24].


24 décembre 1903.

Mon cher ami,

Que ceci porte mes souhaits de bonne fête dans la paix des Angles, à vous, à Mme de Pontmartin. Je me voudrais dans ce refuge durant ces jours où l’on devient à Paris un cheval de fiacre ahuri par les plus sottes corvées. J’espère du moins qu’une descente dans le Midi me ramènera, pour quelques heures, sous votre toit, cet hiver ; en novembre, j’ai fait une pointe en Camargue ; mais si précipitée, si exclusivement consacrée aux affaires, que je n’ai pu m’arrêter à Avignon. J’avais pourtant rencontré à Giraud votre aimable voisine, Mme V., et lui avais promis d’aller revoir, sous ses auspices, la Chartreuse de Villeneuve : je ferai quelque jour honneur à ma promesse et me partagerai entre les Angles et Pierrelante. — Pour le quart d’heure, il faut se remettre au travail. — Le succès du Maître de la mer m’y encourage : vingt éditions réelles en moins de trois mois, c’est un signe des temps ; le public accepte, il demande aujourd’hui du roman d’idées ; on peut l’emmener sur des routes lointaines et peu frayées...


28 février 1904.

Mon cher ami.

Je ne vous ai pas encore remercié de votre envoi : je voulais d’abord en prendre connaissance. C’est fait : j’ai lu le gros volume de la première à la dernière ligne comme un roman, le roman de ma jeunesse et de mes plus vifs souvenirs [25]. Le bon Biré ne m’apprenait pas grand’chose ; chaque nom, chaque épisode était gravé dans ma mémoire, déposé tout au fond, depuis longtemps, par les conversations de votre père ou par les vôtres, par les lectures faites à l’âge où l’on emmagasine pour toujours. Mais quelle douceur mélancolique de les voir revenir ces premières lignes pâlies du palimpseste que la vie surcharge sans cesse ! Quel intérêt dans le rappel du moindre fait, quand il a pour cadre les Angles, la Mûre ! Biré m’a cependant appris, — je l’ignorais, — que vous aviez des racines adventices en Ukraine, et qu’avec d’autres arrangements du sort, nous aurions pu nous rencontrer là. Et il m’a révélé une lettre de Louis Veuillot à votre père, après la mort de sa fille, qui est une des plus belles choses qu’on ait écrites dans notre langue.

Vous devez être satisfait de cette biographie exacte, sympathique, un peu diffuse, — c’est toujours le défaut de Biré. Mais il a assemblé d’excellents matériaux : le jour viendra où une plume plus alerte en dégagera les traits définitifs de la figure, pour un des petits volumes de la Collection des écrivains français. C’est encore trop tôt : un recul d’une trentaine d’années, il ne faut pas moins pour la mise au point de ces médaillons littéraires, exceptions faites pour l’énorme Hugo et pour le toujours frétillant petit Thiers. Je crois bien que Gautier est le dernier des purs écrivains qui ait pris place dans la Collection.

Mais ceci est le point de vue « public. » Pour mon goût particulier, Biré est encore trop succinct ; il aurait pu nous donner plusieurs volumes et je les aurais lus avec passion durant plusieurs nuits : car ces nuits auraient été pour moi ce que furent les deux dernières, de longs et délicieux retours à l’aurore !

Merci donc et bien à vous.


13 avril 1904.

Mon cher ami,

Je trouve ici votre mot en revenant d’une excursion en Sicile. Je suis allé découvrir Syracuse et Girgenti, chercher un cadre pour mon prochain roman [26]. J’ai salué de loin les Angles en descendant le mois dernier, jusqu’à ma première étape, chez le confrère et ami en mal de Divorce [27]. J’espérais m’arrêter chez vous au retour : mais on m’a retenu à Rome, et Vorario m’a démontré que le Mont Cenis était la seule voie de rapatriement pratique. Partie remise à la prochaine tournée en Camargue.

Faites agréer mes respectueux hommages à Mme de Pontmartin et sachez-moi, cher ami, toujours bien vôtre.


20 novembre 1904.

Cher ami.

Est-il bien possible que je ne vous aie pas écrit depuis le solstice de juin ? Cela prouverait que le temps file comme une Mors ou une Renaud avec du 120 à l’heure, et que l’on n’a même plus la mesure de sa fuite éperdue dans celui où nous vivons. Vous ne trouverez pas déplacé ce langage de chauffeur, si je vous dis que le vieux confrère, chef de nom et d’armes, vient de courir les routes du Vivarais en automobile, comme un jeune homme [28]. — Son fils Robert, grand mécanicien devant le Seigneur, l’a fait dévaler sur les pentes du Goiron, grimper à Roche-Colombe, à l’auberge de Peyrebelle, à Thueyts, où un riche butin fut recueilli chez M. de Montravel, butin de vieux papiers, l’archéologue s’occupant exclusivement, à cette heure, de travaux semblables à ceux qui absorbaient chaque matin, de cinq heures à midi, le comte René de Chateaubriand. Quant à moi, j’essaye de tirer Claire des limbes où elle se dérobe à mes étreintes :


Per frustra comprensa manus effugit imago.


Notre été s’est passé fort tranquillement, en Suisse, sur les bords du Léman ; pendant un mois à Champel où je faisais masser et doucher, en souvenir de Taine, une sciatique dont j’ai reçu cette année la seconde visite. Vous savez peut-être que je me suis lâchement dérobé à l’aimable invitation des pétrarquistes vauclusiens ; ils m’avaient prié de représenter l’Académie à leurs fêtes ; j’ai craint qu’il ne fallût subir trop de banquets, entendre et perpétrer trop de discours, à un moment où le thermomètre déraisonnait. Présentement la vie de l’atelier parisien a repris dans l’ordre accoutumé...

Vous ne me parlez pas de votre santé, donc elle est bonne. Je voudrais savoir qu’il en va de même pour Mme de Pontmartin. Qu’elle veuille bien trouver ici mes hommages et vous, mon cher ami, la répétition du vieux refrain très amical.


30 décembre 1904.

Qu’elle entre et passe dans votre maison d’un pied léger, cher ami, qu’elle y maintienne paix et santé, la visiteuse masquée dont les mains vont toucher notre épaule pour l’incliner un peu plus ! Puissent mes souhaits conjurer l’hostilité énigmatique qu’on croit toujours apercevoir dans le premier sourire de ces passantes !


30 décembre 1905.

Mon cher ami,

Trouvez ici, pour Mme de Pontmartin et pour vous, les souhaits de l’an nouveau. Celui que je me fais est de repasser, en 1906, le seuil des Angles. Puisse le Tempus edax vous oublier tous les deux dans le paisible abri sous la montagne. Il est au moins une chose sur laquelle ce rongeur ne peut pas mordre : la vieille amitié qui ramène à cette heure, vers votre toit, ma pensée et mes vœux.


6 février 1906.

Eh quoi ! cher ami, vous croyez encore aux choses imprimées dans les journaux !... La vérité est que seul le jeune Pierre [29] s’est battu comme un lion, lui et une poignée de ses camarades du Lycée Louis-le-Grand, paroissiens d’aventure [30]. Ces gamins ont tenu tête deux heures à la troupe ; d’abord derrière les grilles, d’où ils enlevaient quatre fusils aux gardes républicains ; puis derrière leur barricade de chaises ; enfin dans le triforium d’où ils bombardaient la police avec les dernières chaises valides. Le lendemain ils recommençaient à Saint-Pierre du Gros-Caillou, avec mille exploits ingénieux, qui ont dû faire pâmer d’aise les mânes de Gavroche. La mentalité de ces lycéens est exactement celle de leur illustre ancêtre de la barricade de la rue de la Chanvrerie : même volupté divine dans l’action de « cogner sur les flics ; » même bravoure, même science innée de la barricade, même indifférence aux coups. — « Pas d’injures ! des coups ! » clamait Pierre dans la nef de Sainte-Clotilde en dirigeant sa garnison. Vous serez peut-être surpris d’apprendre ce que je constate chaque jour : les lycéens d’aujourd’hui (Henri IV, Condorcet, Janson, Louis-le-Grand à la presque unanimité) professent pour le gouvernement de la République les sentiments que le fils de Thénardier professait pour le gouvernement de Charles X. Et ils ne le lui envoient pas dire. Les nouveaux Gavroches conspuent la police, ce qui est la loi essentielle ; mais ils saluent les curés depuis qu’ils sentent la police contre les curés. En ce moment, les lycéens complotent de monter en colonne d’assaut à Montmartre, pour y déboulonner la statue de l’infortuné chevalier de la Barre : histoire d’embêter les apaches, ces frères naturels qui sont des frères ennemis, puisqu’ils sont avec le gouvernement. Voilà toute la philosophie de ces défenseurs de la Foi. « C’est l’âme de la vieille Gaule, » assurait le père Hugo. Réjouissons-nous donc de cette combativité : elle fera de ces enfants, pour la plus grande stupeur de MM. Jaurès et Hervé, de magnifiques soldats. D’après tout ce que je puis observer, nulle génération de petits Gaulois n’a été plus belliqueuse, plus froidement enragée pour les actions guerrières.

Mais il faut penser autrement, quand on n’a plus dix-sept ans, et donner raison au sage lyonnais [31]. Ce tapage est idiot, j’en conviens avec lui, avec vous. Et pourtant ... toute la longue histoire nous crie qu’une minorité opprimée ne rappelle ses oppresseurs au respect qu’en administrant, — même hors de propos, même sur un mauvais terrain, — quelques-uns de ces coups que les gens raisonnables rougiraient de donner aux braves subordonnés de M. Lépine.

Douloureux problème que je livre à vos méditations, cher ami, en vous serrant la main,


8 juillet 1906.

Mon cher ami,

Oui, c’est une grande perte [32]. Gaston Paris, Heredia, Sorel, je les vois tous partir avant l’heure, ces filleuls académiques, mes aînés à peine, que j’avais été si fier d’amener sur nos bancs, et qui étaient là mes plus chers proches intellectuels. Avertissement des ombres du soir qui se font épaisses.

Vous ne me dites heureusement rien de fâcheux sur votre santé ni sur celle de Mme de Pontmartin. Donc aucun exode estival vers des sources moins tranquilles que celle des marronniers. De mon côté, je remuerai peu, ma femme est depuis huit jours à Wiesbaden, je suis commis à la garde du jeune Pierre en instance de baccalauréat, et que la Sorbonne lâchera seulement dans les premiers jours d’août. Nous irons alors rejoindre sa mère à Schlangenbad, pour trois ou quatre semaines, et je serai rappelé à Paris, dès le début de septembre, par un travail d’Hercule : un déménagement !

Nous quittons la rue Las-Cases où les murs trop étroits craquaient sous la poussée des enfants devenus hommes et des livres devenus légion. Il s’en faut de bien peu que je n’aie achevé un quart de siècle dans ce pauvre logis. J’en ai trouvé un plus vaste à proximité, rue de Varenne, au 55, le petit hôtel du duc de Lévis Mirepoix, jouxtant le grand hôtel Galliera-Autriche. Un vieux jardin très tentant, mitoyen de celui d’Autriche, a fixé mon choix. Je pourrai enfin loger livres et garçons à partir du 15 septembre. Mais cette opération cyclopéenne, le changement de coquille, ne va pas sans beaucoup d’affairement et de tracas. Et ce court voyage en interdit d’autres. Je compte pourtant sur quelque descente obligatoire en Camargue pour vous serrer la main et resserrer aux Angles le lien semi-séculaire, solide et affectueux.


55, rue de Varenne, mercredi 12 décembre 1906.

Mon cher ami,

Je savais que vous compatiriez à mon grand chagrin, je vous remercie pour la marque sensible de cette compassion que vous me donnez. Oui, c’est le plus proche, le plus sûr des compagnons rencontrés sur la route littéraire qui s’en va [33], après Sorel conduit naguère dans cette même église Notre-Dame des Champs, dans ce même cimetière Montparnasse d’où je sors. Je n’avais plus d’espoir depuis quelques mois ; il ne restait, pour ainsi dire, rien de ce corps dévoré par la phtisie, spiritualisé au point que ses vêtements flottaient littéralement autour d’une ombre sur le lit de mort où il reposait avant-hier, — rien qu’un cerveau toujours en ébullition, un labeur magnifique jusqu’au dernier jour. — Au vide qu’il laisse on voit la place que tenait ce chétif athlète. Brèche irréparable dans l’intelligence française et dans l’intelligence catholique, dans le cœur de ses amis, dans la vieille maison de la Revue… On m’offre la direction de cette maison : je refuse ; trop lourde responsabilité et trop lourde chaîne qui m’interdirait, avant l’heure, les joies de la création littéraire. Ce sera très probablement F. Charmes qui continuera la tâche, sans sortir du sillon tracé…

Merci encore et amitiés de par delà celles qui se nouèrent plus tard et se dénouèrent.


1er janvier 1907.

Souvenirs et souhaits au passage du pont, mon cher ami. Je vous les adresse en hâte, empêtré que je suis dans la confection d’un discours dont j’ose à peine croire qu’il sera prêt à l’heure voulue[34]. La mort de Brunetière a détourné, paralysé ma plume. Mais si je ne suis pas exact au rendez-vous académique, je veux l’être à ceux où nous nous retournons pour compter les bornes kilométriques, — votre manie de jadis, — sur la route parcourue côte à côte. Il y en a beaucoup ! Dieu vous donne d’atteindre, sans trop de fatigue, la prochaine.


18 octobre 1907.

Mon cher ami,

Furit pater Rhodanus… Je ne puis penser, sans inquiétude, à votre maison des Angles, je crois voir toutes les eaux vomies par nos montagnes, de la Cance à l’Ardèche, se précipiter jusque chez vous. Puissiez-vous n’avoir pas retrouvé vos pires impressions de jeunesse en vous réveillant une nuit au milieu d’un lac ! Les journaux s’apitoient sur la Barthelasse, ils ne disent rien de la plaine, où je voudrais savoir que le fléau n’a pas sévi.

Rassurez-moi d’un mot et dites, par la même occasion, ce que j’ignore depuis trop longtemps, comment vous supportez le poids des ans, vous et Mme de Pontmartin. Il se fait sentir pour nous tous : vous savez pourtant qu’il ne peut altérer les sentiments de votre vieil ami.


29 décembre 1907.

Souhaits modestes, mon cher ami, souhaits bornés, ceux qu’il faut faire à nos âges ! Et d’abord je suppose qu’il faut vous souhaiter, avant tout, une année moins aqueuse, un Rhône corrigé de ses débordements chroniques.

Je m’embarquerai le 10 à Marseille, pour l’Egypte. Je vais passer cinq ou six semaines au poste de travail que les hasards de la vie m’ont assigné à Ismaïlia [35]. Les inspections de chantiers et de bassins ne me laisseront que peu de loisirs pour inspecter mes vieux Pharaons.

Je serai de retour vers la fin de février.

Les corvées et les obligations en retard me pressent à ce point que je ne pourrai, comme je l’eusse voulu, quitter Paris avec un ou deux jours de liberté devant moi, pour m’arrêter à Avignon et à Arles. Le rapide du 9 me conduira droit au bateau du 10. Mais j’espère être plus heureux au retour et vous redire de vive voix, à vous et à Mme de Pontmartin, tout ce que je mets ici de vœux affectueux.

Norddeutscher Lloyd.

Bremen.


Dampfer Zîelen. Rade de Naples. 23 février 1908.

Mon cher ami,

Ce ne sera pas encore pour cette fois, hélas ! Une combinaison opportune de bateaux me donnait la facilité de passer trois jours à Rome avant de rentrer à Paris, où je dois être le 1er mars ; je reviens donc par les routes cisalpines, Modane au lieu de Marseille. Mais le Zieten ne devant débarquer ses passagers que demain matin, ma combinaison aboutit à ce paradoxe ridicule : aller chercher à Naples ses soixante ans ! O Graziella ! qu’en diriez-vous ? Après-demain j’irai offrir cette croix au Seigneur sur les dalles de Saint-Louis-des-Français, à la place où Chateaubriand geignait sur la même fâcheuse aventure. Certes, il eût été plus conséquent, plus géométrique, de fermer le circuit à l’un des points de départ de ma vie, aux Angles ; et cette tuile fût tombée plus doucement de votre toit. Mais Ulysse vagabonde à la merci des vents. Je pourrais rendre des points à ce touriste classique ; dans ces derniers quinze jours ou m’a vu à l’Opéra du Caire, dans les tombeaux des rois à Louxor et dans la salle hypostyle à Karnak, sur le canal à Ismaïlia, à Port-Saïd où je me suis embarqué jeudi pour Naples et Rome. Je vais retrouver mes pantoufles rue de Varenne.

Si j’en sors, comme il est probable, pour une course en Camargue, j’espère bien, mon cher ami, vous payer et payer à Mme de Pontmartin la dette de ma vieille, inaltérable amitié.


12 mai 1908.

Un journal m’apprend la mort de Mme de Montalet : et cette évocation d’un lointain souvenir me ramène au Plantier de nos jeunes années, tandis que je suis ici les convois des compagnons de l’âge mûr, Gebhart, Halévy, bientôt sans doute Coppée et Boissier, tous deux gravement atteints...

Vous et moi, cher ami, allons être bientôt sur le faite de la montagne d’où l’on ne voit plus, en se retournant, que des tombeaux. J’ai voulu vous serrer la main au bord de celui qui se rouvre à Notre-Dame d’Ay pour une de vos proches.


29 décembre 1908.

Cher ami,

Qu’elle vous soit légère, — autant que peuvent l’être des pendeloques de surcharge qui s’accrochent à treize lustres bientôt, — légère à Mme de Pontmartin et à vous, cette année qui va commencer sur un globe apocalyptiquement secoué ! Ma pauvre Messine, vieille hôtellerie de tant de passages ! Je passerai devant ses ruines dans une quinzaine, le cap sur Ismaïlia.

Pourrai-je m’arrêter avant Marseille ? J’en doute... Au retour plutôt.

Souhaits de cœur, hommages et poignée de main.


9 avril 1909.

Souhaits de bonne fête à la maison des Angles entrevue au passage l’autre jour. Hélas ! le paquebot qui me ramenait de Port-Saïd m’a débarqué la veille du jour où une obligation me rappelait à Paris. Cette fois encore je n’ai pu que passer, j’ai dû brûler Arles et Avignon. Et je vais repartir prochainement, comme ces grenadiers qui allaient des Pyramides à Borodino, pour représenter l’Académie aux solennités moscovites du centenaire de Gogol. Je dérouille mon russe pour pérorer et toaster parmi des gens que je n’ai pas revus depuis vingt ans. Rares seront sans doute les survivants que je retrouverai. Hier, en traversant le Jardin d’Acclimatation, j’ai aperçu une baraque où l’on exhumait le panorama du « Tout-Paris » de 1889 : je suis entré ; j’ai compté dix vivants parmi toutes ces ombres des écrivains notoires que je coudoyais en mon printemps académique de juin 18891 Sic transit !

Tâchons de demeurer quelques jours encore, c’est la grâce que je vous souhaite, à vous, à Mme de Pontmartin, ex imo.


4 Juin 1909.

Cher ami,

Je rentre à Paris navré d’avoir manqué la rencontre espérée en Avignon, et je veux m’en excuser. Mais si vous saviez ce qu’ont été pour moi ces journées éreintantes où des mouvements que je ne commandais pas m’emportaient !

A peine libéré des fêtes d’Arles [36], il a fallu courir à la Grand-Ponche [37], puis à Montpellier, où je ne pouvais me dispenser d’aller conforter mon pauvre évêque [38]. Revenu de Montpellier à Giraud mardi soir, je repartais mercredi matin en automobile pour Maillane, de là pour Tarascon, où je n’avais que le temps de sauter dans l’express qui devait me déposer à Perrache, dans les bras de mon chasseur d’Afrique, présentement au camp de Valbonne.

Je me suis fait scrupule de vous convoquer pour quelques minutes à la gare d’Avignon, et pas moyen de placer l’arrêt d’une demi-journée aux Angles ! — Pourquoi n’êtes-vous pas venu à Arles ? C’était bien : le héros a été parfait de simplicité, de dignité rurale dans cette épreuve périlleuse du statufié vivant, pas un mot hors de la mesure. J’ai improvisé mon compliment, je n’en avais pas écrit une ligne ; si les sténographes en ont attrapé quelques phrases dans le brouhaha du mistral et du peuple, j’espère qu’ils auront recueilli celle où je disais comment votre père m’apprit à aimer Mireille. A une autre fois, à une chance meilleure, cher ami.


EUGENE-MELCHIOR DE VOGÜE.

  1. Copyright by Raymond de Vogüé, 1922.
  2. Voyez la Revue des 1er mars et 1er avril.
  3. Voyez la Revue du 15 juin 1887.
  4. Jules Claretie.
  5. La démission de Jules Grévy.
  6. Sadi Carnot, élu Président de la République.
  7. L’amiral Jurien de la Gravière fut élu au fauteuil du baron de Viel-Castel auquel s’était présenté E.-M. de Vogüé.
  8. L’auteur du Roman russe avait été élu par vingt-huit voix sur trente-deux votants au fauteuil de Désiré Nisard, le 22 novembre 1888.
  9. La réception eut lieu le 6 juin 1889.
  10. Remarques sur l’Exposition du Centenaire, 1 vol. in-16 ; Plon.
  11. Cet article parut dans le Journal des Débats du 4 avril 1890. Armand de Pontmartin était mort le 29 mars.
  12. Voyez dans la Revue du 15 mars 1892 l’article : Une âme de désir : Chateaubriand, recueilli dans Heures d’histoire, 1 vol. in-18 ; A. Colin.
  13. Notes sur le Bas-Vivarais, 1 vol. ; Champion.
  14. Albert Leroy qui fut battu aux élections législatives de 1893, dans la 2e circonscription de Tournon, par E.-M. de Vogüé.
  15. Voyez, dans la Revue du 1er décembre 1894, Madagascar et la colonisation française.
  16. 1 vol. in-16 ; Plon.
  17. Propriété du feu comte de La Sizeranne, située dans la commune de Quintenas (Ardèche), où le député de l’Ardèche passait les étés de 1894 à 1898.
  18. Réponse au discours de M. Gabriel Hanotaux qui fut reçu à l’Académie française le 24 mars 1898. Voyez Sous les Lauriers, Éloges académiques, 1 vol. in-16 ; Bloud.
  19. Discours prononcé au nom de l’Académie française pour le cinquantenaire des funérailles de Chateaubriand le 8 août 1898. Voyez le Rappel des ombres, 1 vol. in-18 ; A. Colin.
  20. L’écrivain se rendait en Egypte. Le 17 novembre 1899 il prononçait à l’inauguration du monument de Ferdinand de Lesseps à Port-Saïd un discours au nom de l’Académie française et de l’Académie des Sciences. Voyez Sous les Lauriers ; op. cit.
  21. L’écrivain fait allusion à une phrase de sa réponse au discours de M. Gabriel Hanotaux. Parlant de Challemel-Lacour, E.-M. de Vogué disait : « Nul n’avait gardé un souvenir plus amer de l’opération de police, un peu rude, qui rassura un matin de décembre la société effarée. » Voyez Sous les Lauriers, op. cit.
  22. Le Maître de la mer.
  23. 1 vol. in-16 ; Plon.
  24. Henri de Pontmartin avait adressé ses félicitations à son ami, qui fêtait ses noces d’argent.
  25. Armand de Pontmartin. Sa vie et ses œuvres (1811-1890), par Edmond Biré. 1 vol. ; Garnier.
  26. Claire, roman inachevé.
  27. M. Paul Bourget, auteur d’Un divorce, 1 vol. ; Plon.
  28. Le marquis de Vogué recueillait alors les matériaux de son livre Une famille vivaroise, 2 vol. in-8 ; Champion.
  29. Pierre de Vogué, quatrième fils de l’écrivain, né le 21 janvier 1889, mort pour la France, le 28 avril 1918.
  30. Il s’agit des manifestations que provoqua la loi sur les inventaires des églises.
  31. Edouard Aynard, député du Rhône, membre de l’Institut.
  32. Albert Sorel, décédé le 29 juin 1906.
  33. F. Brunetière, décédé le 9 décembre 1906.
  34. Réponse au discours de réception de M. Maurice Barrès. Voyez Sous les Lauriers, op. cit.
  35. E.-M. de Vogué était administrateur de la Compagnie du Canal de Suez.
  36. Le jubilé de Frédéric Mistral. Cinquantenaire de Mireille, 29-30, 31 mai 1909.
  37. En Camargue. — Propriété de l’écrivain située dans les Bouches-du-Rhône.
  38. Mgr de Cabrières s’était présenté sans succès le 27 mai 1909 à l’Académie française au fauteuil du Cardinal Perraud ; il avait eu pour concurrent Mgr Duchesne. L’Académie n’élut, ce jour-là, aucun des deux candidats. L’évêque de Montpellier ne se représenta pas et Mgr Duchesne fut élu le 26 mai 1910. — Le cardinal de Cabrières est décédé le 21 décembre 1921.