Les souvenez-vous/Soir de mai

H. Falque (p. 41-42).

SOIR DE MAI

C’était un soir très doux, un de ces soirs de rêve,
Où nos âmes en nous sont ainsi que des fleurs,
Où l’indicible paix de l’ombre qui s’élève
Verse de l’idéal, même sur nos douleurs.


Mes pensers s’en allaient, comme en pèlerinage
Vers l’ivresse et les pleurs des heures d’autrefois,
S’arrêtant quelquefois aux bosquets du rivage
Où semblaient chuchoter des rires et des voix.

Je franchissais les champs, je gravissais la pente,
Cachant à mes regards l’horizon infini,
Et cherchais aux chemins du Passé l’humble sente
Où notre tendre amour avait posé son nid.

Et je me rappelais la courbe des prairies,
Et la douceur — que rien ne saurait effacer —
Qui nous enveloppait, lorsque nos mains fleuries
Laissaient tomber les fleurs, pour se mieux enlacer.

J’ai dit à mes pensers qui passaient en prière
Devant ce souvenir à jamais embaumé :
Arrêtez-vous : c’est là qu’il faut mettre une pierre
Où vous viendrez rêver par les beaux soirs de Mai.