Les souvenez-vous/Dernier voyage

H. Falque (p. 55-56).

DERNIER VOYAGE

À un humble ami

Pauvre ami ! tu t’en vas par un jour sans pareil ;
Les roses du printemps fleurissent à la porte,
Le soleil embellit ton seuil et l’on t’emporte,
Et ton glas est plus triste en ce matin vermeil.


Le vent balance un peu les branches parfumées
Pour que les mimosas te disent leur adieu ;
Aux massifs du jardin, dans le silence bleu,
Je crois voir se pencher tes roses bien-aimées,
Et mon esprit vers toi s’élance, fraternel.
Je t’ai plaint de mourir… Que ne puis-je te rendre
À cette humble maison qui te semblait le ciel,
Où chaque jour naissant charmait ton âme tendre !

Pourtant dans mon esprit trop humain, j’oubliais
Que tu fus ici-bas un homme juste et sage
Et que la Mort pour toi sera le court passage
Qui conduit de la terre aux célestes palais :
Que te sont, du printemps, les mille fleurs nouvelles
Et les blonds mimosas que les vents balançaient ?
Que te sont les beautés des choses qui passaient,
Ô toi qui sais déjà les choses éternelles ?