Les SeinsJules Rey2 (p. 315-318).

Les Seins

Odelette.

Non, par Vénus ! non rien au monde
Ne peut peindre le doux attrait
D'une gorge éclatante et ronde,
Livrant à l'œil son doux secret,

Et découvrant, blanche merveille,
Ses vivants reflets de satin,
Plus riants qu’une aube vermeille,
Qui sort des voiles du matin !...

C’est au langage du ciel même,
Beaux seins ! qu’il faudrait emprunter
Des mots pleins d’un charme suprême,
Des mots d’amour pour vous chanter !…

Globes modelés parles grâces.
Marbre où les baisers caressants
Languissent d’imprimer leurs traces ;
Votre vue enivre les sens.

L’amour vous couvre de ses ailes
Comme son trésor enchanté ;
Vous êtes la gloire des belles,
Le trône de la volupté !

O touffes de lys et de roses,
Où les abeilles du désir
Vont, en essaims légers et roses,
Butiner le miel du plaisir...

O Seins charmants ! mille nichées
De folâtres petits amours
S’ébattent, mollement couchées
Parmi les fleurs de vos contours !

Un voile jaloux vous dérobe.
Et comme en son nid le ramier.
Vous palpitez... mais sous la robe
Le désir sait vous épier...

La vierge chastement vous cache,
Naissants boutons craignant le jour,

Pour vous faire, ô doux lys sans tache !
Eclore au souffle de l’amour.

L’art grec jadis rendit les armes
An tendre pouvoir des seins nus,
Et symbolisa leurs doux charmes
Dans la ceinture de Vénus.

La pomme offerte à la plus belle
Fut conquise par leur secours ;
Et d’Hébé la coupe immortelle.
Pour moule, eut leurs divins contours.

Beaux seins ! que d’ardeurs vous sont dues,
Quand, dans un superbe repos.
Vous semblez, rivaux des statues,
Sculptés dans un bloc de Paros !...

Mais quel feu plus irrésistible,
Lorsque, gonflés par le désir,
Vous cédez, marbre enfin sensible,
Aux vœux palpitants du plaisir ;

Et lorsqu’aux caresses propice,
Votre adorable nudité
Ose s’offrir avec délice
Aux flèches de la volupté !...

C’est pour vous qu’on voit la tendresse
Inventer ses riants larcins,
Et l’amour tout pâmé d’ivresse
Cherche vos roses pour coussins...

Vous êtes la coupe choisie
Où chaque lèvre veut son tour :
L’enfant pour y sucer la vie.
L’homme pour y boire l’amour !...

ENVOI À X.

Ah ! ces vers, fruits d’un doux prestige,
Dont la flamme a su m’embraser,
Ces vers, tendre essaim qui voltige,
Belle ! sur ton sein que ne puis-je
Les écrire avec un baiser !

(Le Sylphe, III, 26-28).